BGer 5A_265/2009
 
BGer 5A_265/2009 vom 17.11.2009
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
{T 0/2}
5A_265/2009
Arrêt du 17 novembre 2009
IIe Cour de droit civil
Composition
Mmes et MM. les Juges Hohl, Présidente,
Escher, L. Meyer, Marazzi et Jacquemoud-Rossari.
Greffière: Mme de Poret.
Parties
X.________,
recourante, représentée par Me Frank Tièche, avocat,
contre
les époux Y.________,
intimés, représentés par Me Claire Charton, avocate,
Objet
servitude,
recours contre l'arrêt de la Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 8 janvier 2009.
Faits:
A.
A.a X.________ est propriétaire des parcelles nos 1668 et 1669, situées sur le territoire de la commune de B.________. Les époux Y.________ sont copropriétaires de la parcelle no 1666, sise dans la même commune.
Les parcelles de X.________ comprennent plusieurs zones de forêts, classées par la commune dans la catégorie des forêts protectrices de type B.
A.b La parcelle no 1666, appartenant aux époux Y.________, dispose de deux servitudes de passage à pied, l'une grevant la parcelle no 1669, l'autre grevant le fonds d'un tiers et longeant la parcelle no 1668.
La parcelle no 1668 est traversée par un chemin privé qui rejoint le chemin A.________; ce chemin permet aux époux Y.________ d'accéder en véhicule à leur parcelle.
Le 20 juillet 1992, l'Inspection des forêts a autorisé les époux Y.________ à renforcer le chemin existant par un revêtement de type gravelé et à inscrire une servitude pour véhicules permettant l'accès à leur parcelle par le bien-fonds no 1668, sous réserve de l'accord du propriétaire de la parcelle no 1667 (recte 1668). Une mise à l'enquête des travaux n'était pas jugée nécessaire du fait que le chemin existait déjà.
Pendant plusieurs années, les époux Y.________ ont vainement tenté d'obtenir cette servitude de passage du précédent propriétaire de la parcelle no 1668. Suite au décès de celui-ci, l'Etat de Vaud est devenu propriétaire de cette parcelle et X.________ s'est intéressée à l'acquérir. Le chemin susmentionné n'était pas encore aménagé. L'Etat de Vaud a indiqué à X.________ qu'en cas d'acquisition de la parcelle, il y aurait lieu d'accorder la servitude sollicitée.
X.________ a acquis la parcelle no 1668, en acceptant de concéder aux époux Y.________ le droit de passage sur le chemin situé sur sa parcelle et traversant des espaces de forêt. Le prix convenu a été celui proposé par l'Etat de Vaud, à savoir un montant de 5'000 fr.
L'acte constitutif de la servitude a été établi le 30 mars 1999. Celui-ci prévoyait que le propriétaire de la parcelle no 1666 supportait les frais d'aménagement, de même que les frais d'entretien du chemin, exception faite des dégâts ponctuels qui seraient occasionnés par le propriétaire de la parcelle no 1668. La servitude a été inscrite au registre foncier.
A.c A plusieurs reprises, des arbres situés sur la propriété de X.________ se sont abattus sur le tracé des servitudes - servitude pour véhicules et servitude à pied - dont bénéficie la parcelle appartenant aux consorts Y.________. Dès juillet 2005, ceux-ci ont donc invité X.________ et son mari à entretenir la forêt en cause. X.________ s'est référée à la répartition des frais d'entretien prévue dans l'acte constitutif de servitude pour véhicules, précisant que ce dernier ne lui imposait aucune obligation à cet égard.
B.
B.a Le 3 août 2007, les époux Y.________ ont ouvert action devant le Président du Tribunal civil de l'arrondissement de l'Est vaudois, concluant, notamment, à ce que X.________ leur doive 1'500 fr. (I), à ce qu'ordre lui soit donné de remettre en état les chemins sur lesquels s'exercent les servitudes de passage au bénéfice de leur parcelle (II) et de procéder aux travaux d'entretien réguliers de la forêt jouxtant la parcelle no 1666 (III).
X.________ a conclu au rejet des conclusions déposées par les époux Y.________ (I) et pris treize chefs de conclusions reconventionnelles. En substance, elle a demandé la constatation de la nullité de l'acte constitutif de la servitude établi en mars 1999, la radiation de celle-ci ainsi que la démolition de la route en ciment construite sur le tracé de la servitude (chefs de conclusions II à VII) et réclamé qu'il soit constaté que les frais liés à la sécurité des différents droits de passage en faveur de la parcelle no 1666 soient supportés par les époux Y.________ (VIII et XI). X.________ a ensuite réclamé qu'il soit constaté que la servitude de passage grevant la parcelle no 1668 en faveur de la parcelle no 1666 n'autorisait pas l'usage des véhicules à moteur (IX et X). Enfin, elle a demandé la libération totale et la radiation de la servitude de passage à pied grevant la parcelle no 1669 en faveur de la parcelle no 1666 (XII à XIV).
Par jugement du 2 juin 2008, le Président du Tribunal civil de l'arrondissement de l'Est vaudois a partiellement admis les conclusions des époux Y.________. Il a ainsi notamment ordonné à X.________ de procéder aux travaux d'entretien réguliers de la forêt jouxtant la parcelle no 1666, cela aux fins de permettre un exercice normal des servitudes de passage grevant les parcelles nos 1668 et 1669 et a renvoyé au texte de l'acte constitutif de la servitude de passage en faveur de la parcelle no 1668 s'agissant des frais d'entretien du chemin de cette servitude. Il a rejeté pour le surplus toutes les autres conclusions des demandeurs, de même que les conclusions reconventionnelles de X.________. Le Président du Tribunal a ainsi retenu, entre autres, que le service forestier avait valablement octroyé aux consorts Y.________ une dérogation à l'interdiction de circuler sur les routes forestières, ce qui entraînait le rejet des conclusions de X.________ relatives à la radiation de la servitude de passage grevant la parcelle no 1668.
B.b Statuant le 8 janvier 2009, la Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud a rejeté l'appel interjeté par X.________ contre le jugement rendu en première instance et a confirmé ce dernier par substitution de motifs. L'arrêt a été notifié aux parties le 5 mars 2009.
C.
Par acte du 20 avril 2009, X.________ (ci-après la recourante) interjette, devant le Tribunal fédéral, un recours qu'elle intitule à la fois recours en matière civile et recours constitutionnel subsidiaire. La recourante reprend les conclusions présentées devant les instances cantonales, demandant subsidiairement l'annulation de la décision cantonale et le renvoi de l'affaire à l'autorité précédente. Tant sous l'angle de son recours en matière civile que de son recours constitutionnel subsidiaire, la recourante invoque une application arbitraire de la législation fédérale et cantonale en matière de forêts, de l'art. 20 CO ainsi que des art. 641, 680 al. 3, 736 al. 2 et 737 al. 3 CC. Enfin, elle affirme que la cour cantonale aurait violé son droit d'être entendue, garanti par l'art. 29 al. 2 Cst.
Invités à se déterminer, les époux Y.________ (ci-après les intimés) concluent au rejet du recours. La cour cantonale s'est référée aux considérants de son arrêt.
Considérant en droit:
1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 133 III 489 consid. 3, 462 consid. 2, p. 465).
1.1 L'arrêt entrepris a été rendu dans une affaire civile (art. 72 al. 1 LTF), de nature pécuniaire.
1.1.1 Le recours en matière civile n'est en principe ouvert que si la valeur litigieuse minimale de 30'000 fr. est atteinte (art. 74 al. 1 let. b LTF). C'est le montant litigieux devant la dernière instance cantonale qui est déterminant (art. 51 al. 1 let. a LTF) et l'autorité cantonale de dernière instance doit mentionner celui-ci dans son arrêt (art. 112 al. 1 let. d LTF). Lorsque les conclusions ne tendent pas au paiement d'une somme d'argent déterminée, le Tribunal fédéral fixe la valeur litigieuse selon son appréciation (art. 51 al. 2 LTF), comme sous l'ancien droit (art. 36 al. 2 OJ; cf. Message concernant la révision totale de l'organisation judiciaire fédérale du 28 février 2001, in FF 2001, ch. 4.1.2.6 in fine, p. 4099). Ce contrôle d'office ne supplée toutefois pas au défaut d'indication de la valeur litigieuse: il n'appartient pas en effet au Tribunal fédéral de procéder lui-même à des investigations pour déterminer cette valeur, si elle ne résulte pas d'emblée des constatations de la décision attaquée (art. 105 al. 1 LTF) ou d'autres éléments ressortant du dossier (cf. arrêt 5A_621/2007 du 15 août 2008 consid. 1.2; JEAN-FRANÇOIS POUDRET, Commentaire de la loi fédérale d'organisation judiciaire, vol. I, n. 4.1 ad art. 36 OJ). Le recourant doit ainsi indiquer, conformément à l'art. 42 al. 1 et 2 LTF, les éléments suffisants pour permettre au Tribunal de céans d'estimer aisément la valeur litigieuse, sous peine d'irrecevabilité (Jean-Maurice Frésard, Commentaire LTF, n. 7 ad art. 51). Le Tribunal fédéral n'est toutefois lié ni par l'estimation de la partie recourante ou un accord des parties, ni par une estimation manifestement erronée de l'autorité cantonale (arrêt 5A_641/2008 du 8 janvier 2009 consid. 1.1 et la référence; BEAT RUDIN, in: Basler Kommentar, n° 47 ad art. 51 LTF et les références).
Lorsque la contestation porte sur l'existence d'une servitude, on retiendra l'augmentation de valeur qu'elle procurerait au fonds dominant ou, si elle est plus élevée, la diminution de valeur du fonds servant (ATF 113 II 151 consid. 1; 95 II 14 consid. 1; arrêts 5A_23/2008 du 3 octobre 2008 consid. 1.1 et la jurisprudence citée; 5A_32/2008 du 29 janvier 2009 consid. 1.2; 5A_621/2007 précité consid. 1.2).
1.1.2 En l'espèce, étaient encore litigieuses devant la dernière instance cantonale les conclusions de la recourante tendant à la suppression de la servitude de passage à pied et pour tous véhicules ainsi qu'à l'enlèvement du chemin aménagé sur l'assiette de cette servitude, la conclusion visant à la libération et à la radiation de la servitude de passage à pied grevant la parcelle no 1669 en faveur de celle des intimés, ainsi que celle visant à faire supporter à ceux-ci l'entretien des forêts jouxtant ces deux servitudes de passage.
La recourante soutient que la valeur litigieuse serait atteinte en considérant que l'entretien de la forêt serait une prestation périodique, chiffrée à 2'000 fr., qu'elle capitalise sur vingt ans. Elle affirme ensuite péremptoirement que le coût de l'enlèvement du chemin litigieux serait de 30'000 fr., mais ne donne aucune indication sur la valeur liée à la suppression des deux servitudes (passage pour tous véhicules et passage à pied exclusivement). Il ressort du dossier cantonal que le coût d'abattage des arbres, lié à l'entretien de la forêt, est de 2'000 fr. Cet abattage ponctuel, ne saurait toutefois être considéré sans autre comme une prestation périodique à capitaliser. Aucun élément ne permet en outre de retenir que l'enlèvement de l'aménagement du chemin serait supérieur à 30'000 fr., les intimés se référant à une pièce exposant que le coût d'aménagement s'est élevé à 15'000 fr. Quant à l'estimation du coût de la suppression de la servitude de passage à pied et pour tous véhicules, il est rappelé que celle-ci a été constituée pour un montant de 5'000 fr. Enfin, la recourante ne dit mot de la valeur liée à la suppression des deux servitudes de passage (à pied et pour tous véhicules) et les éléments du dossier ne permettent pas non plus de l'estimer. Il s'ensuit qu'il n'est donc pas possible de constater d'emblée et avec certitude que l'addition des divers chefs de conclusions formulés par la recourante atteint 30'000 fr. (art. 52 LTF). Faute de constatations ou d'éléments d'appréciation permettant au Tribunal fédéral de fixer aisément la valeur litigieuse, le recours en matière civile est donc irrecevable au regard de l'art. 74 al. 1 let. b LTF.
1.2 Reste à vérifier si la contestation soulève une question juridique de principe, auquel cas le recours serait recevable même si la valeur litigieuse n'est pas atteinte (art. 74 al. 2 let. a LTF).
La recourante prétend que son recours soulèverait trois questions juridiques de principe: l'arrêt de la Cour de céans définirait avant tout la notion de "route forestière"; il permettrait ensuite de trancher si la législation fédérale ou cantonale en matière de forêts doit entraîner la nullité d'un contrat constitutif de servitude au sens de l'art. 20 CO et de déterminer enfin si la possibilité éventuelle d'obtenir une autorisation de défrichement selon l'art. 5 al. 2 LFo suffit à autoriser la conduite d'un véhicule à moteur en forêt.
Comme il le sera démontré ci-après (consid. 4.1 infra), la question qu'il convient en réalité de trancher n'est pas de déterminer si les conditions d'une dérogation à l'interdiction de circuler en forêt sont ou non remplies, mais celle de savoir si le juge civil doit ordonner la radiation d'une servitude dont l'inscription a été effectuée il y a plusieurs années, sur la base d'une décision administrative rendue en 1992, à savoir avant l'entrée en vigueur de la loi fédérale sur les forêts (ci-après LFo; RS 921.0). Les questions que soulève la recourante sont ainsi sans pertinence pour l'issue du recours et n'auront, en conséquence, pas à être examinées. Le recours en matière civile est donc irrecevable sous cet angle.
1.3 Reste à déterminer si le recours est recevable au titre de recours constitutionnel subsidiaire (art. 113 ss LTF).
Dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF applicable par renvoi de l'art. 117 LTF), rendue par un tribunal supérieur statuant sur recours en dernière instance cantonale (art. 75 al. 1 LTF applicable par renvoi de l'art. 114 LTF), le recours est en principe recevable. Il a également été déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF applicable par renvoi de l'art. 117 LTF), par une partie qui a pris part à la procédure devant l'autorité précédente et a un intérêt juridique à la modification de l'arrêt attaqué (art. 115 LTF).
1.4 Contrairement à ce qu'affirme la recourante, elle n'a pas déposé deux recours dans un seul mémoire comme le lui permet l'art. 119 LTF. Elle n'a au contraire formé qu'un seul recours, intitulé à la fois recours en matière civile et recours constitutionnel subsidiaire. Il résulte du considérant qui précède qu'en tant que recours en matière civile, le recours est irrecevable. A lui seul, l'intitulé erroné d'un recours ne nuit cependant pas à son auteur, pour autant que les conditions d'une conversion en la voie de droit adéquate soient réunies (ATF 134 III 379 consid. 1.2 p. 382 et les arrêts cités). C'est le cas en l'espèce, de sorte qu'il convient de traiter l'écriture comme un recours constitutionnel subsidiaire. Seule peut en conséquence être invoquée la violation des droits constitutionnels (art. 116 LTF).
2.
2.1 Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 118 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si les faits ont été établis en violation de droits constitutionnels (art. 118 al. 2 et 116 LTF).
Le Tribunal fédéral ne sanctionne la violation de droits fondamentaux que si un tel moyen est invoqué et motivé par le recourant (art. 106 al. 2 LTF; principe d'allégation, Rügeprinzip, principio dell'allegazione), les exigences de motivation de l'acte de recours correspondant à celles de l'ancien art. 90 al. 1 let. b OJ (ATF 133 II 249 consid. 1.4.2 p. 254). Le recourant qui se plaint d'arbitraire ne saurait, dès lors, se contenter d'opposer sa thèse à celle de la juridiction cantonale, mais doit démontrer, par une argumentation précise, en quoi consiste la violation. Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (cf. ATF 133 III 585 consid. 4.1; 130 I 258 consid. 1.3 et les arrêts cités).
L'arbitraire prohibé par l'art. 9 Cst. ne résulte pas du seul fait qu'une autre solution pourrait entrer en considération ou même qu'elle serait préférable; le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue en dernière instance cantonale que si elle est manifestement insoutenable, méconnaît gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté ou si elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice ou de l'équité. Il ne suffit pas que la motivation de la décision soit insoutenable; encore faut-il qu'elle soit arbitraire dans son résultat (ATF 132 I 13 consid. 5.1; 131 I 217 consid. 2.1, 57 consid. 2; 129 I 173 consid. 3.1).
2.2 Dans le cadre du recours constitutionnel subsidiaire, le Tribunal fédéral dispose d'un pouvoir d'examen limité, de sorte qu'il ne peut procéder à une substitution de motifs que pour autant que la nouvelle motivation n'ait pas expressément été réfutée par l'autorité cantonale et qu'elle résiste, à son tour, au grief de violation des droits constitutionnels (ATF 128 III 4 consid. 4c/aa; 112 Ia 353 cons. 3c/bb).
3.
3.1 Le premier juge a considéré que les demandeurs avaient obtenu une dérogation à l'interdiction de circuler en forêt par actes concluants, l'Inspection des forêts les ayant autorisés, par lettre du 20 juillet 1992, à renforcer le chemin d'accès à leur parcelle.
La Chambre des recours a indiqué que, dans ce genre de situations, l'art. 15 al. 2 de LFo ne permettait pas aux cantons d'accorder de dérogations pour autoriser la circulation en forêt, ce d'autant plus que la route litigieuse n'était pas une route forestière. Seul un défrichement pourrait entrer en ligne de compte pour justifier l'existence de la route. La question de savoir si la lettre adressée aux demandeurs par l'Inspection des forêts en 1992 constituait une telle autorisation pouvait néanmoins rester ouverte. En effet, si le contrat passé était peut être en contradiction avec une règle de droit public, il n'était pas nul pour autant. Non seulement une telle conséquence n'était pas prévue par la LFo, mais il appartenait également à l'autorité administrative d'en sanctionner la violation. La cour cantonale a finalement conclu que, vu l'intervention de l'autorité forestière, l'on pouvait douter que les intimés "ne [pouvaient] pas bénéficier d'un défrichement" et, qu'à tout le moins, la servitude "n'[était] pas en contradiction avec le droit public de façon si évidente que le conservateur [du registre foncier] aurait dû refuser son inscription".
3.2 La recourante soutient que le trafic automobile serait illicite en forêt. En tant que la Chambre des recours a considéré que les intimés étaient légitimés à rouler dans une forêt protectrice de type B au volant de véhicules à moteur, elle aurait interprété de manière insoutenable les art. 15 LFo, l'art. 13 de l'ordonnance sur les forêts (ci-après OFo; RS 921.01) et l'art. 16 de la loi forestière vaudoise (ci-après LVLFo; RS VD 921.01). Il en résulterait que l'arrêt rendu obligerait la recourante à tolérer sur son fonds un comportement qui l'exposerait à une sanction pénale au sens de l'art. 43 al. 1 lit. d LFo, combiné à l'art. 43 al. 2 LFo, ce qui serait choquant et contraire à l'ordre constitutionnel suisse. Dans la mesure où, conformément aux art. 15 LFo, 13 OFo et 16 LVLFo, le trafic automobile serait illicite en forêt, la recourante en déduit également que le contrat constitutif de servitude serait nul au sens des art. 680 al. 3 CC et 20 CO, dispositions que l'arrêt cantonal aurait grossièrement méconnues.
Les intimés contestent l'illicéité de la servitude accordée. En tant que l'Inspection des forêts leur avait permis de renforcer le chemin d'accès à leur parcelle, ils bénéficieraient d'une dérogation accordée par actes concluants à l'interdiction générale de circuler en forêt. Les conditions d'octroi d'un droit de passage nécessaire - issue insuffisante sur la voie publique, intérêt supérieur des intimés à pouvoir accéder à leur parcelle et versement d'une indemnité à la recourante - seraient au demeurant réalisées en l'espèce.
4.
4.1 Le propriétaire d'une chose a le droit d'en disposer librement, dans les limites de la loi (art. 641 al. 1 CC). Le droit de la Confédération, des cantons et des communes peut apporter, dans l'intérêt public, des restrictions à la propriété, notamment s'agissant de la police des forêts (art. 702 CC). Il s'agit là d'une réserve au sens impropre, spéciale par rapport à l'art. 6 CC. Les particuliers ne peuvent pas, par une convention privée, modifier ou supprimer ces restrictions établies dans l'intérêt public (art. 680 al. 3 CC; ARTHUR MEIER-HAYOZ, Berner Kommentar, 3e éd. 1974, n. 138 ad art. 680; PAUL-HENRI STEINAUER, Les droits réels, tome II, 3e éd., 2002, n. 1945).
Le contrat de servitude foncière est passé en la forme écrite (art. 732 CC); il est suivi d'une réquisition au registre foncier en vue de l'inscription constitutive de la servitude. Le conservateur doit refuser l'inscription de la servitude lorsque l'autorisation d'une autorité est nécessaire et qu'elle fait défaut (art. 24 al. 1bis let. b de l'Ordonnance sur le registre foncier [ci-après ORF; RS 211.432.1]). Si une loi fédérale prévoit que le conservateur doit surseoir à l'inscription jusqu'à ce qu'une autre autorité ait décidé si l'acte sous réquisition est assujetti à autorisation, le conservateur porte la réquisition au journal et notifie au requérant le délai légal pour introduire la procédure d'autorisation (art. 24a ORF).
L'art. 15 LFo prévoit l'interdiction générale de circuler en forêt et sur des routes forestières avec un véhicule à moteur pour des activités autres que forestières. Il s'agit d'une restriction légale directe de droit public (Marie-Claire PONT VEUTHEY, De quelques restrictions de droit public à la propriété foncière, Revue Suisse du Notariat et du Registre foncier [RNRF] 2000 p. 153 ss, p. 165). La LFo est toutefois entrée en vigueur le 1er janvier 1993, alors que l'autorisation d'inscrire la servitude d'accès aux conditions stipulées a été délivrée le 20 juillet 1992. La question de savoir si le canton pouvait ou peut encore admettre des dérogations à la règle de l'interdiction générale de circuler en forêt - ce que nie la cour cantonale - n'a pas à être tranchée en l'espèce dès lors que le point litigieux n'est pas de savoir si les conditions de l'inscription d'une servitude dérogatoire étaient ou sont encore remplies, mais si le juge civil doit ordonner la radiation d'une servitude déjà inscrite depuis de nombreuses années.
4.2 Lorsqu'il est saisi d'une action en radiation d'une servitude, dont l'inscription était soumise à l'autorisation ou à la dérogation d'une autorité administrative, le juge civil ne doit pas examiner la validité de celle-ci et substituer son appréciation à celle de ladite autorité. Le juge civil ne statue en effet à titre préjudiciel sur des questions de droit public que si l'autorité compétente ne s'est pas déjà prononcée (ATF 131 III 546 consid. 2.3; 108 II 456 consid. 2; 101 III 1 consid. 3). Le juge civil est ainsi lié par la décision administrative de l'autorité compétente, à moins que celle-ci ne soit absolument nulle (ATF 108 II 456 consid. 2; arrêt 5C.91/2005 du 11 octobre 2005 consid. 1.1 publié in RNRF 2007 p. 126).
En l'espèce, la servitude d'accès consentie - dont une partie du chemin se trouve en forêt - a été autorisée par l'Inspection du canton de Vaud le 20 juillet 1992, avant l'entrée en vigueur de la LFo. Même si l'inscription au registre foncier ne s'est faite qu'en 1999, le juge civil est lié par cette décision administrative, qui n'est pas manifestement et absolument nulle. Par cette autorisation, l'Inspection du canton de Vaud a également autorisé les intimés à aménager le chemin de terre existant. Or, selon le rapport d'expertise produit par les intimés en procédure cantonale, le chemin a été construit en prenant en considération l'ensemble des conditions posées par l'Inspection des forêts; il est en outre conforme aux directives en vigueur ainsi qu'aux conditions posées par les autorités compétentes et il répond enfin aux règles de l'art.
C'est en conséquence sans arbitraire que la Chambre des recours a refusé d'ordonner la radiation de la servitude litigieuse, inscrite en 1999.
4.3 Les conclusions de la recourante tendant à la constatation de la nullité de l'acte constitutif de servitude, à la démolition du chemin litigieux ainsi qu'à l'autorisation de faire intervenir des tiers pour procéder à ladite démolition (conclusions V et VII de la recourante) sont infondées. Deviennent en conséquence sans objet ses conclusions subsidiaires visant à ce qu'il soit dit et constaté que ladite servitude n'autorise pas l'usage des véhicules à moteur (IX) et à ce qu'elle soit autorisée à prendre toutes mesures utiles afin d'empêcher le passage des intimés en véhicules à moteur sur sa parcelle (X).
La recourante ne motive pas sa conclusion liée à l'enlèvement, par les intimés, des pierres et du ciment déposés aux abords du tracé de la servitude de passage (VI). Ce dépôt ne ressort pas des faits décrits par l'arrêt cantonal, la recourante ne prétendant pas que ceux-ci auraient été établis de manière arbitraire à cet égard (art. 118 al. 2 LTF et consid. 2.1 supra). Cette conclusion est, partant, irrecevable, de même que celle permettant à la recourante de faire appel à des tiers pour procéder à cet enlèvement (VII).
5.
Il a été jugé que l'entretien des chemins de servitudes incombait aux intimés, conformément au contrat constitutif - servitude de passage à pied et pour tous véhicules grevant la parcelle no 1668 - et à l'art. 741 al. 1 CC - servitude de passage à pied grevant la parcelle no 1669. Seule demeure litigieuse l'obligation éventuelle de la recourante d'entretenir sa forêt à titre préventif, afin d'éviter que des arbres ou branches mortes ne tombent sur l'assiette des servitudes.
5.1 Contrairement au premier juge, le Tribunal cantonal a considéré que les dangers dus aux arbres et branches morts menaçant de tomber sur l'assiette de la servitude ne pouvaient être inclus dans les dégâts ponctuels au sens du contrat constitutif et être mis, sur cette base, à la charge du propriétaire de la parcelle no 1668. Néanmoins, le propriétaire du fonds servant étant tenu de permettre le passage sur sa propriété, la recourante ne pouvait l'empêcher ou le rendre plus difficile en s'abstenant d'entretenir sa forêt (art. 737 al. 3 CC). Se fondant sur cette dernière disposition - qui s'appliquait aux deux servitudes dont bénéficient la parcelle des intimés -, les juges cantonaux ont confirmé le jugement attaqué qui ordonnait à la recourante de procéder aux travaux d'entretien réguliers de la forêt, afin que les bénéficiaires des servitudes puissent exercer celles-ci normalement.
5.2 La recourante soutient que l'obligation d'entretenir sa forêt ne lui incombe pas. Elle affirme avant tout que l'art. 737 al. 3 CC vise à sanctionner des comportements actuels et non de simples risques émanant, qui plus est, de la nature. L'obligation qu'on veut lui imposer serait en outre disproportionnée et dépasserait ce qui serait raisonnablement exigible de la part du propriétaire du fonds servant au titre d'obligation propter rem. La servitude de passage litigieuse deviendrait ainsi un droit hybride, mélange de servitude et de charge foncière, qui sortirait du catalogue exhaustif des droits réels. S'agissant plus particulièrement de la servitude de passage à pied et pour tous véhicules, la recourante explique qu'une telle obligation ne ressortirait pas du contrat constitutif de servitude et n'aurait pas été voulue par les parties: il résulterait en effet de leur commune et réelle intention que celles-ci ne souhaitaient pas lui faire supporter les frais de coupe de branchages et de troncs. Faute d'avoir recherché la réelle et commune intention des parties, le Tribunal cantonal aurait violé l'art. 18 CO.
L'argumentation des intimés est assez confuse. Estimant avant tout que c'est à juste titre que l'art. 737 al. 3 CC a été appliqué par la cour cantonale - cette dernière disposition impliquant à leur sens non seulement un comportement passif de la part du propriétaire grevé, mais également une attitude active de celui-ci - ils semblent toutefois reprendre ensuite l'argumentation du premier juge, en soutenant que les dangers dus aux arbres et branches morts menaçant de tomber sur l'assiette de la servitude devraient être inclus dans les dégâts ponctuels au sens du contrat constitutif. Les intimés n'expliquent pas sur quelles dispositions légales ils se fondent pour exiger de la recourante l'entretien préventif de sa forêt, afin d'éviter les dangers pouvant survenir sur le chemin de la servitude de passage à pied, non soumise au contrat constitutif de 1999.
5.3 Il convient donc d'examiner si la cour cantonale pouvait, sans arbitraire, en se fondant sur l'art. 737 al. 3 CC, mettre à la charge de la recourante les frais liés à l'entretien des forêts jouxtant les servitudes de passage, ou si, comme semblent le prétendre les recourants, une telle obligation pouvait être rattachée au contrat constitutif de servitude.
5.3.1 Aux termes de l'art. 737 al. 3 CC, le propriétaire grevé ne peut en aucune façon empêcher ou rendre plus incommode l'exercice de la servitude. Cette règle est néanmoins limitée par le caractère même de la servitude (PETER LIVER, Zürcher Kommentar, 1968, n. 76 ad art. 737 CC), laquelle consiste en un devoir de tolérance ou d'abstention, à savoir une attitude passive et non active du propriétaire grevé (ATF 106 II 315 consid. 2e; Liver, op. cit., n. 76 ad art. 737 CC; Steinauer, op. cit., n. 2205; Hans Michael Riemer, Die beschränkten dinglichen Rechte, 2e éd., 2000, p. 71, n. 18). Une obligation de faire peut néanmoins être constituée à titre accessoire, en relation avec une servitude foncière (art. 730 al. 2 CC). Cette règle permet ainsi aux parties de prévoir, sans avoir à constituer de charge foncière, que le propriétaire du fonds servant doit faciliter ou assurer l'exercice de la servitude par des prestations positives, généralement liées à l'entretien des ouvrages ou installations nécessaires à l'exercice du droit (Steinauer, op. cit., n. 2219 et les références citées; Liver, op. cit., n. 202 ss et 212 ss ad art. 730 CC). A supposer que l'entretien de la forêt puisse constituer une obligation accessoire des servitudes de passage, force est toutefois d'admettre que, s'agissant de la servitude de passage pour véhicules, une telle obligation ne ressort pas du contrat constitutif, celui-ci réglant exclusivement les modalités d'entretien du chemin de servitude. Les intimés ne prétendent pas non plus qu'une telle obligation ressortirait du contrat constitutif de la servitude de passage à pied.
En tant que la servitude implique une attitude passive du propriétaire grevé, c'est donc arbitrairement que les juges cantonaux se sont fondés sur l'art. 737 al. 3 CC pour exiger de la recourante un comportement actif, consistant en l'entretien de la forêt traversée par les chemins de servitude, une telle obligation ne pouvant au demeurant nullement être rattachée aux contrats constitutifs de servitudes.
6.
6.1 Concluant à la libération totale et à la radiation de la servitude de passage à pied grevant sa parcelle no 1669 en faveur de la parcelle no 1666, la recourante affirme ensuite que la Chambre des recours aurait appliqué de manière arbitraire l'art. 736 al. 2 CC en omettant d'examiner si les conditions d'application de l'art. 736 al. 2 CC étaient remplies en l'espèce.
6.2 La cour cantonale a considéré qu'aucun élément de fait ne permettait de conclure la perte d'utilité de la servitude. Elle a par ailleurs considéré que les charges imposées à la recourante n'étaient pas disproportionnées dès lors qu'elles consistaient en l'entretien usuel de la forêt, prestation ordinaire incombant à son propriétaire. Cette obligation existait en outre déjà lors de la constitution de la servitude litigieuse, si bien que l'on ne se trouvait pas en présence d'un fait postérieur à la constitution de la servitude, condition d'application de l'art. 736 al. 2 CC.
6.3 Aux termes de l'art. 736 al. 2 CC, le propriétaire grevé peut obtenir la libération totale ou partielle d'une servitude qui ne conserve qu'une utilité réduite, hors de proportion avec les charges imposées au fonds servant. La libération suppose que les faits qui aggravent la charge pour le fonds servant soient postérieurs à la constitution de la servitude et que l'intérêt au maintien de la servitude soit devenu proportionnellement ténu, que ce soit en raison d'une diminution de l'intérêt du propriétaire du fonds dominant ou d'une aggravation de la charge pour le propriétaire du fonds servant (ATF 107 II 331 consid. 4; cf. dans ce sens déjà ATF 43 II 29 consid. 2 p. 37/38). Les textes allemand et italien de l'art. 736 al. 2 CC précisent en outre qu'une telle libération ne peut intervenir que contre indemnité («gegen Entschädigung», «mediante indennità»), précision qui est tombée par inadvertance dans le texte français (cf. PIOTET, op. cit., p. 61; LIVER, op. cit., n. 181 ad art. 736 CC et les références citées).
La recourante ne peut se contenter d'affirmer que les juges cantonaux n'ont pas examiné les conditions d'application de l'art. 736 al. 2 CC pour se plaindre d'une application arbitraire de cette disposition et conclure à ce que sa parcelle soit libérée de la servitude de passage à pied en faveur des intimés. Non seulement la motivation de la recourante n'est pas conforme aux exigences exposées ci-dessus (consid. 2.1), mais elle ne démontre en outre nullement en quoi les conditions sus-exposées seraient remplies. Son grief est, partant, irrecevable.
7.
La recourante reproche également à la cour cantonale de ne pas avoir examiné certaines de ses conclusions, violant ainsi son droit d'être entendue. Les juges cantonaux ne se seraient ainsi pas prononcés sur ses conclusions tendant à ce qu'il soit dit et constaté que les frais liés à la sécurité des différents droits de passage soient supportés par les intimés (conclusions VIII et XI), ni sur celles visant à ce qu'il soit dit et constaté que la servitude de passage à pied et pour tous véhicules grevant le fonds no 1668 au bénéfice de la parcelle no 1666 n'autorise pas l'usage de véhicules à moteur et à ce qu'elle soit autorisée à prendre toutes mesures utiles afin d'empêcher le passage des intimés en véhicule à moteur (conclusions IX et X).
La question relative au passage des intimés en véhicule à moteur a d'ores et déjà été examinée (consid. 4 ci-dessus), de sorte que le grief de la recourante est à ce sujet sans objet. S'agissant de la question des frais liés à la sécurité des deux différents droits de passage, elle a déjà été traitée au consid. 5 ci-dessus, si bien que ce grief est lui aussi sans objet.
8.
En conclusion, le recours en matière civile est irrecevable. Le recours constitutionnel subsidiaire est partiellement admis et l'arrêt attaqué doit être réformé en ce sens que la conclusion no III de la demande, déposée par les intimés en première instance, est rejetée. Le recours est rejeté pour le surplus, dans la mesure de sa recevabilité. Les frais judiciaires sont répartis à hauteur de 900 fr. pour les intimés et de 2'600 fr. pour la recourante qui succombe sur la presque totalité de ses treize chefs de conclusions (art. 66 al. 1 LTF). La recourante versera une indemnité de dépens aux intimés d'un montant de 1'500 fr. (art. 68 al. 1 LTF). Il appartiendra à l'autorité cantonale de statuer à nouveau sur les frais et dépens de la procédure cantonale (art. 68 al. 5 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours en matière civile est irrecevable.
2.
Le recours constitutionnel subsidiaire est partiellement admis, l'arrêt cantonal est réformé en ce sens que la conclusion III des demandeurs tendant à la condamnation de la défenderesse à procéder aux travaux d'entretien régulier de la forêt jouxtant la parcelle no 1666 est rejetée.
3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'500 fr., sont mis pour 2'600 fr. à charge de la recourante et pour 900 fr. à charge des intimés.
4.
Une indemnité réduite de 1'500 fr., à payer aux intimés à titre de dépens, est mise à la charge de la recourante.
5.
La cause est renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision sur les frais et dépens de l'instance cantonale.
6.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud.
Lausanne, le 17 novembre 2009
Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente: La Greffière:
Hohl de Poret