BGer 1P.531/2005
 
BGer 1P.531/2005 vom 17.10.2005
Tribunale federale
{T 0/2}
1P.531/2005/svc
1P.605/2005
Arrêt du 17 octobre 2005
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges Féraud, Président,
Aeschlimann et Fonjallaz.
Greffier: M. Parmelin.
Parties
A.________,
recourant, représenté par
Me Christian Grobet, avocat,
contre
Marie-Laure Papaux Van Delden, Patrick Blaser
et Guy Stanislas, juges suppléants à la Cour de justice,
p.a. Cour de justice du canton de Genève,
case postale 3108, 1211 Genève 3,
intimés,
Plenum de la Cour de justice du canton de Genève, place du Bourg-de-Four 1, case postale 3108,
1211 Genève 3,
Cour de cassation du canton de Genève,
place du Bourg-de-Four 1, case postale 3108,
1211 Genève 3.
Objet
procédure pénale, indépendance et impartialité du tribunal,
recours de droit public contre la décision du Plenum de la Cour de justice du canton de Genève du 27 juin 2005 (1P.531/2005) et contre l'arrêt de la Cour de cassation du canton de Genève du 17 août 2005 (1P.605/2005).
Faits:
A.
Le 21 mars 2002, A.________ a fait l'objet d'une plainte pénale en diffamation et calomnie de la part de B.________, juge à la Cour de justice du canton de Genève, agissant en tant que membre de l'autorité de surveillance des Offices des poursuites et faillites. Cette plainte visait certains propos contenus dans une déclaration que A.________ a lue lors d'une conférence de presse tenue le 18 février 2002.
Par jugement du 13 mai 2005, le Tribunal de police du canton de Genève (ci-après: le Tribunal de police) a reconnu A.________ coupable de calomnie et l'a condamné à une amende de 500 fr. ainsi qu'au versement à la plaignante d'une somme de 5'000 fr. à titre de réparation du tort moral. Par acte déposé au greffe du Tribunal de police le 31 mai 2005, A.________ a saisi la Chambre pénale de la Cour de justice du canton de Genève d'un appel contre ce jugement et contre le jugement préparatoire rendu par ce même tribunal le 4 février 2005.
Par lettre du 10 juin 2005, la Présidente de cette juridiction a informé les parties que les magistrats titulaires de la Cour de justice avaient décidé, en séance plénière, de confier l'affaire à trois juges suppléants qui devaient être désignés ultérieurement. Simultanément, les parties ont été convoquées à l'audience d'introduction de la cause prévue le 20 juin 2005 à 09h00.
A cette occasion, A.________ a déposé un courrier du même jour par lequel il demandait que la Cour de justice renonce à confier l'affaire à des juges suppléants et qu'une décision soit prise en ce sens; à défaut, il sollicitait la récusation de l'ensemble des juges suppléants de la Cour de justice.
Par décision du 27 juin 2005, la Cour de justice, siégeant en plenum, a estimé que la requête était matériellement irrecevable dès lors qu'elle tendait à la récusation en bloc de la cour et qu'elle ne comportait aucune motivation lui permettant de se déterminer sur d'éventuelles causes de récusation à l'encontre des juges suppléants. Par surabondance, elle l'a rejetée comme mal fondée sur le fond, au motif que le seul lien de collégialité entre un juge titulaire et les juges suppléants de la cour n'était pas de nature à fonder une récusation de l'ensemble des magistrats suppléants de cette juridiction.
A.________ s'est pourvu le 11 juillet 2005 contre cette décision auprès de la Cour de cassation du canton de Genève (ci-après: la Cour de cassation). Par arrêt du 17 août 2005, cette autorité a déclaré irrecevable le pourvoi au motif que la décision du plenum n'était pas soumise à cassation en vertu de l'art. 339 du Code de procédure pénale genevois (CPP gen.).
B.
Par acte du 29 août 2005, A.________ a formé un recours de droit public contre la décision du Plenum de la Cour de justice rejetant sa demande de récusation (1P.531/2005). Il demande au Tribunal fédéral d'annuler cette décision et d'ordonner au Plenum de la Cour de justice de déclarer la récusation de l'ensemble des juges de la cour, y compris les juges suppléants, pour juger la cause pénale dirigée contre lui. Il prétend que le rejet de sa demande de récusation consacrerait une violation de l'art. 6 CEDH et une application arbitraire du droit de procédure cantonal.
Les juges suppléants de la Cour de justice désignés pour statuer sur l'appel de A.________, soit Patrick Blaser, Marie-Laure Papaux Van Delden et Guy Stanislas, concluent au rejet du recours.
C.
Par acte du 16 septembre 2005, A.________ a déposé un recours de droit public contre l'arrêt de la Cour de cassation du 17 août 2005. Il demande au Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt ainsi que la décision du Plenum de la Cour de justice du 27 juin 2005.
Le recours a été enregistré sous la référence 1P.605/2005. Il n'a pas été demandé de réponse.
Le Tribunal fédéral considère en droit:
1.
Les deux recours émanent de la même personne; ils sont dirigés contre des décisions portant sur le même objet et présentant un lien de connexité suffisant entre elles pour prononcer la jonction des causes et statuer sur leurs mérites respectifs dans un seul et même arrêt (art. 24 PCF et 40 OJ).
2.
Au vu des motifs invoqués, seule la voie du recours de droit public est ouverte pour attaquer les décisions prises par le Plenum de la Cour de justice et par la Cour de cassation. Formés en temps utile contre des décisions incidentes sur des demandes de récusation, les recours sont recevables au regard des art. 87 al. 1 et 89 al. 1 OJ. Dans le premier recours, A.________ conteste sur le fond la décision du Plenum de la Cour de justice qui rejette sa demande de récusation de l'ensemble des juges de cette juridiction en invoquant la violation de ses droits constitutionnels; dans le second recours, il s'en prend à l'arrêt de la Cour de cassation déclarant irrecevable le pourvoi interjeté contre cette même décision du plenum, en faisant valoir qu'une voie de recours sur le plan cantonal serait ouverte. Cette question doit être examinée en premier lieu car si l'argumentation du recourant devait être suivie, elle rendrait sans objet le recours formé dans la cause 1P.531/2005.
2.1 Le Tribunal fédéral revoit l'interprétation et l'application du droit cantonal sous l'angle de l'arbitraire. Il ne s'écarte de la solution retenue que si celle-ci se révèle insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, ou si elle a été adoptée sans motifs objectifs et en violation d'un droit certain. En revanche, si l'interprétation défendue par la cour cantonale ne se révèle pas déraisonnable ou manifestement contraire au sens et au but de la disposition ou de la législation en cause, elle sera confirmée, même si une autre solution paraît également concevable, voire même préférable. En outre, l'annulation de la décision attaquée ne se justifie que si celle-ci est arbitraire dans son résultat, ce qu'il appartient au recourant de démontrer par une motivation conforme aux exigences de l'art. 90 al. 1 let. b OJ (ATF 131 I 217 consid. 2.1 p. 219).
2.2 Les décisions soumises à cassation sont énumérées à l'art. 339 CPP gen. A teneur de cette disposition, le pourvoi en cassation peut être dirigé contre les ordonnances de non-lieu (let. a), contre les jugements rendus en dernier ressort par le Tribunal de police (let. b), contre les arrêts de la Cour correctionnelle et de la Cour d'assises (let. c) et contre les arrêts de la Cour de justice, à l'exception de ceux de la Chambre pénale statuant sur appel des jugements du Tribunal de police (let. d).
Se référant à sa pratique constante, la Cour de cassation a estimé que le pourvoi n'était ouvert que contre les décisions finales sur le fond, auxquelles sont assimilées les décisions sur questions préjudicielles ou incidentes qui mettent fin à l'instance. Tel ne serait pas le cas de la décision sur récusation prise par le Plenum de la Cour de justice, qui ne pourrait dès lors faire l'objet d'un pourvoi. Par ailleurs, une telle décision ne pourrait pas être portée devant elle en vertu de l'art. 99 al. 4 de la loi sur l'organisation judiciaire genevoise (LOJ gen.), à teneur duquel les décisions sur récusation sont rendues à huis clos et ne sont pas susceptibles de recours. Enfin, le pourvoi serait également irrecevable au regard de l'art. 339 al. 1 let. d CPP gen., s'agissant d'une décision prise dans le cadre d'une procédure d'appel d'un jugement du Tribunal de police.
L'irrecevabilité du pourvoi en cassation est donc fondée sur trois motivations alternatives et indépendantes. En pareil cas, le recourant doit démontrer que chacune d'elles viole ses droits constitutionnels, à peine d'irrecevabilité (ATF 121 I 1 consid. 5a p. 10; 121 IV 94 consid. 1b p. 95; 119 Ia 13 consid. 2 p. 16; 118 Ib 26 consid. 2b p. 28 et les arrêts cités). A.________ se borne à affirmer que la décision du Plenum de la Cour de justice rejetant sa demande de récusation serait une décision de fond qui émanerait d'une autorité distincte de la Chambre pénale et qui ne ferait ainsi pas l'objet de l'exception prévue à l'art. 339 al. 1 let. d CPP gen. Il ne cherche en revanche pas à démontrer en quoi il serait insoutenable de déduire de l'art. 99 al. 4 LOJ gen. que la décision du plenum ne serait pas susceptible d'un pourvoi. Or, selon la jurisprudence, l'application d'une disposition légale conforme à son texte clair ne saurait être traitée d'arbitraire; tout au plus il convient de réserver le cas où il y aurait de sérieuses raisons de penser qu'un texte de loi ne rende pas le véritable sens qu'a entendu lui donner le législateur (ATF 131 II 13 consid. 7.1 p. 31). Le recourant n'entreprend nullement une telle démonstration.
Le recours formé contre l'arrêt de la Cour de cassation du 17 août 2005 doit donc être déclaré irrecevable.
3.
A.________ s'en prend également à la décision du Plenum de la Cour de justice du 27 juin 2005, qui déclare sa demande de récusation généralisée et non motivée de l'ensemble des juges suppléants de la cour matériellement irrecevable et subsidiairement mal fondée. La Cour de justice aurait, selon lui, appliqué arbitrairement l'art. 70 LOJ gen. en désignant des juges suppléants pour statuer sur l'appel qu'il a interjeté contre le jugement du Tribunal de police en l'absence d'une cause de récusation ou d'empêchement. Elle aurait en outre violé l'art. 6 CEDH, qui garantit à toute personne le droit d'être jugée par un tribunal indépendant et impartial, en ne prononçant pas la récusation de l'ensemble des juges de la cour, y compris des juges suppléants. Enfin, elle n'aurait pas respecté son devoir de motiver ses décisions, tel qu'il découle de l'art. 103 LOJ gen., en omettant d'indiquer les causes de récusation des juges titulaires de la cour. Si le recourant attaque la motivation subsidiaire au fond retenue pour écarter sa requête, on cherche en revanche en vain une argumentation topique et conforme aux exigences déduites de l'art. 90 al. 1 let. b OJ en relation avec la motivation principale tirée de l'irrecevabilité matérielle de la demande de récusation.
Le recours formé contre la décision du Plenum de la Cour de justice du 27 juin 2005 est par conséquent également irrecevable.
4.
Vu l'issue des recours, la requête d'effet suspensif est sans objet. Il y a lieu de mettre un émolument judiciaire à la charge du recourant, qui succombe (art. 156 al. 1 OJ). Les intimés, qui ont procédé seuls, n'ont pas droit à des dépens. Il en va de même des autorités concernées (art. 159 al. 2 OJ).
Par ces motifs, vu l'art. 36a OJ, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Les causes 1P.531/2005 et 1P.605/2005 sont jointes.
2.
Les recours sont irrecevables.
3.
Un émolument judiciaire de 3'000 fr. est mis à la charge du recourant.
4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties, à la Cour de cassation et au Plenum de la Cour de justice du canton de Genève.
Lausanne, le 17 octobre 2005
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le président: Le greffier: