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Original
 
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
[img]
{T 0/2}
9C_888/2015
Arrêt du 12 mai 2016
IIe Cour de droit social
Composition
Mmes et M. les Juges fédéraux Glanzmann, Présidente, Parrino et Moser-Szeless.
Greffier : M. Bleicker.
Participants à la procédure
A.________,
représenté par Me Clémence Girard-Beuchat, avocate,
recourant,
contre
Office de l'assurance-invalidité du canton du Jura, Rue Bel-Air 3, 2350 Saignelégier,
intimé.
Objet
Assurance-invalidité (révision),
recours contre le jugement du Tribunal cantonal de la République et canton du Jura, Cour des assurances,
du 29 octobre 2015.
Faits :
A.
A.________ s'est vu allouer une rente entière de l'assurance-invalidité (décisions du 24 octobre 1985) à compter du 1 er octobre 1981, confirmée après mise en oeuvre de mesures professionnelles les 25 mai 1988, 22 novembre 1991, 28 février 1995 et 14 novembre 2002. A l'invitation de l'Office de l'assurance-invalidité du canton du Jura (ci-après: l'office AI), les docteurs B.________, spécialiste en médecine physique et réadaptation, C.________, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, et D.________, spécialiste en médecine interne générale et pneumologie, du Service médical régional (SMR) ont diagnostiqué - avec répercussion sur la capacité de travail - un trouble délirant persistant (dysmorphophobie délirante), un trouble de la personnalité émotionnellement labile de type impulsif et un trouble panique; l'assuré présentait vraisemblablement de façon définitive une incapacité totale de travail sur le plan psychiatrique (rapport du 6 mars 2007). Le 28 mars 2007, l'office AI a communiqué à l'assuré la poursuite du versement d'une rente entière de l'assurance-invalidité, fondée sur un degré d'invalidité de 100 %.
Ayant appris que A.________ avait effectué différents travaux pour le compte de la Commune de E.________ en août 2009 (débroussaillage, nettoyage des berges, balayage, etc.), l'office AI l'a entendu le 26 juillet 2011, puis a mis en oeuvre une expertise psychiatrique. Dans son rapport du 2 août 2012, le docteur F.________, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, a fait état - sans répercussion sur la capacité de travail - d'une personnalité émotionnellement labile de type borderline et d'un syndrome douloureux somatoforme persistant; l'assuré était apte à travailler à plein temps depuis plusieurs années. L'office AI a ensuite mandaté un enquêteur externe, lequel a observé l'assuré effectuer des travaux d'entretien et de jardinage pour des particuliers (rapport d'enquête du 16 septembre 2013), et suspendu provisoirement le versement de la rente (décision incidente du 4 avril 2014, confirmée sur recours de l'assuré le 21 août 2014 par le Tribunal cantonal de la République et canton du Jura, Cour des assurances).
Par décision du 23 juillet 2014, l'office AI a supprimé la rente de l'assurance-invalidité avec effet rétroactif au 1 er janvier 2009; en bref, il a retenu que A.________ présentait une capacité de travail entière et qu'il avait manifestement déployé depuis 2009 au moins une activité lucrative indépendante.
B.
A.________ a déféré cette décision au Tribunal cantonal de la République et canton du Jura, Cour des assurances. Par jugement du 29 octobre 2015, la cour cantonale a partiellement admis le recours, annulé la décision du 23 juillet 2014 en ce qu'elle supprimait la rente avec effet rétroactif au 1er janvier 2009 et supprimé la rente de l'assuré avec effet au 1er septembre 2014.
C.
A.________ forme un recours en matière de droit public contre ce jugement dont il demande l'annulation. Il demande principalement au Tribunal fédéral de dire et déclarer qu'il a droit aux prestations de l'assurance-invalidité au-delà du 1 er septembre 2014 et subsidiairement de prononcer le renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
Considérant en droit :
1.
Le recours en matière de droit public peut être formé pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF), n'étant limité ni par les arguments de la partie recourante, ni par la motivation de l'autorité précédente. Le Tribunal fédéral n'examine en principe que les griefs invoqués, compte tenu de l'exigence de motivation prévue à l'art. 42 al. 2 LTF, et ne peut aller au-delà des conclusions des parties (art. 107 al. 1 LTF). Il fonde son raisonnement sur les faits retenus par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF) sauf s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). La partie recourante qui entend s'écarter des faits constatés doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions de l'art. 105 al. 2 LTF sont réalisées, sinon un état de fait divergent ne peut être pris en considération (art. 97 al. 1 LTF).
2.
2.1. Après avoir dans un premier temps constaté que les conditions d'une reconsidération (art. 53 al. 2 LPGA) et d'une révision procédurale (art. 53 al. 1 LPGA) n'étaient pas réalisées, la juridiction cantonale a confirmé la décision litigieuse pour le motif que les conditions d'une révision au sens de l'art. 17 LPGA étaient réunies. Compte tenu des motifs et conclusions du recours, le litige a pour objet le point de savoir si l'état de santé du recourant s'est modifié - de manière à influencer son droit à la rente - entre le 28 mars 2007, date du dernier examen matériel du droit à la rente, et le 23 juillet 2014, date à laquelle l'administration s'est prononcée (ATF 133 V 108).
2.2. Le jugement entrepris expose correctement les règles applicables à la résolution du cas. Il rappelle notamment que la révision du droit à la rente au sens de l'art. 17 LPGA suppose un changement dans les circonstances personnelles de l'assuré, relatives à son état de santé, à des facteurs économiques ou aux circonstances (hypothétiques) ayant déterminé le choix de la méthode d'évaluation de l'invalidité, qui entraîne une modification notable du degré d'invalidité (ATF 141 V 9 consid. 2.3 p. 10 et la référence).
3.
3.1. Se fondant sur les observations de l'enquêteur externe et sur les conclusions du docteur F.________, la juridiction cantonale a considéré que les conséquences de l'état de santé du recourant sur sa capacité de gain avaient notablement évolué depuis 2007 et que sa rente de l'assurance-invalidité devait être supprimée avec effet au 1 er septembre 2014. A.________ disposait d'un matériel professionnel pour la réalisation de travaux de jardinage, offrait ses services à des tiers et pouvait exercer cette activité indépendante à un taux relativement important. L'amélioration de son revenu dépassait par ailleurs de toute évidence 1'500 fr. par an, puisque le recourant percevait une rémunération de 20 fr./heure et que les seuls travaux réalisés en été 2009 pour la Commune de E.________ avaient été facturés à hauteur de 5'000 fr. environ (rémunération englobant l'activité d'une seconde personne). Si l'invalidité du recourant avait certes été d'origine psychiatrique, l'expertise du docteur F.________ avait démontré qu'il n'était suivi par aucun psychiatre, qu'il ne bénéficiait d'aucune thérapie particulière et qu'il était tout à fait en mesure de surmonter les douleurs qu'il semblait ressentir. Qui plus est, il était parvenu sans l'aide de l'office AI à mener une vie sociale relativement active, à trouver un emploi de concierge en 1991 et à développer une activité de jardinier-paysagiste. Selon les premiers juges, le recourant disposait ainsi d'une pleine capacité de travail et le prononcé de mesures professionnelles ne paraissait pas nécessaire à maintenir sa capacité de gain, ce d'autant moins que ces mesures étaient vraisemblablement vouées à l'échec en présence d'un assuré guère collaborant.
3.2. Le recourant ne conteste pas que ses activités - qu'il qualifie d'occupationnelles - s'étaient quelque peu développées ces dernières années et que ces circonstances pouvaient donner lieu à une nouvelle évaluation de son degré d'invalidé. Il soutient que le rapport d'observation du 16 septembre 2013 n'était en revanche pas suffisant pour établir qu'il jouissait d'une pleine capacité de travail, car il contenait notamment des observations fondées sur aucun élément objectif (par exemple ses activités de démarchage). Le rapport médical du docteur F.________ consistait par ailleurs en une appréciation médicale différente d'un état de santé resté en soi le même. Il devait pour cette raison être purement et simplement ignoré. Les activités occupationnelles ne pouvaient par conséquent avoir une influence telle sur sa capacité de gain que sa rente d'invalidité fût purement et simplement supprimée. A tout le moins, après lui avoir alloué une rente entière de l'assurance-invalidité pendant plus de 30 ans, l'office AI aurait dû instruire le dossier de manière plus approfondie afin de déterminer précisément les conséquences économiques de son état de santé.
4.
Compte tenu de son pouvoir d'examen restreint en la matière (supra consid. 1), il n'appartient pas au Tribunal fédéral de procéder une nouvelle fois à l'appréciation des preuves administrées, mais à la partie recourante d'établir en quoi celle opérée par l'autorité précédente serait manifestement inexacte ou incomplète, ou en quoi les faits constatés auraient été établis au mépris de règles essentielles de procédure. En l'occurrence, le recourant livre sa propre appréciation des observations de l'enquêteur externe mandaté par l'office intimé et des conclusions de l'expertise du docteur F.________, sans tenter d'établir en quoi celle de l'autorité précédente serait arbitraire.
Selon le recourant, la cour cantonale aurait en particulier dû écarter les observations de l'enquêteur selon lesquelles il faisait du démarchage car il l'avait vu effectuer des travaux de jardinier-paysagiste chez une seule et unique personne. Il omet toutefois le fait que la juridiction cantonale s'est fondée sur un faisceau d'indices concordants pour retenir qu'il offrait ses services à des tiers. Il disposait d'un matériel professionnel pour la réalisation de travaux de jardinage, d'un carnet de factures établi à son en-tête et avait déjà travaillé en 2009 - soit quatre ans avant les observations de l'enquêteur - pour le compte de la Commune de E.________. Le recourant ne prétend par ailleurs pas que l'activité observée de jardinier-paysagiste ne serait pas exigible de sa part.
Pour le surplus, le docteur F.________, à l'issue d'un examen psychiatrique circonstancié et conforme aux règles de l'art, a considéré que l'état psychique actuel du recourant n'affectait pas sa capacité de travail. Le fait que ce médecin s'est prononcé sur l'état actuel du recourant, en se basant sur ses propres observations, ne signifie pas que ses constatations se limiteraient à une nouvelle appréciation d'un état de santé psychique demeuré identique. Au contraire, le psychiatre a dûment motivé les raisons pour lesquelles il ne pouvait pas retenir un trouble délirant persistant avec dysmorphophobie délirante et un trouble panique, en l'absence de tout signe ou symptôme de la lignée psychotique lors de son examen clinique, et les motifs pour lesquels le recourant disposait d'une pleine capacité de travail depuis de nombreuses années. A cet égard, le docteur F.________ a estimé que le recourant présentait une personnalité émotionnellement labile de type borderline et une fibromyalgie qui, du point de vue psychiatrique, s'associait à un trouble somatoforme sans effet sur sa capacité de travail. Procédant à l'examen requis par la jurisprudence du Tribunal fédéral en présence d'un syndrome douloureux somatoforme persistant (ATF 141 V 281), les premiers juges ont constaté que le recourant ne suivait aucune thérapie particulière, disposait d'une médication modérée visant essentiellement des atteintes somatiques non invalidantes, menait une vie sociale relativement active et déployait différentes activités en tant que concierge et jardinier-paysagiste à un taux relativement important. Il apparaissait ainsi qu'il était tout à fait en mesure de surmonter les douleurs qu'il semblait ressentir, si bien que le trouble somatoforme douloureux n'était pas invalidant. Faute de griefs motivés, il n'y a pas lieu de remettre en cause le résultat de cette appréciation des preuves.
5.
C'est en vain ensuite que le recourant se plaint du fait que l'office intimé a renoncé à vérifier concrètement à l'aide de mesures de réadaptation s'il était en mesure de mettre à profit sa capacité de gain sur le marché du travail équilibré. Comme le fait valoir à juste titre A.________, dès lors qu'il était au bénéfice d'une rente d'invalidité depuis plus de quinze ans, il fait en principe partie de la catégorie des assurés dont on ne peut exiger, selon la jurisprudence, d'entreprendre de leur propre chef tout ce qu'on peut raisonnablement attendre d'eux pour tirer profit de leur capacité résiduelle de travail médicalement documentée (ATF 141 V 5). Cela ne signifie cependant pas que ces personnes peuvent se prévaloir d'un droit acquis dans le cadre d'une procédure de révision ou de reconsidération. Des exceptions ont en particulier déjà été admises lorsque la personne concernée avait maintenu une activité lucrative malgré le versement de la rente - de sorte qu'il n'existait pas une longue période d'éloignement professionnel (arrêt 9C_292/2015 du 27 janvier 2016 consid. 5.2 et la référence) - ou lorsqu'elle disposait d'une agilité particulière et était bien intégrée dans l'environnement social (arrêt 9C_625/2015 du 17 novembre 2015 consid. 5 et la référence).
En l'espèce, si le recourant affirme qu'il n'a jamais été intégré dans le marché du travail, il omet de mentionner qu'il travaille deux heures par jour comme concierge depuis le 6 janvier 1991 en réalisant un revenu correspondant à son activité et qu'il a développé sa propre activité lucrative de jardinier-paysagiste depuis 2009 à tout le moins. Les seuls doutes exprimés par A.________ dans son recours quant à sa capacité de réaliser sans l'aide de l'assurance-invalidité un revenu correspondant à une activité à plein temps ne permettent ainsi pas de considérer que les premiers juges, en retenant qu'une réadaptation par soi-même pouvait être exigée de lui, ont violé le droit fédéral.
6.
Mal fondé, le recours doit être rejeté. Les frais afférents à la présente procédure seront supportés par le recourant qui succombe (art. 66 al. 1 LTF). Il a cependant déposé une demande d'assistance judiciaire visant à la dispense des frais judiciaires et à la désignation d'un avocat d'office. Dès lors que les conditions d'octroi en sont réalisées (art. 64 al. 1 et al. 2 LTF), l'assistance judiciaire lui est accordée.
Le recourant est rendu attentif au fait qu'il devra rembourser la Caisse du Tribunal fédéral, s'il retrouve ultérieurement une situation financière lui permettant de le faire (art. 64 al. 4 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
L'assistance judiciaire est admise pour la procédure devant le Tribunal fédéral et Maître Clémence Girard-Beuchat est désignée comme avocate d'office du recourant.
3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge du recourant. Ils sont toutefois supportés provisoirement par la Caisse du Tribunal fédéral.
4.
Une indemnité de 2'800 fr. est allouée à l'avocate du recourant à titre d'honoraires à payer par la Caisse du Tribunal fédéral.
5.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal de la République et canton du Jura, Cour des assurances, et à l'Office fédéral des assurances sociales.
Lucerne, le 12 mai 2016
Au nom de la IIe Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente : Glanzmann
Le Greffier : Bleicker