BGer 4C.227/2005
 
BGer 4C.227/2005 vom 09.12.2005
Tribunale federale
{T 0/2}
4C.227/2005 /ech
Arrêt du 9 décembre 2005
Ire Cour civile
Composition
MM. les Juges Corboz, Président, Favre et Chaix, Juge suppléant.
Greffière: Mme Crittin
Parties
X.________ S.A.,
demanderesse et recourante, représentée par
Me Philippe Dénéréaz,
contre
A.________,
défendeur et intimé, représenté par Me Denis Merz.
Objet
contrat d'entreprise; contrat de vente,
recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud du
2 février 2005.
Faits:
A.
Y.________ S.A., de siège à Genève, était propriétaire d'un immeuble, à Lutry. En août 2000, elle a décidé de restaurer et réaménager ce bien, dans le but de le vendre en parts de copropriété constituées en propriétés par étages. A cette fin, elle a confié un mandat d'architecte à B.________, architecte SIA. Dans le descriptif des travaux confiés à B.________ était prévue l'allocation de montants forfaitaires, octroyés à chaque copropriétaire par étages, pour les différents agencements et installations laissés à son choix et pour les revêtements de toutes les surfaces.
Par promesse de vente et d'achat passée en la forme authentique le 11 mai 2001, A.________ s'est engagé à acheter à Y.________ S.A. un lot de copropriété par étages dans l'immeuble précité, constituant le lot 1 du plan. Ce contrat prévoyait notamment en son art. 4, sous la rubrique "plus et moins-values" que: "La rénovation de l'immeuble, en particulier de l'appartement promis-vendu, sera exécutée et terminée conformément aux plan et descriptif, par les soins et aux frais de la promettante-venderesse. Le promettant-acheteur n'aura donc aucun frais de construction à supporter à l'exception des transformations, modifications, choix spéciaux ou travaux supplémentaires qu'il aura personnellement commandé à la promettante-venderesse. Les transformations ou modifications du lot demandées par le promettant-acheteur devront faire l'objet d'un accord préalable et écrit de la promettante-venderesse. Ces transformations ou modifications donneront lieu à l'établissement d'un devis distinct du prix de vente".
Par acte authentique du 8 février 2002, A.________ a acheté le lot de copropriété par étages convenu.
B.
Dans le cadre de la rénovation et de l'aménagement de l'immeuble, X.________ S.A., s'est vu confier par Y.________ S.A. des travaux de gypserie et de peinture prédéterminés. Ces travaux ont été exécutés conformément aux règles de l'art. Une comptabilité journalière des plus et moins-values n'a pas été tenue par la direction des travaux: celle-ci l'explique en raison des nombreuses modifications demandées par A.________, que ce soit auprès de l'architecte ou directement auprès de l'entreprise sur le chantier. Afin d'éviter de prolonger les délais d'exécution, aucun accord préalable et écrit n'a été sollicité auprès de Y.________ S.A.
Le 1er juin 2002, X.________ S.A. a adressé au bureau d'architecte B.________ une facture pour la somme de 34'204 fr., correspondant selon elle aux travaux de plus-values effectués dans l'appartement de A.________. Le 18 juin 2002, l'architecte a transmis à A.________ un décompte provisoire concernant les plus-values résultant des modifications des travaux supplémentaires exécutés dans l'appartement: la facture de X.________ S.A. y a été annexée avec la mention "pour paiement direct". Bien que A.________ ait émis des réserves quant à cette facture, il a versé 17'000 fr. à X.________ S.A. en août 2002.
Le 23 octobre 2002, X.________ S.A. a réclamé à A.________ le paiement du solde dû, précisant que la facture du 1er juin 2002 ne concernait que des travaux supplémentaires exécutés à sa demande, en plus de ceux faits lors de la construction du bâtiment, raison pour laquelle il était responsable de ce paiement. Le 13 novembre 2002, le conseil de A.________ a répondu que son client n'avait pas de relation contractuelle avec l'entreprise X.________ S.A. et qu'il fallait s'adresser aux promoteurs pour obtenir le paiement de la facture.
C.
Le 10 décembre 2002, X.________ S.A. (ci-après: la demanderesse) a saisi le Tribunal d'arrondissement de l'Est vaudois d'une demande en paiement de 17'204 fr., avec intérêts à 5% dès le 24 octobre 2002, dirigée contre A.________ (ci-après: le défendeur). Celui-ci a conclu au rejet de la demande. Par jugement du 3 mai 2004, le Tribunal a rejeté la demande et mis les dépens à la charge de la demanderesse, décision confirmée par la Chambre des recours du Tribunal cantonal vaudois du 2 février 2005.
Contre cet arrêt, la demanderesse interjette un recours en réforme au Tribunal fédéral. Elle conclut à la réforme de l'arrêt attaqué, en ce sens que le défendeur est reconnu lui devoir la somme de 17'204 fr. avec intérêts à 5% dès le 24 octobre 2002, avec suite de dépens à la charge du défendeur.
Le défendeur propose, avec suite de frais et dépens, le rejet du recours.
Le Tribunal fédéral considère en droit:
1.
1.1 Interjeté par la demanderesse, qui a succombé dans ses conclusions condamnatoires, et dirigé contre une décision finale rendue en dernière instance cantonale par un tribunal supérieur (art. 48 al. 1 OJ) sur une contestation civile dont la valeur litigieuse dépasse le seuil de 8000 fr. (art. 46 OJ), le présent recours est en principe recevable puisqu'il a été déposé en temps utile (art. 54 OJ) et dans les formes requises (art. 55 OJ). Demeure réservé l'examen de la recevabilité des moyens qui y sont soulevés.
1.2 Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral doit conduire son raisonnement juridique sur la base des faits contenus dans la décision attaquée, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient été violées, qu'il y ait lieu de rectifier des constatations reposant sur une inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il faille compléter les constatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu compte de faits pertinents, régulièrement allégués et clairement établis (art. 64 OJ; ATF 130 III 102 consid. 2.2; 127 III 248 consid. 2c et les arrêts cités). Hormis ces exceptions que le recourant doit invoquer expressément, il ne peut être présenté de griefs contre les constatations de fait, ni de faits ou de moyens de preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ).
Quant aux motifs énoncés dans un recours en réforme, ils doivent indiquer succinctement quelles sont les règles de droit fédéral violées par la décision attaquée et en quoi consiste cette violation (art. 55 al. 1 let. c OJ). Le recourant ne peut pas se borner à citer les dispositions légales qui auraient été violées ni se livrer seulement à des développements juridiques abstraits ou à des critiques toutes générales de la décision attaquée. Il doit formuler ses critiques de manière détaillée afin que la juridiction fédérale de réforme puisse comprendre en quoi il considère le jugement attaqué comme contraire au droit fédéral (ATF 121 III 397 consid. 2a; 116 II 745 consid. 3 p. 748 s.).
2.
En substance, la demanderesse fait grief à l'autorité cantonale d'avoir violé le droit fédéral, dès lors qu'elle a nié l'existence d'un contrat d'entreprise, au sens de l'art. 363 CO, conclu entre elle-même et le défendeur. A cet égard, elle expose que, pour lui avoir demandé de nouveaux travaux modifiant ceux qui étaient prévus dans le descriptif, le défendeur a conclu avec elle un nouveau contrat d'entreprise, distinct de celui passé entre elle-même et l'ancienne propriétaire des lieux. Elle en veut notamment pour preuve que les modifications ont été indiquées par le défendeur directement à l'entreprise et que les nouveaux travaux visaient un autre résultat que celui prévu à l'origine. Elle relève que l'architecte - qui n'aurait été dans ce contexte qu'une "simple courroie de transmission" de la volonté du défendeur - a, à juste titre, adressé la facture litigieuse à ce dernier, lequel s'est du reste acquitté directement auprès d'elle d'une somme de 17'000 fr., à titre d'acompte. Elle soutient, par ailleurs, que dès lors que Y.________ S.A. a donné aux entrepreneurs, parmi lesquels la demanderesse, l'ordre de traiter directement les travaux avec les propriétaires, elle a qualifié les acheteurs de maîtres de l'ouvrage pour les travaux supplémentaires. Enfin, le défendeur serait astreint de payer les travaux supplémentaires, compte tenu de l'inexécution de son obligation d'obtenir un accord préalable écrit de Y.________ S.A.
2.1 Aux termes de l'art. 363 CO, le contrat d'entreprise est un contrat par lequel une des parties (l'entrepreneur) s'oblige à exécuter un ouvrage, moyennant un prix que l'autre partie (le maître) s'engage à lui payer. Il résulte de la définition légale qu'il ne peut y avoir contrat d'entreprise que si l'une des parties s'oblige à exécuter un ouvrage, moyennant un prix que l'autre partie s'engage à lui payer. L'obligation de rémunérer l'entrepreneur est un élément essentiel de ce contrat, sans lequel la qualification de contrat d'entreprise ne peut pas être retenue (ATF 127 III 519 consid. 2b; 122 III 10 consid. 3).
Le contrat est parfait lorsque les parties ont, réciproquement et d'une manière concordante, manifesté leur volonté (art. 1 al. 1 CO). Or, la constatation de la volonté est une question de fait, qui lie le Tribunal fédéral, saisi d'un recours en réforme (ATF 130 III 417 consid. 3.2; 129 III 118 consid. 2.5; 128 III 419 consid. 2.2; Bernard Corboz, Le recours en réforme au Tribunal fédéral, SJ 2000 II p. 1 ss, 62).
2.2 Dans l'arrêt attaqué, les juges cantonaux ont posé que les éléments essentiels d'un contrat d'entreprise, conclu directement entre la demanderesse et le défendeur, faisaient défaut; ils ont souverainement retenu - à l'issue d'une appréciation des preuves qui ne peut faire l'objet d'un recours en réforme - que l'état de fait du jugement attaqué ne permettait pas de fixer l'existence de discussions contractuelles entre les parties sur les modalités d'exécution des prestations, dont notamment le paiement du prix. Ils ont de même nié l'existence d'un quelconque pouvoir de représentation donné par le défendeur à l'architecte B.________.
Tout d'abord, force est de souligner que la demanderesse n'est pas habilitée dans un recours en réforme à compléter à sa guise l'état de fait établi par l'instance cantonale, sans viser l'une des exceptions prévues à l'art. 63 al. 2 ou 64 OJ. Dès lors, le Tribunal fédéral ne peut pas tenir compte des assertions de la demanderesse, selon lesquelles le défendeur aurait demandé de nouveaux travaux modifiant ceux qui étaient prévus dans le descriptif. De telles critiques sont derechef irrecevables.
De même, en soutenant que l'architecte est "pratiquement le représentant" du défendeur, la demanderesse s'en prend à nouveau aux faits souverainement établis par l'instance cantonale. Les juges cantonaux ont en effet retenu que la demanderesse n'avait pas pu établir l'existence d'un pouvoir de représentation liant le défendeur à l'architecte. Pour s'en prendre à une telle constatation de fait, la demanderesse aurait dû agir par la voie du recours de droit public, de sorte que son argumentation, en instance de réforme, est à nouveau irrecevable.
Enfin, dans la mesure où la demanderesse prétend que les parties étaient liées par un contrat d'entreprise, elle s'en prend en définitive à l'appréciation des preuves des juges cantonaux relative à l'absence de discussions contractuelles entre les parties. Le grief ne peut donc être que déclaré irrecevable. Sur ce point, la demanderesse ne se prévaut d'ailleurs pas, à juste titre, d'une mauvaise répartition du fardeau de la preuve, selon l'art. 8 CC. Sur le vu de ce résultat, il est irrelevant de discuter plus avant l'argumentation - non pertinente et, de surcroît, ne respectant pas les réquisits légaux, puisque assimilable à une critique d'ordre général - de la demanderesse plaidant en faveur de la conclusion d'un contrat d'entreprise en lien avec les ordres donnés aux entrepreneurs par Y.________ S.A. et de l'obligation pour le défendeur de payer le prix des travaux supplémentaires effectués, compte tenu du défaut de tout accord préalable écrit donné par cette société.
2.3 En définitive, le recours apparaît entièrement irrecevable.
3.
Compte tenu de l'issue du litige, la demanderesse acquittera l'émolument judiciaire et les dépens à allouer au défendeur (art. 159 al. 1 OJ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est irrecevable.
2.
Un émolument judiciaire de 2000 fr. est mis à la charge de la recourante.
3.
La recourante versera à l'intimé une indemnité de 2500 fr. à titre de dépens.
4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud.
Lausanne, le 9 décembre 2005
Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse
Le président: La greffière: