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Original
 
Eidgenössisches Versicherungsgericht
Tribunale federale delle assicurazioni
Tribunal federal d'assicuranzas
Cour des assurances sociales
du Tribunal fédéral
Cause
{T 7}
I 236/04
Arrêt du 29 mars 2005
IVe Chambre
Composition
MM. et Mme les Juges Ferrari, Président, Widmer et Ursprung. Greffière : Mme Berset
Parties
Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, avenue Général-Guisan 8, 1800 Vevey, recourant,
contre
F.________, intimée, représentée par la CAP
Compagnie d'Assurance de Protection Juridique SA,
rue St-Martin 26, 1005 Lausanne
Instance précédente
Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne
(Jugement du 5 février 2004)
Faits:
A.
F.________, née en 1952, est secrétaire de formation. Elle souffre de diverses séquelles d'un accident de la route survenu en 1984 (perte de la rate et d'un rein, arthrodèse de la cheville gauche avec raccourcissement du membre inférieur de six centimètres). Du 1er juin 1985 au 30 novembre 1989, elle a bénéficié d'une rente entière de l'assurance-invalidité. Par décision du 20 octobre 1989, entrée en force, le droit à la rente a été supprimé à partir du 1er décembre 1989 au motif que F.________ avait recouvré une capacité de travail et de gain totale dans une activité adaptée et refusé de se soumettre à une mesure de réadaptation professionnelle ordonnée par l'AI. L'assurée a choisi de travailler à 50 %, en qualité de dame de buffet dans l'entreprise familiale de restauration, à B.________, ce qu'elle a fait jusqu'à la fermeture de cet établissement en 1996. Par la suite, elle a perçu des prestations de l'assurance-chômage (avec une aptitude au placement de 100 %).
Le 25 octobre 1999, elle a déposé une demande de prestations, sollicitant l'octroi de mesures professionnelles.
Dans un rapport du 28 août 2000, le docteur H.________, médecin traitant, a fait état d'une incapacité de travail de 50 % du 1er novembre 1994 au 30 juin 2000, de 100 % du 1er au 30 juillet 2000 et de 50 %, à nouveau, dès cette date. Il a précisé que la patiente présente des oedèmes progressifs à la jambe gauche dès que ce membre n'est pas surélevé et que même dans une activité assise, la capacité de travail est limitée à 50 %.
L'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud (OAI) a confié une expertise au Service médical régional (SMR). Dans un rapport du 22 août 2001, le docteur O.________, médecin généraliste, et le docteur P.________, spécialiste en rhumatologie, ont fixé la capacité du point de vue ostéo-articulaire, à 30 % dans son activité habituelle et à 100 %, dans une activité qui ne l'obligerait pas à rester debout immobile de manière prolongée, à monter ou descendre des escaliers, donc une activité essentiellement assise.
Par décision du 19 juin 2002, l'OAI a nié le droit de l'assurée à toutes prestations, au motif que le taux d'invalidité résultant de la comparaison du revenu sans invalidité de 41'730 fr. et du revenu d'invalide de 40'193 fr., n'est que de 3,8 %.
B.
F.________ a recouru contre cette décision devant le Tribunal des assurances du canton de Vaud, en concluant à l'octroi de prestations de l'assurance-invalidité.
Dans le cadre de l'instruction, le docteur H.________ a rendu un rapport complémentaire le 29 août 2003.
Par jugement du 5 février 2004, le Tribunal des assurances a admis le recours, annulé la décision attaquée et renvoyé la cause à l'OAI pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Il a considéré, en bref, que le status osseux et vasculaire de la recourante occasionnait une incapacité de travail et de gain de plus de 70 % dans toute activité et que l'état de l'intéressée s'était aggravé depuis la suppression de la rente initiale; l'incapacité de travail se confondait avec l'incapacité de gain, de sorte que l'on pouvait renoncer à l'examen de l'aspect économique du dossier. L'assurée avait droit à une rente entière d'invalidité à partir du 1er octobre 1999.
C.
L'OAI interjette recours de droit administratif contre ce jugement, dont il demande l'annulation en concluant à la confirmation de sa décision du 19 juin 2002.
F.________ conclut, sous suite de dépens, au rejet du recours. L'Office fédéral des assurances sociales conclut à l'admission du recours, à l'appui d'observations circonstanciées.
Considérant en droit:
1.
Même si elle ne met pas fin à la procédure, une décision de renvoi par laquelle le juge invite l'administration à statuer à nouveau selon des instructions impératives, est une décision autonome, susceptible en tant que telle d'être attaquée par la voie du recours de droit administratif, et non une simple décision incidente (ATF 120 V 237 consid. 1a, 117 V 241 consid. 1 et les références; VSI 2001 p. 121 consid. 1a), de sorte qu'il y a lieu d'entrer en matière sur le recours.
2.
Le litige porte sur le droit de l'intimée à des prestations de l'assurance-invalidité (mesures professionnelles et rente).
3.
La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales (LPGA) du 6 octobre 2000, entrée en vigueur au 1er janvier 2003, n'est pas applicable au présent litige, dès lors que le juge des assurances sociales n'a pas à prendre en considération les modifications du droit ou de l'état de fait postérieures à la date déterminante de la décision litigieuse du 19 juin 2002 (ATF 130 V 230 sv. consid. 1.1 et les arrêts cités). Il en va de même des modifications de la Loi fédérale sur l'assurance-invalidité (LAI) et du Règlement sur l'assurance-invalidité (RAI) du 21 mars 2003, entrées en vigueur au 1er janvier 2004.
4.
La jurisprudence relative à la nouvelle demande selon l'art. 87 al. 3 et 4 RAI concerne toujours des cas dans lesquels les prestations ont été refusées par le passé. En revanche, elle n'est pas applicable lorsque, comme en l'espèce, une prestation a été précédemment allouée, mais pour une période limitée (ATF 125 V 410; voir aussi ATF 109 V 111 consid. 1b). Il n'y a dès lors pas lieu d'examiner si la demande de prestations du 25 octobre 1999 satisfait aux exigences posées quant au caractère plausible d'une modification déterminante des faits.
5.
L'office recourant fait grief aux premiers juges d'avoir écarté le rapport des médecins du SMR au profit d'une interprétation des informations données par le médecin traitant, d'avoir fixé le taux d'invalidité de l'intimée en fonction d'une incapacité de travail de 70 % qui n'est attestée par aucun médecin, d'avoir évalué l'invalidité sans procéder à une comparaison des revenus et d'avoir fixé la date du début de la rente selon les règles applicables en matière de révision.
5.1 Dans leur rapport d'examen du 22 août 2001, les médecins du SMR ont diagnostiqué une arthrodèse tibio-tarsienne gauche en position vicieuse. Au plan-ostéo-articulaire, l'intimée présente les séquelles d'un gravissime fracas ouvert distal de la jambe gauche qui a finalement guéri, laissant comme séquelle l'arthrodèse précitée. En ce qui concerne la capacité de travail dans une activité de dame de buffet, elle était objectivement de 30 % et l'on peut admettre que l'assurée a poursuivi cette activité jusqu'en 1996, travaillant au-dessus de ses forces. En revanche, au moins depuis 1989, époque à laquelle les chirurgiens-orthopédistes et traumatologues ont considéré le cas comme stabilisé du point de vue chirurgical, la capacité de travail de l'intéressée était totale dans une activité adaptée, soit excluant les déplacements à pied constant, les positions debout immobile prolongées, la montée et descente régulière des escaliers; des mesures de réadaptation auraient alors pu être entreprises.
5.2 Le rapport des docteurs O.________ et P.________, qui émane d'un service médical régional au sens de l'art. 69 al. 4 RAI (dans sa teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002) a pleine valeur probante dès lors qu'il remplit les exigences requises par la jurisprudence, ce qui n'est guère contestable en l'espèce (ATF 125 V 352 consid. 3a).
C'est en vain que l'intimée fait valoir que les médecins du SMR n'auraient pas pris en considération certaines affections, dont ses troubles vasculaires. Lors de l'examen du 17 juillet 2001, les docteurs O.________ et P.________ ont fixé les limitations dans l'activité adaptée en tenant compte des plaintes de l'assurée et notamment du fait que ses jambes enflent si elle reste debout plus de trois à quatre heures; quant aux douleurs dans le membre inférieur gauche, elles sont supportables, non insomniantes et non invalidantes, ainsi qu'il ressort des déclarations mêmes de l'intéressée. Par ailleurs, la présence d'éventuels troubles psychiques dans l'anamnèse récente de l'assurée n'a été mentionnée qu'à une reprise, le 28 août 2000, par le médecin traitant (sous la forme d'un état anxio-dépressif post-traumatique) qui a d'ailleurs abandonné ce diagnostic dans son rapport complémentaire du 29 août 2003. Ce seul élément ne justifie pas de procéder à une instruction complémentaire sur l'état psychique de l'intéressée. On rappellera à cet égard que le juge n'est pas tenu de procéder à une instruction complémentaire lorsqu'il est convaincu que certains faits présentent un degré de vraisemblance prépondérante et que d'autres mesures probatoires ne pourraient plus modifier cette appréciation (appréciation anticipée des preuves, cf. ATF 124 V 94 consid. 4b, 122 V 162 consid. 1d et l'arrêt cité).
Par ailleurs, lors de la pesée des divers avis médicaux, les constatations faites par ces médecins revêtent plus de poids que l'appréciation de l'incapacité de travail par les médecins traitants de l'intimée, pour les motifs exposés dans l'arrêt ATF 125 V 353 consid. 3b/cc et les références (cf. aussi RJJ 1995 p. 44; RCC 1988 p. 504 consid. 2). Dans cette situation, on ne saurait suivre l'appréciation du médecin traitant qui fixe l'incapacité de travail de sa patiente à 50 %, également dans une occupation assise (dont il mettra en demeurant en doute l'exigibilité dans son dernier rapport). En effet, cette appréciation du docteur H.________ se fonde essentiellement sur les plaintes exprimées de manière subjective par sa patiente, si bien qu'elle n'est pas propre à mettre en doute les conclusions des médecins du SMR.
Il s'ensuit que les premiers juges ont procédé à une appréciation insoutenable des preuves en se fondant exclusivement sur le rapport du 29 août 2003 du docteur H.________ et en fixant le taux de l'incapacité de travail à 70 % au moins, sans aucune référence à des documents médicaux.
Au vu de ces éléments, on doit admettre que l'intimée conserve une capacité de 100 % dans une activité adaptée, telle qu'elle est décrite par les médecins du SMR. Demeure évidemment réservée une demande fondée sur une aggravation de l'état de santé et de ses conséquences postérieurement à la décision litigieuse (ATF 121 V 366 consid. 1b).
6.
Il reste à déterminer le taux d'invalidité présenté par l'intimée.
6.1 L'office recourant reproche, à bon droit, aux premiers juges d'avoir assimilé le taux d'invalidité de l'intimée à son taux d'incapacité de travail.
L'invalidité est en effet une notion économique et non médicale; les critères médico-théoriques ne sont pas déterminants, mais les répercussions de l'atteinte à la santé sur la capacité de gain (cf. par analogie, RAMA 1991 no U 130 p. 272 consid. 3b; voir aussi ATF 114 V 314 consid. 3c); ainsi le taux d'invalidité ne se confond pas nécessairement avec le taux d'incapacité fonctionnelle déterminé par le médecin, ce sont les conséquences économiques objectives de l'incapacité fonctionnelle qu'il importe d'évaluer (ATF 110 V 275 consid. 4a).
6.2 Chez les assurés actifs, le degré d'invalidité doit être déterminé sur la base d'une comparaison des revenus. Pour cela, le revenu du travail que l'invalide pourrait obtenir en exerçant l'activité qu'on peut raisonnablement attendre de lui, après exécution éventuelle de mesures de réadaptation et compte tenu d'une situation équilibrée du marché du travail, est comparé au revenu qu'il aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide. La comparaison des revenus s'effectue, en règle ordinaire, en chiffrant aussi exactement que possible les montants de ces deux revenus et en les confrontant l'un avec l'autre, la différence permettant de calculer le taux d'invalidité (méthode générale de comparaison des revenus; ATF 128 V 30 consid. 1, 104 V 136 consid. 2a et 2b).
6.3 L'office recourant a fixé le revenu sans invalidité à un montant de 41'730 fr. par an correspondant au salaire que l'intimée aurait perçu en 2001 en tant qu'employée de restauration. Ce montant n'est ni contesté ni contestable dès lors qu'il s'agit de la rémunération de l'activité que l'intimée avait exercé et aurait continué à exercer pleinement sans atteinte à la santé.
6.4 Pour déterminer le revenu d'invalide, à l'issue d'une enquête complémentaire, l'office a été amené à retenir trois postes susceptibles de permettre à l'intimée de mettre en valeur sa capacité de travail et tenant compte des limitations fonctionnelles fixées par les médecins du SMR. Il a ainsi admis qu'elle serait à même d'exercer une occupation d'employée de bureau, vendeuse dans un kiosque de quartier et ouvrière d'usine dans le montage industriel, pour un salaire annuel moyen de l'ordre de 40'193 fr.
Au regard du nombre restreint de postes de travail envisagés (cf. dans ce sens ATF 129 V 472), il convient plutôt de se référer aux statistiques salariales.
En l'espèce, compte tenu de l'activité légère de substitution, le salaire de référence est celui auquel peuvent prétendre les femmes effectuant des activités simples et répétitives dans le secteur privé, à savoir 3'658 fr. par mois - valeur en 2000 - part au 13ème salaire comprise (L'Enquête suisse sur la structure des salaires 2000, p. 31, Tableau TA1, niveau de qualification 4), soit 43'896 fr. par année. Ce salaire hypothétique représente, compte tenu du fait que les salaires bruts standardisés se basent sur un horaire de travail de quarante heures, soit une durée hebdomadaire inférieure à la moyenne usuelle dans les entreprises en 2001 (41,7 heures; La Vie économique, 4-2002 p. 86, tabelle B 9.2) un revenu annuel d'invalide de 45'762 fr. (43'896 fr. x 41.7 : 40). Adapté à l'évolution des salaires selon l'indice des salaires nominaux pour les femmes (Evolution des salaires en 2002, p. 33, Tableau T1.2.93) de l'année 2001 (2.5 %), il s'élève à 46'906 fr.
La mesure dans laquelle les salaires ressortant des statistiques doivent être réduits, dépend de l'ensemble des circonstances personnelles et professionnelles du cas particulier (limitations liées au handicap, âge, années de service, nationalité/catégorie d'autorisation de séjour et taux d'occupation) et résulte d'une évaluation dans les limites du pouvoir d'appréciation. Une déduction globale maximum de 25 % sur le salaire statistique permet de tenir compte des différents éléments qui peuvent influencer le revenu d'une activité lucrative (ATF 126 V 79 s. consid. 5b/aa-cc; VSI 2002 p. 70 s. consid. 4b). Une appréciation large des circonstances personnelles et professionnelles justifierait tout au plus une réduction de 20 %, ce qui conduirait à retenir un revenu d'invalide déterminant de 37'524 fr. et le taux d'invalidité résultant de la comparaison des revenus serait de 10 %.
6.5 Il découle de ce qui précède que, quelle que soit la méthode applicable à la détermination du revenu d'invalide, le taux d'invalidité résultant de la comparaison des revenus est inférieur non seulement au taux de 40 % nécessaire pour ouvrir le droit à un quart de rente d'invalidité, mais également au taux de 20 % requis par la jurisprudence pour l'octroi de mesures professionnelles (ATF 124 V 110 consid. 2b).
Il s'ensuit que la décision du 19 juin 2002 par laquelle l'office recourant a nié le droit de l'intimée à toutes prestations est conforme au droit.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:
1.
Le recours est admis et le jugement du 5 février 2004 du Tribunal des assurances du canton de Vaud est annulé.
2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.
3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des assurances du canton de Vaud et à l'Office fédéral des assurances sociales.
Lucerne, le 29 mars 2005
Au nom du Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la IVe Chambre: La Greffière: