BGer 1P.8/2005
 
BGer 1P.8/2005 vom 09.02.2005
Tribunale federale
{T 0/2}
1P.8/2005 /col
Arrêt du 9 février 2005
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges Aemisegger, Juge présidant,
Reeb et Fonjallaz.
Greffier: M. Zimmermann.
Parties
A.________,
recourant,
contre
B.________,
intimé,
Ministère public du canton de Neuchâtel,
rue du Pommier 3, case postale 2672, 2001 Neuchâtel 1,
Chambre d'accusation du Tribunal cantonal neuchâtelois, rue du Pommier 1, case postale 3174, 2001 Neuchâtel 1.
Objet
récusation,
recours de droit public contre l'arrêt de la Chambre d'accusation du Tribunal cantonal neuchâtelois du
27 décembre 2004.
Faits:
A.
Le 27 mai 2004, le Ministère public du canton de Neuchâtel a rendu contre A.________ une ordonnance pénale portant sur la condamnation à une amende de 200 fr. pour scandale sur la voie publique et désobéissance à la police, au sens des art. 35 et 45 CPN.
A.________ s'étant opposé à cette ordonnance, il a été renvoyé devant le Tribunal de police du district de Neuchâtel. Celui-ci, statuant dans la composition de B.________ comme président et C.________ comme greffière, l'a condamné à une amende de 200 fr., pour scandale et désobéissance à la police, par jugement du 13 juillet 2004.
Le 11 novembre 2004, la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel a admis le pourvoi formé par A.________ contre ce jugement, qu'elle a cassé en renvoyant la cause au Tribunal de police pour nouvelle décision au sens des considérants. La Cour de cassation pénale a retenu que sous l'angle de l'art. 45 CPN, le Tribunal de police avait pris en compte des faits qui n'étaient pas évoqués dans l'ordonnance du 27 mai 2004.
Le Tribunal de police a cité à comparaître A.________, qui a récusé le Juge B.________.
Par arrêt du 27 décembre 2004, la Chambre d'accusation du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel a rejeté la demande de récusation.
B.
A.________ a recouru contre cet arrêt, qu'il tient pour inconstitutionnel. Il expose que le Juge B.________ ne pourrait, après le prononcé de l'arrêt du 11 novembre 2004, statuer impartialement sur sa cause. Il requiert l'assistance judiciaire.
Le Ministère public conclut au rejet du recours. Le Juge B.________ a renoncé à se déterminer. La Chambre d'accusation se réfère à son arrêt.
Le Tribunal fédéral considère en droit:
1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et avec une pleine cognition la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 130 I 312 consid. 1 p. 317; 130 II 249 consid. 2 p. 250, 302 consid. 3 p. 303/304, et les arrêts cités).
L'acte de recours doit contenir un exposé des droits constitutionnels ou des principes juridiques violés, précisant en quoi consiste la violation (art. 90 al. 1 let. b OJ). Le Tribunal fédéral examine uniquement les griefs soulevés devant lui de manière claire et détaillée (ATF 130 I 26 consid. 2.1 p. 31, 258 consid. 1.3 p. 261/262; 129 I 113 consid. 2.1 p. 120, et les arrêts cités). Le recourant n'indique pas les dispositions de la Constitution que la Chambre d'accusation auraient violées en décidant comme elle l'a fait. Il ressort toutefois de son écriture que le recourant invoque son droit à ce que sa cause soit entendue par un juge impartial. Il se prévaut ainsi, implicitement, de l'art. 30 al. 1 Cst.
2.
Le recourant considère que le Juge B.________ ne pourrait statuer dans sa cause, faute d'impartialité.
2.1 Selon les art. 30 al. 1 Cst. et 6 par. 1 CEDH, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal établi par la loi, compétent, indépendant et impartial, c'est-à-dire par des juges qui offrent la garantie d'une appréciation parfaitement objective de la cause (ATF 129 III 445 consid. 3.3.3 p. 454; 129 V 196 consid. 4.1 p. 198; 128 V 82 consid. 2a p. 84, et les arrêts cités). Lorsque, comme en l'espèce, le recourant n'invoque pas les prescriptions du droit cantonal, le Tribunal fédéral examine librement la compatibilité de la procédure suivie avec les garanties offertes par les art. 30 al. 1 Cst. et 6 par. 1 CEDH (ATF 126 I 68 consid. 3b p. 73; 123 I 49 consid. 2b p. 51; 118 Ia 282 consid. 3b p. 284/285, et les arrêts cités). Des circonstances extérieures au procès ne doivent influer sur le jugement d'une manière qui ne serait pas objective, en faveur ou au préjudice d'une partie, car celui qui se trouve sous de telles influences ne peut être un "juste médiateur" (ATF 129 III 445 consid. 3.3.3 p. 454; 128 V 82 consid. 2a p. 84; 125 I 209 consid. 8a p. 217). Cette garantie est assurée en premier lieu par les règles cantonales relatives à la récusation. Mais, indépendamment de ces dispositions cantonales, la Constitution et la Convention assurent à chacun que seuls des juges qui ne font pas d'acception de personnes statuent sur son litige. Si la simple affirmation de la partialité ne suffit pas, mais doit reposer sur des faits objectifs, il n'est pas davantage nécessaire que le juge soit effectivement prévenu; la suspicion est légitime même si elle ne se fonde que sur des apparences, pour autant que celles-ci résultent de circonstances examinées objectivement (ATF 129 III 445 consid. 3.3.3 p. 454; 128 V 82 consid. 2a p. 84; 124 I 121 consid. 3a p. 123/124, et les arrêts cités). D'éventuelles erreurs de procédure ou d'appréciation commises par un juge ne suffisent pas à fonder objectivement un soupçon de prévention (ATF 116 Ia 14 consid. 5b p. 20). Seules des fautes particulièrement graves et répétées pourraient avoir cette conséquence (ATF 113 Ia 407 consid. 2 p. 408-410; 111 Ia 259 consid. 3b/aa p. 264).
2.2 Dans son arrêt du 11 novembre 2004, la Cour de cassation pénale a reproché au Juge B.________ d'avoir, sous l'angle de l'art. 45 CPN, pris en compte des faits qui n'avaient pas été évoqués dans l'ordonnance pénale du 27 mai 2004. Il avait ainsi violé l'art. 225 al. 1 CPPN, mis en relation avec l'art. 13 al. 2 de la même loi. La Cour de cassation pénale n'y a cependant pas vu de motif de renvoyer la cause à un autre tribunal, comme elle aurait pu le faire (art. 252 CPPN). La Chambre d'accusation a également considéré que l'erreur en question ne dénotait pas une incapacité à statuer sereinement et impartialement. Le recourant conteste cette appréciation, en faisant valoir que dès l'instant où le jugement du 13 juillet 2004 a été cassé, le Juge B.________ serait prévenu contre lui.
Cet argument n'est pas déterminant. Un juge dont la décision a été cassée sur recours n'est pas ipso facto prévenu ou incapable de statuer à nouveau (ATF 116 Ia 28 consid. 2a p. 30; 114 Ia 50 consid. 4d p. 58; 113 Ia 407 consid, 2a p. 409/410). Il faudrait pour cela d'autres éléments de fait propres à éveiller un doute sur son impartialité (cf., par exemple, le cas du juge qui critique les motifs de la cassation du premier jugement; arrêt 1P.156/2002 du 3 juin 2002, consid. 3.4). En l'espèce, hormis le seul fait du renvoi, le recourant n'évoque aucun motif qui pourrait faire objectivement redouter une quelconque partialité de la part du Juge B.________.
3.
Le recours doit ainsi être rejeté. Le recourant demande l'assistance judiciaire, dont les conditions sont remplies (art. 152 OJ). Il est statué sans frais (art. 156 OJ). Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens (art. 159 OJ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est rejeté.
2.
La demande d'assistance judiciaire est admise.
3.
Il est statué sans frais, ni dépens.
4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties, au Ministère public et à la Chambre d'accusation du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel.
Lausanne, le 9 février 2005
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le juge présidant: Le greffier: