BGer 5A_154/2014
 
BGer 5A_154/2014 vom 20.06.2014
{T 0/2}
5A_154/2014
 
Arrêt du 20 juin 2014
 
IIe Cour de droit civil
Composition
MM. les Juges fédéraux von Werdt, Président,
Herrmann et Bovey.
Greffière : Mme Achtari.
Participants à la procédure
A.________ GmbH,
représentée par Me Jean Daniel Schwab, avocat,
recourante,
contre
1. B.________ SA,
représentée par Me Christian Favre, avocat,
2. C.________,
3. D.________,
4. E.________,
5. F.________,
6. G.________,
7. H.________,
8. I.________,
9. J.________,
10. K.________,
11. L.________,
12. M.________,
13. N.________,
tous représentés par Me Blaise Marmy, avocat,
14. O.________,
représenté par Me Eric Boyer, avocat et notaire,
intimés.
Objet
mesures provisionnelles; hypothèque légale des artisans et entrepreneurs,
recours contre la décision de la Juge de la Cour civile II du Tribunal cantonal du canton du Valais du 17 janvier 2014.
 
Faits :
A. A.________ GmbH, sise à X.________, a conclu trois contrats d'entreprise, l'un, du 16 décembre 2011 et seul à revêtir la forme écrite, avec P.________ AG, l'autre avec Q.________ SA, et le dernier avec B.________ SA. Ces contrats avaient pour objet la construction de deux immeubles d'habitation, le premier sur la parcelle n° 5670 de la Commune Y.________ ("Block B") et le second sur la parcelle n° 5671 de la même commune ("Block A").
 
B.
B.a. Par décision du 27 mai 2013, le juge IV des districts de Martigny et St-Maurice a admis la requête de mesures superprovisionnelles déposée le 24 mai 2013 par A.________ GmbH et requis du Conservateur de l'Office du registre foncier de W.________, d'annoter l'inscription provisoire d'une hypothèque légale des artisans et entrepreneurs grevant à concurrence de différents montants les unités de PPE de l'immeuble de base n° 5670 de la Commune de Y.________.
B.b. Par décision du 29 juillet 2013, le juge de district a rejeté la requête de mesures provisionnelles de A.________ GmbH et "autorisé" le conservateur du Registre foncier à radier l'hypothèque légale précitée.
B.c. Par décision du 17 janvier 2014, la juge de la Cour civile II du Tribunal cantonal valaisan a rejeté l'appel interjeté par A.________ GmbH contre cette décision et a ordonné au conservateur du Registre foncier de W.________, de procéder à la radiation de l'hypothèque légale.
C. Par acte posté le 21 février 2014 et rédigé en allemand, A.________ GmbH interjette un recours en matière civile devant le Tribunal fédéral contre cette décision. Elle conclut principalement à la réforme de celle-ci, en ce sens qu'une hypothèque légale des artisans et entrepreneurs à charge de l'immeuble n° 5670 du Registre foncier de Y.________ [ recte : Registre foncier de W.________], à hauteur d'un montant total de 213'087 fr. 85, plus intérêt moratoire de 5% échelonné, est provisoirement annotée en sa faveur au Registre foncier de Y.________ [  recte : Registre foncier de W.________], sur les unités de la PPE. Elle requiert également que la procédure soit conduite en allemand. Subsidiairement, elle conclut à l'annulation de la décision attaquée et au renvoi de la cause à l'une des autorités inférieures.
D. Par ordonnance du 25 février 2014, l'effet suspensif a été accordé à titre superprovisoire, en ce sens qu'il a été ordonné au conservateur du Registre foncier de W.________, de ne pas radier l'annotation de l'inscription provisoire de l'hypothèque légale des artisans et entrepreneurs opérée le 28 mai 2013.
 
Considérant en droit :
 
Erwägung 1
1.1. Le recours a été interjeté dans le délai (art. 100 al. 1 LTF) prévu par la loi, contre une décision finale (art. 90 LTF; ATF 137 III 589 consid. 1.2.2), par une partie qui a succombé dans ses conclusions prises devant l'autorité cantonale supérieure statuant sur recours (art. 75 al. 1 et 76 al. 1 LTF), et dirigé contre une décision rendue en matière civile (art. 72 al. 1 LTF), dont la valeur litigieuse atteint 30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF), de sorte qu'il est recevable au regard de ces dispositions.
1.2. La décision attaquée étant rédigée en français, la procédure est conduite dans cette langue (cf. art. 54 al. 1 LTF).
 
Erwägung 2
2.1. La décision attaquée a pour objet des mesures provisionnelles, au sens de l'art. 98 LTF (arrêt 5A_475/2010 du 15 septembre 2010 consid. 1.2), de sorte que seule peut être invoquée la violation de droits constitutionnels. Le Tribunal fédéral n'examine de tels griefs que s'ils ont été invoqués et motivés conformément au principe d'allégation (art. 106 al. 2 LTF), à savoir expressément soulevés et exposés d'une manière claire et détaillée (ATF 133 IV 286 consid. 1.4). Il n'entre pas en matière sur les critiques de nature appellatoire (ATF 133 III 589 consid. 2).
 
Erwägung 2.2
2.2.1. En vertu des principes de la bonne foi et de l'épuisement des griefs (cf. art. 75 al. 1 LTF), l'invocation de nouveaux moyens, de fait ou de droit, est irrecevable à l'appui d'un recours fondé sur l'art. 98 LTF, sauf dans les cas où seule la motivation de la décision attaquée donne l'occasion de les soulever (ATF 133 III 638 consid. 2; arrêts 5A_261/2009 du 1 er septembre 2009 consid. 1.3, non publié aux ATF 135 III 608; 5A_577/2010 du 18 octobre 2010 consid. 1.2, publié 
 
Erwägung 2.2.2
2.2.2.1. Plus précisément, s'agissant de l'exclusion des faits et moyens de preuve nouveaux (cf. art. 99 al. 1 LTF par analogie), en tant que cour suprême, le Tribunal fédéral est juge du droit, et non juge du fait. La règle connaît une exception lorsque, selon les textes allemand et italien plus précis que la formulation française sur ce point, la décision de l'autorité précédente est le motif pour présenter de nouveaux faits ou moyens de preuve ou, en d'autres termes, lorsque c'est la décision de l'autorité précédente qui, pour la première fois, a rendu pertinents ces faits ou moyens de preuve. Il peut s'agir de faits et moyens de preuve qui se rapportent à la régularité de la procédure devant l'instance précédente (par exemple une violation du droit d'être entendu lors de l'instruction) ou qui sont déterminants pour la recevabilité du recours au Tribunal fédéral (par exemple la date de notification de la décision attaquée) ou encore qui sont propres à contrer une argumentation de l'autorité précédente objectivement imprévisible pour les parties avant la réception de la décision. En revanche, le recourant ne peut pas alléguer des faits ou produire des moyens de preuve nouveaux qu'il a omis d'alléguer ou de produire devant l'autorité précédente, notamment pour contester l'état de fait retenu par l'autorité précédente. La possibilité de présenter des faits ou des moyens de preuve nouveaux en instance de recours fédérale est donc exceptionnelle et ne sert pas à corriger des omissions antérieures (arrêt 5A_291/2013 du 27 janvier 2014 consid. 2.2 et les références).
2.2.2.2. En l'espèce, la recourante produit à l'appui de son recours en matière civile un bordereau de pièces nouvelles (bulletins de livraison datés de 2013, courrier de 2013), en argumentant qu'elle est contrainte de présenter ces documents au motif que l'autorité cantonale a posé des exigences trop sévères quant à la vraisemblance des faits constitutifs de son droit à l'hypothèque légale provisoire.
3. Sans citer de norme constitutionnelle, la recourante se plaint de la violation de son droit d'être entendue, au motif que l'autorité cantonale a refusé de prendre en compte des moyens de preuve qu'elle a, à tort selon la recourante, considérés comme irrecevables sur la base de l'art. 317 al. 1 let. b CPC. La recourante soutient qu'elle a été contrainte de présenter ces pièces nouvelles en instance d'appel parce que le premier juge a, d'une part, posé des exigences trop sévères en matière de vraisemblance des faits, et, d'autre part, refusé d'auditionner les parties et des témoins.
3.1. Le droit d'être entendu est une garantie constitutionnelle de nature formelle ancrée à l'art. 29 al. 2 Cst., dont la violation entraîne l'annulation de la décision attaquée sans égard aux chances de succès du recours sur le fond (ATF 135 I 279 consid. 2.6.1).
3.2. En l'espèce, la recourante se trompe manifestement sur la portée du grief fondé sur l'art. 29 al. 2 Cst.: en tant qu'elle entend faire valoir que l'autorité cantonale s'est méprise sur la conception du degré de la preuve exigé en droit fédéral en matière d'inscription provisoire d'une hypothèque légale (cf. art. 961 al. 3 CC), sur la recevabilité des moyens de preuves nouveaux en appel (cf. art. 317 CPC), ou sur la recevabilité de certains moyens de preuves en procédure sommaire (art. 249 let. d ch. 5 et 254 CPC), elle doit invoquer et démontrer, conformément au principe d'allégation (cf. 
4. La recourante semble, de manière lapidaire, se plaindre de la violation de son droit d'être entendue (cf. art. 29 al. 2 Cst.) également pour le motif que le juge de première instance n'a pas ordonné un second échange d'écritures.
5. La recourante se plaint, toujours de manière aussi lapidaire, mais pas pour autant précise, et sans citer l'art. 9 Cst., de l'application arbitraire de l'art. 254 al. 2 let. a CPC.
5.1. Examinant si elle était en mesure de déterminer 
5.2. En l'espèce, la recourante se borne à affirmer que l'audition des parties et des témoins n'aurait pas retardé la procédure, sans pour autant prétendre qu'elle aurait été en mesure de présenter les témoins immédiatement en audience de première instance. Pour le surplus, elle n'allègue pas, 
6. Pour le reste, se méprenant manifestement sur son devoir de motivation dans un recours fondé sur l'art. 98 LTF (cf. supra consid. 2.1), la recourante n'invoque la violation d'aucun droit constitutionnel à l'appui de son recours. Elle se borne, dans l'exposé général de ses griefs, à annoncer qu'elle entend se plaindre de l'établissement manifestement inexact des faits, en donnant un exemple, dans lequel elle renvoie en bloc, et donc sans la précision requise par le principe d'allégation, à des pièces. Dans la suite de son recours, même si elle s'en prend aux faits dans une critique mêlant le fait et le droit (cf. p. 19 ss), son argumentation, peu étayée et imprécise, ne répond pas aux exigences en la matière.
7. En conclusion, le recours en matière civile est rejeté, dans la très faible mesure de sa recevabilité. Les frais judiciaires, arrêtés à 5'000 fr., sont mis à la charge de la recourante qui succombe (art. 66 al. 1 LTF). Il n'y a pas lieu d'allouer de dépens aux parties intimées qui n'ont pas été invitées à déposer d'observations.
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1. Le recours en matière civile est rejeté, dans la mesure où il est recevable.
2. Les frais judiciaires, arrêtés à 5'000 fr., sont mis à la charge de la recourante.
3. Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Juge de la Cour civile II du Tribunal cantonal du canton du Valais et au Registre foncier de W.________.
Lausanne, le 20 juin 2014
Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
Le Président :  La Greffière :
von Werdt  Achtari