BGer 4A_435/2007
 
BGer 4A_435/2007 vom 26.03.2008
Tribunale federale
{T 0/2}
4A_435/2007
Arrêt du 26 mars 2008
Ire Cour de droit civil
Composition
M. et Mmes les Juges Corboz, Président, Klett et Romy, Juge suppléante.
Greffière: Mme Crittin.
Parties
X.________ SA,
recourante, représentée par Me François Roullet,
contre
Y.________ Ltd,
intimée, représentée par Me Mauro Poggia.
Objet
contrat de distribution exclusive,
recours en matière civile contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève du 14 septembre 2007.
Faits:
A.
A.a A.________ est un ressortissant suisse, domicilié à .... Il s'est fait connaître dans le monde de l'horlogerie en tant que "designer" et a notamment réalisé des montres pour ..., ..., ..., ... ou .... A.________ est personnellement titulaire de la marque "A.________" déposée à ... pour le monde entier, marque sous laquelle sont produits des instruments d'écriture et des montres.
Dès 1990, A.________ a réalisé, au travers de la raison individuelle A.B.________, des dessins de montres sur commandes de tiers, ainsi que des objets plus personnalisés. Pour en assurer la production, il a fondé V.________ SA (ci-après: V.________) en 1989. Cette société a changé sa raison sociale en A.A.________ en 2000, puis en X.________ SA (ci-après: X.________) en 2004.
Le siège de cette société est à ..., dans le canton de Vaud. Elle a pour but social la production, fabrication, commercialisation, développement et distribution de tous produits d'horlogerie, bijouterie, joaillerie et branche annexe.
Y.________ LTD (ci-après: Y.________) est une société active dans les domaines de la représentation cosmétique et horlogère, ayant son siège à .... Elle fait partie du Groupe W.________, basé aux Emirats Arabes Unis.
A.b En date du 1er janvier 1999, V.________ et Y.________ ont conclu un contrat de distribution exclusive des produits "A.________", d'une durée de cinq ans, couvrant les territoires d'Arabie Saoudite, des Emirats Arabes Unis et du Qatar.
A teneur de ce contrat, V.________ s'engageait expressément à ne pas accorder la représentation et la distribution de ces produits à une tierce personne sur le territoire des pays énumérés dans le contrat. Pour sa part, Y.________ s'engageait à déployer tous ses efforts pour promouvoir et diffuser les produits de V.________.
En outre, Y.________ s'engageait à acquérir de la marchandise jusqu'au terme initial pour des sommes annuelles minimales fixées à l'annexe B du contrat (art. 2.02).
L'art. 6.01 traitait plus précisément de la résiliation, notamment en ces termes (traduction libre):
"Le fabricant peut résilier le contrat en tout temps, moyennant un préavis écrit au distributeur de cinq jours, en cas de survenance de l'un des événements suivants:
(i) (...)
(ii) Le distributeur n'a pas exécuté un paiement dans le délai et selon le mode prévu dans le contrat et ce défaut n'est pas réparé malgré une mise en demeure du fabricant avec fixation d'un délai de 30 jours;
(iii) (...)
(iv) Le distributeur viole toute autre obligation résultant du présent contrat et ne remédie pas à cette situation dans un délai de 30 jours qui suit la notification de la violation par le fabricant;
(...)."
Ce contrat incluait une clause d'arbitrage en faveur d'un Tribunal arbitral ayant son siège à Genève. Tout litige devait être tranché par un arbitre unique, appliquant le Concordat suisse sur l'arbitrage, à l'exclusion des dispositions de la LDIP prévues au chapitre 12.
A.c En date du 1er juin 1999, Y.________ et A.________ ont conclu un contrat de licence autorisant la première à utiliser ladite marque dans les trois pays visés par le contrat de distribution exclusive. Ce contrat prévoyait également une clause d'arbitrage.
B.
Par courrier du 11 octobre 2000, A.A.________ a dénoncé le contrat de distribution exclusive du 1er janvier 1999 pour le 18 octobre suivant. Elle invoquait des retards dans le paiement de six factures pour un montant total de 60'568 fr.89 et se plaignait d'une mauvaise qualité de la représentation que Y.________ lui assurait dans les pays concédés.
Par courrier du même jour, A.________ a résilié le contrat de licence du 1er juin 1999 pour le 18 octobre suivant, au motif de la résiliation du contrat principal de distribution.
Y.________ a contesté ces résiliations et a élevé des prétentions en dommages-intérêts, qui furent à leur tour niées.
Afin de trancher leurs différends, les parties ont désigné un arbitre unique à Genève.
Par requête d'arbitrage du 11 octobre 2001, Y.________ a assigné, conjointement et solidairement, V.________ et A.________ en paiement d'une somme de USD 2'504'800.- plus intérêts, à titre de dommages et intérêts pour résiliation injustifiée des contrats de distribution et de licence susmentionnés, sous déduction de sommes qu'elle reconnaissait devoir à V.________ (60'568 fr.89) et à A.________ personnellement (22'810 fr.), le tout avec suite de dépens. La requérante a également conclu à ce qu'il lui soit donné acte de ce qu'elle tenait à la disposition de V.________ le stock de marchandises en sa possession, d'une valeur de USD 264'200.- selon elle.
Y.________, V.________, A.________ et l'arbitre ont conclu et signé une convention de procédure arbitrale le 7 novembre 2001, laquelle prévoyait notamment que le droit suisse s'appliquait à la solution des litiges et que la procédure d'arbitrage était soumise au Concordat suisse sur l'arbitrage, subsidiairement à la loi de procédure civile genevoise. Les parties ont choisi "comme voie de recours en nullité le Tribunal fédéral."
Y.________ a introduit le 12 décembre 2001 deux requêtes d'arbitrage, l'une dirigée contre V.________, et l'autre dirigée contre A.________ personnellement. Ces requêtes se substituaient à celle du 11 octobre 2001. Ces deux requêtes ont débouché sur l'ouverture de deux procédures. Celles-ci ont été instruites en même temps, mais il a été convenu que chaque procédure donnerait lieu à une sentence propre.
Seule la cause opposant Y.________ à V.________ au sujet de la résiliation du contrat de distribution fait l'objet du présent recours. Dans le cadre de cette cause, Y.________ a pris les conclusions suivantes, dans leur teneur finale:
- Dire que la résiliation du contrat de distribution du 1er janvier 1999 par X.________ (anciennement A.A.________ et V.________) était injustifiée.
- Condamner, en conséquence, X.________, conjointement et solidairement avec A.________, à lui verser la somme de 2'240'000 fr. avec intérêts à 5% dès le 18 octobre 2000, sous déduction de 60'568 fr.89 et 22'810 fr.
- Lui donner acte de ce qu'elle tient à disposition de X.________ le stock de marchandises qui sera encore en sa possession à la date d'exécution du jugement à intervenir.
- Condamner X.________, conjointement et solidairement avec A.________, à lui verser en contrepartie du stock de marchandises, la contre-valeur de celui-ci, comprenant le prix auquel il lui a été vendu, augmenté des frais de transport, de dédouanement et d'assurances, ainsi que des droits de douane, étant précisé que le transport de cette marchandise depuis l'Arabie Saoudite, respectivement depuis les Emirats Arabes Unis, serait à la charge de X.________.
- Condamner X.________, conjointement et solidairement avec A.________, en tous les frais et dépens de la procédure arbitrale.
- Débouter X.________ de toutes autres mesures ou contraires conclusions.
Pour sa part, X.________ a conclu au déboutement de Y.________ de toutes ses conclusions et à ce qu'il lui soit donné acte de son accord de reprendre le stock de marchandises encore en mains de cette dernière et d'en payer le prix à la valeur facturée à celle-ci, pour autant que celui-ci soit en parfait état et sous déduction du solde de ses factures impayées s'élevant à 60'568 fr.89 plus intérêts. Sur demande reconventionnelle, elle a conclu à la condamnation de Y.________ à lui payer le montant de 60'568 fr.89 plus intérêts, avec suite de dépens, y compris une équitable indemnité de procédure en sa faveur.
Y.________ a conclu au déboutement de X.________ de toutes ses conclusions.
Le 26 octobre 2006, le Tribunal arbitral a rendu sa sentence. Il a considéré, en substance, que la résiliation immédiate pour justes motifs n'avait pas respecté les règles légales et contractuelles concernant les formes de la notification, ce qui excluait la faculté pour X.________ de résilier le contrat pour justes motifs. Subsidiairement, il a estimé que cette résiliation ne reposait, de toute façon, sur aucun juste motif, mais sur des prétextes destinés à permettre à X.________ de négocier librement avec de nouveaux partenaires commerciaux; l'absence de justes motifs résultait aussi du fait que les carences de Y.________ n'avaient pas été démontrées et que, même si cette dernière ne s'était pas montrée très percutante, elle n'avait cependant pas commis de violation crasse de ses obligations contractuelles. L'arbitre a, dès lors, considéré que X.________ devait, à teneur de l'art. 97 CO, réparer le manque à gagner de Y.________ qui résultait de cette résiliation injustifiée; il a, en outre, admis le lien de causalité entre celle-ci et le dommage allégué et a procédé à la détermination du montant du dommage, en application de l'art. 42 al. 2 CO. Enfin, il a écarté l'hypothèse d'une responsabilité solidaire personnelle de A.________ dans l'échec des relations commerciales de X.________ et Y.________ et dans la survenance du dommage en résultant.
C.
Par acte déposé le 27 novembre 2006 auprès de la Cour de justice du canton de Genève, X.________ a interjeté un recours en nullité contre la sentence arbitrale du 26 octobre 2006. Y.________ a formé un recours incident.
Par arrêt du 14 septembre 2007, la Cour de justice du canton de Genève a déclaré le recours incident de Y.________ irrecevable en la forme et a rejeté le recours de X.________.
D.
Le 22 octobre 2007, X.________ a formé un recours en matière civile avec requête d'effet suspensif contre l'arrêt de la Cour de justice du 14 septembre 2007. Elle conclut à l'annulation de cet arrêt et à la constatation qu'elle était autorisée à résilier avec effet immédiat, pour justes motifs, le contrat de distribution qui la liait à Y.________, sous suite de dépens. Y.________ conclut au rejet du recours. La Cour de justice suggère le rejet du recours sans observations particulières.
Par ordonnance présidentielle du 24 octobre 2007, l'effet suspensif a été accordé au recours à titre superprovisoire; cette ordonnance a été confirmée le 16 novembre 2007.
Considérant en droit:
1.
1.1 La recourante s'en prend à une décision finale (art. 90 LTF) rendue en matière civile (art. 72 al. 1 LTF) par une autorité cantonale de dernière instance (art. 75 al. 2 let. a LTF) dans une affaire pécuniaire dont la valeur litigieuse atteint le seuil de 30'000 Fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF). Conformément à l'art. 3 let. f du Concordat intercantonal sur l'arbitrage du 27 août 1969 (ci-après: CIA), c'est l'autorité compétente pour statuer sur les recours en nullité dirigés contre les sentences émanant des tribunaux arbitraux dont le siège se trouve dans son canton qui a pris cette décision. La compétence de cette autorité cantonale n'est plus contestée devant le Tribunal fédéral. Ayant pris part à la procédure devant l'autorité précédente, la recourante, qui y a succombé, possède la qualité pour recourir (art. 76 al. 1 LTF). Elle a par ailleurs déposé son mémoire en temps utile (art. 44 al. 1, 45 al. 1 et 100 al. 1 LTF) et dans la forme prévue par la loi (art. 42 LTF), de sorte qu'il y a lieu d'entrer en matière.
1.2 Le recours en matière civile peut être interjeté, entre autres motifs, pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF) et du droit intercantonal (art. 95 let. e LTF), tel le CIA. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Compte tenu de l'exigence de motivation contenue à l'art. 42 al. 1 et 2 LTF, sous peine d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b LTF), il n'examine en principe que les griefs invoqués; il n'est pas tenu de traiter, comme le ferait une autorité de première instance, toutes les questions juridiques qui se posent, lorsque celles-ci ne sont plus discutées devant lui. Il ne peut pas entrer en matière sur la violation d'un droit constitutionnel ou sur une question relevant du droit cantonal ou intercantonal si le grief n'a pas été invoqué et motivé de manière précise par la partie recourante (art. 106 al. 2 LTF).
Saisi d'un recours en matière civile, le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), et pour autant que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). La notion de « manifestement inexacte » visée à l'art. 105 al. 2 LTF correspond également à celle d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (Message concernant la révision totale de l'organisation judiciaire fédérale du 28 février 2001, FF 2001 p. 4000 ss, spéc. p. 4135). La partie recourante qui entend s'écarter des constatations de l'autorité précédente doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions d'une exception prévue par l'art. 105 al. 2 LTF seraient réalisées, faute de quoi il n'est pas possible de tenir compte d'un état de fait qui diverge de celui contenu dans la décision attaquée (cf. ATF 130 III 138 consid. 1.4; cf. également ATF 133 III 350 consid. 1.3).
Le Tribunal fédéral ne peut aller au-delà des conclusions des parties (art. 107 al. 1 LTF).
2.
La recourante reproche essentiellement à l'autorité cantonale d'avoir violé l'art. 36 let. f CIA.
2.1 Selon cette disposition, la sentence arbitrale peut être attaquée en nullité devant l'autorité judiciaire compétente lorsqu'elle est arbitraire "parce qu'elle repose sur des constatations manifestement contraires aux faits résultant du dossier ou parce qu'elle constitue une violation évidente du droit et de l'équité". La notion concordataire de l'arbitraire correspond à celle développée par la jurisprudence relative aux art. 4 aCst. et 9 Cst. (arrêt 4A_280/2007 du 15 octobre 2007, consid. 3.1; ATF 131 I 45 consid. 3.4; voir aussi Pierre Lalive/Jean-François Poudret/Claude Reymond, Le droit de l'arbitrage interne et international en Suisse, Lausanne 1989, n. 4 ad art. 36 CIA p. 212 s. et les nombreuses références).
En matière d'arbitrage concordataire, le grief d'arbitraire se rapportant à l'établissement des faits est même plus restrictif, puisque le juge ne peut revoir la façon dont les arbitres ont apprécié les preuves; il doit se limiter à vérifier que les faits constatés ne sont pas manifestement contraires au dossier (cf. ATF 131 I 45 consid. 3.6).
2.2 Pour déterminer si le dispositif de la sentence arbitrale est arbitraire dans son résultat, l'autorité judiciaire saisie d'un recours en nullité au sens des art. 36 ss CIA n'a pas à examiner quelle interprétation correcte le tribunal arbitral aurait dû donner des dispositions applicables; elle doit uniquement dire si l'interprétation qui a été faite par lui aboutit à un résultat défendable, quels qu'en soient les motifs, lors même qu'une autre solution serait également concevable, voire préférable (arrêt 4A_280/2007 du 15 octobre 2007, consid. 3.1; ATF 132 I 13 consid. 5.1 et les arrêts cités).
Saisi d'un recours en matière civile, le Tribunal fédéral vérifie librement l'interprétation et l'application des dispositions du concordat faites par l'autorité judiciaire cantonale (ATF 131 I 45 consid. 3.3 in fine). Depuis qu'il a abandonné sa pratique connue sous l'appellation d'"arbitraire au carré" ("Willkur im Quadrat" ou "doppelte Willkur"; cf. ATF 112 la 350 consid. 1), il examine avec une libre cognition si l'autorité cantonale a admis ou rejeté à juste titre le grief d'arbitraire, au sens de l'art. 36 let. f CIA, visant la sentence attaquée devant elle. Cependant, comme la décision entreprise est celle qui a été rendue sur le recours en nullité et non pas la sentence arbitrale, ce libre examen ne saurait être opéré de manière plus approfondie que celui auquel l'autorité cantonale de recours s'est elle-même livrée (ATF 112 la 166 consid. 3b). En d'autres termes, s'agissant de l'application de l'art. 36 let. f CIA, il ne peut en aucun cas consister en une analyse complète des considérants de fait et de droit de la sentence arbitrale. Seule importe en définitive la question de savoir si, sur les points indiqués par le recourant et dans le cadre des griefs valablement soumis, cette sentence était entachée d'arbitraire, auquel cas la cour cantonale aurait violé l'art. 36 let. f CIA en refusant de sanctionner un tel vice.
3.
3.1 La recourante fait valoir tout d'abord que la Cour de justice aurait dû considérer comme arbitraire l'affirmation du Tribunal arbitral selon laquelle la résiliation immédiate pour justes motifs avait été notifiée à tort, tant à la forme qu'au fond. Elle soutient en effet qu'elle avait de justes motifs lui permettant de résilier le contrat de distribution et qu'elle était en droit de le faire immédiatement sans fixer un délai de trente jours à l'intimée pour que cette dernière puisse remédier à ses manquements. La cour cantonale serait tombée dans l'arbitraire en constatant que le Tribunal arbitral n'avait pas fait un usage arbitraire de son pouvoir d'appréciation en décidant qu'en l'occurrence, il n'existait pas de justes motifs de résiliation.
Il convient d'examiner ci-dessous si, sur la base des faits retenus par l'autorité inférieure, cette dernière a nié injustement les griefs d'arbitraire invoqués par la recourante visant la sentence arbitrale.
La résiliation d'un contrat de représentation exclusive de durée déterminée est régie par l'art. 418r CO concernant les contrats d'agence (ATF 89 II 30 consid. 2), qui prévoit que le mandant et l'agent peuvent, sans avertissement préalable, résilier immédiatement le contrat pour de justes motifs. L'art. 418r al. 2 CO renvoie aux règles du contrat de travail, soit à l'art. 337 CO, selon lequel sont considérées comme de justes motifs toutes les circonstances qui, selon les règles de la bonne foi, ne permettent pas d'exiger de celui qui a donné le congé la continuation des rapports contractuels. Le juge apprécie librement s'il existe de justes motifs (art. 337 al. 3 CO).
Dans la sentence du 26 octobre 2006, le Tribunal arbitral a considéré, en substance, que l'intimée avait accusé du retard dans ses paiements mais que la recourante ne lui avait adressé aucune injonction ou mise en demeure. En outre, toujours selon le Tribunal arbitral, même si le distributeur ne s'était pas montré très percutant, il n'avait cependant pas commis de violation crasse de ses obligations contractuelles. La résiliation notifiée en octobre 2000 ne reposait pas sur de justes motifs, mais sur des prétextes destinés à permettre à la recourante de négocier librement avec de nouveaux partenaires commerciaux.
La cour cantonale a considéré pour sa part que l'arbitre avait bien examiné s'il existait des justes motifs de résiliation immédiate et qu'il n'avait pas fait un usage arbitraire de son pouvoir d'appréciation en décidant que tel n'était pas le cas.
3.2 En ce qui concerne l'existence de justes motifs, les critiques soulevées par la recourante présentent essentiellement un caractère appellatoire. Loin de se fonder sur les faits établis par l'arrêt attaqué, la recourante expose sa propre version des événements, tout en multipliant les pétitions de principe. Elle fonde son argumentation sur des constatations de fait qui ne reposent pas sur l'arrêt attaqué, sans se prévaloir de l'une des exceptions de l'art. 97 LTF, de sorte que le Tribunal fédéral ne saurait en tenir compte.
Au demeurant, sur la base des faits constatés souverainement par la cour cantonale (art. 105 al. 1 LTF), il n'était pas arbitraire de considérer que les retards dans les paiements et le fait que le distributeur ne se soit pas montré très percutant dans la promotion des produits ne revêtent pas le caractère de gravité nécessaire pour justifier une résiliation immédiate du contrat de distribution. Contrairement à ce que soutient la recourante, ce résultat n'est pas manifestement injuste et ne conduit pas à une iniquité profonde, au vu des circonstances du cas et des dispositions contractuelles conclues entre les parties. En effet, le contrat conclu par les parties prévoit à son article 6.01 un mécanisme de résiliation anticipée du contrat en cas de non-paiement des factures et de violation, par le distributeur, de toute autre obligation résultant du contrat, si le distributeur ne remédie pas au défaut ou à la situation contraire au contrat dans un délai de trente jours. Les parties ont donc instauré un mécanisme contractuel pour sauvegarder leurs relations contractuelles en cas de violation de certaines obligations définies dans le contrat; ceci indique qu'aux yeux des parties, les violations considérées ne constituent pas un manquement particulièrement grave propre à détruire immédiatement le rapport de confiance et à empêcher la continuation des rapports contractuels. Les retards de paiement et les insuffisances liées à la promotion des produits invoqués par la recourante tombent à l'évidence dans le champ d'application de cette clause, de sorte que l'on peut en déduire qu'ils ne constituent pas de justes motifs de résiliation immédiate.
Enfin, la portée des critiques formées par la recourante au sujet des manquements allégués doit être fortement relativisée à la lumière de la constatation faite par le Tribunal arbitral que la résiliation était en réalité destinée à permettre à la recourante de négocier librement avec de nouveaux partenaires commerciaux.
Dans ces conditions, la sentence n'est pas arbitraire sur ce point et la cour cantonale n'a pas violé l'art. 36 let. f CIA.
3.3 La recourante fait valoir encore à ce sujet que le Tribunal arbitral a fait preuve d'arbitraire en considérant à tort que la clause 6.01 primait le droit impératif permettant à chaque cocontractant de résilier immédiatement le contrat en cas de justes motifs. Cet argument ne saurait être suivi. En l'espèce, la question n'est pas de savoir si la résiliation pour justes motifs est de droit impératif, mais si la partie qui résilie le contrat avec effet immédiat dispose de justes motifs suffisants. Or, comme mentionné ci-dessus, le Tribunal arbitral et la cour cantonale pouvaient sans tomber dans l'arbitraire soutenir que les retards de paiement et les désaccords sur la stratégie de vente ne revêtent pas cette qualité, notamment au vu de cette clause contractuelle.
Dès lors, puisqu'il n'était pas arbitraire de nier l'existence de justes motifs de résiliation, la cour cantonale pouvait, sans arbitraire, se dispenser d'examiner les griefs touchant à la forme de la résiliation.
3.4 Toujours en relation avec l'existence de justes motifs, la recourante fait valoir que l'intimée aurait tenté de mettre en péril son existence même, en passant commande de grandes quantités de produits et que ce comportement déloyal et hostile constitue un juste motif suffisant de résiliation. Il était arbitraire pour l'arbitre de ne pas avoir tiré cette conclusion et la cour cantonale aurait violé l'art. 36 let. f CIA en ne sanctionnant pas ce vice.
On relèvera sur ce point que cette argumentation se fonde sur des constatations de fait qui ne ressortent nullement de l'arrêt attaqué et que la recourante ne se prévaut à cet égard d'aucune des exceptions de l'art. 97 LTF, de sorte que ce moyen ne peut qu'être rejeté.
4.
Dans un second moyen, la recourante s'en prend à la fixation du dommage qu'elle a été condamnée à réparer. Elle fait valoir que le Tribunal arbitral a admis d'office l'existence d'un dommage, en ignorant les faits du dossier, ce qui serait arbitraire. La cour cantonale aurait pour sa part violé le droit intercantonal en ne sanctionnant pas le raisonnement du Tribunal arbitral et en niant que le calcul du dommage effectué par le Tribunal arbitral fût arbitraire.
4.1 On relèvera en premier lieu que déterminer l'existence et l'ampleur du dommage relève du fait (ATF 127 III 543 consid. 2b). Dire si la notion juridique du dommage a été méconnue est, en revanche, une question de droit (ATF 127 III 543 précité). La recourante se plaint que la cour cantonale soit tombée dans l'arbitraire en considérant que "l'existence d'un dommage est incontestable s'agissant de la résiliation anticipée d'un contrat de distribution". On peut laisser ouverte la question de savoir si ce grief relève du fait ou du droit. En effet, cette affirmation quelque peu malheureuse de la cour cantonale est cependant aussitôt relativisée dans le paragraphe qui suit, dans lequel la cour cantonale énumère les éléments de fait qui établissent sans aucun doute le manque à gagner de l'intimée, donc l'existence d'un dommage. On ne discerne dans ces considérants aucune trace d'arbitraire.
4.2 La recourante prétend encore que l'intimée n'aurait subi aucun dommage dans la mesure où cette dernière n'aurait pas écoulé jusqu'au terme prévu du contrat, en date du 31 décembre 2003, l'important stock de produits dont elle disposait au moment de la résiliation immédiate du contrat, si celui-ci n'avait pas été dénoncé de manière anticipée.
Comme rappelé ci-dessus, en matière d'arbitrage concordataire, le grief d'arbitraire se rapportant à l'établissement des faits ne peut être admis que très restrictivement, puisque le juge ne peut revoir la façon dont les arbitres ont apprécié les preuves; il doit se limiter à vérifier que les faits constatés ne sont pas manifestement contraires au dossier (cf. ATF 131 I 45 consid. 3.6). Force est de souligner que la recourante se limite, pour l'essentiel, à substituer sa propre approche des faits à celle du Tribunal arbitral. Elle exerce une critique purement appellatoire des constatations de fait relatives à la détermination du dommage, sans prétendre ni démontrer qu'elles soient manifestement contraires au dossier. Pour ces raisons, son recours ne satisfait pas aux exigences de motivation de l'art. 106 al. 2 LTF et il est irrecevable en tant qu'il porte sur l'existence du dommage.
4.3 La recourante critique encore le calcul du dommage sous deux angles distincts.
4.3.1 En premier lieu, la cour cantonale aurait violé le droit de manière évidente au sens de l'art. 36 let. f CIA en ne qualifiant pas d'arbitraire le fait que le Tribunal arbitral ait pris en compte les commandes de marchandises effectuées par l'intimée dès la mi-octobre 1998 et non dès le 1er janvier 1999 - date de la conclusion du contrat de distribution litigieux - pour calculer le montant des gains réalisés par cette dernière durant la période contractuelle.
A l'appui de son argumentation - une fois encore purement appellatoire - la recourante invoque le texte du contrat litigieux, le contrat de licence parallèle au contrat de distribution, et le fait qu'avant le 1er janvier 1999, les ventes passaient par l'intermédiaire de la société Z.________, titulaire d'un contrat de distribution avec la recourante. Elle cite ces éléments pêle-mêle en se bornant à constater que le raisonnement du Tribunal arbitral est en complète contradiction avec les termes clairs du contrat et les éléments du dossier. Dans la même veine, elle se contente d'affirmer que la cour cantonale a violé le droit intercantonal en affirmant que c'est à raison que l'arbitre a fait application du principe de la confiance et qu'il n'a pas fait preuve d'arbitraire dans cette application.
La recourante ne motive aucunement ce grief. Elle n'explique en rien en quoi réside la contradiction alléguée et quels sont les éléments du dossier qui n'auraient pas été pris en considération; elle se contente de renvoyer à son recours en nullité et à critiquer la sentence arbitrale sans examiner concrètement et de manière motivée l'arrêt attaqué, qui seul fait l'objet du recours au Tribunal fédéral; elle n'explique pas où réside l'arbitraire. Là encore, son recours ne remplit pas les exigences de motivation et est irrecevable sur ce point (art. 106 al. 2 et 108 LTF).
On peut noter à titre superfétatoire que même s'il était recevable, le recours devrait être rejeté. Au vu des faits qui lient le Tribunal fédéral, il faut admettre que le contrat litigieux n'était pas clair sur la question de savoir si les livraisons effectuées dès la mi-octobre 1998 devaient être incluses dans les quotas définis à l'annexe B, de sorte que la cour cantonale n'est pas tombée dans l'arbitraire en considérant que l'arbitre avait appliqué à bon droit la théorie de la confiance pour trancher la question précitée. De même, la conclusion du Tribunal arbitral tendant à inclure les livraisons opérées dès la mi-octobre 1998 pour calculer le manque à gagner subi par l'intimée ne prête pas le flanc à la critique sous l'angle de l'arbitraire dès lors qu'elle apparaît à tout le moins soutenable, étant rappelé qu'il n'y a pas arbitraire du seul fait qu'une autre solution pourrait entrer en considération ou même être préférable. L'arrêt cantonal sera donc confirmé sur ce point, le grief soulevé par la recourante étant, pour autant qu'il soit recevable, infondé.
4.3.2 Par ailleurs, la recourante émet encore d'autres critiques mettant en cause le calcul du dommage effectué par le Tribunal arbitral. Pour autant que le grief soit compréhensible, la recourante semble reprocher à la cour cantonale de ne pas avoir sanctionné le raisonnement de l'arbitre selon lequel le chiffre d'affaires de l'intimée aurait continué à augmenter au fil des années entre 2001 et 2003 malgré les faibles efforts de promotion constatés de sa part par le Tribunal arbitral. Selon la recourante, en raison de l'importance du stock encore en mains de l'intimée et des faibles efforts de marketing susmentionnés, le calcul du dommage opéré par l'arbitre serait entaché d'arbitraire.
Ici également, la recourante se borne à répéter les griefs qu'elle a formulés dans le cadre de son recours en nullité et qui ont été examinés de manière détaillée dans l'arrêt attaqué, sans se référer à ce dernier et en oubliant manifestement que l'objet du recours devant le Tribunal fédéral est bien l'arrêt cantonal et non la sentence arbitrale. Il ressort clairement de cet arrêt que, contrairement à ce que soutient la recourante, la cour cantonale a vérifié que l'arbitre a bien pris en compte l'état du stock ainsi que le peu d'effort démontré par l'intimée en matière de promotion pour établir le chiffre d'affaires escompté. Elle a considéré que les griefs formés par la recourante étaient infondés. La recourante ne démontre en rien en quoi la cour cantonale aurait violé l'art. 36 let. f CIA à cet égard. Ce grief est irrecevable.
4.3.3 La cour cantonale a également considéré qu'il n'était pas insoutenable qu'un distributeur puisse augmenter ses ventes d'année en année, malgré une promotion peu énergique. La recourante y voit une violation du droit intercantonal. Elle ne démontre cependant pas en quoi cette constatation serait arbitraire ou en contradiction manifeste avec les éléments du dossier. En particulier, la cour cantonale a expliqué que la recourante n'avait ni soutenu ni établi que le bénéfice annuel n'avait pas augmenté entre 1999 et 2000, voire qu'il aurait diminué, de sorte que rien ne vient confirmer que tel serait le cas en 2001, 2002 et 2003. Ce raisonnement est soutenable. La recourante ne remet pas en cause ces faits et cette explication, elle se contente de s'en prendre à la sentence arbitrale. Son recours ne remplit pas les exigences de motivation des art. 42 al. 1 et 2 LTF et 106 al. 2 LTF. Il est irrecevable sur ce point.
5.
La recourante reproche encore à la cour cantonale de n'avoir pas considéré comme arbitraire la répartition des frais et dépens d'arbitrage opérée par le Tribunal arbitral mettant les trois quarts de ceux-ci à la charge de la recourante, alors que l'intimée n'aurait obtenu que le 20% de ses conclusions.
Encore une fois, la recourante n'explique pas en quoi cette décision reposerait sur des constatations manifestement contraires aux faits résultant du dossier ou constituerait une violation évidente du droit ou de l'équité. Comme le relève à juste titre l'arrêt attaqué, dans la mesure où l'intimée a obtenu gain de cause sur l'élément essentiel de la procédure, à savoir l'allocation de dommages et intérêts, cette répartition des dépens ne saurait être taxée d'arbitraire.
Pour autant qu'il soit recevable, le grief est donc infondé.
6.
Dans un dernier grief, la recourante invoque une violation de l'art. 36 let. c CIA. Elle reproche à la cour cantonale d'avoir admis à tort que la sentence arbitrale avait statué sur le chef de la demande de l'intimée relatif au sort du stock de marchandises non vendues encore en possession de cette dernière. Le Tribunal arbitral n'a pas abordé expressément la question du sort du stock de marchandises invendues, mais il a débouté les parties de toutes autres conclusions. La cour cantonale, se fondant sur la littérature (Lalive/Poudret/Reymond, op. cit., n. 4 ad art. 36 CIA p. 210; Pierre Jolidon, Commentaire du Concordat suisse sur l'arbitrage, Berne 1984, n. 63 ad art. 36 CIA p. 512), a jugé que le rejet de toutes les autres conclusions comprenait celui de la demande de restitution du stock en contrepartie de sa valeur, de sorte qu'il ne résultait aucune omission au sens de l'art. 36 let. c CIA.
On peut se dispenser d'examiner ce grief plus avant, dès lors qu'il est irrecevable. En effet, la recourante n'a pris aucune conclusion au fond sur ce point, se contentant de demander l'annulation de l'arrêt attaqué, sans se prévaloir de l'une des exceptions admises par la jurisprudence qui autoriserait le Tribunal fédéral à renvoyer la cause à l'instance inférieure (ATF 133 III 489 consid. 3.1). On ne saurait donc entrer en matière sur ce grief.
7.
En définitive, le recours en matière civile doit être rejeté dans la faible mesure où il est recevable. La recourante, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). En outre, elle devra verser à l'intimée une indemnité pour ses dépens (art. 68 al. 1 et 2 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 8'000 fr., sont mis à la charge de la recourante.
3.
Une indemnité de 9'000 fr., à payer à l'intimée à titre de dépens, est mise à la charge de la recourante.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.
Lausanne, le 26 mars 2008
Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière:
Corboz Crittin