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Original
 
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
4A_6/2011
Arrêt du 22 mars 2011
Ire Cour de droit civil
Composition
Mme la Juge Klett, Présidente.
Greffier: M. Thélin.
Participants à la procédure
X.________ SA, représentée par Mes Anton Henninger et Patrice Keller,
recourante,
contre
H.A.________ et F.A.________, représentés par Me Christine Raptis,
intimés.
Objet
récusation d'un expert
recours contre la décision prise le 23 décembre 2010 par le Juge de paix du district de Morges.
Faits:
Le 23 décembre 2010, le Juge de paix du district de Morges s'est adressé comme suit au conseil de X.________ SA, en rapport avec une procédure d'expertise hors procès:
Je me réfère à vos déterminations respectives qui me sont bien parvenues.
Je considère qu'il est regrettable que l'experte proposée et le conseil d'une des parties siègent au sein d'un même comité associatif et je comprends les réticences exprimées par le conseil de la défenderesse.
Je considère néanmoins que ce motif ne justifie pas la récusation de l'expert, dont les compétences techniques et professionnelles sont reconnues et dont l'impartialité n'a jamais fait défaut à ce jour.
Je considère dès lors que Madame V.________ mérite tant la confiance du juge que celle des parties et je retiens que rien ne s'oppose au maintien de son mandat et à la continuation de la mission que je lui ai confiée.
Je rejette dès lors la demande de suspension de son mandat et l'invite à le poursuivre sans désemparer.
Agissant par la voie du recours en matière civile ou, à titre subsidiaire, par celle du recours constitutionnel, X.________ SA requiert le Tribunal fédéral de réformer la décision ainsi communiquée par le Juge de paix, en ce sens que l'expert V.________ soit récusé. Divers documents sont joints au recours.
Les intimés H.A.________ et F.A.________ concluent au rejet du recours; ils produisent eux aussi des pièces.
La recourante présente une réplique où elle prend position sur les allégués de la réponse.
Considérant en droit:
1.
En procédure civile vaudoise, le juge compétent pour nommer les experts statue sans recours sur leur éventuelle récusation (art. 222 al. 3 CPC vaud.). Le refus du Juge de paix d'ordonner la récusation de l'expert V.________ est donc une décision cantonale de dernière instance (art. 75 al. 1 LTF; arrêt 1P.17/2002 du 30 janvier 2002, consid. 2), rendue en matière civile (art. 72 al. 1 LTF) et susceptible d'un recours indépendant selon l'art. 92 al. 1 LTF.
Il n'est pas nécessaire de déterminer si la valeur litigieuse minimum de 30'000 fr. exigée par l'art. 74 al. 1 let. b LTF est atteinte. En effet, la recourante se plaint exclusivement de violation des art. 29 al. 1 Cst. et 6 par. 1 CEDH concernant la garantie d'un procès équitable; or, ce moyen peut être soumis au Tribunal fédéral tant par la voie du recours ordinaire en matière civile (art. 95 let. a LTF) que par celle du recours constitutionnel subsidiaire (art. 116 LTF). La recourante est titulaire de la garantie ainsi invoquée et elle a donc, au regard des art. 74 al. 1 ou 115 LTF, qualité pour saisir le Tribunal fédéral.
Le mémoire de recours satisfait aux exigences légales (art. 42 al. 1 à 3 LTF).
2.
La garantie d'un tribunal indépendant et impartial instituée par l'art. 6 par. 1 CEDH, à l'instar de la protection conférée par l'art. 30 al. 1 Cst., permet au plaideur de s'opposer à une application arbitraire des règles cantonales sur l'organisation et la composition des tribunaux, y compris les prescriptions relatives à la récusation des juges. Elle permet aussi, indépendamment du droit cantonal, d'exiger la récusation d'un juge dont la situation ou le comportement est de nature à faire naître un doute sur son impartialité; elle tend notamment à éviter que des circonstances extérieures à la cause ne puissent influencer le jugement en faveur ou au détriment d'une partie. Elle n'impose pas la récusation seulement lorsqu'une prévention effective du juge est établie, car une disposition interne de sa part ne peut guère être prouvée; il suffit que les circonstances donnent l'apparence de la prévention et fassent redouter une activité partiale du magistrat. Seules des circonstances constatées objectivement doivent être prises en considération; les impressions purement individuelles d'une des parties au procès ne sont pas décisives (ATF 116 Ia 135 consid. 2; voir aussi ATF 136 I 207 consid. 3.1 p. 210; 134 I 238 consid. 2.1 p. 240; 133 I 1 consid. 6.2 p. 6). Le Tribunal fédéral contrôle librement le respect de la garantie d'indépendance et d'impartialité conférée directement par les dispositions précitées (ATF 134 I 184 consid. 1.4 p. 188/189; 131 I 1 consid. 5.2 p. 3).
La garantie d'indépendance et d'impartialité vise au premier chef les juges, soit les personnes appelées à statuer en qualité de membre d'un tribunal; elle s'applique aussi, par analogie, aux experts judiciaires, dont les constatations et opinions sont susceptibles d'influencer l'issue du procès (ATF 126 III 249 consid. 3c p. 253; 125 II 541 consid. 4a p. 544; 120 V 357 consid. 3a p. 364/365). L'art. 29 al. 1 Cst. confère une protection semblable devant des autorités ou organes autres que les tribunaux (ATF 127 I 196 consid. 2b p. 198; voir aussi ATF 130 I 388 consid. 4 in fine p. 393).
3.
La décision du Juge de paix indique seulement que l'expert V.________ et l'avocate des intimés « siègent au sein d'un même comité associatif ». La décision ne fournit aucune indication plus détaillée, propre à permettre au Tribunal fédéral d'évaluer sainement cette situation au regard de la jurisprudence précitée, ce qui conduit les parties à introduire, avec preuves à l'appui, des éléments complémentaires au sujet de l'association concernée et des circonstances dans lesquelles l'expert et l'avocate sont tous deux entrés dans son comité. Or, il n'appartient pas à la cour de céans d'apprécier les preuves et de se substituer à l'autorité précédente pour établir l'état de fait nécessaire à l'application du droit; la cour doit au contraire statuer sur la base des faits établis par cette autorité (art. 105 al. 1 ou 118 al. 1 LTF). La décision, parce qu'elle ne contient pas les motifs déterminants de fait aux termes de l'art. 112 al. 1 let. b LTF, doit être annulée en application de l'art. 112 al. 3 LTF. Le Juge de paix statuera à nouveau sur la demande de récusation; il veillera, alors, à ce que son prononcé soit motivé de manière que les parties puissent recourir utilement.
4.
Les carences de la décision attaquée entraînent l'annulation de ce prononcé. Elles ne sont pas imputables aux intimés, de sorte que ces derniers, bien qu'ils succombent, n'ont pas à supporter l'émolument judiciaire ni les dépens de la recourante. Ces dépens doivent être assumés par le canton de Vaud, conformément à l'art. 66 al. 3 LTF prévoyant que les frais inutiles sont supportés par celui qui les a engendrés, et il y a lieu de renoncer à prélever l'émolument judiciaire. Les intimés ayant sans succès conclu au rejet du recours, il ne leur sera pas alloué de dépens.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est partiellement admis, la décision attaquée est annulée et la cause est renvoyée au Juge de paix du district de Morges pour nouvelle décision.
2.
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.
3.
Le canton de Vaud versera une indemnité de 2'000 fr. à la recourante, à titre de dépens.
4.
Il n'est pas alloué de dépens aux intimés.
5.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Juge de paix du district de Morges.
Lausanne, le 22 mars 2011
Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La présidente: Le greffier:
Klett Thélin