BGer 4P.160/2005
 
BGer 4P.160/2005 vom 17.10.2005
Tribunale federale
{T 0/2}
4P.160/2005 /ech
Arrêt du 17 octobre 2005
Ire Cour civile
Composition
MM. et Mme les Juges Corboz, président, Klett et Favre.
Greffière: Mme Cornaz.
Parties
X.________ SA,
recourante, représentée par Me Laurent Moreillon,
contre
A.________,
intimée, représentée par Me Paul Marville,
Chambre des recours du Tribunal cantonal vaudois, Palais de justice de l'Hermitage, route du Signal 8,
1014 Lausanne.
Objet
arbitraire; appréciation des preuves,
recours de droit public contre l'arrêt de la Chambre des recours du Tribunal cantonal vaudois du 2 mars 2005.
Faits:
A.
Le 26 février 1993, A.________ est entrée au service de X.________ SA en qualité de conseillère esthétique, selon un contrat de travail du 19 février 1993. Un nouveau contrat a été signé le 1er juin 1993. La rémunération prévue à l'art. 10a comprenait un traitement de base, une commission et une indemnité forfaitaire mensuelle pour les frais. Ces derniers, précisés dans un avenant A, incluaient les déplacements en véhicule et les téléphones. D'après l'avenant, le forfait augmentait proportionnellement au chiffre d'affaires.
Le 17 mai 1994, X.________ SA a promu A.________ "first conseillère et assistance de formation". Le 29 juin 1994, par un nouvel avenant au contrat de travail du 1er juin 1993, A.________ a été nommée "cheffe de groupe". En novembre 1994, X.________ SA, très satisfaite de sa collaboratrice, et désirant développer ses affaires dans le canton de Genève, a promu A.________ comme "formatrice", dès le 31 décembre 1994. A cette occasion, le salaire de base mensuel a été porté à 5'000 fr. et les frais forfaitaires à 1'000 fr. Toutefois, à la requête de l'employée, l'avenant du 31 décembre 1994 a stipulé un salaire de base de 5'500 fr., ainsi que des frais forfaitaires de 500 fr. Comme formatrice, elle n'avait plus de contact avec la clientèle, mais devait recruter et encadrer dix conseillères devant réaliser chacune un chiffre d'affaires de 7'000 fr., soit 70'000 fr. en tout par mois, ce qui déterminait, pour la formatrice également, l'objectif à atteindre.
Dès le 9 mai 1995, A.________ a connu de nombreux problèmes de santé, en relation avec un accouchement le 29 mai 1995, et des incapacités de travail s'élevant à cent vingt-quatre jours et demi, pour lesquels elle a obtenu des indemnités journalières de sa caisse maladie.
Le 17 novembre 1995, les parties ont conclu un nouveau contrat, avec effet rétroactif au 19 septembre 1995. L'activité a été réduite à 75 % pour un salaire de base de 4'100 fr. par mois et une indemnité forfaitaire de 400 fr. L'usage du véhicule propre de l'employée, ou d'une voiture en leasing, était autorisé.
En 1996, la collaboratrice a subi une incapacité de travail de 100 % pendant sept jours, pour laquelle elle a bénéficié d'indemnités de son assureur accident-maladie.
En 1997, A.________ a connu une première incapacité de travail à 100 % de douze jours, en raison d'un accident survenu le 3 juin 1997, donnant lieu à des indemnités d'assurances.
Dès le 22 septembre 1997, jusqu'à la fin des rapports contractuels au 31 mars 1999, A.________ s'est trouvée en incapacité de travail à 100 %, pour surmenage. Elle a été examinée par un médecin conseil de l'assurance Y.________, qui a constaté que cette dernière lui soumettait beaucoup de cas d'employés de X.________ SA. En outre, selon un certificat médical du 20 novembre 1997, une nouvelle grossesse était en cours. Le 15 mars 1999, le médecin traitant a attesté un syndrome dépressif grave avec inhibition.
L'employée, extrêmement disponible et motivée, aurait déployé une grande activité pour stimuler ses conseillères de vente à réaliser le chiffre d'affaires du groupe; sans discontinuer, il était enjoint aux employées d'accroître leur travail et leur acquisition de clientèle, au point que certaines conseillères se sont senties oppressées. A.________ était à cet égard "visiblement tendue"; toutefois aucun mobbing n'a été constaté.
Le 30 mars 1998, l'employée a réclamé de X.________ SA le total des arriérés sur frais effectifs engagés de 1993 à 1997 par celle-là au service de celle-ci, et a fait notifier un commandement de payer de 50'000 fr. avec intérêt à 5 % l'an dès le 26 février 1993, pour interrompre la prescription, auquel l'employeur a fait opposition le 7 avril 1998.
Le 29 octobre 1998, A.________ a accouché une deuxième fois.
Le 17 janvier 1999, elle a déposé une demande de prestation auprès de l'assurance-invalidité.
L'employeur a tenté de garder sa collaboratrice à son service, mais après dix-sept mois d'absence, il a résilié le contrat à l'échéance du 31 mars 1999.
Le 21 septembre 1999, l'assurance Y.________ a informé A.________ de l'épuisement de ses droits, le total de sept cent vingt jours d'indemnités ayant été atteint le 13 septembre 1999.
B.
Par demande du 10 décembre 1999, A.________ a saisi la Cour civile du Tribunal cantonal vaudois, concluant au paiement, par X.________ SA, de 64'563 fr. 16 avec intérêt à 5 % l'an dès le 26 février 1995 et de 40'000 fr. avec intérêt à 5% l'an dès le 22 septembre 1997, ainsi qu'à une correction de son certificat de travail, point qui n'est plus litigieux.
En cours d'instance, une expertise a été confiée à un expert-comptable diplômé, selon lequel les frais de l'employée se sont montés à 65'524 fr. 47 sur toute la période d'engagement, constituant une différence de 31'878 fr. 72 avec le montant versé par X.________ SA à titre de frais forfaitaires.
Par jugement du 19 mars 2004, la Cour civile a condamné X.________ SA à payer à A.________ la somme de 75'995 fr. 80, soit 60'995 fr. 80 pour le remboursement des frais effectifs et 15'000 fr. à titre d'indemnité pour tort moral, avec intérêt à 5 % l'an dès le 3 avril 1998 sur 50'000 fr. et dès le 1er avril 1999 sur le solde de 25'995 fr. 80.
Saisie d'un recours en nullité cantonal de X.________ SA et statuant par arrêt du 2 mars 2005, la Chambre des recours du Tribunal cantonal vaudois a maintenu le jugement susmentionné. Elle n'a pas vu trace d'arbitraire dans le fait de ne pas retenir un aveu indivisible au détriment de l'employée; de même, il n'était pas insoutenable de considérer comme lieu de travail le domicile de A.________, ce qui entraînait la suppression d'une déduction de 20 % des frais de déplacement, admise à tort dans l'expertise. Enfin, la préférence donnée par la Cour civile à certaines dépositions par rapport à d'autres, discutable, n'était pas arbitraire.
C.
Parallèlement à un recours en réforme au Tribunal fédéral contre le jugement de la Cour civile, X.________ SA (la recourante) interjette un recours de droit public contre l'arrêt de la Chambre des recours. Invoquant les art. 9 Cst. et 6 CEDH, elle conclut à l'annulation de celui-ci et au renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants, avec suite de frais et dépens. Elle reproche à la Chambre des recours et à la Cour civile d'avoir écarté un fait prouvé par deux témoins, dont l'un participait à la procédure et l'autre était un témoin indirect, et admis par A.________ elle-même, mais dont les juridictions cantonales n'ont pas tenu compte, parce qu'elles n'ont pas usé de leur faculté d'opposer les aveux indivisibles à leur auteur. De plus, les autorités cantonales avaient arbitrairement écarté les considérations de l'expert quant à la réduction du forfait pour les frais professionnels. Enfin, concernant l'indemnité pour tort moral, les précédents juges avaient arbitrairement retenu un rapport de causalité naturelle entre les exigences de l'employeur et l'état de santé de l'employée, ceci notamment en privilégiant certains témoignages au détriment d'autres. Quant au montant de l'indemnité fixée, de 15'000 fr., il n'était absolument ni justifié, ni motivé.
A.________ (l'intimée) conclut au rejet du recours dans la mesure où il est recevable, sous suite de frais et dépens.
Le Tribunal fédéral considère en droit:
1.
Conformément à la règle de l'art. 57 al. 5 OJ, il convient en l'espèce de traiter le recours de droit public avant le recours en réforme.
2.
Exercé en temps utile (art. 89 al. 1 OJ), dans la forme prévue par la loi (art. 90 al. 1 OJ), pour violation de droits constitutionnels des citoyens (art. 84 al. 1 let. a OJ), le recours de droit public soumis à l'examen du Tribunal fédéral est recevable sous cet angle. Il ne le serait pas, en revanche, du fait de son caractère subsidiaire (art. 84 al. 2 OJ), au cas où son auteur y ferait valoir des violations du droit fédéral, au sens de l'art. 43 al. 1 OJ, la valeur litigieuse de la présente contestation lui permettant de faire sanctionner de telles violations par la voie du recours en réforme (art. 46 OJ). L'intéressée a d'ailleurs interjeté un tel recours.
La recourante, dont les moyens libératoires ont été rejetés, a un intérêt personnel, actuel et juridiquement protégé à ce que la décision attaquée n'ait pas été prise en violation de ses droits constitutionnels. En conséquence, la qualité pour recourir doit lui être reconnue (art. 88 OJ).
Il y a lieu, partant, d'entrer en matière.
3.
Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral n'examine que les griefs d'ordre constitutionnel invoqués et suffisamment motivés dans l'acte de recours (art. 90 al. 1 let. b OJ; ATF 130 I 26 consid. 2.1 p. 31; 129 I 113 consid. 2.1 et les arrêts cités). Encore faut-il que ces griefs concernent bien la décision attaquée. En l'espèce, le recourant s'en prend directement, à différents endroits de son mémoire, au jugement rendu par la Cour civile. Ce faisant, il ne critique pas la seule décision formant l'objet de son recours de droit public, à savoir l'arrêt de la Chambre des recours, mais celle qui a été rendue en première instance. Dans cette mesure, son recours est irrecevable. Concrètement, la Cour de céans devra se borner à examiner, en se tenant aux griefs articulés dans le recours de droit public, si l'autorité de recours cantonale a écarté de manière arbitraire les moyens, tirés de la violation des règles de la procédure civile vaudoise, que le recourant avait invoqués devant elle à l'encontre du jugement de la Cour civile.
Demeure réservé le cas particulier du grief ayant trait à l'appréciation des preuves. En ce domaine, le pouvoir d'examen de l'autorité cantonale de dernière instance était limité à l'arbitraire. Aussi le Tribunal fédéral examinera-t-il librement la manière dont la Chambre des recours a fait usage de sa cognition restreinte, en recherchant si c'est à tort que cette autorité a nié l'arbitraire de l'appréciation critiquée. En effet, on ne saurait admettre une double limitation du pouvoir d'examen du Tribunal fédéral ("arbitraire au carré"; ATF 116 III 70 consid. 2b p. 71 s.; 112 Ia 350 consid. 1 p. 351; plus récemment arrêt 4P.121/2005 du 1er septembre 2005, consid. 2).
Vu la nature cassatoire du recours de droit public, les conclusions en renvoi de la procédure à la juridiction cantonale sont irrecevables (ATF 129 I 173 consid. 1.5).
4.
4.1 Selon la jurisprudence, une décision est arbitraire lorsqu'elle est manifestement insoutenable, qu'elle méconnaît gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou encore qu'elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. Il ne suffit pas que sa motivation soit insoutenable; encore faut-il que son résultat le soit. Le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue que si celle-ci est insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, adoptée sans motif objectif et en violation d'un droit certain. Il n'y a pas arbitraire du seul fait qu'une autre solution paraît également concevable, voire préférable (ATF 129 I 8 consid. 2.1; 128 I 81 consid. 2 p. 86, 177 consid. 2.1, 273 consid. 2.1 p. 275; 128 II 259 consid. 5 p. 280 s.).
En matière d'appréciation des preuves, il y a arbitraire lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision ou lorsqu'elle tire des constatations insoutenables des éléments recueillis (ATF 129 I 8 consid. 2.1; 127 I 38 consid. 2a p. 41).
Concernant plus particulièrement l'appréciation de la force probante d'une expertise, le juge ne peut s'écarter de l'avis de l'expert judiciaire que pour des motifs sérieux permettant de douter de son exactitude. Dans ce cas, le juge doit recueillir des preuves supplémentaires, notamment par le complément de l'expertise, voire même ordonner une surexpertise, pour ne pas encourir le reproche d'une appréciation arbitraire des preuves, en suivant une expertise non concluante. Pour sa part, le Tribunal fédéral s'en tient, dans les limites de sa cognition, à l'avis de l'expert, pour autant que ce dernier ne soit pas manifestement contradictoire avec les éléments de la procédure ou ne repose pas sur des constatations de fait erronées (ATF 118 Ia 144 consid. 1c p. 146 et les références citées).
4.2 Dans le cas présent, la recourante reproche à la cour cantonale de n'avoir pas usé de sa faculté d'opposer les aveux indivisibles à leur auteur, s'agissant d'une déclaration de l'intimée venant corroborer les dépositions de deux témoins, écartées pour les raisons exposées ci-dessous (cf. consid. 4.3). A supposer que cette objection soit pertinente, et que la recourante ait voulu réellement invoquer la violation arbitraire du droit cantonal, il ne serait pas possible au Tribunal de céans d'entrer en matière sur ce grief, faute de motivation suffisante (ATF 130 I 258 consid. 1.3 p. 261 s.), puisque l'intéressée n'a pas indiqué avec précision quelle disposition particulière du Code de procédure civile vaudoise, du 14 décembre 1966, aurait été violée, ce qui constitue une condition de recevabilité d'un tel moyen (ATF 128 I 273 consid. 2.1 p. 275 s.). L'objet du litige est donc bien le grief d'appréciation arbitraire des preuves par la Chambre des recours, et non pas le contrôle, sous l'angle de l'arbitraire, du droit cantonal de procédure.
4.3 A cet égard, celle-ci a considéré que le premier juge pouvait sans arbitraire s'en tenir au texte des conventions écrites concernant l'augmentation du salaire de base et la diminution de l'indemnité forfaitaire à 500 fr. dès le 1er janvier 1995, puis à 400 fr. dès le 19 septembre 1995, sans s'arrêter au mobile ayant conduit à ces stipulations contractuelles, soit la volonté d'assurer une meilleure couverture en cas d'incapacité de travail, notamment de chômage.
Toutefois, comme ces circonstances, qui ont entouré l'adoption de la clause modifiant le rapport susmentionné entre le salaire de base et le remboursement des frais professionnels, étaient rapportées par deux témoins, dont le premier, ancien directeur de la recourante, avait participé à l'élaboration de la procédure, et le second ne connaissait ces faits que par ouï-dire, il n'était pas grossièrement infondé de leur dénier une force probante décisive.
Certes, ces faits ont été reconnus par l'intimée, mais la cour cantonale a estimé que le premier juge ne devait prendre en considération l'aveu indivisible de celle-ci que si la recourante avait déclaré s'en contenter, conformément à la doctrine cantonale (Poudret/Haldy/Tappy, Procédure civile vaudoise, 3e éd., Lausanne 2002, n. 1 ad art. 164 CPC/VD, p. 300 i.f.). Comme tel n'était pas le cas en l'espèce, la juridiction cantonale avait la faculté de ne pas tenir compte de cet aveu.
Même si cette solution est très formaliste et que l'on se trouve assurément en présence d'un cas limite, la position de la cour cantonale n'apparaît pas insoutenable, de sorte que celle-ci échappe, de justesse, au reproche d'arbitraire dans l'appréciation des preuves. Elle était ainsi fondée à en rester à la lettre des dispositions contractuelles, qui peuvent être considérées comme reflétant finalement l'accord entre les parties sur la proportion susmentionnée, l'employée et renoncé à la fixation initiale du salaire de base et du remboursement des frais, qu'il avait prévue. Il s'ensuit que le premier moyen soulevé par la recourante doit être écarté.
4.4 La recourante se plaint ensuite de ce que la Chambre des recours a confirmé le jugement de la Cour civile, dans lequel les premiers juges n'ont pas réduit de 20 % le montant des frais de déplacement de l'employée, opération qu'avait effectuée l'expert, pour qui l'employeur n'avait pas à supporter le coût des déplacements du domicile au lieu de travail.
Pour refuser cette déduction, les juges cantonaux ont relevé que l'intimée avait son lieu de travail et le centre de son organisation à son domicile, de sorte que les déplacements depuis ce dernier étaient directement liés à l'activité professionnelle en faveur de l'employeur.
Cet élément ressort de l'ensemble du dossier cantonal et n'est pas contesté par la recourante. Partant, les juridictions cantonales pouvaient manifestement voir dans l'absence de trajet entre le domicile et le lieu de travail une circonstance de fait d'une importance décisive, que l'expert avait ignorée, et qui entraînait comme conséquence la suppression de l'abattement usuel de 20 % sur les frais de déplacement, lorsque le travailleur se rend de son domicile au siège de son employeur, avant d'en repartir pour remplir ses obligations professionnelles. Cette circonstance, décrite ci-dessus, constitue précisément une des occasions dans lesquelles le juge peut s'écarter des conclusions de l'expert, qui sont, sur ce point déterminé, contraires aux faits établis en procédure.
La suppression de cette déduction, et par conséquent la prise en compte de l'ensemble des frais de déplacement, échappent au grief d'arbitraire, ce qui entraîne le rejet du deuxième moyen soulevé par la recourante.
4.5 La recourante reproche à la cour cantonale de n'avoir pas sanctionné le jugement de la Cour civile, qui a admis l'existence d'un rapport de causalité naturelle - et adéquate - entre son système commercial et la dépression subie par l'employée, en se fondant notamment sur trois témoignages, préférés à deux autres, de façon discutable mais non arbitraire, selon la Chambre des recours.
La causalité naturelle est donnée lorsque le fait générateur de responsabilité apparaît comme une condition sine qua non du résultat (ATF 128 III 174 consid. 2b p. 177, 180 consid. 2d p. 184). C'est une question de fait, dont la recourante était fondée à soumettre le contrôle par la voie du recours de droit public présentement examiné (cf. ATF 131 III 306 consid. 3.2.2 p. 313).
A cet égard, la Chambre des recours s'est exprimée en détail sur l'appréciation de la crédibilité des témoignages, retenus et écartés, aux pages 9 à 12 de l'arrêt entrepris, en un considérant 6 auquel il convient de se référer en application de l'art. 36a al. 3 OJ. Il ressort en particulier de ce considérant que le point de vue des premiers juges est soutenable, "comme l'eût été celui de la recourante", ce qui ne suffisait pas pour conclure à l'arbitraire de la solution adoptée par la Cour civile. En présentant sa version devant le Tribunal fédéral de la même manière que devant la Chambre des recours, la recourante tente de faire prévaloir son interprétation des faits, plausible, en lieu et place de celle à laquelle s'est livrée la cour cantonale, ce qui ne permet pas de qualifier d'arbitraire son arrêt. Il était donc soutenable de considérer que le système mis en place par la recourante était la cause de l'état de santé déficient de l'intimée, faute pour celle-là d'avoir allégué de manière précise d'autres facteurs expliquant l'état dépressif de celle-ci. Au contraire, les attestations médicales, qui n'excluent pas d'autres causes éventuelles (première grossesse difficile, deuil suite à l'assassinat d'un frère), mettent néanmoins en avant les pressions de l'employeur, induites par l'organisation du travail et le système commercial adoptés, comme cause de l'état dépressif de l'employée.
Même si, comme l'a relevé la cour cantonale, l'appréciation des preuves sur la question du rapport de causalité naturelle découlait d'un choix discutable, mais néanmoins admissible, la solution retenue échappe au grief d'arbitraire, qui doit en conséquence être rejeté.
5.
En dernier lieu, la recourante se plaint de la fixation arbitraire du montant de l'indemnité pour tort moral, dont le montant de 15'000 fr. n'a été ni justifié, ni motivé. Ce faisant, elle perd de vue que la fixation de cette indemnité est une question d'application du droit fédéral (ATF 130 III 699 consid. 5.1 p. 705), moyen irrecevable dans le cadre du présent recours de droit public.
6.
En résumé, le recours de droit public doit être rejeté dans la mesure où il est recevable.
7.
Compte tenu de l'issue du litige, les frais et dépens seront mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 156 al. 1 et 159 al. 1 OJ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
Un émolument judiciaire de 4'000 fr. est mis à la charge de la recourante.
3.
La recourante versera à l'intimée une indemnité de 5'000 fr. à titre de dépens.
4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des par-ties et à la Chambre des recours du Tribunal cantonal vaudois.
Lausanne, le 17 octobre 2005
Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse
Le président: La greffière: