BGer 6B_561/2014
 
BGer 6B_561/2014 vom 11.09.2014
{T 0/2}
6B_561/2014
 
Arrêt du 11 septembre 2014
 
Cour de droit pénal
Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Mathys, Président, Jacquemoud-Rossari et Rüedi.
Greffière : Mme Kistler Vianin.
Participants à la procédure
X.________,
représentée par Me Fabien Mingard, avocat,
recourante,
contre
Ministère public central du canton de Vaud,
intimé.
Objet
Indemnité pour frais de défense (art. 429 al. 1 let. a CPP),
recours contre le jugement de la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 31 mars 2014.
 
Faits :
A. Par jugement du 24 mai 2012, le Tribunal de police de l'arrondissement de La Broye et du Nord vaudois a condamné X.________ pour violation par négligence de son devoir d'assistance et d'éducation et enlèvement de mineur à une peine pécuniaire de septante-cinq jours-amende à 20 fr. le jour, sous déduction de la détention préventive subie.
 
B.
B.a. Par jugement du 13 février 2013, la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal vaudois a partiellement admis l'appel formé par X.________ en ce sens qu'elle a réduit la peine pécuniaire à soixante jours-amende à 10 fr. le jour et suspendu l'exécution de la peine pendant trois ans.
Sur recours en matière pénale de X.________, le Tribunal fédéral a, par arrêt du 29 octobre 2013, annulé le jugement attaqué et renvoyé la cause à l'autorité cantonale pour qu'elle libère X.________ de la prévention de violation du devoir d'assistance et d'éducation et fixe une nouvelle peine (arrêt 6B_457/2013).
B.b. Par jugement du 31 mars 2014, la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal vaudois a partiellement admis l'appel de X.________ en ce sens qu'elle l'a libérée du chef d'accusation de violation du devoir d'assistance et d'éducation et réduit la peine à quarante-cinq jours-amende, maintenant pour le surplus le montant du jour-amende à 10 fr. et le sursis pendant trois ans. Elle lui a accordé une indemnité au sens de l'art. 429 al. 1 let. a CPP à raison de 520 fr.
C. Contre ce dernier jugement, X.________ dépose un recours en matière pénale devant le Tribunal fédéral. Elle conclut, principalement, à la réforme du jugement attaqué en ce sens qu'une indemnité de 949 fr., TVA et débours compris, lui est allouée pour ses frais de défense, à la charge de l'Etat. Subsidiairement, elle conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause à l'autorité cantonale afin qu'elle rende une nouvelle décision. En outre, elle sollicite l'assistance judiciaire.
Invités à se déterminer, la cour cantonale et le Ministère public vaudois y ont renoncé.
 
Considérant en droit :
1. Les prétentions en indemnisation du prévenu sont indissociables de la procédure pénale et relèvent du recours en matière pénale (ATF 139 IV 206 consid. 1 p. 208). Dirigé contre un jugement final (art. 90 LTF) rendu par une autorité cantonale de dernière instance (art. 80 LTF), le recours est en principe recevable.
2. La recourante dénonce une violation de l'art. 429 CPP.
2.1. Selon l'art. 429 al. 1 let. a CPP, le prévenu acquitté totalement ou en partie ou au bénéfice d'un classement a droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure. L'indemnité concerne les dépenses du prévenu pour un avocat de choix (ATF 138 IV 205 consid. 1 p. 206). Elle couvre en particulier les honoraires d'avocat, à condition que le recours à celui-ci procède d'un exercice raisonnable des droits de procédure. Selon le message du Conseil fédéral, l'Etat ne prend en charge les frais de défense que si l'assistance d'un avocat était nécessaire compte tenu de la complexité de l'affaire en fait ou en droit et que le volume de travail et donc les honoraires étaient ainsi justifiés (Message du 21 décembre 2005 relatif à l'unification du droit de la procédure pénale, FF 2006 1313 ch. 2.10.3.1).
2.2. La recourante conteste la fixation du tarif horaire à 250 fr. Elle requiert le remboursement des honoraires de son avocat calculés sur la base d'un tarif horaire de 330 fr. A cet égard, elle se réfère à un arrêt du 4 novembre 2013 (6B_392/2013) du Tribunal fédéral.
2.2.1. L'indemnité visée par l'art. 429 al. 1 let. a CPP doit correspondre au tarif usuel du barreau applicable dans le canton où la procédure se déroule et englober la totalité des coûts de défense ( YVAN JEANNERET/ANDRÉ KUHN, Précis de procédure pénale, 2013, n° 5065; CÉDRIC MIZEL/VALENTIN RÉTORNAZ, in Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, 2011, n° 35 ad art. 429 CPP; NIKLAUS OBERHOLZER, Grundzüge des Strafprozessrechts, 3e éd., 2012, n° 1740). Elle doit couvrir l'entier des frais de défense usuels et raisonnables (arrêt 6B_392/2013 du 4 novembre 2013 consid. 2.3). Lorsqu'un tarif cantonal existe, il doit être pris en considération pour fixer le montant de l'indemnisation selon l'art. 429 al. 1 let. a CPP. Il sert de guide pour la détermination de ce qu'il faut entendre par frais de défense usuel (arrêt 6B_392/2013 du 4 novembre 2013 consid. 2.3).
2.2.2. Dans l'arrêt cité par la recourante, le Tribunal fédéral a déclaré que la pratique vaudoise consistant à retenir un taux horaire A la suite de cet arrêt, le Tribunal cantonal vaudois a adopté le 18 février 2014 une modification du Tarif des frais judiciaires pénaux (intitulé désormais Tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale [TFIP]; RSV 312.03.1; FAO du 28 février 2014, p. 3), entrée en vigueur le 1er avril 2014. Il a introduit un nouvel art. 26a qui fixe les principes applicables à la fixation des indemnités allouées selon les art. 429 ss CPP à raison de l'assistance d'un avocat dans la procédure pénale. Cette disposition prévoit que l'indemnité pour l'activité de l'avocat est fixée en fonction du temps nécessaire à l'exercice raisonnable des droits de procédure, de la nature des opérations effectuées, des difficultés de la cause, des intérêts en cause et de l'expérience de l'avocat (al. 2). Le tarif horaire déterminant (hors TVA) est de 250 fr. au minimum et de 350 fr. au maximum pour l'activité déployée par un avocat. Il est de 160 fr. pour l'activité déployée par un avocat stagiaire (al. 3). Dans les causes particulièrement complexes ou nécessitant des connaissances particulières, le tarif horaire déterminant peut être augmenté jusqu'à 400 fr. (al. 4).
2.3. Evoquant ce Tarif vaudois, la cour cantonale a fixé le tarif horaire à 250 fr. en raison de la relative simplicité de l'affaire. La recourante conteste l'application de la modification du Tarif, qui n'est entrée en vigueur que le 1er avril 2014, à savoir postérieurement au jugement attaqué, daté du 31 mars 2014. Avec la recourante, il faut admettre que la modification du Tarif n'a pas d'effet rétroactif et que, partant, il n'y a pas lieu de s'écarter de l'arrêt du 4 novembre 2013 du Tribunal fédéral précité, selon lequel, à défaut de tarif spécifique, le tarif horaire est compris entre 330 et 350 fr. C'est du reste ce qu'a admis la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal vaudois dans une autre affaire (arrêt du 7 avril 2014 de la Chambre des recours pénale, consid. 2b). Le grief soulevé doit donc être admis.
3. La recourante conteste le nombre d'heures retenues par la cour cantonale. Elle lui reproche de ne pas avoir tenu compte de la durée de l'audience du 31 mars 2014, à savoir 53 minutes.
3.1. Selon l'art. 429 al. 2 CPP, l'autorité pénale examine d'office les prétentions du prévenu. Elle peut enjoindre à celui-ci de les chiffrer et de les justifier.
Ignorant les opérations effectuées par l'avocat, les autorités pénales seront souvent dans l'impossibilité de fixer le montant de l'indemnité. Le prévenu a donc un devoir de collaboration ( STEFAN WEHRENBERG/ IRENE BERNHARD, in Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2011, n° 31 ad art. 429 CPP). Ce devoir ne dispense toutefois pas les autorités pénales - qui doivent se prononcer d'office sur l'indemnité due au prévenu acquitté - de procéder à leur propre examen des faits ( YVONA GRIESSER, in Kommentar zur Schweizerischen Strafprozessordnung [StPO], 2010, n° 8 ad art. 429 CPP). La renonciation à une indemnisation est certes possible. Un comportement passif peut, le cas échéant, équivaloir à une renonciation lorsque le prévenu ne réagit pas à l'invitation faite par l'autorité de chiffrer et de justifier ses prétentions (arrêt 6B_472/2012 du 13 novembre 2012, consid. 2.4).
3.2. La recourante a déposé sa liste des opérations à l'audience d'appel du 31 mars 2014. L'audience en question n'y figurait pas. La cour cantonale ne pouvait en déduire que la recourante renonçait à toute indemnisation pour cette audience, puisque celle-ci était postérieure au dépôt de la liste et que, lors du dépôt de la liste, la recourante ignorait encore la durée de l'audience. Etant au courant de cette opération, la cour cantonale devait, conformément à la maxime d'instruction, compléter la liste des opérations de la recourante et tenir compte de la durée de l'audience pour calculer le montant de l'indemnité. En ne le faisant pas, elle a violé l'art. 429 al. 1 let. a CPP. Le grief soulevé doit donc être admis.
4. Il résulte de ce qui précède que le recours doit être admis. Il convient donc d'annuler l'arrêt attaqué et de renvoyer la cause à la cour cantonale pour qu'elle fixe une nouvelle indemnité dans le sens des considérants.
La recourante qui obtient gain de cause ne supporte pas de frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF) et peut prétendre à une indemnité de dépens à la charge du canton de Vaud (art. 68 al. 1 et 2 LTF), ce qui rend sans objet la requête d'assistance judiciaire.
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1. Le recours est admis, l'arrêt attaqué est annulé et la cause est renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision.
2. Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
3. Le canton de Vaud versera à la recourante la somme de 3000 fr. à titre de dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral.
4. Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud.
Lausanne, le 11 septembre 2014
Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Président :  La Greffière :
Mathys  Kistler Vianin