BGer 6B_552/2016
 
BGer 6B_552/2016 vom 27.03.2017
6B_552/2016
 
Arrêt du 27 mars 2017
 
Cour de droit pénal
Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Denys, Président,
Oberholzer et Jametti.
Greffière : Mme Cherpillod.
Participants à la procédure
X.________,
représenté par Me Manuel Bolivar, avocat,
recourant,
contre
Ministère public de la République et canton de Genève,
intimé.
Objet
Infraction à l'art. 116 al. 2 LEtr, arbitraire,
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale d'appel et de révision, du 11 avril 2016.
 
Faits :
A. Par jugement du 25 novembre 2015, le Tribunal de police de la République et canton de Genève a condamné X.________ pour infraction à l'art. 116 al. 1 let. a LEtr à une peine pécuniaire de 40 jours-amende, à 200 fr. le jour, avec sursis pendant trois ans. Il l'a astreint à supporter les frais de procédure.
B. Par arrêt du 11 avril 2016, la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice de la République et canton de Genève a partiellement admis l'appel formé contre ce jugement par X.________. Elle l'a condamné pour infraction à l'art. 116 al. 2 LEtr à une amende de 5'000 fr., ainsi qu'aux ¾ des frais de procédure d'appel. La peine privative de liberté de substitution a été fixée à 50 jours.
En substance, cette autorité a retenu que X.________ avait autorisé A.________ à occuper contre rémunération une chambre dans l'appartement qu'il louait en ville de Genève, alors qu'il savait que A.________ n'était pas autorisé à séjourner en Suisse. Même en retenant, dans la situation la plus favorable à X.________, que ce dernier aurait réellement demandé à A.________ ses documents d'identité et son permis de séjour, il n'en reste pas moins qu'il a admis ne pas avoir vu de tels documents et lui a, ce nonobstant, permis de se loger dans l'appartement litigieux pendant un à deux mois, seule l'arrestation de A.________ ayant mis un terme à cette sous-location. X.________ avait de la sorte à tout le moins envisagé et accepté l'éventualité que A.________, dont il n'avait pas pu vérifier l'identité et le statut administratif, demeure illégalement en Suisse et a, à tout le moins par dol éventuel, favorisé son séjour illégal en Suisse. Il s'est ce faisant rendu coupable de l'infraction visée par l'art. 116 al. 1 let. a LEtr. La Chambre pénale a toutefois jugé que le cas pouvait encore être qualifié de peu de gravité et a en conséquence uniquement prononcé une amende en vertu de l'art. 116 al. 2 LEtr.
C. X.________ forme un recours en matière pénale auprès du Tribunal fédéral contre cet arrêt. Il conclut à son acquittement, subsidiairement au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision.
 
Considérant en droit :
1. Le recourant relève que certaines mesures d'instruction n'auraient pas été entreprises. Il n'articule aucun grief qui réponde aux exigences de motivations posées par les art. 42 al. 2 et 106 al. 2 LTF. Insuffisamment motivé, son moyen est irrecevable. Il l'est au demeurant également faute d'épuisement des instances précédentes (art. 80 al. 1 LTF).
2. Le recourant invoque une violation de l'interdiction de l'arbitraire dans la constatation des faits.
2.1. Le Tribunal fédéral est lié par les constatations de fait de la décision entreprise (art. 105 al. 1 LTF), à moins qu'elles n'aient été établies en violation du droit ou de manière manifestement inexacte au sens des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, soit pour l'essentiel de façon arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (sur la notion d'arbitraire, cf. ATF 141 IV 369 consid. 6.3 p. 375). Pour que la décision soit annulée pour arbitraire, il faut qu'elle se révèle arbitraire non seulement dans ses motifs mais aussi dans son résultat (ATF 141 I 49 consid. 3.4 p. 53).
Le Tribunal fédéral n'entre pas en matière sur les critiques de nature appellatoire (ATF 141 IV 249 consid. 1.3.1 p. 253). Il n'examine la violation de droits fondamentaux que si ce moyen est invoqué et motivé par le recourant (art. 106 al. 2 LTF), c'est-à-dire s'il a été expressément soulevé et exposé de manière claire et détaillée (ATF 141 IV 369 consid. 6.3 p. 375).
2.2. Déterminer ce qu'une personne a su, envisagé, voulu ou accepté relève des constatations de faits, qui lient le Tribunal fédéral, à moins que celles-ci n'aient été établies de façon manifestement inexacte (ATF 141 IV 369 consid. 6.3 p. 375).
2.3. Le recourant estime que l'autorité précédente ne pouvait, sous peine d'arbitraire, retenir qu'il avait " volontairement accepté la présence de A.________ dans la chambre de l'appartement qu'il louait durant un à deux mois en sachant qu'il était démuni de titre de séjour valable " (recours, p. 5).
2.3.1. Comme cela ressort de l'arrêt attaqué, l'autorité précédente a finalement constaté, mettant le recourant au bénéficie de la situation la plus favorable, qu'il avait à tout le moins envisagé et accepté l'éventualité que A.________, dont il n'avait pu vérifier l'identité et le statut administratif, demeure illégalement en Suisse. Elle a également retenu que ce nonobstant, il avait sous-loué à A.________ une chambre pendant un à deux mois. L'autorité précédente retenant à charge du recourant qu'il avait à tout le moins, par dol éventuel, favorisé le séjour illégal en Suisse, on comprend qu'elle a admis, en fait, que le recourant avait à tout le moins envisagé et accepté d'une part que A.________ demeure illégalement en Suisse et d'autre part de favoriser son séjour illicite en lui sous-louant une chambre.
2.3.2. A l'appui de son grief, le recourant invoque en premier lieu sa première audition par la police le 20 décembre 2014. Il soutient n'avoir constaté la présence de A.________ que lors d'une visite - sans en préciser la date - et ignorer durant combien de temps ce dernier avait séjourné dans la chambre. Il invoque également lui avoir demandé à cette occasion de présenter ses documents de séjour, lui indiquant que sinon il devrait quitter la chambre.
Lors de sa première audition par la police, le recourant a admis qu'un homme de type africain (en fait A.________) dont il déclarait ne pas connaître le nom logeait dans l'une des chambres de l'appartement litigieux. Le recourant a déclaré que l'ancien sous-locataire, également un homme de type africain qui logeait là, avait déménagé et lui avait présenté A.________ et " c'est comme ça que nous nous sommes rencontrés et que je lui ai loué cette chambre ". Lors de cette audition, le recourant a également déclaré que A.________ devait soit lui présenter des papiers, soit quitter l'appartement. A la question de savoir s'il avait vérifié les papiers de A.________, le recourant a répondu par la négative. Il a admis que A.________ était resté dans l'appartement un ou deux mois.
Ces déclarations du recourant sont corroborées par celles de A.________ - à l'exception de la question de savoir si le recourant lui avait demandé ses papiers - faites immédiatement après son interpellation dans ledit appartement. Elles permettaient de retenir sans arbitraire que le recourant, qu'il ait ou non demandé à A.________, ressortissant guinéen, de lui montrer ses papiers, avait néanmoins accepté lors de leur rencontre et avant le début du séjour d'un à deux mois litigieux, sans avoir vu les papiers demandés et donc sans avoir vérifié la légalité de son séjour en Suisse, de lui sous-louer l'usage d'une chambre, pendant la durée précitée. L'autorité précédente pouvait ainsi sans arbitraire considérer que le recourant n'avait, quoi qu'il en dise, pas fait de la présentation de papiers valables une condition du séjour de A.________ dans la chambre. Elle pouvait également sans arbitraire ne pas retenir que le recourant aurait ignoré combien de temps A.________ avait séjourné dans la chambre litigieuse. Il a en effet lui-même admis un séjour d'un à deux mois, A.________ ayant déclaré une durée de deux mois.
Que le recourant ait demandé, comme il le répète dans son recours, à A.________ de présenter ses papiers pour lui permettre de séjourner dans la chambre, ne fait au demeurant que renforcer l'appréciation des faits de l'autorité précédente: en requérant de tels papiers, le recourant montrait qu'il doutait de la régularité de la situation de A.________ et qu'il doutait que louer une chambre à une personne en situation irrégulière soit autorisé. Or il l'a fait durant un à deux mois, alors même qu'aucun des papiers prétendument demandés ne lui ont été présentés. Ces éléments excluent également que soit considéré comme arbitraire le fait retenu par l'autorité précédente que le recourant a à tout le moins envisagé et accepté l'éventualité de louer une chambre à un étranger en situation irrégulière.
2.4. Pour le surplus, l'argumentation du recourant se fonde sur des éléments qui ne ressortent pas des pièces qu'il invoque, encore moins n'ont été retenus dans l'arrêt entrepris. Elle est irrecevable. En tant qu'il tente d'opposer sa propre appréciation, notamment de la valeur de l'attestation de A.________ du 28 octobre 2015, sans démontrer en quoi celle, étayée, de l'autorité précédente était arbitraire, son grief est appellatoire et partant également irrecevable.
Il résulte de ce qui précède que le grief d'arbitraire dans la constatation des faits, est infondé, dans la mesure de sa recevabilité.
3. Le recourant invoque une violation de l'art. 116 LEtr en lien avec l'art. 12 CP. Il soutient qu'il n'aurait pas agi par dol éventuel, comme retenu par l'autorité précédente, mais par négligence, non sanctionnée par l'art. 116 LEtr.
3.1. Au sens de l'art. 116 al. 1 let. a LEtr, est puni d'une peine privative de liberté d'un an au plus ou d'une peine pécuniaire quiconque en Suisse ou à l'étranger, facilite l'entrée, la sortie ou le séjour illégal d'un étranger ou participe à des préparatifs dans ce but. Selon l'art. 116 al. 2 LEtr, dans les cas de peu de gravité, la peine peut consister en une simple amende.
3.2. En vertu de l'art. 12 CP, applicable aux contraventions par renvoi de l'art. 104 al. 1 CP, sauf disposition expresse et contraire de la loi, est seul punissable l'auteur d'un crime ou d'un délit qui agit intentionnellement (al. 1).
Selon l'art. 12 al. 2 CP, agit intentionnellement quiconque commet un crime ou un délit avec conscience et volonté. L'auteur agit déjà intentionnellement lorsqu'il tient pour possible la réalisation de l'infraction et l'accepte au cas où celle-ci se produirait.
Il y a dol éventuel lorsque l'auteur envisage le résultat dommageable, mais agit néanmoins, parce qu'il s'en accommode pour le cas où il se produirait, même s'il ne le souhaite pas (ATF 137 IV 1 consid. 4.2.3 p. 4). La différence entre le dol éventuel et la négligence consciente réside dans la volonté de l'auteur et non dans la conscience. Dans les deux cas, l'auteur est conscient que le résultat illicite pourrait se produire, mais, alors que celui qui agit par négligence consciente escompte qu'il ne se produira pas, celui qui agit par dol éventuel l'accepte pour le cas où il se produirait (ATF 133 IV 9 consid. 4 p. 15 ss).
3.3. Sous prétexte de violation des art. 12 CP et 116 al. 1 let. a LEtr et de la jurisprudence y relative, le recourant tente de remettre une nouvelle fois en cause, sans en démontrer l'arbitraire, les constatations de fait de l'autorité précédente fondées principalement sur ses aveux, jugés probants malgré des déclarations postérieures plus favorables, qu'il avait à tout le moins envisagé et accepté l'éventualité que A.________, dont il n'avait pas pu vérifier l'identité et le statut administratif, demeure illégalement en Suisse et qu'il avait néanmoins accepté de le loger dans l'appartement litigieux pendant un à deux mois. Son grief, fondé sur des faits qui s'écartent de ceux retenus par l'autorité précédente, est irrecevable. Au vu des faits précités, l'autorité précédente pouvait sans violation du droit considérer que le recourant s'était rendu coupable d'infraction à l'art. 116 al. 1 let. a et 2 LEtr par dol éventuel.
4. Le recourant estime que le peine prononcée, soit une amende de 5'000 fr., est excessive.
Le recourant a été condamné en vertu de l'art. 116 al. 2 LEtr. Cette disposition prévoit une peine d'amende qui est, conformément à l'art. 106 al. 1 CP et en l'absence de disposition contraire, d'un montant maximum de 10'000 francs. L'amende prononcée a ainsi été fixée dans le cadre légal.
Le recourant, bien qu'ingénieur dans l'administration cantonale et touchant pour cette activité un salaire confortable, a loué, en plus de son logement, sept autres appartements en ville de Genève qu'il a sous-loués, parfois chambre par chambre, dans le but d'en tirer des profits. Il a décidé de sous-louer la chambre à A.________, dont il ne connaissait même pas le nom et alors que celui-ci ne lui avait pas présenté de papiers de séjour valable, uniquement pour obtenir une entrée d'argent supplémentaire. Au vu de ces circonstances, le prononcé d'une amende de 5'000 fr. ne relève ni d'un excès ni d'un abus du large pouvoir d'appréciation accordé au juge par l'art. 47 CP.
5. Il résulte de ce qui précède que le recours doit être rejeté, dans la mesure où il est recevable, aux frais du recourant qui succombe (art. 66 al. 1 LTF).
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1. Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2. Les frais judiciaires, arrêtés à 4'000 fr., sont mis à la charge du recourant.
3. Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale d'appel et de révision.
Lausanne, le 27 mars 2017
Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Denys
La Greffière : Cherpillod