BGer 5A_543/2011
 
BGer 5A_543/2011 vom 14.11.2011
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
{T 0/2}
5A_543/2011
Arrêt du 14 novembre 2011
IIe Cour de droit civil
Composition
Mme et MM. les Juges Hohl, Présidente,
Marazzi et Herrmann.
Greffier: M. Fellay.
Participants à la procédure
Masse en faillite de A.________, agissant par son syndic X.________ (Pologne), et représentée par Me Jaroslaw Grabowski, avocat,
recourante,
contre
Office des faillites du canton de Genève, chemin de la Marbrerie 13, 1227 Carouge GE.
Objet
faillite ancillaire; inventaire,
recours contre la décision de la Cour de justice, Autorité de surveillance des Offices des poursuites et faillites, du canton de Genève du 21 juillet 2011.
Faits:
A.
Par jugement du 11 décembre 2007, le Tribunal d'arrondissement de B.________ (Pologne), a prononcé la faillite de la société polonaise à responsabilité limitée A.________. Le 24 juin 2010, sur requête du syndic de la masse en faillite de ladite société, le Tribunal de première instance du canton de Genève a, conformément aux art. 166 ss LDIP, reconnu en Suisse le jugement de faillite en question et ordonné l'exécution de la faillite ancillaire. Selon publication de l'Office des faillites du canton de Genève du 22 décembre 2010, cette faillite ancillaire devait être liquidée selon la procédure sommaire (art. 231 LP).
Le 21 janvier 2011, par l'entremise de son conseil suisse, le syndic de la masse en faillite polonaise a demandé à l'office des faillites genevois de porter à l'inventaire de la faillite des créances de 12'155'747,16 USD et 49'437,75 PLN (17'521,18 USD) à l'encontre de B._______ SA et de 23'539'943,31 USD à l'encontre de C.________ SA, ainsi que, à concurrence des mêmes montants, des prétentions en annulation de compensations effectuées au détriment de la faillie par ces sociétés et en dommages et intérêts contre les organes de celles-ci et de D.________ SA. L'office a donné suite à cette demande.
Par courrier du 4 mars 2011, l'office a transmis l'inventaire, sur lequel avaient été portées les créances et prétentions susmentionnées, à l'administrateur des trois sociétés concernées, en l'invitant à lui faire savoir de quelle manière il entendait se libérer de ces prétentions. Le 4 avril 2011, dans le délai qui lui a été imparti, l'administrateur a contesté l'ensemble des prétentions et fait valoir que seules les créances à l'encontre de B.________ SA et de C.________ SA pouvaient être admises à l'inventaire.
L'office a modifié sa première décision. Le dépôt de l'état de collocation et de l'inventaire, sur lequel ne figuraient que les deux débiteurs précités pour les sommes de 12'155'747,16 USD et 49'437,75 PLN (17'521,18 USD), a été annoncé par publication dans la FOSC du 27 avril 2011, avec mention des délais de dix jours pour contester l'inventaire et de vingt jours pour contester l'état de collocation.
B.
Le 9 mai 2011, le conseil de la masse en faillite polonaise a demandé à l'office d'examiner des documents qu'il lui transmettait et de procéder à l'inscription à l'inventaire de la créance de 23'539'943,31 USD à l'encontre de C.________ SA au titre de révocation de compensation des créances. L'office lui a répondu, par courrier du 12 mai 2011 réceptionné le 17 du même mois, que l'administration de la masse en faillite ancillaire avait déjà statué sur les créances à porter à l'inventaire et qu'elle maintenait sa décision.
Le 27 mai 2011, la masse en faillite polonaise a formé une plainte contre l'office, concluant à ce que celui-ci soit astreint à inscrire à l'inventaire la créance de 23'539'943,31 USD précitée, ses prétentions en annulation des compensations à l'encontre de B.________ SA et en dommages-intérêts à l'encontre des organes de C.________ SA. Elle faisait grief à l'office d'avoir biffé des prétentions pourtant initialement inscrites à l'inventaire, sans motiver sa décision et sans lui avoir permis de se déterminer sur ces modifications (violation du droit d'être entendu) et de ne pas avoir procédé aux investigations nécessaires lui permettant de dresser l'inventaire (violation de la loi et déni de justice).
L'office a conclu à l'irrecevabilité de la plainte, tardive à ses yeux. Sur le fond, il a fait valoir qu'il n'avait pas à s'en tenir aux allégations de la plaignante, dès lors que l'inscription de la créance litigieuse à l'inventaire avait été requise non par un créancier, mais par l'administration d'une faillite étrangère, qui a qualité pour ouvrir action et recouvrer en Suisse, en lieu et place du failli, des créances de ce dernier, sans qu'une cession préalable soit nécessaire. Par ailleurs, l'office n'avait pas souhaité porter à l'inventaire des créances imprécises ou carrément inexistantes, telles celles alléguées à l'encontre des organes de sociétés qui n'étaient pas en faillite.
Par décision du 21 juillet 2011, l'Autorité de surveillance des Offices des poursuites et faillites du canton de Genève a déclaré la plainte irrecevable pour cause de tardiveté. Elle a considéré par ailleurs que le déni de justice invoqué par la plaignante ne constituait pas un déni de justice, invocable en tout temps, au sens de l'art. 17 al. 3 LP.
C.
Par acte du 18 août 2011, la masse en faillite polonaise a interjeté un recours en matière civile au Tribunal fédéral, dans lequel elle reprend les conclusions qu'elle a formulées en instance cantonale. Elle invoque un établissement incomplet, soit manifestement inexact, des faits au sens des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, ainsi que la violation des art. 17, 221, 228 LP et 170 LDIP, s'agissant du dies a quo du délai de contestation de l'inventaire dans la faillite, et des art. 9 et 29 Cst. (déni de justice formel, droit d'être entendu, arbitraire).
Le dépôt d'une réponse n'a pas été requis.
Considérant en droit:
1.
1.1 Interjeté dans le délai (art. 46 al. 1 let. b et 100 al. 2 let. a LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi par une partie qui a succombé dans ses conclusions prises devant l'autorité précédente (art. 76 al. 1 LTF) et dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) rendue en matière de poursuite pour dettes et de faillite (art. 72 al. 2 let. a LTF) par une autorité cantonale de surveillance de dernière (unique) instance (art. 75 al. 1 LTF), le recours est en principe recevable, et ce indépendamment de la valeur litigieuse (art. 74 al. 2 let. c LTF).
1.2 Le recours en matière civile peut être interjeté pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique ce droit d'office (art. 106 al. 1 LTF), sans être limité par les arguments soulevés dans le recours ni par la motivation retenue dans la décision déférée; il peut donc admettre un recours pour d'autres motifs que ceux qui ont été articulés, ou à l'inverse, rejeter un recours en adoptant une argumentation différente de celle de l'autorité précédente (ATF 135 III 397 consid. 1.4; 134 III 102 consid. 1.1). Par ailleurs, il conduit son raisonnement juridique sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si les constatations de l'autorité précédente ont été établies de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à celle d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 135 III 127 consid. 1.5, 397 consid. 1.5; 135 II 145 consid. 8.1) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), et pour autant que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).
1.3 Aux termes de l'art. 107 al. 2 LTF, le Tribunal fédéral peut, s'il admet le recours, statuer lui-même sur le fond ou renvoyer l'affaire à l'autorité précédente pour qu'elle prenne une nouvelle décision. Dans le cas particulier, où cette autorité n'est pas entrée en matière sur le fond, seul est envisageable, en cas d'admission, le renvoi pour nouvelle décision, à défaut de quoi le Tribunal fédéral statuerait sur le fond en première et unique instance. La requête en complètement des faits présentée par la recourante l'étant dans cette seule éventualité, qui n'entre pas en ligne de compte, et la correction du prétendu vice n'étant ainsi pas susceptible d'influer sur le sort de la cause, il n'y a pas lieu d'y donner suite.
2.
2.1 En vertu de l'art. 170 al. 1 LDIP, la reconnaissance de la décision de faillite rendue à l'étranger a, en principe, les effets de la faillite tels que les prévoit le droit suisse.
Ainsi, dès que l'office des faillites a reçu communication de la décision de reconnaissance, il publie cette décision (art. 169 al. 1 LDIP) et l'ouverture de la faillite ancillaire suisse dans les formes prévues (art. 232 et 231 al. 3 LP; cf. PIERRE-ROBERT GILLIÉRON, Les dispositions de la nouvelle loi fédérale de droit international privé sur la faillite internationale, in Publication Cedidac 18, Lausanne 1991, p. 95). Il doit tout aussitôt procéder à l'inventaire et prendre les mesures conservatoires nécessaires (art. 221 ss LP et 25 ss OAOF). A cet effet, il lui incombe d'interroger le failli, personne physique ou, s'il s'agit d'une société, les associés ou organes de celle-ci (GILLIÉRON, Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, n. 11 et 17 ad art. 221 LP), de même que tous les tiers qui détiennent des biens du failli ou contre qui le failli a des créances (LE MÊME, op. cit., n. 18 ad art. 221 LP). L'office doit porter à l'inventaire et estimer tous les droits patrimoniaux dont le failli était ou pouvait être titulaire au moment de la déclaration de faillite, en Suisse seulement s'agissant d'une faillite ancillaire (GILLIÉRON, Commentaire, n. 37 ad art. 221 LP). Il doit en faire de même avec les droits patrimoniaux dont il résulte des enquêtes qu'un tiers est titulaire ou qui sont réclamés par un tiers, en mentionnant cette revendication (art. 225 LP et 34 OAOF).
Une fois l'inventaire dressé, l'office le soumet au failli et invite celui-ci à déclarer s'il le reconnaît exact et complet, la réponse du failli devant être transcrite dans l'inventaire et signée par lui (art. 228 LP et 29 al. 3 et 4 OAOF). Cette déclaration qui, en cas de faillite d'une société à responsabilité limitée par exemple, est faite par les associés et les tiers gérants (art. 30 al. 1 OAOF; GILLIÉRON, Commentaire, n. 17 ad art. 221 LP, n. 5 et 7 ad art. 228 LP), fait courir le délai de plainte à l'autorité de surveillance contre toutes les mesures de l'office, connues à ce moment-là seulement par le failli, notamment quant à l'estimation et la façon dont il y a été procédé (FRANÇOIS VOUILLOZ, in Commentaire romand de la LP, n. 6 ad art. 228 LP; URS LUSTENBERGER, in Basler Kommentar Bundesgesetz über Schuldbetreibung und Konkurs II, 2e éd., n. 6 ad art. 228 LP; GILLIÉRON, Commentaire, n. 9 ad art. 228 LP). Si une telle déclaration ne peut être obtenue, l'inventaire doit en indiquer les raisons (art. 30 al. 2 OAOF). Ainsi, lorsque le failli ou une personne obligée de renseigner et, comme lui, d'attester l'exactitude et la complétude de l'inventaire s'y refuse, l'office constate dans l'inventaire sa démarche et son résultat, car il n'a aucun moyen de coercition pour obtenir la déclaration que la loi prévoit (GILLIÉRON, Commentaire, n. 7, dernière phrase, ad art. 228 LP).
Alors que dans la liquidation ordinaire de la faillite, l'inventaire est en principe présenté aux créanciers lors de la première assemblée des créanciers (art. 237 al. 1 LP; GILLIÉRON, Commentaire, n. 6 s. ad art. 237 LP), dans la liquidation sommaire de la faillite, procédure appliquée en l'espèce, l'inventaire est déposé en même temps que l'état de collocation (art. 231 al. 3 ch. 3 LP, 32 al. 2 OAOF; GILLIÉRON, Commentaire, n. 38 in fine ad art. 221 LP, n. 21 ad art. 231 LP; VOUILLOZ, op. cit., n. 25 ad art. 231 LP; LUSTENBERGER, op. cit., n. 25 ad art. 231 LP). Pour les créanciers, le délai de plainte contre les opérations d'inventaire commence donc à courir dès le jour du dépôt de l'inventaire, dépôt dont la communication a lieu en même temps que celle, opérée par publication, de l'état de collocation (art. 32 al. 2 OAOF; art. 249 al. 2 LP et 67 al. 1 OAOF). Le failli doit bénéficier du même délai, non seulement pour contester, le cas échéant, la décision relative aux objets de stricte nécessité qui ne lui aurait pas été communiquée au moment de la reconnaissance de l'inventaire ou par communication écrite spéciale (art. 31 al. 2 OAOF), mais aussi pour se plaindre d'irrégularités commises dans l'établissement de l'inventaire qu'il n'aurait pu, sans sa faute, invoquer en temps utile. La décision de l'office qui n'est pas attaquée dans ledit délai ne peut plus l'être dans la suite (GILLIÉRON, Commentaire, n. 38 in fine ad art. 221 LP). La violation des règles sur l'établissement de l'inventaire, mesure interne de l'administration de la faillite ne produisant aucun effet à l'égard des tiers et ne fixant pas encore définitivement l'appartenance des biens à la masse (cf. arrêts 9C_383/2007 du 14 janvier 2008 consid. 3.2 et H 74/2002 du 16 juillet 2002 consid. 3.3, et les références citées), n'est pas sanctionnée de nullité absolue constatable en tout temps en vertu de l'art. 22 al. 1 LP (cf. casuistique chez FRANCO LORANDI, Betreibungsrechtliche Beschwerde und Nichtigkeit, n. 22 ss et 71 ss ad art. 22 LP).
2.2 L'inventaire litigieux, établi sur la base des explications du syndic de la masse en faillite polonaise du 21 janvier 2011 et de celles de l'administrateur des sociétés suisses du 4 avril 2011, ne contient ni déclaration de reconnaissance par le failli, ni constat quant à la démarche de l'office et à son résultat. En cela, il ne répond certes pas aux exigences légales susmentionnées. Son dépôt a toutefois été annoncé par publication dans la FOSC du 27 avril 2011, l'insertion dans cette feuille officielle faisant règle pour la supputation des délais et pour les conséquences de la publication (art. 35 LP). Si la recourante estimait que l'office n'avait pas établi l'inventaire de façon correcte en omettant notamment de remplir la rubrique "Déclarations du failli" et en biffant à tort, suite à l'intervention dudit administrateur, des prétentions dont elle avait obtenu l'inscription à l'inventaire, il lui appartenait, comme le lui indiquait la publication, de contester celui-ci dans les dix jours. En ne déposant plainte que le 27 mai 2011, soit bien après l'échéance de ce délai, suite au courrier de l'office du 12 mai 2011 qui constituait d'ailleurs une simple décision de confirmation non susceptible de plainte (cf. arrêts 7B.53/2006 du 8 août 2006 consid. 2.1 in fine et 7B.187/2001 du 3 août 2001), la recourante a agi tardivement et c'est donc à bon droit que l'autorité cantonale de surveillance a déclaré sa plainte irrecevable.
3.
3.1 En instance cantonale, la recourante a invoqué un déni de justice, reprochant à l'office d'avoir dressé l'inventaire "sans (lui) avoir donné l'occasion de se déterminer (...) et sans avoir recueilli des éléments permettant de mettre en doute (ses) prétentions".
Il ressort du dossier que la recourante s'est tout de même déterminée, le 21 mars 2011, sur la demande de production de B.________ et les remarques de celle-ci relatives aux prétentions inventoriées à sa propre demande. En outre, dans sa plainte (p. 9 let. d), elle disait avoir collaboré étroitement avec l'office entre le mois de janvier 2011 et le 12 mai 2011 afin d'établir, notamment, l'inventaire.
Quoi qu'il en soit, l'autorité cantonale de surveillance a refusé de voir un déni de justice formel, invocable en tout temps, au sens de l'art. 17 al. 3 LP, car la jurisprudence constante relative à cette disposition considère qu'il ne saurait être question d'un tel déni de justice lorsqu'une mesure ou une décision susceptible d'être attaquée dans les 10 jours a été prise, fût-elle illégale ou irrégulière (cf. notamment arrêts 7B.179/2003 du 22 août 2003 consid. 3.1 et 7B.253/2003 du 23 décembre 2003 consid. 3.2); or, tel était le cas en l'espèce puisque l'office avait dressé l'inventaire et annoncé son dépôt par publication officielle du 27 avril 2011.
La recourante n'indique pas en quoi l'autorité cantonale de surveillance aurait violé le droit fédéral en statuant ainsi. Autant que dirigé contre l'office, le grief est irrecevable (art. 75 al. 1 LTF).
3.2 Il en va de même des griefs de violation du droit d'être entendu et d'arbitraire, dirigés exclusivement contre l'office. Ils concernent d'ailleurs le fond, qui ne peut être examiné dès lors que l'autorité précédente n'est pas entrée en matière.
4.
Il résulte de ce qui précède que le recours doit être rejeté dans la mesure de sa recevabilité, aux frais de son auteur (art. 66 al. 1 LTF).
Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge de la recourante.
3.
Le présent arrêt est communiqué aux participants à la procédure et à la Cour de justice, Autorité de surveillance des Offices des poursuites et faillites, du canton de Genève.
Lausanne, le 14 novembre 2011
Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente: Hohl
Le Greffier: Fellay