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Original
 
Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
6S.335/2005 /rod
Arrêt du 25 septembre 2005
Cour de cassation pénale
Composition
MM. les Juges Schneider, Président,
Wiprächtiger et Kolly.
Greffière: Mme Bendani.
Parties
Ministère public du canton de Vaud, 1014 Lausanne,
recourant,
contre
B.________,
intimé, représenté par Me Jacques Barillon, avocat,
Objet
Fixation de la peine (art. 63 CP),
pourvoi en nullité contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de cassation pénale, du 24 mars 2005.
Faits:
A.
Par jugement du 15 décembre 2004, le Tribunal criminel de l'arrondissement de Lausanne a condamné:
- A.________, pour infraction grave à la LStup, organisation criminelle, blanchiment d'argent, tentative de mise en circulation de fausse monnaie, abus de confiance, escroquerie, utilisation frauduleuse d'un ordinateur et faux dans les titres, à seize ans de réclusion, sous déduction de la détention préventive;
- B.________, pour infraction grave à la LStup, organisation criminelle et blanchiment d'argent, à treize ans de réclusion, sous déduction de la détention préventive;
- C.________, pour infraction grave à la LStup, organisation criminelle, blanchiment d'argent et faux dans les titres, à neuf ans de réclusion, sous déduction de la détention préventive, et
- D.________, pour infraction grave à la LStup, abus de confiance, escroquerie par métier, complicité d'escroquerie par métier, faux dans les titres et recel, à huit ans et demi de réclusion, sous déduction de la détention préventive.
Ces condamnations reposent principalement sur les éléments suivants.
A.a B.________, A.________, D.________ et C.________ ont pris part à l'un des plus gros réseaux de distributeurs de cocaïne en Europe. Cette organisation était active en Amérique du Sud et en Europe. Des membres, établis au Brésil, étaient chargés du recrutement des mules et de l'achat de la cocaïne en gros; d'autres membres, également établis au Brésil, étaient chargés de la réception des mules et de la cocaïne, puis de l'envoi de celle-ci en Europe; les derniers membres étaient chargés de la réception de la marchandise en Europe et de sa distribution. Le bénéfice des ventes repartait généralement au Brésil ou au Liban.
A.b Plusieurs centaines de kilos de cocaïne ont été saisis en Europe en relation directe avec ce réseau. Le trafic de B.________, A.________, D.________ et C.________ a porté sur plusieurs dizaines de kilos de cocaïne, soit au minimum 28 kilos et 250 grammes. Ils se sont servis de mules qu'ils ont envoyées au Brésil et qui revenaient avec la drogue contenue dans des sachets placés autour de la taille et des mollets. Une partie de la cocaïne a été envoyée en Italie.
B.
Par arrêt du 24 mars 2005, la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal vaudois a notamment rejeté le recours du Ministère public.
C.
Le Ministère public du canton de Vaud se pourvoit en nullité au Tribunal fédéral. Invoquant une violation de l'art. 63 CP, il conteste la sentence infligée à B.________ et conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué.
L'intimé conclut, avec suite de frais et dépens, au rejet du pourvoi.
Le Tribunal fédéral considère en droit:
1.
1.1 Pour fixer la peine, le juge dispose d'un large pouvoir d'appréciation. Un pourvoi en nullité portant sur la quotité de la peine ne peut donc être admis que si la sanction a été fixée en dehors du cadre légal, si elle est fondée sur des critères étrangers à l'art. 63 CP, si les éléments d'appréciation prévus par cette disposition n'ont pas été pris en compte ou enfin si la peine apparaît exagérément sévère ou clémente au point que l'on doive parler d'un abus du pouvoir d'appréciation (ATF 129 IV 6 consid. 6.1 p. 20 s. et les références citées).
Les éléments pertinents pour la fixation de la peine ont été exposés de manière détaillée dans les ATF 117 IV 112 consid. 1 et 116 IV 288 consid. 2a et rappelés récemment dans l'ATF 129 IV 6 consid. 6.1, auxquels on peut donc se référer.
1.2 En matière de stupéfiants, la quantité de drogue, même si elle ne joue pas un rôle prépondérant, constitue un élément important. Elle perd cependant de l'importance au fur et à mesure que l'on s'éloigne de la limite à partir de laquelle le cas doit être considéré comme grave au sens de l'art. 19 ch. 2 let. a LStup. Il en va de même lorsque plusieurs des circonstances aggravantes prévues à l'art. 19 ch. 2 LStup sont réalisées. Le type de drogue et sa pureté doivent aussi être pris en considération. Le type et la nature du trafic en cause sont aussi déterminants. L'appréciation est différente selon que l'auteur a agi de manière autonome ou comme membre d'une organisation. Dans ce dernier cas, il importera de déterminer la nature de sa participation et sa position au sein de l'organisation (ATF 121 IV 202 consid. 2d/cc p. 206). L'étendue du trafic entrera également en considération. Un trafic purement local sera en règle générale considéré comme moins grave qu'un trafic avec des ramifications internationales. Enfin, le nombre d'opérations constitue un indice pour mesurer l'intensité du comportement délictueux; celui qui écoule une fois un kilo d'héroïne sera en principe moins sévèrement puni que celui qui vend cent grammes à dix reprises.
Outre les éléments qui portent sur l'acte lui-même, le juge doit prendre en considération la situation personnelle du délinquant. Les mobiles, c'est-à-dire les raisons qui ont poussé l'auteur à agir, ont aussi une influence sur la détermination de la peine. Il conviendra ainsi de distinguer le cas de l'auteur qui est lui-même toxicomane et qui agit pour financer sa propre consommation de celui qui participe à un trafic uniquement poussé par l'appât du gain (ATF 122 IV 299 consid. 2b p. 301). Il faudra enfin tenir compte des antécédents, qui comprennent aussi bien les condamnations antérieures que les circonstances de la vie passée.
1.3 Une inégalité de traitement dans la fixation de la peine peut être invoquée dans un pourvoi en nullité. Compte tenu des nombreux paramètres qui interviennent dans la fixation de la peine, une comparaison avec d'autres cas concrets est cependant d'emblée délicate et le plus souvent stérile, dès lors qu'il existe presque toujours des différences entre les circonstances, objectives et subjectives, que le juge doit prendre en considération dans chacun des cas. Il ne suffirait d'ailleurs pas que le recourant puisse invoquer un cas où une peine particulièrement clémente a été fixée pour prétendre à un droit à l'égalité de traitement (ATF 120 IV 136 consid. 3a p. 144 et les arrêts cités). L'idée de ne pas créer un écart trop important entre deux coaccusés qui ont participé ensemble au même complexe de faits délictueux est néanmoins soutenable (ATF 123 IV 150 consid. 2b p. 154).
2.
Le Ministère public considère que la peine de treize ans de réclusion prononcée contre B.________ est arbitrairement clémente compte tenu de la gravité des actes et des peines infligées à ses coaccusés, C.________ et D.________, ces derniers ayant eu des rôles moindres.
2.1 La Cour de cassation a tenu compte des rôles respectifs de chaque coaccusé au sein du trafic et des éléments à charge et à décharge pour chacun d'eux. Elle a ainsi considéré que la faute de l'intimé était plus grave et lui a infligé une peine de treize ans de réclusion, alors qu'elle a condamné C.________ à neuf ans de réclusion et D.________ à huit ans et demi de réclusion. La différence entre ces sanctions n'est pas négligeable. Par ailleurs, la peine prononcée contre l'intimé n'apparaît pas exagérément clémente au regard des fautes commises par ses coaccusés, lesquelles fautes sont loin d'être légères. En effet, même si elle n'a pas agi uniquement par appât du gain, C.________ a quand même joué un rôle important dans le trafic. Elle s'est chargée de recruter les mules, qui ont ramené au moins 28 kilos de cocaïne du Brésil. Elle les a accompagnées, puis a récupéré la marchandise. Elle a convoyé des stupéfiants en Italie. Elle a aussi mis à disposition le compte de sa société pour effectuer des transferts d'argent provenant du trafic. A charge, elle a trois antécédents judiciaires. Quant à D.________, il a non seulement participé à l'acquisition de 250 grammes de cocaïne, mais a surtout permis, grâce à ses contacts, d'écouler la cocaïne en Italie. Il a agi par appât du gain et pour acquérir des stupéfiants pour sa propre consommation. A charge, il a aussi cinq antécédents judiciaires. Il a notamment été condamné, en 1994, à huit ans de réclusion, pour infraction grave à la LStup, vol en bande, escroquerie par métier, recel, faux dans les titres et faux dans les certificats, acquisition et prise en dépôt de fausse monnaie qualifiée et mise en circulation de fausse monnaie. En outre, C.________ et D.________ ont également commis d'autres infractions (cf. supra consid. A) auxquelles l'intimé n'a pas participé. Au regard de ces éléments, on ne peut parler d'une inégalité de traitement injustifiée dans la fixation des peines.
2.2 La peine ayant été fixée dans le cadre légal, en suivant les critères posés par l'art. 63 CP et sans se laisser guider par des considérations étrangères à cette disposition, il reste à examiner si elle est exagérément clémente au point de constituer un abus du pouvoir d'appréciation.
En raison des infractions retenues (cf. supra consid. A), l'intimé encourait une peine maximale de 20 ans de réclusion. Sa faute est très lourde. En prison jusqu'au 17 juillet 2001, il a organisé un trafic de stupéfiants depuis sa cellule avec A.________ avec qui il était détenu. Il a eu une position élevée dans le trafic, qui a porté sur une quantité de drogue très importante. Il a constitué le lien principal entre l'organisation criminelle et les coaccusés. Il s'est trouvé en Europe pour réceptionner les mules envoyées depuis le Brésil par ses frères. Il a agi au niveau de l'importation et du paiement de la marchandise. En revanche, contrairement à A.________, il n'a pas participé au transport et à la vente de la cocaïne et n'a donc pas fait preuve du même activisme. Il n'a pas non plus commis d'infraction dans d'autres domaines. A charge, l'intimé a déjà été condamné, le 26 avril 1999, à cinq ans de réclusion, pour violation de la LStup. Il faut également tenir compte de la récidive, du concours d'infractions, du fait qu'il a agi par appât du gain et que, malgré quelques aveux aux débats, il a minimisé son implication dans le trafic, dénotant ainsi une faible prise de conscience de la gravité de ses fautes. Compte tenu de ces éléments, la peine de treize ans de réclusion n'apparaît pas clémente au point de constituer un abus du large pouvoir d'appréciation accordé à l'autorité cantonale.
3.
En conclusion, le pourvoi est rejeté. Il n'est pas réclamé de frais au Ministère public (art. 278 al. 2 PPF).
Une indemnité est versée au mandataire de B.________, qui a déposé une réponse et conclu au rejet du recours (art. 278 al. 3 PPF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le pourvoi en nullité du Ministère public du canton de Vaud est rejeté.
2.
Il n'est pas perçu de frais.
3.
La Caisse du Tribunal fédéral versera au mandataire de B.________ une indemnité de 1'000 francs à titre de dépens.
4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties et au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de cassation pénale.
Lausanne, le 25 septembre 2005
Au nom de la Cour de cassation pénale
du Tribunal fédéral suisse
Le président: La greffière: