BGer 6B_442/2014
 
BGer 6B_442/2014 vom 18.07.2014
{T 0/2}
6B_442/2014
 
Arrêt du 18 juillet 2014
 
Cour de droit pénal
Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Mathys, Président,
Jacquemoud-Rossari et Oberholzer.
Greffière : Mme Boëton.
Participants à la procédure
X.________,
représenté par Me Martine Rüdlinger, avocate,
contre
Ministère public central du canton de Vaud,
intimé.
Objet
Fixation de la peine (homicide par négligence),
sursis à l'exécution de la peine,
recours contre le jugement de la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud, du 20 février 2014.
 
Faits :
A. Par jugement du 1 er octobre 2013, le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de l'Est vaudois a notamment reconnu X.________ coupable d'homicide par négligence, instigation à induction de la justice en erreur, opposition ou dérobade aux mesures visant à déterminer l'incapacité de conduire, violation des devoirs en cas d'accident et conduite sous retrait de permis. Il l'a condamné à une peine privative de liberté de 2 ans et à une amende de 500 francs. Il a également été condamné au versement d'une indemnité à titre de tort moral en faveur des proches de la victime, A.________.
B. Saisie d'un appel de X.________, la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud a, par jugement du 20 février 2014, ramené la peine privative de liberté à 20 mois, suite à la reconnaissance par le prévenu de sa responsabilité pénale en audience de débats. Elle a pour le reste confirmé la décision de première instance.
B.a. Le jugement cantonal repose en substance sur les faits suivants.
B.b. Entre 2005 et 2011, le prévenu a été condamné à quatre reprises à des peines privatives de liberté fermes de respectivement 20 jours et 2 mois et à des peines pécuniaires de respectivement 60 et 90 jours-amende à 30 fr., pour conduite sans permis de conduire.
C. X.________ forme un recours en matière pénale auprès du Tribunal fédéral contre la décision cantonale et conclut, avec suite de frais et dépens à sa réforme, principalement en ce sens qu'il est condamné à une peine privative de liberté inférieure à 20 mois, subsidiairement qu'il est condamné à une peine privative de liberté avec sursis, à tout le moins avec sursis partiel.
 
Considérant en droit :
1. Le recourant qui, en audience d'appel, a retiré ses moyens dirigés contre la condamnation pour homicide par négligence, ne s'en prend pas au verdict de culpabilité. Son recours porte exclusivement sur la quotité de la peine ainsi que sur le sursis.
1.1. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
1.2. A l'instar des juges de première instance, qui ont retenu à la charge du prévenu ses lourds antécédents, son caractère égoïste, l'atteinte portée à la vie (bien juridique le plus important de l'ordre public) d'une enfant, ainsi que le concours d'infraction, l'autorité cantonale a considéré que la culpabilité du prévenu était lourde. Estimant que la faute de circulation à l'origine du décès était de gravité moyenne, elle a toutefois tenu compte des autres infractions commises, nombreuses et graves, en particulier la conduite sous retrait de permis, rappelant que le prévenu était condamné pour la sixième fois pour ce motif, dont deux fois à des peines privatives de liberté fermes. Elle en a déduit qu'il montrait une insensibilité à la sanction pénale, justifiant une peine sévère. A cela s'ajoutaient le déplacement du véhicule ainsi que l'induction de la justice en erreur, comportements présentant le prévenu sous un jour très défavorable, à l'instar de ses dénégations jusqu'à l'audience d'appel.
1.3. S'agissant de ses antécédents, le recourant reproche à la cour cantonale de s'être fondée sur ses précédentes condamnations à des peines d'emprisonnement fermes pour conclure à une insensibilité à la sanction pénale. Il fait valoir que ces peines ont été exécutées sous la forme de travaux d'intérêt général.
1.4. Le recourant s'écarte de manière inadmissible de l'état de fait retenu par l'autorité cantonale, qui lie la cour de céans (art. 105 al. 1 LTF), lorsqu'il prétend qu'il a 
1.5. En se fondant sur des extraits des déclarations résultant de l'audition de trois témoins, le recourant affirme qu'il n'a rien pu faire pour éviter la fillette qui s'était lancée sur la route. Il reproche à la cour cantonale de ne pas en avoir tenu compte en sa faveur dans la qualification du degré de la faute puis, implicitement, dans le cadre de la fixation de la peine. Il relativise toutefois cette affirmation en admettant qu'il aurait pu porter davantage d'attention à la route (mémoire de recours 1.1 c) p. 5).
1.6. S'agissant de sa capacité de conduire, le recourant se contente d'affirmer qu'à chaque condamnation pour conduite sous retrait de permis, aucun excès de vitesse ou conduite sous influence d'alcool ou de stupéfiants ne lui a été reproché. Il n'expose pas les conséquences qu'il entend en tirer. En tout état, le fait d'être condamné une sixième fois pour conduite sous retrait de permis est en soi un critère à retenir à charge du prévenu, ce d'autant qu'il s'agit d'une infraction grave (cf. art. 16c al. 1 let. f LCR). L'absence d'autres types d'antécédents en matière de circulation routière est sans pertinence dans le cadre de la fixation de la peine, étant rappelé que l'absence d'antécédent en soi est un critère neutre (cf. ATF 136 IV 1 consid. 2.6.4 p. 3). C'est également en vain qu'il allègue qu'aucun élément au dossier ne permet de considérer qu'il était sous l'emprise de l'alcool ou de stupéfiants, ou qu'il conduisait à une vitesse excessive au moment où il a percuté l'enfant, dans la mesure où rien de cela ne lui est reproché en l'espèce.
1.7. En définitive, le recourant n'avance aucun élément pertinent permettant de remettre en question la quotité de la peine.
2. Le recourant prétend avoir été directement atteint par les conséquences de son acte et considère qu'une atténuation de sa peine en application de l'art. 54 CP se justifie.
2.1. A teneur de l'art. 54 CP, si l'auteur a été directement atteint par les conséquences de son acte au point qu'une peine serait inappropriée, l'autorité compétente renonce à le poursuivre, à le renvoyer devant le juge ou à lui infliger une peine (cf. art. 66bis aCP dont les principes demeurent valables; ATF 137 IV 105 consid. 2.3). L'art. 54 CP est violé si cette règle n'est pas appliquée dans un cas où une faute légère a entraîné des conséquences directes très lourdes pour l'auteur ou, à l'inverse, si elle est appliquée dans un cas où une faute grave n'a entraîné que des conséquences légères pour l'auteur. Entre ces extrêmes, le juge doit prendre sa décision en analysant 
2.2. Après avoir énuméré les circonstances à charge, la cour cantonale a exclu l'application de l'art. 54 CP, dès lors qu'elles l'emportaient à l'évidence sur l'atteinte que le prévenu prétendait avoir subie, ce dernier paraissant surtout se lamenter sur son sort et vouloir se poser en victime.
2.3. Le recourant se méprend lorsqu'il se prévaut d'une atténuation de la peine en lien avec l'infraction de conduite sous retrait de permis. En effet, dans la mesure où l'art. 54 CP ne peut trouver application qu'en lien avec l'infraction dont les conséquences ont directement atteint l'auteur (ATF 137 IV 105 consid. 2.3.4 p. 111), le grief doit être examiné en lien avec l'homicide par négligence. Les autres infractions qui lui sont reprochées (instigation à induction de la justice en erreur, opposition ou dérobade aux mesures visant à déterminer l'incapacité de conduire, violation des devoirs en cas d'accident et conduite sous retrait de permis) ne sont en tout état pas couvertes par l'art. 54 CP.
2.4. En tant que le recourant affirme qu'il a 
2.5. Compte tenu de ces éléments et de la gravité de la faute du recourant, l'application de l'art. 54 CP était d'emblée exclue, comme l'a relevé à bon droit la cour cantonale.
3. Le recourant estime enfin qu'une peine privative de liberté ferme n'est pas nécessaire pour le détourner d'autres crimes et délits. Il invoque une violation de l'art. 42 CP et reproche à la cour d'appel d'avoir refusé le sursis complet, subsidiairement, le sursis partiel, après avoir formulé un pronostic défavorable.
3.1. Lorsque la durée de la peine privative de liberté se situe, comme en l'espèce, entre un et deux ans, permettant donc le choix entre le sursis complet (art. 42 CP) et le sursis partiel (art. 43 CP), l'octroi du sursis au sens de l'art. 42 est la règle et le sursis partiel l'exception. Celui-ci ne doit être prononcé que si, sous l'angle de la prévention spéciale, l'octroi du sursis pour une partie de la peine ne peut se concevoir que moyennant exécution de l'autre partie. La situation est comparable à celle où il s'agit d'évaluer les perspectives d'amendement en cas de révocation du sursis (ATF 116 IV 97). Lorsqu'il existe - notamment en raison de condamnations antérieures - de sérieux doutes sur les perspectives d'amendement de l'auteur, qui ne permettent cependant pas encore, à l'issue de l'appréciation de l'ensemble des circonstances, de motiver un pronostic concrètement défavorable, le tribunal peut accorder un sursis partiel au lieu du sursis total. On évite de la sorte, dans les cas de pronostics très incertains, le dilemme du " tout ou rien ". Un pronostic défavorable, en revanche, exclut tant le sursis partiel que le sursis total (ATF 134 IV 1 consid. 5.3.1 p. 10).
3.2. La cour cantonale a relevé que le recourant avait été condamné à six reprises pour des infractions de circulation routière (en 2003, 2005, 2006, 2010 et 2011), la dernière fois quelques mois avant l'accident mortel. Elle en a déduit une propension durable à ne pas respecter les règles de la circulation routière. Elle a également retenu que le recourant avait persisté longtemps à nier sa responsabilité dans l'accident et avait déterminé son passager à induire les autorités de poursuite pénales en erreur. Retenant par ailleurs une prise de conscience très incomplète, elle a formulé un pronostic clairement défavorable et a refusé l'octroi du sursis.
3.3. S'agissant des antécédents, le recourant allègue que le sursis ne saurait lui être refusé, dans la mesure où les peines infligées n'ont pas excédé les 180 jours-amende (cf. art. 42 al. 2 CP). Ce faisant, il omet qu'indépendamment de la quotité des peines prononcées, les antécédents constituent un facteur défavorable dans l'examen du caractère du prévenu et de ses chances d'amendement (cf. 
3.4. Il n'y a pas lieu de revenir sur sa prétendue prise de conscience ainsi que sur l'empathie qu'il allègue avoir pour la famille (cf. supra consid. 1.4). En tant qu'il déclare qu'une peine ferme 
3.5. Le recourant n'est pas recevable à se prévaloir de la reprise récente d'une activité lucrative qui constitue un fait nouveau (cf. art. 99 al. 1 LTF). Par ailleurs, il n'expose pas dans quelle mesure sa situation économique et ses prétendues souffrances, au demeurant non établies (cf. supra consid. 2.4), auraient une influence sur son pronostic.
Son absence de récidive depuis les faits reprochés n'est d'aucune pertinence, dès lors qu'un tel comportement correspond à ce que l'on doit pouvoir attendre de tout un chacun (arrêts 6B_348/2014 du 19 juin 2014 consid. 2.4; 6B_479/2011 du 24 novembre 2011 consid. 1.3.3).
Enfin, l'affirmation selon laquelle le recourant aurait collaboré tout au long de la procédure s'écarte de manière inadmissible de l'état de fait retenu en instance cantonale (art. 105 al. 1 LTF).
3.6. Au vu de ce qui précède, la cour cantonale n'a pas abusé du pouvoir d'appréciation qui lui revient en ce domaine en concluant à un pronostic défavorable quant au comportement futur du recourant en liberté. L'octroi d'un sursis, tant complet que partiel, est donc exclu. Le grief du recourant est rejeté dans la mesure de sa recevabilité.
4. Le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. Il était d'emblée dénué de chances de succès. L'assistance judiciaire doit être refusée (art. 64 al. 1 LTF). Le recourant supporte les frais de la cause, qui seront fixés en tenant compte de sa situation économique (art. 65 al. 2 et 66 al. 1 LTF).
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1. Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2. La requête d'assistance judiciaire est rejetée.
3. Les frais judiciaires, arrêtés à 1'600 fr., sont mis à la charge du recourant.
4. Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud.
Lausanne, le 18 juillet 2014
Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Président :  La Greffière :
Mathys  Boëton