BGer 1P.604/2005
 
BGer 1P.604/2005 vom 15.11.2005
Tribunale federale
{T 0/2}
1P.604/2005/col
Arrêt du 15 novembre 2005
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges Féraud, Président,
Nay et Reeb.
Greffier: M. Parmelin.
Parties
A.________,
recourant, représenté par Me Jean-Marc Christe,
avocat,
contre
Juge d'instruction cantonal 6 du canton de Berne, Speichergasse 12, 3011 Berne,
Chambre d'accusation de la Cour suprême du canton de Berne, rue de l'Université 17, case postale 7475, 3012 Berne.
Objet
prise à partie; procédure pénale,
recours de droit public contre la décision de la Chambre d'accusation de la Cour suprême du canton de Berne du 12 juillet 2005.
Le Tribunal fédéral considère en fait et en droit:
1.
Par ordonnance du 8 juin 2005, le Juge d'instruction cantonal 6 du canton de Berne a ouvert une instruction pénale contre A.________, avocat et notaire, pour escroquerie au préjudice de X.________ Assurances. Cette décision faisait suite à une dénonciation formulée le 21 mars 2005 par le Président 1 de l'arrondissement judiciaire I Courtelary-Moutier-La Neuveville. Il était notamment reproché au prévenu d'avoir touché des indemnités d'assurance de X.________ Assurances en raison d'une incapacité totale, puis partielle de travailler entre les 31 juillet et 30 octobre 2000, alors même qu'il avait continué à exercer son activité professionnelle durant cette période.
Le Juge d'instruction cantonal 6 a ordonné une perquisition dans l'étude de A.________, en vertu d'un mandat décerné le 14 juin 2005, visant à saisir à titre probatoire ou conservatoire tout dossier ou support informatique permettant d'établir que le prévenu avait travaillé durant la période du 31 juillet au 30 octobre 2000. La perquisition a été exécutée le 16 juin 2005. A cette occasion, des copies du registre B des notaires, de l'agenda, des notes d'honoraires ainsi que des fichiers informatiques créés ou modifiés au cours de la période considérée ont été saisis et placés sous scellés à la requête de A.________.
Le 27 juin 2005, ce dernier a présenté une première prise à partie contre le Juge d'instruction cantonal 6 en concluant à l'annulation du mandat de perquisition du 14 juin 2005. Le 8 juillet 2005, il a déposé une seconde prise à partie visant le Président 1 de l'arrondissement judiciaire I Courtelary-Moutier-La Neuveville et tendant à obtenir l'annulation de la dénonciation du 21 mars 2005.
Par décision du 12 juillet 2005, la Chambre d'accusation de la Cour suprême du canton de Berne (ci-après: la Chambre d'accusation) a rejeté la première prise à partie, après avoir considéré que la perquisition reposait sur des indices suffisants d'infraction. Elle n'est pas entrée en matière sur la seconde prise à partie pour cause de tardiveté.
Agissant par la voie du recours de droit public, A.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler cette décision et, le cas échéant, de prendre, respectivement d'ordonner les mesures positives nécessaires pour rétablir une situation conforme au droit.
La Chambre d'accusation se réfère aux considérants de sa décision. Le Juge d'instruction cantonal 6 conclut au rejet du recours dans la mesure où il est recevable.
2.
Au vu des arguments invoqués, seul le recours de droit public pour violation des droits constitutionnels au sens de l'art. 84 al. 1 let. a OJ est ouvert.
En vertu de l'art. 86 al. 1 OJ, un tel recours n'est en principe recevable qu'à l'encontre des décisions finales prises en dernière instance cantonale. Selon l'art. 87 OJ, il l'est contre les décisions préjudicielles et incidentes sur la compétence et sur les demandes de récusation, prises séparément. Ces décisions ne peuvent être attaquées ultérieurement (al. 1). Le recours de droit public est recevable contre d'autres décisions préjudicielles et incidentes prises séparément s'il peut en résulter un préjudice irréparable (al. 2); lorsque le recours de droit public n'est pas recevable selon l'alinéa 2 ou qu'il n'a pas été utilisé, les décisions préjudicielles et incidentes peuvent être attaquées avec la décision finale (al. 3).
La décision attaquée ne met pas fin à la procédure pénale dirigée contre le recourant; il s'agit d'une décision incidente, qui ne peut être attaquée immédiatement devant le Tribunal fédéral que si elle est susceptible de causer au recourant un préjudice irréparable, à savoir un dommage juridique qu'une décision finale favorable ne ferait pas disparaître complètement (ATF 131 I 57 consid. 1 p. 59 et les arrêts cités).
Les décisions relatives à l'administration des preuves ne sont pas de nature à causer aux intéressés un préjudice irréparable, tel qu'il vient d'être défini. En effet, la partie qui conteste une décision rendue en ce domaine dans un procès qui la concerne pourra attaquer, le cas échéant, cette décision incidente en même temps que la décision finale (ATF 99 Ia 437 consid. 1 p. 438 et les arrêts cités). De même, la saisie de photocopies de pièces ordonnée à titre probatoire n'est en principe pas susceptible de causer un dommage irréparable à leur détenteur lorsque celui-ci est en mesure de faire valoir ultérieurement le défaut de pertinence de ces pièces devant l'autorité de jugement, voire dans un recours de droit public dirigé contre la décision finale (cf. arrêt 4P.117/1998 du 26 octobre 1998, consid. 1b/bb/bbb paru à la SJ 1999 I 188; Gérard Piquerez, La saisie probatoire en procédure pénale, in Wirtschaft und Strafrecht Festschrift für Niklaus Schmid, Zurich 2001, p. 674; Bernhard Sträuli, Pourvoi en nullité et recours de droit public au Tribunal fédéral, Berne 1995, p. 366). Il est notamment fait exception à cette règle lorsque la sauvegarde de secrets est en jeu (arrêt 1P.266/ 2000 du 23 août 2000, consid. 1b partiellement reproduit à la RJJ 2000 p. 329). L'avocat ne peut s'opposer au séquestre de documents qui sont en rapport avec une infraction qu'il est soupçonné d'avoir commise en invoquant le secret professionnel (ATF 126 II 495 consid. 5e/aa p. 501; 117 Ia 341 consid. 6a/cc p. 350 et les arrêts cités). Au demeurant, le secret professionnel de l'avocat n'est pas atteint lors de la saisie de pièces, mais seulement, le cas échéant, si le magistrat instructeur décide de les verser au dossier de la procédure après en avoir pris connaissance (arrêt 1P.323/1993 du 18 novembre 1993 consid. 2d/aa résumé in RJB 130/1994, p. 86). La perquisition et la saisie de documents n'est donc pas de nature à causer un préjudice irréparable à leur détenteur lorsque, comme en l'espèce, ils ont été mis sous scellés et qu'une autorité judiciaire est compétente pour statuer sur leur admissibilité; seule la décision de lever les scellés est susceptible de causer un tel dommage (cf. arrêts 1P.80/1998 du 1er avril 1998 consid. 1 et 1P.6/1998 du 4 mars 1998 consid. 2b; voir aussi Thomas Maurer, Das bernische Strafverfahren, 2ème éd., Berne 2003, p. 247). En l'occurrence, le Juge d'instruction cantonal 6 a demandé en date du 17 juin 2005 la levée des scellés auprès de la Chambre d'accusation, compétente pour ordonner une telle mesure en vertu de l'art. 143 al. 2 du Code de procédure pénale bernois; il n'est toutefois pas établi que cette autorité aurait statué à ce sujet. Aussi, la décision attaquée qui rejette la première prise à partie du recourant ne lui cause pas de préjudice irréparable.
Le recourant s'en prend également au refus, qu'il tient pour arbitraire, de la Chambre d'accusation d'entrer en matière sur la seconde prise à partie dirigée contre le Président 1 de l'arrondissement judiciaire I Courtelary-Moutier-La Neuveville. Par ce biais, il entendait obtenir l'annulation de la dénonciation du 21 mars 2005 qu'il estimait abusive. Or, la pertinence des accusations portées contre lui fait précisément l'objet de la procédure pénale. Une décision finale favorable sous la forme d'un non-lieu ou, le cas échéant, d'un jugement d'acquittement permettra d'éliminer le préjudice allégué. L'atteinte à la réputation et à la sphère privée du recourant ou le manque à gagner éventuel que la procédure pénale est susceptible de provoquer est par ailleurs un pur dommage de fait, qui n'est pas suffisant pour établir un préjudice irréparable au sens de l'art. 87 al. 2 OJ (cf. arrêt 1P.567/1995 du 7 novembre 1995).
3.
Le recours doit ainsi être déclaré irrecevable, ce qui rend sans objet les demandes de mesures provisionnelles et de second échange d'écritures présentées par le recourant. Les frais du présent arrêt doivent être mis à la charge de ce dernier, en application de l'art. 156 al. 1 OJ. Il n'y a pas lieu d'octroyer des dépens selon l'art. 159 al. 2 OJ.
Par ces motifs, vu l'art. 36a OJ, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est irrecevable.
2.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge du recourant.
3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, au Juge d'instruction cantonal 6 et à la Chambre d'accusation de la Cour suprême du canton de Berne.
Lausanne, le 15 novembre 2005
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le président: Le greffier: