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Original
 
Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
1P.3/2006/fzc
Arrêt du 19 janvier 2006
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges Féraud, Président,
Aemisegger et Fonjallaz.
Greffier: M. Parmelin.
Parties
X.________,
recourant, représenté par Me Jean-Michel Dolivo, avocat,
contre
Marie-Laure Papaux Van Delden, Guy Stanislas et Patrick Blaser, juges suppléants à la Cour de justice,
Cour de justice du canton de Genève, case postale 3108, 1211 Genève 3,
intimés,
Plenum de la Cour de justice du canton de Genève, place du Bourg-de-Four 1, case postale 3108,
1211 Genève 3.
Objet
procédure pénale; récusation,
recours de droit public contre la décision du Plenum
de la Cour de justice du canton de Genève du
25 novembre 2005.
Le Tribunal fédéral considère en fait et en droit:
1.
Le 21 mars 2002, X.________ a fait l'objet d'une plainte pénale en diffamation et calomnie de la part de Renate Pfister-Liechti, juge à la Cour de justice du canton de Genève, agissant en tant que membre de l'autorité de surveillance des Offices des poursuites et faillites. Cette plainte visait certains propos contenus dans une déclaration que X.________ a lue lors d'une conférence de presse tenue le 18 février 2002.
Par jugement du 13 mai 2005, le Tribunal de police du canton de Genève (ci-après: le Tribunal de police) a reconnu X.________ coupable de calomnie et l'a condamné à une amende de 500 fr. ainsi qu'au versement à la plaignante d'une somme de 5'000 fr. à titre de réparation du tort moral. Par acte déposé au greffe du Tribunal de police le 31 mai 2005, X.________ a saisi la Chambre pénale de la Cour de justice du canton de Genève d'un appel contre ce jugement et contre le jugement préparatoire rendu par ce même tribunal le 4 février 2005.
Par lettre du 10 juin 2005, la Présidente de cette juridiction a informé les parties que les magistrats titulaires de la Cour de justice avaient décidé, en séance plénière, de confier l'affaire à trois juges suppléants qui devaient être désignés ultérieurement. Simultanément, les parties ont été convoquées à l'audience d'introduction de la cause prévue le 20 juin 2005 à 09h00.
A cette occasion, X.________ a déposé un courrier daté du même jour par lequel il demandait que la Cour de justice renonce à confier l'affaire à des juges suppléants et qu'une décision soit prise en ce sens; à défaut, il sollicitait la récusation de l'ensemble des juges suppléants de la Cour de justice.
Par décision du 27 juin 2005, la Cour de justice, siégeant en plenum, a estimé que la requête était matériellement irrecevable dès lors qu'elle tendait à la récusation en bloc de la cour et qu'elle ne comportait aucune motivation lui permettant de se déterminer sur d'éventuelles causes de récusation à l'encontre des juges suppléants désignés pour statuer sur l'appel interjeté par X.________. Par surabondance, elle l'a rejetée comme mal fondée sur le fond, au motif que le seul lien de collégialité entre un juge titulaire et les juges suppléants de la cour n'était pas de nature à fonder une récusation de l'ensemble des magistrats suppléants de cette juridiction. Le Tribunal fédéral a déclaré irrecevable le recours de droit public formé contre cette décision au terme d'un arrêt rendu le 17 octobre 2005, notifié le 10 novembre 2005 (cause 1P.531/2005).
Le 23 novembre 2005, X.________ a demandé la récusation des magistrats chargés de statuer sur son appel. Il exposait avoir retrouvé dans son dossier un communiqué de presse publié dans le journal "Le Courrier" du 1er mars 2002 dans lequel la Cour de justice témoignait sa solidarité envers la plaignante et fustigeait l'attitude du prévenu. Cette prise de position lierait également les juges suppléants de la Cour civile et justifierait une récusation de l'ensemble des juges de cette juridiction en application de l'art. 91 let. e de la loi genevoise sur l'organisation judiciaire (LOJ gen.). Le lien de collégialité unissant les juges ordinaires et les juges suppléants commanderait la récusation de ces derniers. Le juge Patrick Blaser n'aurait pas l'impartialité requise pour avoir siégé avec la plaignante au Parquet du Procureur général, puis au Tribunal de première instance. X.________ voyait enfin un motif de récusation du juge Guy Stanislas dans le fait que celui-ci est l'associé de l'époux de la Présidente de la Cour de justice, laquelle a désigné les juges suppléants en charge de la cause sans respecter la règle du tournus fixée à l'art. 70 LOJ gen.
Par décision du 25 novembre 2005, le Plenum de la Cour de justice a déclaré irrecevable la demande de récusation au motif qu'elle reposait exclusivement sur des faits qui étaient connus du requérant, ou qui auraient dû l'être, en juin 2005 et qui auraient dû être invoqués à cette occasion pour respecter les exigences de l'art. 96 al. 1 LOJ gen.
Agissant par la voie du recours de droit public, X.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler cette décision et d'invalider la désignation de Marie-Laure Papaux Van Delden, de Guy Stanislas et de Patrick Blaser pour juger la cause pénale dirigée contre lui. Il invoque une violation de l'art. 6 CEDH et une interprétation arbitraire des art. 70 et 91 let. e LOJ gen.
Il n'a pas été demandé de réponse au recours.
2.
Seule la voie du recours de droit public pour violation des droits constitutionnels des citoyens au sens de l'art. 84 al. 1 let. a OJ est ouverte pour contester une décision sur récusation (ATF 129 III 88 consid. 2.2 p. 89/90). Le recours est recevable, indépendamment de l'existence d'un préjudice irréparable (art. 87 al. 1 OJ). L'objet du litige est limité à la question de la recevabilité de la demande de récusation. Les griefs du recourant fondés sur les art. 91 let. e LOJ gen. et 6 CEDH, qui ont trait matériellement à la récusation des magistrats intimés, n'ont dès lors pas à être examinés. De même, les conclusions qui vont au-delà de l'annulation de la décision attaquée sont irrecevables (ATF 131 I 166 consid. 1.3 p. 169.
3.
La cour cantonale a estimé que le recourant n'était pas habilité à demander la récusation des juges suppléants en se fondant sur la prise de position de la Cour de justice exprimée dans le communiqué de presse publié le 1er mars 2002 parce qu'il aurait pu faire valoir ce motif de récusation en juin 2005 en consultant avec l'attention voulue les pièces qu'il avait à sa disposition, si bien que son invocation était tardive. Le recourant ne démontre pas avoir été empêché de prendre connaissance de cet article de presse avant l'audience d'introduction de la cause du 20 juin 2005 et de l'alléguer dans la requête de récusation formée le même jour. Par ailleurs, il s'agissait d'une cause de récusation qui visait indistinctement l'ensemble des juges de la Cour de justice, de sorte qu'il n'était pas nécessaire d'attendre de connaître l'identité des juges suppléants appelés à s'occuper de la cause en appel pour l'invoquer. La décision d'irrecevabilité échappe sur ce point au grief d'arbitraire.
Le recourant voyait également un motif de récusation des magistrats intimés dans les liens de collégialité qui les unissent à la plaignante. Le Plenum de la Cour de justice s'est déjà prononcé sur ce grief dans sa décision du 27 juin 2005. Le Tribunal fédéral aurait alors pu statuer à ce propos si le recours de droit public dont il était saisi avait été motivé selon les exigences requises à l'art. 90 al. 1 let. b OJ. L'invocation de ce motif de récusation se heurte ainsi dans la présente procédure au principe de la force de chose jugée et c'est à juste titre que la cour cantonale l'a rejeté pour ce motif. Le recours est donc manifestement mal fondé.
X.________ faisait ensuite valoir plusieurs motifs de récusation propres aux juges Patrick Blaser et Guy Stanislas. Le premier aurait siégé avec la plaignante lorsqu'il exerçait comme magistrat au parquet du Procureur général, puis comme juge titulaire au sein du Tribunal de première instance. Le second travaillerait comme associé dans la même étude d'avocats que le mari de la Présidente de la Cour de justice, qui a désigné les juges suppléants. La cour cantonale a jugé la demande de récusation tardive car ces faits étaient notoires et connus du requérant lorsqu'il a formé sa précédente demande de récusation en juin 2005. Le recourant le conteste sous prétexte qu'il ignorait alors l'identité des juges suppléants désignés pour siéger dans la cour appelée à statuer sur sa cause; il ne pouvait de ce fait élever des motifs de prévention personnels à leur encontre, de sorte qu'il était en droit de les invoquer dans une nouvelle demande de récusation. X.________ a appris que la présidence de la Chambre pénale chargée de juger sa cause serait confiée au juge Patrick Blaser le 20 juin 2005; les noms des deux autres juges suppléants lui ont été communiqués le 22 juin 2005. On peut se demander par conséquent s'il était admissible, au regard du principe de la bonne foi, d'attendre l'issue du recours de droit public formé devant le Tribunal fédéral pour faire valoir ces motifs de récusation (cf. ATF 128 V 82 consid. 2b p. 85; 126 III 249 consid. 3c p. 253).
Cette question peut demeurer indécise car les éléments invoqués ne sont de toute manière objectivement pas de nature à jeter un doute fondé sur l'impartialité des juges concernés. Le fait pour le juge Patrick Blaser d'avoir siégé plusieurs années auparavant avec la plaignante dans une autre juridiction, respectivement dans une autre institution judiciaire ne constitue manifestement pas un motif de récusation. A eux seuls, les liens ou affinités existant entre un juge et d'autres personnes exerçant la même profession, ou affiliées au même parti politique, ou actives dans la même institution publique ou privée, impliquées dans la cause, ne suffisent pas à justifier la suspicion de partialité; la personne élue ou nommée à une fonction judiciaire est censée capable de prendre le recul nécessaire par rapport à de tels liens ou affinités et de se prononcer de manière objective sur le litige qui divise les parties (cf. arrêt 1P.138/2002 du 17 juin 2002 consid. 3; arrêt P.488/1981 du 7 décembre 1982 consid. 4b/bb du paru à la SJ 1983 p. 544). Quant au fait que l'époux de la Présidente de la Cour de justice soit l'un des associés du juge Guy Stanislas, il n'est pas de nature à éveiller un quelconque soupçon de prévention de ce magistrat vis-à-vis du recourant, ce qui aurait pu être le cas si le juge concerné était l'associé du mari de la plaignante (cf. arrêt 1P.265/1997 du 14 août 1998 consid. 2b paru à la SJ 1997 p. 626).
X.________ se plaignait également du mode de désignation des juges suppléants qu'il tenait pour non conforme à l'art. 70 LOJ gen. La cour cantonale a estimé que cet argument n'avait pas sa place dans une demande de récusation en tant qu'il ne concernait pas les magistrats intimés et l'a déclaré irrecevable. Le recourant ne cherche nullement à démontrer en quoi cette motivation serait arbitraire, comme il lui appartenait de faire en vertu de l'art. 90 al. 1 let. b OJ (cf. ATF 131 I 217 consid. 2.1 p. 219).
Enfin, la question de savoir si les juges ordinaires de la Cour de justice se sont récusés en violation de la garantie du juge naturel ancrée aux art. 30 al. 1 Cst. et 6 § 1 CEDH excède l'objet du litige, limité à la recevabilité de la demande de récusation des magistrats intimés. Au surplus, à l'instar de la même interrogation concernant les juges suppléants, elle avait déjà été soulevée dans le recours de droit public formé auprès du Tribunal fédéral contre la décision de la Cour de justice rejetant la première demande de récusation et elle aurait pu être examinée si le recours avait été correctement motivé, de sorte qu'elle ne saurait être invoquée à l'appui d'une nouvelle requête de récusation sans se heurter au principe de l'autorité de la chose jugée.
4.
Le recours doit par conséquent être rejeté, dans la mesure où il est recevable, aux frais du recourant qui succombe (art. 156 al. 1 OJ), ce qui rend sans objet la requête d'effet suspensif.
Par ces motifs, vu l'art. 36a OJ, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable.
2.
Un émolument de 2'000 fr. est mis à la charge du recourant.
3.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties et au Plenum de la Cour de justice du canton de Genève.
Lausanne, le 19 janvier 2006
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le président: Le greffier: