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Original
 
Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
1P.502/2005/col
Arrêt du 17 novembre 2005
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges Féraud, Président,
Reeb et Eusebio.
Greffier: M. Parmelin.
Parties
Clinique A.________,
recourante, représentée par Me Pierre-Dominique Schupp, avocat,
contre
B.________ et consorts,
représentés par Me Jacques Ballenegger, avocat,
PPE C.________, représentée par Me Alexandre Bernel, avocat,
D.________, E.________ et F.________,
représentés par Me D.________, avocat,
intimés,
Municipalité de Lausanne, 1002 Lausanne,
représentée par Me Lucien Gani, avocat,
Tribunal administratif du canton de Vaud,
avenue Eugène-Rambert 15, 1014 Lausanne.
Objet
permis de construire; agrandissement d'un parking,
recours de droit public contre l'arrêt du Tribunal administratif du canton de Vaud du 23 juin 2005.
Faits:
A.
La société Clinique A.________ est propriétaire de la parcelle n° 5'514 de la commune de Lausanne sur laquelle elle exploite la clinique du même nom et ses dépendances. Cette parcelle de 14'730 mètres carrés, classée en zone urbaine de l'ordre non contigu, est inclue dans le périmètre du plan d'extension partiel n° 541 approuvé par le Conseil d'Etat du canton de Vaud le 10 mars 1972. Ce plan règle l'affectation des terrains compris entre les avenues d'Ouchy, de l'Elysée et Mon Loisir. Il prévoit l'implantation d'un bâtiment A, réservé à l'habitation et à des cabinets médicaux, le long de l'avenue d'Ouchy, d'un bâtiment B, destiné à un établissement hospitalier en lieu et place de la clinique orthopédique existante, et d'un bâtiment C, voué à l'habitation, qui donne sur l'avenue de l'Elysée.
La clinique actuelle a été construite en 1976 avec 44 places de parc aménagées en plein air. L'année suivante, la Confédération suisse a installé à des fins militaires un centre opératoire protégé en sous-sol. En 1981, le nombre de places de parc a passé à 60 places. En 2001, des travaux de transformation et d'agrandissement de la clinique ont été autorisés.
B.
Le 17 juillet 2002, la société SI G.________, à laquelle a succédé la société Clinique A.________, a soumis à la Municipalité de Lausanne un projet de restructuration et d'extension du parking visant à augmenter sa capacité de 60 à 87 places. Ce projet, qui nécessitait l'abattage de trois arbres, a été mis à l'enquête publique du 6 au 26 août 2002; il a suscité l'opposition de plusieurs voisins.
Par décisions du 3 décembre 2002, la Municipalité de Lausanne a levé les oppositions et délivré les autorisations de construire et d'abattage requises, à la condition de planter en compensation une dizaine d'arbres d'essence majeure.
D.________, E.________ et F.________, d'une part, la PPE C.________, d'autre part, ainsi que B.________ et consorts ont recouru contre ces décisions auprès du Tribunal administratif du canton de Vaud (ci-après: le Tribunal administratif ou la cour cantonale). Ce dernier a admis les recours après les avoir joints et annulé "la décision de la Municipalité de Lausanne du 3 décembre 2002" au terme d'un arrêt rendu le 23 juin 2005.
C.
Agissant par la voie du recours de droit public, Clinique A.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt qu'elle tient pour arbitraire et incompatible avec la garantie de la propriété et la liberté économique.
Le Tribunal administratif, D.________ et consorts, la PPE C.________ ainsi que B.________ et consorts concluent au rejet du recours. La Municipalité de Lausanne propose de l'admettre.
Le Tribunal fédéral considère en droit:
1.
Au vu des griefs soulevés, seule la voie du recours de droit public pour violation des droits constitutionnels des citoyens est ouverte. Formé en temps utile contre une décision finale prise en dernière instance cantonale et qui touche la recourante dans ses intérêts juridiquement protégés, le recours satisfait aux exigences des art. 86 al. 1, 88 et 89 al. 1 OJ.
2.
La recourante reproche à la cour cantonale d'avoir annulé la décision municipale qui lui accordait l'autorisation de réaménager et d'agrandir le parking de la clinique qu'elle exploite au terme d'une interprétation arbitraire du règlement du plan d'extension partiel n° 541 (ci-après: RPEP ou le règlement) et, plus particulièrement, de l'art. 13 RPEP. Selon elle, le texte de la norme ne traduirait pas son sens véritable et devrait être interprété selon les travaux préparatoires et selon son but.
2.1 Le Tribunal fédéral revoit l'interprétation et l'application du droit cantonal ou, en l'occurrence, du droit communal sous l'angle de l'arbitraire. Il ne s'écarte de la solution retenue que si celle-ci se révèle insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, ou si elle a été adoptée sans motifs objectifs et en violation d'un droit certain. En revanche, si l'interprétation défendue par la cour cantonale ne s'avère pas déraisonnable ou manifestement contraire au sens et au but de la disposition ou de la législation en cause, elle sera confirmée, même si une autre solution paraît également concevable, voire même préférable. En outre, l'annulation de la décision attaquée ne se justifie que si celle-ci est arbitraire dans son résultat, ce qu'il appartient à la recourante de démontrer (art. 90 al. 1 let. b OJ; ATF 131 I 217 consid. 2.1 p. 219 et les arrêts cités).
2.2 La loi s'interprète en premier lieu selon sa lettre. Il n'y a lieu de déroger au sens littéral d'un texte clair par voie d'interprétation que lorsque des raisons objectives permettent de penser que ce texte ne restitue pas le sens véritable de la disposition en cause. De tels motifs peuvent découler des travaux préparatoires, du but et du sens de la disposition, ainsi que de la systématique de la loi. Si le texte n'est pas absolument clair, si plusieurs interprétations de celui-ci sont possibles, il convient de rechercher quelle est la véritable portée de la norme, en la dégageant de tous les éléments à considérer, soit notamment des travaux préparatoires, du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose ou encore de sa relation avec d'autres dispositions légales (ATF 131 II 13 consid. 7.1 p. 31; 130 II 49 consid. 3.2.1 p. 53, 65 consid. 4.2 p. 71 et la jurisprudence citée).
2.3 La cour cantonale a estimé que la licéité du projet devait être examinée exclusivement au regard du règlement du plan d'extension partiel n° 541. La recourante ne critique pas l'arrêt attaqué sur ce point, qui échappe ainsi à la cognition du Tribunal fédéral (cf. ATF 127 I 38 consid. 3c p. 43). La question des garages et des places de stationnement est réglée au chapitre V dudit règlement, dont la teneur est la suivante:
"Chapitre V - Garages et places de stationnement
Chaque tranche ou fraction de 75 mètres carrés de plancher brut de niveau habitable (cabinets médicaux et magasins y compris) entraîne l'obligation de prévoir, en arrière des limites de construction, une place de stationnement ou un garage permettant de ranger au moins une voiture. Le 80% des places au moins sera prévu dans les bâtiments ou enterrés. (art. 12)
Le nombre de places de stationnement du bâtiment B (clinique) sera fonction du critère "1 place pour 5 lits". Quant aux garages dépendant de ce même bâtiment, ils seront prévus en nombre suffisant, compte tenu des besoins de l'établissement. (art. 13)
Les garages devront être aménagés au sous-sol; soit dans les constructions prévues à cet effet, soit sous la zone de verdure, soit sous les voies d'accès. (art. 14)
Des garages et places de stationnement communs à plusieurs bâtiments sont admissibles. (art. 15)
Les places de stationnement seront aménagées sur les emplacements prévus à cet effet ou dans la zone de verdure. Mais dans ce dernier cas, la Municipalité pourra en limiter l'importance au profit de la zone de verdure, qui devra être maintenue en priorité. Aucune place de stationnement ne sera admise à moins de 3 mètres de la limite de propriété. (art. 17)"
2.4 Le Tribunal administratif a considéré que le règlement opérait une distinction claire entre les places de stationnement, qui peuvent être aménagées sur les emplacements extérieurs prévus à cet effet ou dans la zone de verdure, et les garages, qui doivent prendre place dans des bâtiments ou en sous-sol. Il a ensuite retenu que l'art. 13 RPEP déterminait exhaustivement la manière de calculer les places de parc de la clinique et qu'il exigeait, selon son texte clair, une place de stationnement pour cinq lits, les autres places de parc devant être réalisées sous la forme de garages enterrés. Cela étant, il a admis que le nombre de places de stationnement existantes en surface excédait le maximum autorisé, quel que soit le nombre de lits pris en compte, et que l'aménagement de places de parc supplémentaires en surface contrevenait à cette disposition. Il a refusé de comptabiliser les 250 lits du centre opératoire protégé, utilisés uniquement en cas de guerre, dans le calcul du nombre de places de stationnement. Enfin, il a jugé qu'une dérogation à l'art. 13 RPEP ne se justifiait pas, que ce soit en vertu d'une pratique avérée de la Municipalité de Lausanne ou en application du principe de la confiance.
L'interprétation ainsi faite du règlement résiste au grief d'arbitraire. La recourante ne conteste pas que les exigences relatives au nombre de places de parc dépendant de la clinique sont définies exclusivement à l'art. 13 RPEP. Pris dans son ensemble, le texte de cette disposition est clair. A tout le moins, il n'était pas insoutenable d'admettre qu'elle opérait une distinction nette entre les places de stationnement à l'air libre, fixées selon le principe "1 place de parc pour 5 lits", et les garages qui doivent être prévus en nombre suffisant pour satisfaire les besoins de l'établissement en places de parc et aménagés en sous-sol (art. 14 RPEP). Comme le relève le Tribunal administratif, la limitation du nombre de places de parc en surface au profit de garages enterrés répond à la volonté manifestée par les auteurs du plan dans le préavis municipal du 1er octobre 1971 y relatif de sauvegarder dans la mesure du possible le parc richement arborisé qui caractérise la parcelle. La recourante n'a produit aucun élément qui permettrait d'établir une intention différente ou plus nuancée du législateur communal. Certes, lors de la construction de la clinique en 1976, la Municipalité de Lausanne a admis que l'intégralité des places de parc soient aménagées à l'air libre et dans un nombre supérieur à celui qui aurait pu être exigé en fonction du nombre de lits; de même, elle a autorisé un agrandissement du parking en 1981. La pratique des autorités chargées d'appliquer la loi ou un règlement peut constituer un élément d'interprétation utile lorsque le texte légal ou réglementaire n'est pas clair. En revanche, dans l'hypothèse inverse, elle ne saurait lier les tiers et l'autorité de recours. L'application faite du règlement par la Municipalité de Lausanne n'est donc pas décisive. Tout au plus, pourrait-elle avoir une incidence sur la bonne foi de la propriétaire des lieux. Or, la cour cantonale a exclu de déroger au règlement en raison d'une violation du principe de la confiance par une argumentation dont la recourante ne cherche pas à démontrer le caractère arbitraire.
En définitive, il était soutenable d'admettre que la règle "1 place de stationnement pour 5 lits" posée à l'art. 13 RPEP fixait un plafond au-delà duquel les places de parc devaient impérativement être réalisées dans des garages enterrés. Enfin, en l'absence de tout grief sur ce point, il n'y a pas lieu d'examiner si le Tribunal administratif a versé dans l'arbitraire en ne tenant pas compte des lits du centre opératoire protégé dans le calcul des places de stationnement.
2.5 La recourante soutient que les besoins en places de parc liés à l'exploitation de la clinique auraient dû être pris en considération dans l'application des prescriptions du règlement. Elle se réfère à cet égard à l'art. 13 RPEP selon lequel les garages doivent être prévus en nombre suffisant, compte tenu des besoins de l'établissement. Les intimés déduisent du fait que les places de parc actuelles ne sont pas toutes occupées durant la journée que la réalisation de 27 places de parc supplémentaires ne se justifierait pas. Cette question peut demeurer indécise car, selon l'interprétation jugée non arbitraire de l'art. 13 RPEP, les besoins en places de parc de la clinique qui ne sont pas couverts par les places de stationnement en plein air doivent être satisfaits par l'aménagement de garages en sous-sol, dans les surfaces indiquées à titre indicatif sur le plan ou sous la zone de verdure. Aussi, en s'en tenant au texte clair de l'art. 13 RPEP et en refusant de déroger à la règle de répartition posée par cette disposition pour répondre aux besoins de la clinique, le Tribunal administratif n'a pas fait preuve d'arbitraire.
2.6 La recourante reproche à la cour cantonale de ne pas avoir tenu compte du centre opératoire protégé réalisé en 1977, qui rendrait impossible la création de garages souterrains. Il s'agirait, selon elle, d'une circonstance propre à déroger à la règle de répartition posée à l'art. 13 RPEP.
Le Tribunal administratif n'a pas été convaincu en l'état du dossier que la construction de cet ouvrage empêchait de construire des garages en sous-sol conformément au règlement, dès lors qu'il n'était pas exclu que des places de parc puissent être aménagées sous la zone de verdure conformément à l'art. 13 RPEP sans porter atteinte au parc et aux arbres existants. Quoi qu'il en soit, même si tel devait être le cas, cette circonstance ne suffirait pas à rendre cette disposition caduque ou à justifier une dérogation en l'absence d'une base légale expresse en ce sens. Elle serait tout au plus de nature à justifier un réexamen du plan d'extension partiel et de sa réglementation en application de l'art. 21 al. 2 de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire (LAT; RS 700).
3.
La recourante prétend que le refus du permis de construire serait disproportionné et porterait une atteinte inadmissible à son droit de propriété garanti à l'art. 26 al. 1 Cst. La cour cantonale aurait omis de procéder à une pesée complète des intérêts en présence et de vérifier si l'intérêt à la préservation des espaces verts pouvait être atteint par des mesures moins restrictives.
Pour être compatibles avec cette disposition, les restrictions de droit public à la propriété doivent reposer sur une base légale, être justifiées par un intérêt public et respecter les principes de la proportionnalité et de l'égalité devant la loi (art. 36 al. 1 à 3 Cst.; ATF 129 I 337 consid. 4.1 p. 344 et les arrêts cités). Le refus du permis de construire repose sur une base légale expresse, à savoir l'art. 13 RPEP. Il est constant que le projet ne peut être autorisé en application de cette disposition, qui tient déjà compte des intérêts en présence. Par son argumentation, la recourante tend en réalité à remettre en cause le plan d'extension partiel et les prescriptions qu'il contient, ce qui n'est pas admissible (cf. ATF 131 II 103 consid. 2.4.1 p. 110; 127 I 103 consid. 6b p. 105/106 et les arrêts cités). Il existe au demeurant un intérêt public important et digne de protection à ménager, dans le milieu bâti, des aires de verdure et des espaces plantés d'arbres (cf. art. 3 al. 3 let. e LAT). On ne saurait dire que cet intérêt aurait disparu ou qu'il aurait diminué en raison des places de parc déjà réalisées en surface de manière non conforme à l'art. 13 RPEP au point de considérer cette norme comme caduque et de renoncer à son application. La plantation de dix arbres d'essence majeur en remplacement des trois arbres abattus ne permettrait pas de compenser la diminution de la surface de la zone de verdure liée à l'implantation de sept places de parc dans cette zone. La règle de répartition de l'art. 13 RPEP en matière de places de parc ne porte pas une atteinte excessive à la propriété de la recourante puisqu'elle garantit la prise en compte des besoins supplémentaires de la clinique par l'implantation de garages en sous-sol. Si la réalisation du centre opératoire protégé devait effectivement empêcher cette solution, il appartiendrait alors à la recourante de requérir une modification du plan et de son règlement d'application pour tenir compte de cette circonstance. Le grief tiré de la violation de l'art. 26 al. 1 Cst. est donc mal fondé.
Il en va de même et pour les mêmes raisons de la restriction apportée à la liberté économique de la recourante, garantie à l'art. 27 Cst. Il n'est au demeurant nullement établi que des patients renonceraient à se faire soigner à la Clinique A.________ s'ils devaient ne pas disposer d'une possibilité de stationnement suffisante sur le site et que le refus d'autoriser le réaménagement et l'extension du parking mettrait en péril les nouvelles activités déployées par la recourante. La clinique est en effet aisément accessible par les transports publics. De plus, les personnes incapables de se déplacer par leurs propres moyens ont toujours la possibilité de se rendre sur place en taxi ou de se faire amener par une tierce personne.
4.
Le recours doit par conséquent être rejeté aux frais de la recourante, qui succombe (art. 156 al. 1 OJ). Celle-ci versera des dépens aux intimés, qui obtiennent gain de cause avec l'assistance d'un avocat (art. 159 al. 1 OJ). La Municipalité de Lausanne, qui a pris fait et cause pour la recourante, ne saurait prétendre à des dépens. Au demeurant elle est censée disposer d'une infrastructure suffisante pour procéder sans l'assistance d'un mandataire extérieur.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est rejeté.
2.
Un émolument judiciaire de 3'000 fr. est mis à la charge de la recourante.
3.
Une indemnité de dépens de 500 fr. est allouée à D.________ et consorts, solidairement entre eux, à la charge de la recourante.
4.
Une indemnité de dépens de 1'000 fr. est allouée à B.________ et consorts, solidairement entre eux, à la charge de la recourante.
5.
Une indemnité de dépens de 1'000 fr. est allouée à la PPE C.________, à la charge de la recourante.
6.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et de la Municipalité de Lausanne, ainsi qu'au Tribunal administratif du canton de Vaud.
Lausanne, le 17 novembre 2005
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le président: Le greffier: