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Original
 
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
1B_240/2009
Arrêt du 24 septembre 2009
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges Féraud, Président, Fonjallaz et Eusebio.
Greffière: Mme Mabillard.
Parties
A.________, représenté par Me Marino Montini, avocat,
recourant,
contre
Ministère public du canton de Neuchâtel, 2001 Neuchâtel 1.
Objet
détention préventive,
recours contre l'arrêt de la Chambre d'accusation du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel du 31 juillet 2009.
Faits:
A.
Le 26 novembre 2008, le Ministère public du canton de Neuchâtel a chargé le Juge d'instruction de la Chaux-de-Fonds d'une instruction pénale dirigée contre A.________, prévenu d'infraction à l'art. 19 ch. 1 et 2 de la loi fédérale du 3 octobre 1951 sur les stupéfiants et les substances psychotropes (LStup; RS 812.121). De sérieux soupçons de trafic de cocaïne et d'héroïne pesaient sur l'intéressé, pour des quantités dépassant très largement la notion du cas grave au sens de l'art. 19 ch. 2 LStup. Les charges étaient résumées dans un rapport de police du 26 novembre 2008. Les renseignements étaient issus de sources anonymes différentes, recueillis depuis le mois de septembre 2007, et avaient été confirmés par des investigations sur le terrain et des écoutes téléphoniques vaudoises et fribourgeoises.
Le 6 janvier 2009, le Juge d'instruction a été informé que la police venait d'observer sur le terrain une transaction suspecte au restaurant X.________ à Peseux, tenu par A.________. A cet endroit, B.________, en compagnie de C.________, venait de transférer dans une BMW immatriculée dans le canton de Berne, occupée par D.________, un sac au contenu douteux. A.________ se tenait sur le pas de porte à proximité et observait la transaction. La BMW a ensuite été interceptée dans un contrôle de police, qui a permis la saisie de 5 kg d'héroïne. Le 16 janvier 2009, détenu aux prisons de Fribourg, D.________ a avoué que A.________ lui avait demandé de transporter "quelque chose" pour lui jusqu'à Genève en échange de 1'000 fr. Il a confirmé ses déclarations dans un interrogatoire du 10 juin 2009.
Un rapport complémentaire de la police neuchâteloise du 18 mars 2009 [recte: 16 mars 2009] a résumé les investigations menées durant l'hiver dans le canton de Vaud, qui démontraient que A.________ menait depuis longtemps une activité d'importation d'héroïne. E.________, interpellé dans le canton de Vaud en janvier, a admis avoir livré de la drogue à A.________ au mois de septembre 2008.
A.________ a été arrêté le 3 juin 2009 et incarcéré à la Chaux-de-Fonds. Interrogé par le Juge d'instruction, il a contesté s'être livré à tout trafic d'héroïne. Le 24 juin 2009, il a continué à prétendre que D.________ était venu chez lui pour faire de la pâte à pizza et que ce qui s'était passé au X.________, notamment entre celui-ci et B.________, ne le concernait pas. Une perquisition dans les locaux du X.________ n'a pas permis de trouver de drogue.
B.
Le 3 juillet 2009, le Juge d'instruction a rendu une ordonnance de confirmation de la détention préventive de A.________.
Par arrêt du 31 juillet 2009, la Chambre d'accusation du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel (ci-après: la Chambre d'accusation) a rejeté le recours de l'intéressé contre l'ordonnance précitée. Elle a considéré pour l'essentiel que de sérieuses présomptions de culpabilité subsistaient à l'encontre de celui-ci, qu'il existait un danger de collusion et que le risque de fuite ne pouvait être écarté.
C.
Agissant par la voie du recours en matière pénale, A.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt de la Chambre d'accusation du 31 juillet 2009 et d'ordonner sa mise en liberté. Subsidiairement, il conclut au renvoi de la cause à la Chambre d'accusation. Il demande en outre à être mis au bénéfice de l'"assistance judiciaire totale".
La Chambre d'accusation s'en remet aux considérants de son arrêt et le Ministère public conclut au rejet du recours.
Le recourant a répliqué le 11 septembre 2009. Il confirme son recours.
Considérant en droit:
1.
Les décisions relatives au maintien en détention préventive sont des décisions en matière pénale au sens de l'art. 78 al. 1 LTF (cf. ATF 133 I 270 consid. 1.1 p. 273) et incidentes causant un préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF (arrêt 1B_114/2009 du 15 juin 2009 consid. 1). Formé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) contre une décision prise en dernière instance cantonale (art. 80 LTF) et qui touche le recourant dans ses intérêts juridiquement protégés (art. 81 al. 1 let. a et b ch. 1 LTF), le recours en matière pénale est recevable.
2.
Le recourant reproche tout d'abord à la Chambre d'accusation d'avoir violé son droit d'être entendu, en motivant insuffisamment l'arrêt attaqué.
Le droit d'être entendu garanti à l'art. 29 al. 2 Cst. implique notamment pour l'autorité l'obligation de motiver sa décision. Selon la jurisprudence, la motivation d'une décision est suffisante lorsque l'autorité mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause. L'autorité ne doit toutefois pas se prononcer sur tous les moyens des parties; elle peut se limiter aux questions décisives (ATF 130 II 473 consid. 4.1 p. 477, 530 consid. 4.3 p. 540 et les arrêts cités).
Selon le recourant, la Chambre d'accusation, pour étayer les prétendues sérieuses présomptions de culpabilité, se borne à renvoyer simplement et de manière générale aux écoutes téléphoniques, aux observations de la police et aux déclarations des autres prévenus, ce qui serait manifestement insuffisant. Or, à la lecture de l'arrêt attaqué, on comprend parfaitement sur quelles bases la Chambre d'accusation s'est appuyée pour considérer que les indices de culpabilité étaient suffisants et les risques de collusion et de fuite réalisés. La Cour cantonale a exposé de façon certes brève, mais satisfaisante au point de vue du droit d'être entendu, les motifs qui ont emporté sa conviction. Dans la mesure où le recourant critique la pertinence de ces motifs, il soulève une question de fond qui sera examinée ci-après. Mal fondé, le grief doit être rejeté.
3.
Une mesure de détention préventive n'est compatible avec la liberté personnelle, garantie par les art. 10 al. 2 Cst. et 5 CEDH, que si elle repose sur une base légale (art. 31 al. 1 et 36 al. 1 Cst.), soit en l'espèce les art. 117 et 119 du code de procédure pénale neuchâtelois du 19 avril 1945 (CPP/NE). Elle doit en outre correspondre à un intérêt public et respecter le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 2 et 3 Cst.; ATF 123 I 268 consid. 2c p. 270). Pour que tel soit le cas, la privation de liberté doit être justifiée par les besoins de l'instruction, un risque de fuite ou un danger de collusion ou de réitération (cf. art. 117 al. 1 CPP/NE). La gravité de l'infraction - et l'importance de la peine encourue - n'est, à elle seule, pas suffisante (ATF 125 I 60 consid. 3a p. 62; 117 Ia 69 consid. 4a p. 70). Préalablement à ces conditions, il doit exister à l'égard de l'intéressé des charges suffisantes, soit de sérieux soupçons de culpabilité (art. 5 par. 1 let. c CEDH; arrêt 1B_63/2007 du 11 mai 2007 consid. 3 non publié in ATF 133 I 168; art. 117 al. 1 in initio CPP/NE). S'agissant d'une restriction grave à la liberté personnelle, le Tribunal fédéral examine librement ces questions, sous réserve toutefois de l'appréciation des preuves, revue sous l'angle restreint de l'arbitraire (ATF 123 I 268 consid. 2d p. 271; pour une définition de l'arbitraire, cf. art. 9 Cst. et ATF 133 I 149 consid. 3.1 p. 153; 132 I 13 consid. 5.1 p. 17; 131 I 217 consid. 2.1 p. 219; 129 I 8 consid. 2.1 p. 9). L'autorité cantonale dispose ainsi d'une grande liberté dans l'appréciation des faits (ATF 114 Ia 283 consid. 3; 112 Ia 162 consid. 3b).
4.
Le recourant remet en cause l'existence de charges suffisantes à son encontre. Il fait valoir qu'il a toujours nié être impliqué dans un quelconque trafic de drogue et qu'aucun élément suspect n'a été retrouvé dans ses locaux. Hormis les déclarations de D.________, rien au dossier ne permettrait de contrecarrer ses dénégations. De plus, il tient un établissement public, ouvert également à des personnes mal intentionnées; cela ne fait pas encore de lui un complice ou un intervenant pénalement répréhensible.
4.1 Appelé à se prononcer sur la constitutionnalité d'une décision de maintien en détention préventive, le Tribunal fédéral n'a pas à procéder à une pesée complète des éléments à charge et à décharge, ni à apprécier la crédibilité des personnes ou des éléments de preuve mettant en cause le prévenu. Il doit uniquement examiner s'il existe des indices sérieux de culpabilité justifiant une telle mesure (arrêt 1P.405/ 1998 du 30 novembre 1998 consid. 7b/cc, non publié in ATF 125 I 146; ATF 116 Ia 143 consid. 3c p. 146). L'intensité des charges permettant de justifier une mesure de détention n'est pas la même aux divers stades de l'instruction pénale; si l'on admet qu'après l'accomplissement des actes d'instruction envisageables la perspective d'une condamnation doive apparaître vraisemblable, des soupçons, même encore peu précis, peuvent être considérés comme suffisants dans les premiers temps de l'enquête (arrêt 1P.713/1991 du 27 novembre 1991 consid. 4b/aa).
4.2 Dans le cas particulier, la Cour cantonale a considéré que non seulement les écoutes téléphoniques, mais les observations de la police, les déclarations de D.________ et celles de E.________ constituaient un faisceau d'indices convaincants. Il n'est pas déterminant que le recourant n'ait pas eu connaissance des pièces relatives aux écoutes téléphoniques vaudoises et fribourgeoises, comme il le soutient, puisque les soupçons ne sont pas fondés exclusivement sur ces indices mais ressortent de l'ensemble du dossier. Le rapport de police du 26 novembre 2008 indique notamment que, de source confidentielle avérée et fiable, le recourant trempait dans des affaires douteuses, dans la mesure où il amenait en Albanie de l'argent provenant d'un trafic de stupéfiants. Il semblait également faire partie d'un réseau actif dans ce trafic. Le 6 janvier 2009, la police a observé une transaction suspecte devant son restaurant X.________. B.________ transférait dans la voiture de D.________ un sac au contenu douteux, sous le regard du recourant; il s'est avéré que ce sac contenait 5 kg d'héroïne. Interrogé par la police, puis le Juge d'instruction, D.________ a avoué que A.________ lui avait demandé de transporter "quelque chose" pour lui jusqu'à Genève en échange de 1'000 fr. Interpellé dans le canton de Vaud en janvier 2009, un dénommé E.________ a admis avoir livré de la drogue à A.________ au mois de septembre 2008. Par ailleurs, le rapport complémentaire de la police neuchâteloise du 16 mars 2009 révèle que les résultats des investigations tendaient en l'état à démontrer que A.________ menait depuis longtemps une activité d'importation d'héroïne.
L'ensemble de ces éléments, en particulier les déclarations de D.________ et E.________, constitue un faisceau d'indices suffisant pour justifier un maintien en détention du recourant, malgré ses protestations d'innocence, étant rappelé que c'est au juge du fond et non à celui de la détention qu'il incombera d'apprécier la valeur probante des différentes déclarations.
5.
Le recourant estime que la Cour cantonale est tombée dans l'arbitraire en retenant, pour étayer le risque de fuite, que son restaurant avait dû être remis en raison de sa détention préventive.
Selon la jurisprudence, le risque de fuite doit s'analyser en fonction d'un ensemble de critères tels que la gravité de l'infraction, le caractère de l'intéressé, sa moralité, ses ressources, ses liens avec l'État qui le poursuit ainsi que ses contacts à l'étranger, qui font apparaître un tel danger non seulement possible, mais également probable (ATF 125 I 60 consid. 3a p. 62 et les arrêts cités).
En l'espèce, la Chambre d'accusation a relevé que le recourant était ressortissant du Kosovo, où il avait effectué sa scolarité obligatoire. Il avait effectué deux séjours de quelques mois en Suisse en 1986. Il était ensuite retourné dans son pays d'origine où il avait fait son service militaire puis était revenu en Suisse en 1988. Sa femme, dont il était séparé depuis 1996, habitait toujours en Suisse, avec leur quatre enfants majeurs. Il vivait en concubinage avec une compagne dont il avait fait la connaissance en 2006 et avec laquelle il avait une petite fille, née en 2007. Il avait repris le restaurant X.________ en 2008 qu'il avait tenu jusqu'à son incarcération et était propriétaire d'une maison à Neuchâtel. La Cour cantonale a considéré que, malgré le fait que le recourant avait une petite fille en Suisse, le risque de fuite était réalisé compte tenu de l'importance de la peine qu'il risquait et vu les liens qu'il entretenait avec son pays d'origine, dans lequel les écoutes téléphoniques montraient qu'il se rendait régulièrement, et ce d'autant plus que X.________ avait été remis. Il apparaît que la remise du restaurant n'est pas l'unique motif pertinent retenu par la Cour cantonale et que, au vu des circonstances précitées, celle-ci pouvait admettre, sans mésuser de son pouvoir d'appréciation, qu'il existait un risque concret de fuite.
6.
Le recourant conteste enfin implicitement le risque de collusion. Selon lui, la Chambre d'accusation affirme, sans le motiver, que l'enquête n'en est qu'à ses débuts, alors que les premières mesures d'instruction datent d'il y a plus de neuf mois et que de nombreux actes d'enquête ont déjà été effectués par la police.
6.1 Le maintien du prévenu en détention peut être justifié par l'intérêt public lié aux besoins de l'instruction en cours. Tel est le cas par exemple lorsqu'il est à craindre que l'intéressé ne mette sa liberté à profit pour faire disparaître ou altérer les preuves, ou pour prendre contact avec des témoins ou d'autres prévenus, afin de tenter d'influencer leurs déclarations (ATF 132 I 21 consid. 3.2 p. 23; 128 I 149 consid. 2.1 p. 151 et les arrêts cités). On ne saurait toutefois se contenter d'un risque de collusion abstrait, car ce risque est inhérent à toute procédure pénale en cours et doit, pour permettre à lui seul le maintien en détention préventive, présenter une certaine vraisemblance. L'autorité doit ainsi indiquer, au moins dans les grandes lignes et sous réserve des opérations à conserver secrètes, quels actes d'instruction elle doit encore effectuer et en quoi la libération du prévenu en compromettrait l'accomplissement (ATF 132 I 21 consid. 3.2 p. 23; 128 I 149 consid. 2.1 p. 151 et les arrêts cités).
6.2 La Chambre d'accusation a suffisamment motivé l'existence du risque de collusion. Elle a exposé que, même si le prévenu avait déjà été entendu par la police et le Juge d'instruction et confronté à son principal accusateur, D.________, des clients et complices étaient encore en liberté et il fallait éviter que le recourant puisse prendre contact avec eux. Elle a ajouté que, l'enquête étant à ses débuts, le rôle de chacun devait être déterminé et que les actes d'enquête destinés à connaître l'activité exacte des prévenus imposaient l'exclusion de tous contacts avec l'extérieur. La Chambre d'accusation n'a certes pas détaillé de façon très précise les actes d'instruction à effectuer, mais il ressort du dossier que plusieurs interrogatoires et confrontations des prévenus impliqués dans cette affaire sont encore prévus et que la police doit procéder à des perquisitions. Il apparaît en outre que l'instruction est de grande envergure, dans la mesure où elle porte sur d'importantes quantités d'héroïne, et que l'enquête - du moins dans sa phase d'audition des personnes impliquées dans ce trafic - a débuté depuis quatre mois seulement. Un danger concret de collusion peut ainsi effectivement être admis en l'état et le maintien en détention du recourant détention est justifiée pour ce motif également.
7.
Le recours doit par conséquent être rejeté. Dès lors que le recourant est dans le besoin et que ses conclusions ne paraissaient pas d'emblée vouées à l'échec, l'assistance judiciaire doit lui être accordée (art. 64 al. 1 LTF). Le recourant requiert la désignation de Me Marino Montini en qualité d'avocat d'office. Il y a lieu de faire droit à cette requête et de fixer d'office les honoraires de l'avocat, qui seront supportés par la caisse du Tribunal fédéral (art. 64 al. 2 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est rejeté.
2.
La demande d'assistance judiciaire est admise. Me Marino Montini est désigné comme avocat d'office du recourant et une indemnité de 1'500 fr. lui est allouée à titre d'honoraires.
3.
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, au Ministère public et à la Chambre d'accusation du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel.
Lausanne, le 24 septembre 2009
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière:
Féraud Mabillard