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Original
 
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
4A_440/2009
Arrêt du 17 décembre 2009
Ire Cour de droit civil
Composition
Mmes et MM. les juges Klett, présidente, Corboz, Rottenberg Liatowitsch, Kolly et Kiss.
Greffier: M. Thélin.
Parties
A.________,
représentée par Me Christophe Auteri,
demanderesse et recourante,
contre
B.________ SA,
représentée par Me Skander Agrebi,
défenderesse et intimée.
Objet
vente internationale de marchandises
recours contre l'arrêt rendu le 29 juillet 2009 par la IIe Cour civile du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel.
Faits:
A.
A.________ est une personne morale constituée en Ukraine; elle pratique la vente au détail des montres dans un magasin de Kiev, à l'enseigne *** . Elle a notamment vendu des montres qui lui étaient fournies par la manufacture B.________ SA à *** .
Cette dernière a cessé de lui livrer directement ses produits après qu'elle eut conclu un contrat de distribution exclusif avec un autre revendeur ukrainien. Désormais, A.________ devrait s'approvisionner par l'intermédiaire de ce revendeur, par ailleurs son concurrent, et consentir des prix « détaillant » plus élevés que les prix « export » de la vente directe.
Par lettre du 23 mars 2005, A.________ a sommé B.________ SA de lui livrer au plus tard le 8 avril suivant des montres dont la commande avait été prétendument acceptée; à défaut, elle renoncerait à l'exécution des contrats en cours, et elle se réservait de réclamer des dommages-intérêts au montant de 653'956 francs.
B.
Le 22 septembre 2005, A.________ a ouvert action contre B.________ SA devant le Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel. La défenderesse devait être condamnée à payer ce dernier montant, avec intérêts au taux de 5% par an dès la notification de la demande. En substance, la demanderesse prétendait à des dommages-intérêts correspondant à la différence entre les prix « export » qu'elle aurait dû payer à la défenderesse pour trente montres de divers modèles, au total de 572'530 fr., d'une part, et la valeur de revente de ces mêmes montres, d'autre part.
La défenderesse a conclu au rejet de l'action.
La IIe Cour civile du Tribunal cantonal a statué le 29 juillet 2009; elle a rejeté l'action. Selon son jugement, les commandes de dix montres seulement, au prix « export » total de 191'100 fr., sont restées en souffrance. Faute d'avoir produit les contrats conclus avec les acheteurs finals, la demanderesse n'est pas parvenue à prouver les prix de vente au détail et elle a donc échoué dans la preuve du dommage. Enfin, de toute manière, elle aurait dû réduire ce dommage en achetant les montres par l'intermédiaire du distributeur en Ukraine.
C.
Agissant par la voie du recours en matière civile, la demanderesse requiert le Tribunal fédéral de réformer l'arrêt de la Cour civile en ce sens que la défenderesse soit condamnée à payer 653'956 fr. avec intérêts au taux de 5% par an dès le 26 septembre 2005. Des conclusions subsidiaires tendent à l'annulation de l'arrêt et au renvoi de la cause à la Cour civile pour nouvelle décision.
La défenderesse conclut au rejet du recours.
Considérant en droit:
1.
Le recours est dirigé contre un jugement final (art. 90 LTF), rendu en matière civile (art. 72 al. 1 LTF) et en dernière instance cantonale (art. 75 al. 1 LTF). Son auteur a pris part à l'instance précédente et succombé dans ses conclusions (art. 76 al. 1 LTF). La valeur litigieuse excède le minimum légal de 30'000 fr. (art. 51 al. 1 let. a et 74 al. 1 let. b LTF). Introduit en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans les formes requises (art. 42 al. 1 à 3 LTF), le recours est en principe recevable.
Le recours est ouvert pour violation du droit fédéral ou international (art. 95 let. a et b LTF). Le Tribunal fédéral applique ce droit d'office, hormis les droits fondamentaux (art. 106 LTF). Il n'est pas lié par l'argumentation des parties et il apprécie librement la portée juridique des faits; il s'en tient cependant, d'ordinaire, aux questions juridiques que la partie recourante soulève dans la motivation du recours (art. 42 al. 2 LTF; ATF 135 III 397 consid. 1.4 p. 400; 133 II 249 consid. 1.4.1 p. 254), et il ne se prononce sur la violation de droits fondamentaux que s'il se trouve saisi d'un grief invoqué et motivé de façon détaillée (art. 106 al. 2 LTF; ATF 134 I 83 consid. 3.2 p. 88; 134 II 244 consid. 2.2 p. 246; 133 II 249 consid. 1.4.2).
Le Tribunal fédéral doit conduire son raisonnement juridique sur la base des faits constatés dans la décision attaquée (art. 105 al. 1 LTF); en règle générale, les allégations de fait et les moyens de preuve nouveaux sont irrecevables (art. 99 al. 1 LTF). Le tribunal peut compléter ou rectifier même d'office les constatations de fait qui se révèlent manifestement inexactes, c'est-à-dire arbitraires aux termes de l'art. 9 Cst. (ATF 133 II 249 consid. 1.1.2 p. 252), ou établies en violation du droit (art. 105 al. 2 LTF). La partie recourante est autorisée à attaquer des constatations de fait ainsi irrégulières si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). Cette partie ne peut toutefois pas se borner à contredire les constatations litigieuses par ses propres allégations ou par l'exposé de sa propre appréciation des preuves; elle doit plutôt indiquer de façon précise en quoi ces constatations sont contraires au droit ou entachées d'une erreur indiscutable, et une critique qui ne satisfait pas à cette exigence est irrecevable (ATF 133 II 249 consid. 1.4.3 p. 254; voir aussi ATF 130 I 258 consid. 1.3 p. 261/262; 125 I 492 consid. 1b p. 495).
2.
La Cour civile retient à bon droit que la Convention des Nations Unies sur les contrats de vente internationale de marchandises (RS 0.221.211.1; ci-après la Convention ou CVIM) est applicable à la relation des parties. En effet, celles-ci ont leur établissement dans des Etats différents - la Suisse et l'Ukraine - qui sont l'un et l'autre parties à la Convention (art. 1 al. 1 let. a CVIM).
3.
La Cour civile constate que la défenderesse a refusé la livraison de dix montres dont la commande était pourtant acceptée; elle désigne ces montres par leur numéro de modèle et elle indique pour chacune d'elles le prix que la demanderesse aurait dû payer; le total s'élève à 191'100 francs. Pour le surplus, l'autorité indique que « certaines » des montres mentionnées dans une liste des affaires en cours au 10 décembre 2003, produite par la demanderesse et concernant en tout quarante-six montres, sont « introuvables » dans la documentation remise par les parties, et que leurs prix ne sont donc pas établis.
Devant le Tribunal fédéral, la demanderesse tient pour manifestement inexact que certaines montres soient « introuvables »; elle affirme que toutes les montres de la liste ont été l'objet de confirmations de commande présentes au dossier.
La demanderesse argue vainement de l'art. 8 CC car cette disposition ne régit pas l'appréciation des preuves (ATF 131 III 222 consid. 4.3 p. 226; 129 III 18 consid. 2.6 p. 24/25); de plus, elle n'est en principe pas applicable dans une cause soumise à la Convention (cf. ATF 130 III 258 consid. 5.3 p. 264).
En tant que la demanderesse se plaint simplement d'une constatation manifestement inexacte des faits, le moyen est irrecevable. En effet, pour analyser la documentation disponible - il s'agit de listes et de bordereaux abscons, dont la signification peut prêter à controverse - et élucider avec sûreté les opérations intervenues entre les parties, il eût incombé à la demanderesse de requérir à temps une expertise; dans le cadre du contrôle restreint des constatations cantonales admis par l'art. 97 al. 1 LTF, il n'appartient pas au Tribunal fédéral d'effectuer lui-même un dépouillement.
4.
La défenderesse s'est obligée selon l'art. 30 CVIM à livrer les montres dont elle avait accepté la commande; cette obligation est restée inexécutée et l'autre partie a donc le droit de réclamer des dommages-intérêts conformément à l'art. 45 al. 1 let. b CVIM.
En règle générale, d'après l'art. 74 CVIM, les dommages-intérêts comprennent tant la perte subie que le gain manqué par la partie lésée. Ainsi, lorsque la marchandise n'a pas été livrée et que, de manière reconnaissable pour le vendeur, elle était destinée à la revente, l'acheteur peut réclamer au titre du gain manqué le bénéfice qui était prévisible d'après les marges usuelles (Christoph Brunner, UN-Kaufrecht - CISG, 2004, n° 35 ad art. 74 CVIM; Herbert Schönle et Thomas Koller, in Heinrich Honsell (éd.), Kommentar zum UN-Kaufrecht, 2e éd., Berlin 2010, n° 37 ad art. 74 CVIM; Peter Schlechtriem et Claude Witz, Convention de Vienne sur les contrats de vente internationale de marchandises, Paris 2008, p. 264 n° 394; Ulrich Magnus, in Staudingers Kommentar zum BGB, Wiener UN-Kaufrecht, Berlin 2005, n° 40 ad art. 74 CVIM; Gritli Ryffel, Die Schadenersatzhaftung des Verkäufers nach dem Wiener Übereinkommen über internationale Warenkaufverträge, 1992, p. 67; voir aussi Ingeborg Schwenzer, in Kommentar zum Einheitlichen UN-Kaufrecht, 5e éd., 2008, nos 36 et 55 ad art. 74 CVIM).
Selon plusieurs auteurs, la Convention ne fixe pas le degré de preuve à exiger aux fins de constater le prix de revente que l'acheteur aurait pu obtenir, et sur ce point, c'est la loi du for qui est déterminante (Bruno Zeller, Damages under the Convention on Contracts for the International Sale of Goods, Dobbs Ferry 2005, p. 129; Martin Brölsch, Schadensersatz und CISG, Francfort-sur-le-Main 2007, p. 59; voir aussi Schönle/Koller, op. cit., nos 49 et 50 ad art. 74 CVIM; Magnus, op. cit., n° 61 ad art. 74 CVIM). Lorsque l'action est intentée en Suisse et qu'un montant exact ne peut pas être établi, le dommage - y compris le gain manqué - est éventuellement susceptible d'appréciation selon l'art. 42 al. 2 CO (Brunner, op. cit., nos 55 à 57 ad art. 74 CVIM). Selon un autre avis, le degré de preuve est aussi prescrit par la Convention, à l'exclusion de la loi du for, et le gain manqué doit être établi « avec un degré raisonnable de certitude » (Schwenzer, op. cit, n° 65 ad art. 74 CVIM).
La Cour civile juge que la demanderesse aurait pu produire, dans le procès, les contrats de revente pour l'exécution desquels elle a passé commande à la défenderesse, et établir ainsi concrètement des prix de revente exacts. En conséquence, selon la Cour, la demanderesse n'est pas autorisée à réclamer une estimation du dommage selon l'art. 42 al. 2 CO; faute d'avoir produit les contrats, elle a échoué dans la preuve du dommage, ce qui entraîne le rejet de toute prétention.
On verra que dans les circonstances de l'espèce, en l'état de la cause, la demanderesse n'a de toute manière pas droit à la pleine compensation du gain manqué; c'est pourquoi il n'est pas nécessaire d'examiner les critiques qu'elle développe sur la base de l'art. 42 al. 2 CO au sujet de la preuve des prix de revente ou de l'estimation du dommage.
5.
L'art. 77 CVIM impose à la partie lésée de prendre des mesures raisonnables, au regard des circonstances, afin de limiter la perte subie et le gain manqué; si cette partie néglige de le faire, l'autre partie peut demander une réduction des dommages-intérêts égale au montant du préjudice qui aurait dû être évité.
Cette règle impose à l'acheteur, lorsque la marchandise ne lui est pas livrée, d'effectuer un achat de remplacement si cette opération est raisonnablement possible (Brunner, op. cit., n° 8 ad art. 77 CVIM; Schönle/Koller, op. cit., nos 36 ad art. 74 CVIM et 8 ad art. 77 CVIM; Schlechtriem/Witz, loc. cit.; Magnus, op. cit., n° 11 ad art. 77 CVIM; Brölsch, op. cit., p. 99; voir aussi Schlechtriem, Schadenersatz und Erfüllungsinteresse, in Festschrift für Apostolos Georgiades, Berne 2006, p. 394). L'acheteur a alors droit à des dommages-intérêts à calculer selon l'art. 75 CVIM, d'après la différence entre le prix convenu entre les parties et celui de cet achat de remplacement. Si l'acheteur a omis l'achat de remplacement qu'il aurait pu raisonnablement faire, les dommages-intérêts sont réduits à ceux qu'il pourrait obtenir s'il avait fait l'achat.
La Cour civile constate que la demanderesse avait la possibilité de se procurer des montres des modèles concernés, que la défenderesse lui refusait en violation de ses obligations, en traitant avec le revendeur qui bénéficie désormais de l'exclusivité en Ukraine. La pertinence de ce fait n'est pas sérieusement contestée devant le Tribunal fédéral car la demanderesse se borne à arguer du droit interne suisse alors que la cause relève de la Convention. Il s'ensuit que cette partie n'a pas droit, au regard de l'art. 77 CVIM, à des dommages-intérêts à calculer d'après la différence entre les prix « export » et la valeur de revente, mais seulement d'après la différence entre ces prix « export » et les prix « détaillant » que le revendeur aurait exigés pour fournir les mêmes montres.
Le rejet de toute prétention se révèle contraire aux art. 74 et 77 CVIM, en tant que la demanderesse n'obtient pas ces dommages-intérêts réduits. La Cour civile n'a pas constaté les prix « détaillant » et le Tribunal fédéral n'est donc pas en mesure de statuer sur la prétention à reconnaître. Il n'apparaît pas d'emblée que ces prix n'aient pas été allégués et qu'ils ne puissent plus l'être selon le droit cantonal de procédure (cf. ATF 131 III 257 consid. 4.2 p. 267/268). Faute de contenir les motifs déterminants de fait, aux termes de l'art. 112 al. 1 let. b LTF, la décision attaquée doit être annulée en application de l'art. 112 al. 3 LTF.
6.
Dans sa réponse au recours, la défenderesse prétend avoir soutenu devant la Cour civile que son éventuelle obligation d'acquitter des dommages-intérêts est atteinte par la prescription; elle renvoie, à ce sujet, au mémoire qu'elle a déposé à l'issue de l'administration des preuves. Ce procédé est irrecevable car en instance fédérale, l'art. 42 al. 1 et 2 LTF exige que les parties développent leurs moyens dans les mémoires qu'elles adressent au Tribunal fédéral; un renvoi aux écritures présentées dans les instances antérieures n'est pas admis (ATF 133 II 396 consid. 3.2 p. 400; ad art. 55 al. 1 let. c aOJ: ATF 131 III 384 consid. 2.3 p. 387/388).
7.
Le recours se révèle irrecevable sur près de deux tiers de la valeur litigieuse et aucune des parties n'obtient gain de cause sur le solde. Il se justifie donc de répartir l'émolument judiciaire, approximativement, à raison de 5/6 à la charge de la demanderesse et 1/6 à celle de la défenderesse. La charge des dépens, évaluée à 9'600 fr. pour chaque partie, doit être répartie dans la même proportion. Après compensation à due concurrence, la demanderesse doit donc verser 6'400 fr. à la défenderesse.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est partiellement admis, dans la mesure où il est recevable; l'arrêt attaqué est annulé et la cause est renvoyée à la IIe Cour civile du Tribunal cantonal pour nouvelle décision.
2.
Les parties acquitteront un émolument judiciaire de 8'500 fr., à raison de 7'000 fr. à la charge de la demanderesse et de 1'500 fr. à la charge de la défenderesse.
3.
La demanderesse versera une indemnité de 6'400 fr. à la défenderesse à titre de dépens.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel.
Lausanne, le 17 décembre 2009
Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La présidente: Le greffier:
Klett Thélin