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Original
 
Tribunale federale
Tribunal federal
{T 1/2}
4C.169/2005 /ech
Arrêt du 5 septembre 2005
Ire Cour civile
Composition
M. et Mmes les juges Corboz, président, Rottenberg Liatowitsch et Romy, juge suppléante.
Greffier: M. Thélin.
Parties
Forever Laser Institut SA, Rhône,
Forever Laser Institut SA, Lac,
demanderesses et recourantes,
représentées par Me Bernard Lachenal,
contre
Artwear SA,
défenderesse et intimée, représentée par Me Alain Macaluso.
Objet
protection des raisons de commerce
recours en réforme contre l'arrêt rendu le 18 mars 2005 par la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.
Faits:
A.
Forever Laser Institut SA, Rhône, est inscrite au registre du commerce depuis 1997. Son but social est spécifié comme suit: "exploitation d'un institut de beauté et de physiothérapie, comprenant notamment un centre de soins esthétiques et d'épilation au laser, activités et conseils dans le domaine des soins du corps, de la santé et du bien-être, commerce de produits cosmétiques".
Forever Laser Institut SA, Lac, est inscrite au registre du commerce depuis 2003 avec le but social suivant: "exploitation d'un institut de beauté, de bien-être et de physiothérapie, comprenant notamment un centre de soins esthétiques et de traitements au laser, activités et conseils dans le domaine des soins du corps, de la santé et de prévention du vieillissement (successful ageing), de l'alimentation, de la nutrition, de l'amincissement et de l'hormonothérapie, ainsi que la commercialisation de tous produits cosmétiques et alimentaires".
Ces deux sociétés exploitent chacune un centre de soins en ville de Genève, la première à la rue du Rhône et la seconde à la place du Molard. Elles commercialisent en Suisse une ligne de produits sous les marques "forever", "forever beauty" et "forever laser".
B.
Artwear SA est inscrite au registre du commerce depuis 2003. Elle a pour but social l'exploitation d'espaces de beauté et de bronzage. Elle exploite depuis octobre 2003 un salon offrant un service de soins des ongles et un solarium à la rue de la Terrassière à Genève. Artwear SA utilise les termes "summer forever" sur des affichettes publicitaires ainsi que l'adresse internet www.summerforever.ch. Les termes "summer forever" sont également utilisés pour désigner le salon sur le site internet. En outre, Artwear SA utilise l'enseigne "summer forever" sur le domaine public à la rue de la Terrassière. Le timbre humide de la société, ses cartes de visite et ses listes de prix comportent tous la mention "summer forever". Enfin, elle se sert d'un logotype et d'une enseigne créés sur la base du même motif, soit deux vagues superposées sur un fond bleu, avec les termes "summer" et "forever" l'un en dessous de l'autre.
Par courriers du 19 novembre 2003, les sociétés Forever Laser Institut SA, Rhône, et Forever Laser Institut SA, Lac, se sont adressées à elle pour l'avertir d'un risque de confusion entre leurs entreprises respectives. Elles lui demandaient de cesser toute utilisation du nom et de l'enseigne "summer forever" et de leur céder les noms de domaine www.summerforever.com et www.summerforever.ch. Artwear SA a répondu que cette mise en demeure ne recevrait aucune suite.
C.
Le 17 décembre 2003, agissant conjointement, les deux sociétés Forever Laser ont ouvert action contre Artwear SA devant la Cour de justice du canton de Genève. Leur demande tendait à faire constater que la défenderesse se rendait coupable, en utilisant l'enseigne et la raison de commerce "summer forever", d'une atteinte illicite à leurs intérêts personnels, d'une imitation illicite de leurs raisons de commerce et d'un acte de concurrence déloyale; elle tendait en outre à faire interdire ces utilisations sous la menace des peines de l'art. 292 CP.
La défenderesse a conclu au rejet de la demande.
Statuant le 18 mars 2005, la Cour de justice lui a donné gain de cause. Selon son prononcé, les signes verbaux "forever laser" et "summer forever" présentent une similitude en raison de l'utilisation de l'adverbe de langue anglaise "forever". Celui-ci doit être tenu pour générique car il présente un caractère descriptif lié à l'effet d'un produit et à la durée de son efficacité. Les éléments forts des noms des parties, à savoir "laser" et "summer", sont suffisamment différents, de sorte qu'un risque de confusion n'existe pas. En outre, bien que les deux sociétés soient actives dans le domaine du bien-être, leurs buts et leurs activités les distinguent nettement. Il n'apparaît donc pas que ces sociétés se trouvent dans un rapport de concurrence directe, ce qui diminue le risque d'une éventuelle confusion.
D.
Agissant par la voie du recours en réforme, les demanderesses requièrent le Tribunal fédéral de modifier l'arrêt de la Cour de justice en ce sens que leur demande soit admise. Elles s'abstiennent toutefois, désormais, de solliciter une constatation concernant un acte de concurrence déloyale. Elles se plaignent de violation du droit fédéral concernant la protection des raisons de commerce.
La défenderesse conclut au rejet du recours, dans la mesure où celui-ci est recevable.
Le Tribunal fédéral considère en droit:
1.
Le recours est formé par une partie qui a succombé dans ses conclusions. Il est dirigé contre un jugement final rendu en dernière instance cantonale par un tribunal suprême (art. 48 al. 1 OJ), dans une contestation relative à l'usage d'une raison de commerce où ce moyen de droit peut être exercé sans égard à la valeur litigieuse (art. 45 let. a OJ). Déposé en temps utile (art. 54 al. 1 OJ) et dans les formes requises (art. 55 OJ), il est en principe recevable.
Le recours en réforme peut être formé pour violation du droit fédéral, à l'exclusion des droits constitutionnels et du droit cantonal (art. 43 al. 1 OJ; ATF 127 III 248 consid. 2c et les arrêts cités). Le Tribunal fédéral doit conduire son raisonnement juridique sur la base des faits constatés dans la décision attaquée, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient été violées, qu'il y ait lieu de rectifier des constatations reposant sur une inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il soit nécessaire de compléter les constatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu compte de faits pertinents, régulièrement allégués et clairement établis (art. 64 OJ; ATF 130 III 102 consid. 2.2, 136 consid. 1.4).
En tant qu'elles renoncent à solliciter une constatation qui aurait pour objet un acte de concurrence déloyale, les demanderesses réduisent leurs conclusions, ce qui est admissible au regard de l'art. 55 al. 1 let. b OJ (Jean-François Poudret, Commentaire de la loi fédérale d'organisation judiciaire, ch. 1.4.3 ad art. 55 OJ). Pour le surplus, la défenderesse conteste vainement la recevabilité des conclusions en constatation que ces parties dirigent contre elle. En effet, savoir si le droit fédéral accorde une action en constatation et, dans l'affirmative, si les conditions en sont satisfaites, sont des questions de fond qui déterminent la solution du litige; elles ne relèvent pas de la procédure à suivre devant le Tribunal fédéral.
Le Tribunal fédéral ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties mais il n'est lié ni par les motifs qu'elles invoquent (art. 63 al. 1 OJ) ni par l'argumentation juridique adoptée par la juridiction cantonale (art. 63 al. 3 OJ; ATF 130 III 136 consid. 1.4; 128 III 22 consid. 2e/cc in fine). Le Tribunal fédéral peut donc admettre un recours pour des motifs autres que ceux invoqués par le recourant; il peut aussi rejeter un recours en opérant une substitution de motifs, c'est-à-dire en adoptant une argumentation juridique autre que celle de la juridiction cantonale (ATF 130 III 136 consid. 1.4 in fine).
2.
Aux termes de l'art. 951 al. 2 CO, la raison d'une société anonyme qui ne contient pas de nom de personne doit se distinguer nettement de toute autre raison de commerce déjà inscrite en Suisse. Dès qu'une raison est inscrite au registre du commerce, conformément à l'art. 934 CO, et qu'elle est publiée dans la Feuille officielle suisse du commerce, l'ayant droit en a l'usage exclusif (art. 956 al. 1 CO). Le titulaire de la raison la plus ancienne peut demander en justice, s'il existe un risque de confusion, l'interdiction de l'usage de la raison la plus récente (art. 956 al. 2 CO). En outre, la protection d'une raison de commerce contre un usage indu, engendrant un risque de confusion, peut également être requise sur la base de la loi contre la concurrence déloyale; celle-ci s'applique cumulativement (ATF 100 II 224 consid. 5 p. 228).
En l'espèce, la désignation litigieuse "summer forever" n'est pas inscrite à titre de raison de commerce de la défenderesse. La cour cantonale a toutefois constaté que ce signe verbal a les mêmes caractéristiques qu'une raison de commerce. Il est en effet utilisé par la défenderesse comme enseigne ainsi que dans sa publicité et ses papiers commerciaux, tels que les cartes de visite et les listes de prix, pour désigner son entreprise. Or, la protection de l'art. 956 CO peut être revendiquée contre toute utilisation abusive d'une raison de commerce inscrite, y compris dans des désignations qui ne sont pas elles-mêmes inscrites au registre du commerce (Martina Altenpohl, Commentaire bâlois, 2e éd., ch. 7 ad art. 956 CO).
Les dispositions légales sur les raisons de commerce tendent à éviter des confusions dans le public; celui-ci comprend la clientèle des entreprises concernées et les autorités ou services publics (ATF 95 II 456 consid. 2 p. 458). De jurisprudence constante, la protection accordée par le droit des raisons de commerce n'est pas subordonnée à une condition ayant pour objet que les entreprises concernées soient actives dans la même branche. Toutefois, les exigences à respecter pour différencier les raisons de commerce sont plus sévères lorsque les entreprises concernées peuvent se trouver en concurrence, selon leurs dispositions statutaires, ou s'adresser au même cercle de clients (arrêt 4C.206/1999 du 14 mars 2000 in sic! 2000 p. 399, consid. 2b p. 400; ATF 100 II 224 consid. 2 p. 226; 97 II 234 consid. 1 p. 235; 93 II 40 consid. 2a p. 44). S'il existe un rapport de concurrence ou des buts statutaires identiques, les raisons doivent se distinguer de manière particulièrement nette (ATF 118 II 322 consid. 2a p. 325).
La notion de risque de confusion est la même dans tout le droit des signes distinctifs (ATF 128 III 353 consid. 4 p. 359). L'existence d'un risque de confusion est une question de droit que le Tribunal fédéral examine librement dans le cadre d'un recours en réforme (ATF 95 II 456 consid. 1 p. 458). Pour en juger, il faut prendre en considération l'impression globale que laissent les deux raisons, comparées dans leur entier auprès du public. Toutefois, les éléments qui dominent de par leur sonorité ou leur sens présentent une importance particulière car ils subsistent mieux dans la mémoire et ils sont souvent utilisés seuls (ATF 122 III 369 consid. 1 p. 370/371; 97 II 153 consid. 2b p. 155). S'il s'agit de noms de fantaisie, on témoigne de plus de rigueur car la liberté de choix est grande dans ce domaine (ATF 95 II 456 consid. 2 p. 458). Le principe inverse s'applique aux raisons de commerce constituées de descriptions génériques appartenant au domaine public. Le titulaire de la raison antérieure ne peut pas se réserver l'usage exclusif d'une désignation générique. Il a seulement le droit d'exiger qu'une raison plus récente, contenant la même désignation générique, se distingue suffisamment par des éléments additionnels et dotés d'une certaine force distinctive, propres à individualiser cette nouvelle raison (ATF 122 III 369 consid. 1 p. 371; 118 II 322 consid. 1in fine p. 325). Cependant, les exigences à poser pour la force distinctive de ces éléments additionnels ne doivent pas être excessives; un élément additionnel relativement faible peut suffire (ATF 122 III 369 consid. 1 p. 371). Enfin, les raisons de commerce qui ont une faible force distinctive jouissent d'un champ de protection plus limité que celles dotées d'un grand pouvoir de distinction. Celui dont la raison de commerce se rapproche du domaine public accepte une force distinctive plus faible aussi longtemps qu'il n'a pas acquis une renommée considérable par des efforts publicitaires (ATF 122 III 369 consid. 1 p. 371 in fine).
3.
En l'espèce, comme l'a fait la cour cantonale, le risque de confusion doit s'apprécier en fonction des éléments caractéristiques des signes verbaux utilisés par les parties, à savoir "forever laser" pour les demanderesses et "summer forever" pour la défenderesse. Les autres termes "institut et "SA " composant les raisons des demanderesses n'ont en effet pas de force distinctive particulière: "institut" signifie établissement et se réfère au local dans lequel se déroule l'activité commerciale des demanderesses et "SA" à leur forme juridique. Ce sont des termes du domaine public auxquels le public ne prête pas grande attention. Les termes "forever" et "laser" sont deux notions génériques. Ils mettent en évidence un aspect technique concernant les activités déployées, soit l'utilisation du laser; "forever" ajoute une notion de durée et de pérennité.
Les demanderesses contestent que le terme "forever" soit générique ou descriptif. Il s'agit, selon elles, d'un terme de fantaisie qui jouit d'une force descriptive accrue car il n'a pas de lien de connexité directe avec les instituts de beauté proprement dits, de sorte que l'association entre ce terme et les soins du corps ne vient pas immédiatement à l'esprit.
Cette argumentation ne saurait être suivie. En premier lieu, le terme "forever" est un adverbe anglais qui signifie "pour toujours" ou "très longtemps" (Le Robert & Collins super senior: grand dictionnaire français-anglais, Paris 2003, p. 352). L'ensemble de la population le maîtrise. Il véhicule ainsi une idée de durée. En ce sens, il a un caractère descriptif lié à la durée d'un produit et de son efficacité. Le terme "forever" qui précède le terme "laser" dans les raisons des demanderesses évoque bien dans l'esprit du public un élément de durée liée à une technique. Les centres "Forever Laser" pratiquent l'épilation, en principe définitive, au laser, et c'est précisément cet aspect de leur activité qui est mis en évidence dans leurs raisons de commerce. Contrairement à ce que soutiennent les demanderesses, l'association des termes "forever" et "laser" évoque bien l'activité déployée dans leurs instituts et tous deux doivent, pour cette raison, être considérés comme descriptifs.
On ne saurait non plus suivre les demanderesses lorsqu'elles invoquent que le terme de "forever", utilisé pour un institut de beauté, constitue un élément paradoxal de pure fantaisie parce que, par essence, la beauté n'est pas éternelle. Cet argument est démenti par les très nombreuses occurrences "forever-beauty" recensées sur les moteurs de recherche internet courants et relevées par la cour cantonale. La fréquence d'utilisation de ce mot en relation avec la beauté démontre bien qu'il ne s'agit pas d'un terme de fantaisie résultant d'une création libre. Il faut au contraire en conclure que le terme "forever" est couramment associé aux soins de beauté, certes non pour souligner leurs effets éternels, mais bien pour suggérer une idée de durée, donc d'efficacité, auprès de la clientèle. Ainsi peu importe, comme le soutiennent les demanderesses, que d'autres soins offerts par l'institut de beauté ne soient pas permanents.
Au vu de ce qui précède, et contrairement à ce qu'avancent les demanderesses, la combinaison des deux termes génériques "forever" et "laser" ne revêt pas un caractère d'originalité et de fantaisie de nature à leur conférer une force distinctive propre. En outre, selon les constatations de fait qui lient le Tribunal fédéral (art. 63 al. 2 OJ), les demanderesses n'ont pas démontré avoir acquis à Genève une réputation telle qu'à lui seul, l'usage du terme courant "forever" ferait immanquablement penser à elles. On peut donc admettre qu'il s'agit d'un signe faible, pour lequel on ne peut revendiquer qu'un champ de protection réduit.
Les demanderesses font encore valoir que le terme "forever" n'est pas un élément faible de leurs raisons de commerce car il ne consiste ni en une indication sur la forme juridique de la société ni sur son domaine d'activité; il serait un élément d'autant plus fort qu'il figure en première partie de la dénomination et tend à marquer de manière plus prononcée l'esprit du public. "forever" serait ainsi, à leurs dires, l'élément caractéristique de leurs propres raisons et l'adjonction "summer", par la défenderesse, ne suffirait pas à distinguer suffisamment "forever laser" de "summer forever".
Cette argumentation ne convainc pas. Les désignations en présence sont identiques par le terme "forever" qui, on l'a vu, est un terme générique ou descriptif faible tendant à décrire la durée ou l'efficacité d'un produit ou d'un soin. Il faut donc admettre que les éléments caractéristiques pour l'impression d'ensemble sont bien les termes "laser" et "summer". En effet, le public destinataire de ces désignations portera surtout son attention sur le type de services offerts: "laser" évoque l'aspect technique de la démarche des demanderesses et le terme "summer" fait penser naturellement au soleil, aux vacances, à la plage et au bronzage. En outre, le terme "forever", qui revêt de toute façon un caractère distinctif faible pour les raisons susmentionnées, est inversé dans le nom commercial de la défenderesse, de sorte que c'est bien le terme "summer" qui marque d'abord l'esprit du public. Or, "laser" et "summer" se distinguent suffisamment, tant par leur sonorité que par leur sens. Les demanderesses ne prétendent d'ailleurs pas le contraire. Elles arguent en vain des cas de confusion qui se sont effectivement produits. Il est vrai que selon la jurisprudence, les erreurs qui surviennent réellement peuvent constituer l'indice d'un risque de confusion. Toutefois, quelques confusions constatées en fait ne suffisent pas, à elles seules, pour établir que deux raisons de commerce ne se distinguent pas suffisamment (ATF 122 III 369 consid. 2c p. 373; 91 II 17 consid. 6 p. 22). Or, pour les motifs déjà mentionnés, la désignation utilisée par la défenderesse se distingue suffisamment des raisons sociales des demanderesses et les quelques méprises qui ont été constatées ne conduisent pas à un jugement différent.
4.
Les demanderesses soutiennent que la cour cantonale a violé l'art. 956 al. 2 CO en appréciant le risque de confusion à l'aune de conditions trop restrictives et étrangères au droit fédéral. Les premiers juges n'auraient pas pris en considération la similarité des buts et des activités des sociétés, ni la proximité des lieux où elles exercent ces activités, ce qui aurait dû conduire à apprécier le risque de confusion avec rigueur. Ils auraient violé le droit fédéral en considérant que seule l'existence d'un rapport de concurrence directe, nié en l'espèce, est pertinente pour apprécier le risque de confusion, et en excluant ce risque parce que les prestations offertes par les parties ne se recoupent que partiellement.
En réalité, la cour cantonale n'a pas subordonné la protection de l'art. 956 al. 2 CO à l'existence d'un rapport de concurrence directe et elle n'a pas non plus exclu le risque de confusion pour cette seule raison que les parties ne se trouvent pas dans un rapport de concurrence directe. Elle a examiné l'ensemble des circonstances pertinentes et elle a admis, à juste titre, que les raisons de commerce considérées se distinguent suffisamment dans l'esprit du public. Selon les constatations de fait qui lient le Tribunal fédéral, les sociétés en litige sont certes actives à Genève dans le domaine du bien-être mais leurs buts et leurs activités les distinguent nettement et les témoignages ont établi que leurs clientèles n'appartiennent pas au même milieu. Ces éléments sont pertinents pour déterminer qui sont les destinataires des raisons considérées et la façon dont ces destinataires se rappellent les signes distinctifs en cause. Sur cette base, et compte tenu que les raisons de commerce se distinguent suffisamment par leurs termes caractéristiques, il n'y avait pas lieu d'apprécier le risque de confusion de manière plus rigoureuse.
5.
Les demanderesses se plaignent encore d'une violation de l'art. 8 CC. Elles font valoir que la cour cantonale a écarté les témoignages de cinq personnes en considérant qu'il s'agit de proches des demanderesses, pour conclure qu'il n'existe pas de confusion, et qu'elle a violé par là les règles régissant le fardeau de la preuve. Cette critique met en cause l'appréciation des témoignages par la cour cantonale. Celle-ci a apprécié ces déclarations et elle est arrivée à la conclusion qu'ils n'étaient pas pertinents pour démontrer la réalité d'une confusion, dans le public, entre les raisons de commerces des demanderesses et la désignation utilisée par la défenderesse. Elle n'a aucunement renversé le fardeau de la preuve, de sorte que le moyen tiré de l'art. 8 CC est privé de fondement. Cette disposition de droit civil fédéral ne régit pas l'appréciation des preuves (ATF 131 III 222 consid. 4.3 p. 226; 129 III 18 consid. 2.6 p. 24/25) et le recours en réforme n'est pas recevable pour se plaindre de cette appréciation et des constatations de fait qui en résultent (ATF 130 III 102 consid. 2.2 in fine, 136 consid. 1.4; 129 III 618 consid. 3). Au demeurant, comme relevé ci-dessus, l'existence de quelques cas de confusion ne suffisent de toute manière pas, à eux seuls, pour établir que les raisons en présence ne se distinguent pas assez, de sorte que cet argument n'est d'aucun secours aux demanderesses.
6.
Celles-ci ne font plus état, en instance de réforme, d'une violation de la loi contre la concurrence déloyale. Le Tribunal fédéral applique cependant le droit d'office et il doit examiner à ce titre si les conclusions présentées sont fondées au regard de cette loi. Les considérations relatives à l'art. 956 al. 2 CO, conduisant à retenir l'absence d'un risque de confusion entre les raisons de commerce et autres désignations en présence, s'appliquent mutatis mutandis à l'art. 3 let. d LCD. Par ailleurs, l'arrêt attaqué ne contient aucune constatation de fait qui permettrait de retenir en raison d'autres circonstances l'existence d'un acte de concurrence déloyale, de sorte que l'arrêt attaqué doit être confirmé sur ce point également.
7.
Le recours en réforme se révèle privé de fondement et il sera donc rejeté. A titre de parties qui succombent, ses auteurs doivent acquitter l'émolument judiciaire et les dépens à allouer à la partie qui obtient gain de cause (art. 156 al. 1 et 159 al. 1 OJ).
Le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est rejeté.
2.
Les demanderesses acquitteront un émolument judiciaire de 5'000 fr., solidairement entre elles.
3.
Les demanderesses acquitteront, solidairement entre elles, une indemnité de 6'000 fr. à verser à la défenderesse à titre de dépens.
4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.
Lausanne, le 5 septembre 2005
Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse
Le président: Le greffier: