BGer 1P.416/2005
 
BGer 1P.416/2005 vom 27.09.2005
Tribunale federale
{T 0/2}
1P.416/2005 /col
Arrêt du 27 septembre 2005
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges Féraud, Président,
Nay et Fonjallaz.
Greffier: M. Zimmermann.
Parties
A.________,
recourante, représentée par Me Christophe Claude Maillard, avocat,
contre
B.________, représenté par Me Dominique Morard, avocat,
X.________, Tribunal civil de la Gruyère,
case postale 364, 1630 Bulle,
intimés,
Tribunal civil de la Gruyère, Le Château,
case postale 364, 1630 Bulle.
Objet
récusation,
recours de droit public contre l'ordonnance du Tribunal civil de la Gruyère du 23 mai 2005.
Faits:
A.
Le Juge X.________, Président du Tribunal civil de la Gruyère conduit depuis le 4 août 2000 la procédure matrimoniale opposant A.________ à B.________.
Dans ce cadre, le Juge X.________ a rendu une ordonnance sur mesures provisionnelles le 12 février 2001 et une ordonnance d'urgence le 23 août 2004. Le 2 août 2004, B.________ a demandé la modification de l'ordonnance du 12 février 2001. Le 27 août 2004, A.________ a répondu à cette requête. Le 29 novembre 2004, le Juge X.________ a tenu une audience, au cours de laquelle A.________ a déclaré s'en remettre à justice quant au montant de la pension qui lui serait octroyée. Le Tribunal a invité les parties à produire des pièces supplémentaires au sujet de leur situation financière. Le 11 avril 2005, le Tribunal a admis partiellement la requête de B.________ et modifié en conséquence l'ordonnance du 12 février 2001.
Le 15 avril 2005, le Tribunal civil de la Gruyère, siégeant dans la composition des Juges X.________ comme président, Y._________ et Z.________, a entendu les parties. A.________ s'est opposée à ce que la maison familiale soit vendue au prix de 340'000 fr., comme proposé par B.________. Elle a en outre demandé que soit produite la comptabilité de la société C.________ pour les années 2003 et 2004. Elle soupçonne son mari de détenir des parts dans cette société qui l'emploie et de cacher ainsi une part de ses revenus. Le Juge X.________ a refusé de poser cette question au défendeur. A l'issue de l'audience, le Tribunal a fixé aux parties un délai pour produire des pièces.
Le 27 avril 2005, A.________ a demandé la récusation du Juge X.________, au motif que celui-ci, en refusant d'investiguer sur la participation du défendeur dans la société qui l'emploie, aurait manifesté de la partialité à son égard.
Le 23 mai 2005, le Tribunal civil de la Gruyère, siégeant dans la composition des Juges D.________ comme président, E.________ et F.________, a rejeté la requête.
B.
Agissant par la voie du recours de droit public, A.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler la décision du 23 mai 2005 et de renvoyer la cause à l'autorité cantonale pour nouvelle décision. Elle invoque les art. 29 al. 2 et 30 Cst. Elle requiert l'assistance judiciaire.
Le Tribunal civil de la Gruyère ne s'est pas déterminé. Le Juge X.________ a renoncé à le faire. L'intimé B.________ conclut au rejet du recours dans la mesure de sa recevabilité.
Le Tribunal fédéral considère en droit:
1.
La recourante reproche au Tribunal civil de la Gruyère d'avoir statué sans tenir les débats qu'elle avait requis. Elle y voit une violation de son droit d'être entendue, garanti par les art. 43 du Code de procédure civile du 28 avril 1953 (CPC/FR) et 29 al. 2 Cst.
1.1 La portée du droit d'être entendu et les modalités de sa mise en oeuvre sont tout d'abord déterminées par la législation cantonale, dont le Tribunal fédéral revoit l'application sous l'angle restreint de l'arbitraire. Il examine en revanche librement si les garanties minimales consacrées par le droit constitutionnel fédéral ont été respectées (ATF 126 I 15 consid. 2a p. 16; 125 I 257 consid. 3a p. 259; 124 I 241 consid. 2 p. 242/243 et les arrêts cités).
1.2 La recourante se prévaut de l'art. 43 CPC/FR, à teneur duquel la demande de récusation est présentée par écrit à l'autorité compétente, qui la communique au magistrat ou fonctionnaire visé et à l'autre partie avec fixation d'un bref délai pour se déterminer (al. 1); lorsque la personne visée ou la partie adverse conteste le cas de récusation, l'autorité compétente instruit et juge la contestation en la forme sommaire; les parties sont admises à faire valoir leurs moyens oralement, si elles le requièrent (al. 2).
La recourante a présenté sa demande de récusation le 27 avril 2005. Le Juge X.________ a contesté cette requête le 28 avril 2005. Le 3 mai 2005, la recourante a requis la tenue de débats, en se prévalant de l'art. 43 CPC/FR. Le 4 mai 2005, le Tribunal civil a invité la partie adverse à se déterminer à ce sujet. Le 9 mai 2005, l'intimé B.________ a proposé le rejet de la demande et indiqué que l'audience selon l'art. 43 al. 2 CPC/FR devait être mise sur pied "uniquement pour traiter de l'incident". Le 23 mai 2005, le Tribunal civil a statué sans débats.
Au regard de l'art. 43 al. 2 CPC/FR, pour que le tribunal entende oralement les parties, il faut que deux conditions cumulatives soient réalisées: la récusation doit être contestée, d'une part, et une partie doit requérir expressément la tenue d'une audience, d'autre part. Ces deux exigences sont réalisées en l'espèce: le Juge X.________ s'est opposé à sa récusation; la recourante a demandé la tenue de débats. Le Tribunal civil ne pouvait dès lors statuer sans tenir une audience préalable. En passant outre, il a violé arbitrairement la loi.
Dans sa réponse du 10 août 2005, l'intimé B.________ expose que le juge de la récusation, appelé à statuer selon la procédure sommaire, disposerait d'une marge d'appréciation; il serait libre d'écarter d'emblée une demande de récusation manifestement mal fondée. Cette thèse contredit toutefois le texte clair de l'art. 43 al. 2 CPC/FR. Au demeurant, l'intimé avait lui-même admis le principe de l'audience dans sa prise de position du 9 mai 2005.
Le grief tiré de l'art. 43 al. 2 CPC/FR est ainsi bien fondé.
2.
Le recours doit être admis et la décision attaquée annulée pour ce seul motif, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres griefs soulevés par la recourante. La violation constatée, de nature formelle, ne peut en effet être redressée dans la procédure fédérale. Il appartiendra au Tribunal civil de statuer à nouveau, après débats. Il est statué sans frais (art. 156 OJ). L'Etat de Fribourg versera à la recourante une indemnité de 2000 fr. à titre de dépens (art. 159 OJ). La demande d'assistance judiciaire a perdu son objet.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est admis et la décision attaquée annulée.
2.
Il est statué sans frais. L'Etat de Fribourg versera à la recourante une indemnité de 2000 fr. à titre de dépens.
3.
La demande d'assistance judiciaire a perdu son objet.
4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties et au Tribunal civil de la Gruyère.
Lausanne, le 27 septembre 2005
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le président: Le greffier: