BGer 4C.21/2004
 
BGer 4C.21/2004 vom 12.01.2005
Tribunale federale
{T 0/2}
4C.21/2004 /ech
Arrêt du 12 janvier 2005
Ire Cour civile
Composition
MM. et Mmes les Juges Corboz, Président, Klett, Rottenberg Liatowitsch, Favre et Zappelli, Juge suppléant.
Greffier: M. Ramelet.
Parties
X.________ SA,
demanderesse, recourante et intimée, représentée
par Me Eric Maugué,
contre
Association Y.________,
défenderesse, recourante et intimée, représentée
par Me Frédérique Flournoy,
Objet
contrat d'entreprise; prix de l'ouvrage,
recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève du 14 novembre 2003.
Faits:
A.
A.a L'Association Y.________ (ci-après: l'Association ou la défenderesse) a décidé d'agrandir et de rénover le Home Z.________ situé sur les deux parcelles dont elle est propriétaire à Genève. A cette fin, le 24 septembre 1996, en sa qualité de maître de l'ouvrage, elle a notamment conclu un contrat d'entreprise avec l'entreprise X.________ SA (demanderesse). Il résulte de la soumission dressée le 2 juillet 1996 par cette société qu'elle s'engageait à exécuter les travaux de béton et de maçonnerie pour le prix de 1'366'000 fr. Les parties contractantes ont, à titre supplétif, soumis leur rapport contractuel à la norme SIA 118 et aux conditions générales du contrat d'entreprise.
Les travaux ont commencé en temps voulu, le 16 septembre 1996, pour se terminer en mai 1998; la réception provisoire des travaux n'a eu lieu que le 10 juin 1998, alors que la levée du chantier avait été prévue à fin juillet 1997.
Le décompte final de X.________ SA, du 1er juillet 1998, a porté le prix total des travaux (maçonnerie, béton armé, échafaudage et divers) à 3'260'833 fr.60, TVA incluse.
A.b L'Association et X.________ SA ne se sont pas entendues sur le prix final des travaux et leur mode de calcul. Aussi, le 16 juillet 1998, X.________ SA a-t-elle requis l'inscription provisoire d'une hypothèque légale à hauteur de 1'021'831 fr. Il a été fait droit à sa demande par ordonnances des 21 juillet et 21 septembre 1998.
Il a été retenu que, durant les travaux, l'Association a versé des acomptes se montant au total à 2'077'530 fr.
B.
Le 26 octobre 1998, X.________ SA a saisi le Tribunal de première instance de Genève d'une demande qui concluait à la condamnation de l'Association à lui payer 1'184'995 fr. en capital et à l'inscription définitive d'une hypothèque légale sur les parcelles M. et N. La défenderesse a conclu à libération.
L'expert judiciaire commis par le premier juge a arrêté le prix des travaux à 2'647'290 fr.40 hors TVA, alors que la facture finale de X.________ SA, hors TVA, s'élevait à 3'041'879 fr.95, soit une différence de 394'589.55 fr.
En cours de procédure, la défenderesse a encore versé des acomptes, soit 149'700 fr. le 11 novembre 1998, 86'131 fr. le 19 juillet 2000 et 247'206 fr.30 le 12 décembre 2002.
Par jugement du 19 septembre 2002, le Tribunal de première instance a admis la demande à concurrence de 443'160.fr.60, plus intérêts à 6,5% l'an dès le 30 septembre 1998 et ordonné l'inscription définitive d'une hypothèque légale à concurrence de ce montant sur les articles M. et N., l'Association étant condamnée à rembourser les frais d'inscription d'hypothèque. En substance, le premier juge, adoptant les conclusions de l'expertise judiciaire, sauf sur un point relatif à l'étendue du rabais d'adjudication pour les travaux de maçonnerie et béton armé, a considéré que la demanderesse avait respecté les délais impartis, que le dépassement des échéances ne lui était pas imputable et que la prolongation du chantier était proportionnée aux commandes de travaux supplémentaires.
La défenderesse a saisi la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève d'un appel, en concluant au rejet de la demande de X.________ SA, à ce qu'il lui soit donné acte du versement d'un acompte de 247'206 fr.30 le 12 décembre 2002 et à la radiation de l'hypothèque légale sur les parcelles susmentionnées.
X.________ SA a conclu au rejet de l'appel. Elle a de son côté formé un appel incident par lequel elle a conclu à la condamnation de la défenderesse à lui verser la somme de 776'311 fr.85, plus 6,5% d'intérêts dès le 30 septembre 1998, le tout sous déduction des acomptes reçus, et à l'inscription définitive des droits de gages immobiliers à concurrence de 277'269 fr. 20.
Par arrêt du 14 novembre 2003, l'autorité cantonale a annulé le jugement précité, puis, statuant à nouveau, donné acte à la défenderesse du versement à sa partie adverse d'un acompte de 247'206 fr.30 le 12 décembre 2002, condamné la défenderesse à verser à la demanderesse la somme de 591'372 fr. 15, plus intérêts à 6,5% l'an dès le 30 septembre 1998, sous déduction des acomptes reçus en cours de procédure. La cour cantonale a en outre ordonné au conservateur du registre foncier de procéder à l'inscription définitive, au profit de la demanderesse, des hypothèques légales requises. Elle a enfin condamné la défenderesse aux dépens de première instance et d'appels, comprenant une unique indemnité de procédure de 64'000 fr.
En bref, la cour cantonale a suivi en tous points les conclusions de l'expert judiciaire, adoptant pour l'essentiel les motifs du premier juge. Elle a en revanche admis l'appel incident de la demanderesse sur la question du rabais d'adjudication, retenant avec l'expert que ce rabais devait être limité aux travaux soumissionnés, augmentés d'une marge de 20%.
C.
X.________ SA exerce un recours en réforme au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 14 novembre 2003. Elle requiert que la défenderesse soit condamnée à lui payer la somme de 768'358 fr.05 plus intérêts à 6,5% l'an dès le 30 septembre 1998, sous déduction des acomptes versés en cours de procédure, à savoir 149'700 fr. le 11 novembre 1998, 86'131 fr. le 19 juillet 2000 et 247'206 fr.30 le 12 décembre 2002. La recourante demande également l'inscription définitive à son profit d'une hypothèque légale à concurrence de 631'959 fr.05 plus intérêts à 6,5% l'an dès le 30 septembre 1998, sous déduction de 124'429 fr. payés le 11 novembre 1998, 71'591 fr. payés le 19 juillet 2000 et 205'475 fr.30 payés le 12 décembre 2002, grevant la parcelle M. propriété de l'Association, ainsi que d'une hypothèque légale à concurrence de 128'347 fr.60 plus intérêts à 6,5% l'an dès le 30 septembre 1998, sous déduction de 25'271 fr. payés le 11 novembre 1998, 14'500 fr. payés le 19 juillet 2000 et 41'731 fr. payés le 12 décembre 2002 grevant la parcelle N. propriété de l'Association. La recourante conclut à la confirmation de l'arrêt pour le surplus.
La défenderesse propose le rejet du recours de la demanderesse. Elle exerce également un recours en réforme contre l'arrêt cantonal précité. Elle conclut à ce qu'il lui soit donné acte qu'elle reconnaît devoir à X.________ SA la somme de 452'575 fr.85, hors taxes, avec intérêts à 6,5% du 30 septembre 1998, sous déduction des acomptes versés de 149'700 fr. le 11 novembre 1998, 86'131 fr. le 19 juillet 2000 et 247'206 fr.30 le 12 décembre 2002.
La demanderesse conclut au rejet du recours en réforme de la défenderesse.
Par lettre du 21 octobre 2004, les parties ont informé la Cour de céans que l'Association avait fourni à X.________ SA, à titre de sûreté pour la créance litigieuse, une garantie bancaire d'un montant de 680'000 fr. et qu'en contrepartie la demanderesse avait accepté de renoncer au bénéfice de l'inscription des hypothèques légales d'entrepreneur en sa faveur, les conclusions prises sur ce point, désormais privées d'objet, étant retirées.
Le Tribunal fédéral considère en droit:
1.
Les deux recours en réforme sont dirigés contre la même décision et sont étroitement liés en ce qui concerne les problèmes soulevés, si bien qu'il se justifie, pour des motifs d'économie de procédure, de les joindre et de les traiter dans un seul arrêt (ATF 124 III 382 consid. 1a et les arrêts cités; Jean-François Poudret, Commentaire de la loi fédérale d'organisation judiciaire, tome I, n. 2 ad art. 40 OJ, p. 343 s.).
2.
2.1 Interjetés par la demanderesse, qui n'a obtenu que la moitié de ses conclusions, et par la défenderesse, qui n'a pas été entièrement libérée, et dirigés contre un arrêt final rendu en dernière instance cantonale par un tribunal supérieur (art. 48 al. 1 OJ) sur une contestation civile dont la valeur litigieuse dépasse largement le seuil de 8'000 fr. (art. 46 OJ), les deux recours sont en principe recevables, puisqu'ils ont été déposés en temps utile (art. 54 al. 1 OJ) dans les formes requises (art. 55 OJ).
Le recours en réforme est ouvert pour violation du droit fédéral (art. 43 al. 1 OJ). Il ne permet en revanche pas d'invoquer la violation directe d'un droit de rang constitutionnel (art. 43 al. 1 2e phrase OJ) ou la violation du droit cantonal (ATF 127 III 248 consid. 2c et les arrêts cités).
Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral doit conduire son raisonnement juridique sur la base des faits contenus dans la décision attaquée, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient été violées, qu'il y ait lieu de rectifier des constatations reposant sur une inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il faille compléter les constatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu compte de faits pertinents, régulièrement allégués et clairement établis (art. 64 OJ; ATF 130 III 102 consid. 2.2, 136 consid. 1.4). Dans la mesure où une partie recourante présente un état de fait qui s'écarte de celui contenu dans la décision attaquée, sans se prévaloir avec précision de l'une des exceptions qui viennent d'être rappelées, il n'est pas possible d'en tenir compte (ATF 130 III 102 consid. 2.2, 136 consid. 1.4). Il ne peut être présenté de griefs contre les constatations de fait, ni de faits ou de moyens de preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ). Le recours n'est pas ouvert pour se plaindre de l'appréciation des preuves et des constatations de fait qui en découlent (ATF 130 III 102 consid. 2.2 in fine, 136 consid. 1.4; 129 III 618 consid. 3).
Le Tribunal fédéral ne saurait aller au-delà des conclusions des parties (qui ne peuvent en prendre de nouvelles: art. 55 al. 1 let. b OJ), mais il n'est pas lié par les motifs qu'elles invoquent (art. 63 al. 1 OJ), ni par l'argumentation juridique retenue par la cour cantonale (art. 63 al. 3 OJ; ATF 130 III 136 consid. 1.4; 128 III 22 consid. 2e/cc in fine).
2.2 Les parties ont retiré leurs chefs de conclusions relatifs à l'inscription des hypothèques légales en faveur de la demanderesse. Il y a lieu d'en prendre acte.
3.
Il convient d'examiner en premier lieu le recours de la défenderesse, dont l'admission pourrait entraîner le réexamen de la totalité des prétentions élevées par son adverse partie.
L'Association soulève trois griefs contre l'arrêt du 14 novembre 2003.
Elle relève tout d'abord que la demanderesse avait accordé au maître de l'ouvrage un rabais d'adjudication "applicable à tous les travaux supplémentaires". Partant, en limitant ce rabais aux travaux ayant fait l'objet de la soumission, augmentés d'une marge de 20%, la cour cantonale aurait interprété l'art. 8 du contrat liant les plaideurs de façon inadmissible, au mépris de l'art. 18 CO. Elle soutient que cette clause, limpide et dénuée de toute ambiguïté, correspond à la pratique courante en matière de rabais d'adjudication.
S'agissant des dégâts causés à des installations de chantier par des squatters, dont la réparation s'est montée à 8'051 fr.50, la recourante fait valoir que la cour cantonale a mis ce poste de dommage à sa charge au seul motif qu'elle avait sollicité l'établissement d'une facture à ce propos pour la transmettre à son assurance. Ce faisant, les juges cantonaux auraient interprété cette circonstance de façon contraire aux règles posées par l'art. 18 CO.
Enfin, concernant les retouches effectuées par des tiers sur les murs du parking, dont la facture s'est élevée à 7'600 fr., la défenderesse expose que la cour cantonale, pour avoir jugé que ce montant ne pouvait pas être imputé à la demanderesse en raison de l'impossibilité d'exécuter une réfection sur un mur recouvert d'enduit anti-graffiti, a admis une allégation non prouvée de X.________ SA et enfreint l'art. 8 CC.
3.1
Le premier grief porte sur un problème d'interprétation du contrat d'entreprise conclu par les plaideurs.
3.1.1 En présence d'un litige sur l'interprétation d'une clause contractuelle, le juge doit tout d'abord s'efforcer de déterminer la commune et réelle intention des parties, sans s'arrêter aux expressions ou dénominations inexactes dont elles ont pu se servir, soit par erreur, soit pour déguiser la nature véritable de la convention (art. 18 al. 1 CO; ATF 128 III 419 consid. 2.2).
Déterminer ce qu'un cocontractant savait et voulait au moment de conclure relève des constatations de fait qui lient le Tribunal fédéral (ATF 130 III 102 consid. 4.2; 118 II 58 consid. 3a). Si la cour cantonale parvient à se convaincre d'une commune et réelle intention des parties, il s'agit d'une constatation de fait qui ne peut être remise en cause dans un recours en réforme (ATF 129 III 118 consid. 2.5; 128 III 419 consid. 2.2 et les arrêts cités).
Si la volonté réelle des parties ne peut pas être établie ou si elle est divergente, le juge doit interpréter les déclarations et les comportements selon la théorie de la confiance. Il doit donc rechercher comment une déclaration ou une attitude pouvait être comprise de bonne foi en fonction de l'ensemble des circonstances (interprétation dite objective; cf. ATF 130 III 417 consid. 3.2; 129 III 118 consid. 2.5, 702 consid. 2.4 p. 707). Il doit être rappelé que le principe de la confiance permet d'imputer à une partie le sens objectif de sa déclaration ou de son comportement, même si celui-ci ne correspond pas à sa volonté intime (ATF 130 III 417 consid. 3.2; 129 III 118 consid. 2.5; 128 III 419 consid. 2.2 et les références doctrinales).
L'application du principe de la confiance est une question de droit que le Tribunal fédéral, saisi d'un recours en réforme, peut examiner librement (ATF 130 III 417 consid. 3.2; 129 III 118 consid. 2.5, 702 consid. 2.4 p. 707). Pour trancher cette question de droit, il faut cependant se fonder sur le contenu de la manifestation de volonté et sur les circonstances, lesquelles relèvent en revanche du fait (ATF 130 III 417 consid. 3.2; 129 III 118 consid. 2.5; 128 III 419 consid. 2.2).
Le sens d'un texte, apparemment clair, n'est pas forcément déterminant, de sorte que l'interprétation purement littérale est prohibée. Même si la teneur d'une clause contractuelle paraît limpide à première vue, il peut résulter d'autres conditions du contrat, du but poursuivi par les parties ou de circonstances particulières que le texte de ladite clause ne restitue pas exactement le sens de l'accord conclu (ATF 130 III 417 consid. 3.2; 129 III 702 consid. 2.4.1 p. 707). Il n'y a cependant pas lieu de s'écarter du sens littéral du texte adopté par les intéressés lorsqu'il n'existe aucune raison sérieuse de penser qu'il ne correspond pas à leur volonté (ATF 130 III 417 consid. 3.2; 129 III 118 consid. 2.5; 128 III 265 consid. 3a).
3.1.2 L'art. 8 du contrat d'entreprise conclu le 24 septembre 1996 a la teneur suivante: "Le rabais d'adjudication est applicable à tous les travaux supplémentaires, de même que le compte "prorata" s'il y a lieu. (...)".
Contrairement au premier juge qui avait calculé ledit rabais sur l'ensemble des travaux supplémentaires exécutés par la demanderesse, la cour cantonale, constatant que les parties divergeaient sur la signification de ce texte, l'a interprété selon le principe de la confiance pour déterminer le sens qu'elles pouvaient de bonne foi lui accorder lors de la signature du contrat.
L'autorité cantonale a relevé qu'en raison de ces travaux supplémentaires, la durée du chantier avait doublé, passant des dix mois prévus à une vingtaine de mois. Elle s'est inspirée de l'art. 86 de la norme SIA 118 - à laquelle les parties s'étaient référées à titre supplétif - qui prévoit que lorsque, par suite d'une ou de plusieurs modifications de commande, les quantités fixées dans le devis descriptif à des prix unitaires sont modifiées dans une proportion qui dépasse 120%, chaque partie a le droit d'exiger qu'un nouveau prix unitaire soit fixé. Pour la cour cantonale, cette norme montre la tendance à ne pas appliquer sans limite le rabais d'adjudication, solution d'ailleurs préconisée par des hommes du métier, tels l'expert judiciaire, à savoir l'architecte B.________, et un témoin, soit l'ingénieur C.________.
Le moyen, tel que la défenderesse l'a formulé, prend pour base un état de fait de son cru.
Ainsi, lorsque la recourante soutient que la prolongation des travaux entraînée par les modifications demandées n'a été que de trois mois, elle s'écarte totalement de l'état de fait déterminant, d'après lequel la prolongation a été de plus de dix mois (la levée du chantier prévue à fin juillet 1997 a été reportée au 10 juin 1998).
Quant à la circonstance que l'application illimitée de la clause litigieuse correspondrait à la pratique courante, elle ne ressort nullement des faits retenus par la cour cantonale.
De toute manière, on ne voit pas que l'autorité cantonale ait enfreint l'art. 18 CO. L'entrepreneur à qui des travaux supplémentaires importants résultant d'une modification de commande sont confiés par le maître de l'ouvrage doit raisonnablement s'attendre à recevoir une rémunération complète, et non amputée d'un rabais d'adjudication négocié avant la conclusion du contrat (cf. Peter Gauch, Le contrat d'entreprise, adaptation française par Benoît Carron, n. 1245, p. 358; Pierre Tercier, Termes et délais dans la construction, Journées du droit de la construction, Fribourg 1995, vol. 1, p. 17). L'interprétation à laquelle s'est livrée la cour cantonale, fondée sur divers éléments d'appréciation à l'égard desquels la recourante n'a pas pris position, est conforme au droit fédéral.
Le moyen est infondé.
3.2 Dans son deuxième grief, la défenderesse prétend que la mise à sa charge de la facture afférente à la réparation des installations de chantier endommagées par des squatters viole derechef l'art. 18 CO.
La cour cantonale a retenu en fait sur ce point que cette facture concernait des installations appartenant à des tiers, que la défenderesse avait demandé que la note lui soit transmise, puis qu'elle en avait requis le remboursement à son propre assureur. Ce n'est qu'à la suite du refus de ce dernier de la payer qu'elle l'avait retournée à la demanderesse. L'autorité cantonale a alors considéré que la défenderesse devait régler cette facture, étant donné que son attitude indiquait qu'elle se considérait débitrice des coûts en question et que, d'une façon générale, le maître supporte les risques et les profits des travaux.
La recourante soutient qu'il s'agissait de dégâts causés à des installations de chantier disposées sur le domaine public et appartenant à la demanderesse, si bien qu'il incombait à cette entreprise d'assurer son matériel.
A nouveau, la recourante fait appel à un état de fait qui diffère de l'arrêt attaqué.
Au demeurant, s'il est vrai que le seul fait de soumettre une facture à son assureur n'emporte pas en soi la reconnaissance d'en être le débiteur, la recourante ne s'emploie pas à démontrer le caractère erroné du raisonnement que la cour cantonale fait reposer sur la circonstance que le maître de l'ouvrage assume les risques et les profits liés à l'exécution de l'ouvrage.
Le moyen est dénué de fondement.
3.3 A l'appui de sa dernière critique, la défenderesse soutient que la Cour de justice a transgressé l'art. 8 CC en donnant foi à l'allégation non prouvée et contestée de la demanderesse, selon laquelle celle-ci avait été dans l'impossibilité d'exécuter des retouches sur les murs du parking, car leur surface avait été enduite d'une protection anti-graffiti. Elle allègue que la retouche en cause a pu être exécutée par un tiers, qui l'a facturée 7'600 fr.
La recourante se méprend manifestement sur la portée de la norme précitée.
Selon la jurisprudence, lorsque l'appréciation des preuves convainc le juge qu'un fait est établi à satisfaction de droit ou réfuté, la question de la répartition du fardeau de la preuve est dépassée et le grief tiré de la violation de l'art. 8 CC devient sans objet. Il s'agit alors d'une question de pure appréciation des preuves, qui ne peut être soumise au Tribunal fédéral que par la voie du recours de droit public pour arbitraire (ATF 127 III 248 consid. 3a, 519 consid. 2a; 122 III 219 consid. 3c).
En l'occurrence, la cour cantonale a admis en fait que la réparation était impossible, motif pour lequel la demanderesse en était exonérée. Il s'agit là du résultat de l'appréciation des preuves sur laquelle il n'est pas possible de revenir en instance de réforme.
Le moyen, qui repose pour le reste sur des faits non établis, est irrecevable.
3.4 Au vu de ce qui précède, le recours de la défenderesse doit être rejeté dans la mesure de sa recevabilité.
4.
Il est temps de statuer sur le recours de la demanderesse.
4.1 La recourante fait en premier lieu grief à la cour cantonale d'avoir violé les dispositions de l'Ordonnance du Conseil fédéral du 22 juin 1994 régissant la taxe sur la valeur ajoutée (RO 1994 1464; OTVA) ainsi que l'art. 8 CC, cela pour n'avoir pas ajouté la TVA au montant qui lui est dû, par 591'372 fr.15, au motif que "(...) les parties n'ont pas allégué les taux de TVA applicables aux postes rectifiés par l'expert avec suffisamment de précision". La demanderesse estime qu'elle a dûment allégué et prouvé que les prestations fournies étaient soumises à la TVA au taux de 6,5%. Elle prétend ainsi que l'arrêt critiqué l'a privé d'un montant de 172'073 fr.90.
4.1.1 Selon la jurisprudence, le Tribunal fédéral revoit librement l'application du droit fédéral, sans être lié par les motifs invoqués devant lui (art. 63 al. 3 OJ). La dernière instance cantonale dispose du même pouvoir d'examen que le Tribunal fédéral en instance de réforme. En conséquence, elle doit appliquer d'office l'ensemble du droit fédéral (ATF 125 III 82 consid. 3). Il s'agit de la mise en oeuvre de la règle "jura novit curia". Le droit fédéral comprend les lois, arrêtés, ordonnances et règlements émanant de l'Assemblée fédérale, du Conseil fédéral, du Tribunal fédéral ou d'un département fédéral (cf. Bernard Corboz, Le recours en réforme au Tribunal fédéral, in SJ 2000 II p. 31).
4.1.2 En l'occurrence, cela n'est d'ailleurs pas expressément contesté, la demanderesse, qui a toujours inclus la TVA dans ses conclusions, en a dûment réclamé le paiement. Ainsi, ses conclusions après enquêtes du 16 mai 2002 prises devant le premier juge comprenaient notamment la TVA, calculée à 6,5%.
La défenderesse n'a pas discuté ce taux. Dans ses conclusions finales devant le premier juge, elle avait reconnu devoir 2'329'455 fr. 60 fr., toutes taxes comprises.
Le Tribunal de première instance a pour sa part calculé le solde dû à la demanderesse en y incluant la TVA à 6.5% (cf. p. 49 du jugement du 19 septembre 2002).
Dans son mémoire d'appel, la défenderesse a calculé le montant qu'elle estimait encore devoir à la demanderesse en comptant la TVA à 6,5% (mémoire d'appel du 13 novembre 2002, ch. VII p. 16). Dans son appel incident, X.________ SA a conclu expressément à ce que la défenderesse soit condamnée à lui payer la TVA à 6.5%, arrêtée sur la totalité des montants admis par l'expert.
Il suit de là qu'il ne peut être reproché aux parties de n'avoir pas indiqué le taux de TVA applicable.
Il incombait donc à la cour cantonale d'appliquer d'office le droit administratif relatif aux impôts fédéraux indirects. Il est d'ailleurs admis en doctrine que le prix dû à l'entrepreneur en vertu de l'art. 374 CO doit couvrir les frais généraux qu'il a dû supporter, et en particulier la TVA (Gauch, op cit., n. 948-949 p. 280; Theodor Bühler, Commentaire zurichois, n. 14 ad art. 374 CO; Gaudenz G. Zindel/Urs Pulver, Commentaire bâlois, n. 12 ad art. 374 CO).
4.1.3 Selon l'art. 93 al. 1 de la loi fédérale du 2 septembre 1999 régissant la taxe sur la valeur ajoutée (LTVA; RS 641.20), les dispositions abrogées et leurs dispositions d'exécution restent applicables, sous réserve d'exceptions non réalisées en l'espèce, à tous les faits et rapports juridiques ayant pris naissance au cours de leur durée de validité. L'OTVA, en vigueur du 1er janvier 1995 au 1er janvier 2001, c'est-à-dire à l'époque déterminante, s'applique dès lors au présent litige.
D'après l'art. 27 OTVA, le taux de l'impôt, vu la nature des prestations effectuées, ne pouvait être que de 6,5%.
En n'appliquant pas d'office le droit fédéral en la matière, la cour cantonale a violé le principe "jura novit curia", si bien que le recours de la demanderesse doit être admis sur ce point, sans qu'il soit nécessaire d'examiner le grief pris d'une violation de l'art. 8 CC.
Il convient par conséquent d'allouer à la recourante, en plus de la somme de 591'372 fr.15 accordée par la Cour de justice, le pourcentage de 6,5% sur le prix des travaux arrêtés (hors taxe) par l'expert judiciaire à 2'647'290 fr.40, ce qui représente un montant de de 172'073.90 fr.
Le moyen doit être entièrement admis.
4.2 Invoquant l'art. 63 al. 2 OJ, la demanderesse fait encore grief aux juges cantonaux d'avoir déduit de la somme qu'elle s'est vu accorder le montant de 4'912 fr. représentant des retouches. A l'en croire, ce montant, lié à l'intervention de l'entreprise W.________, serait compris dans celui de 7'600 fr., réclamé sans succès par la défenderesse pour des retouches sur le mur du parking opérées par des tiers. Dès lors, en soustrayant 4'912 fr. de la somme dont la demanderesse a été reconnue créancière, la cour cantonale aurait commis une inadvertance.
4.2.1 Ce grief avait déjà été soumis par voie de révision à la cour cantonale, qui l'avait rejeté dans son arrêt du 11 juin 2004 en relevant qu'il ne s'agissait pas d'une erreur de calcul manifeste au sens des dispositions de la procédure cantonale, dans la mesure où, pour en décider, il faudrait "procéder à un nouvel examen des prétentions comprises dans les 7'600 fr. invoqués en vain en compensation (par la défenderesse)". L'arrêt du 11 juin 2004 n'a pas été attaqué sur ce point.
4.2.2 La jurisprudence n'admet l'existence d'une inadvertance manifeste, susceptible d'être rectifiée d'office par le Tribunal fédéral en application de l'art. 63 al. 2 OJ, que lorsque l'autorité cantonale a omis de prendre en considération une pièce déterminée, versée au dossier, ou l'a mal lue, s'écartant par mégarde de sa teneur exacte, en particulier de son vrai sens littéral (ATF 115 II 399 consid. 2a; 109 II 159 consid. 2b; cf. arrêt du 5 décembre 1995 dans la cause 4C.149/1995 consid. 3a, publié in SJ 1996 p. 353 ss). Tel est le cas lorsque l'examen d'une pièce du dossier, qui n'a pas été prise en considération, révèle une erreur évidente dans les constatations de fait. L'autorité cantonale s'écarte, par mégarde, de la teneur exacte d'une pièce, par exemple, lorsqu'elle commet une erreur de lecture, ou lorsqu'elle ne remarque pas l'existence d'une faute d'écriture ou lorsqu'elle ne prend pas en considération la relation évidente existant entre différentes pièces du dossier. Cependant, l'inadvertance manifeste ne saurait être confondue avec l'appréciation des preuves. Dès l'instant où une constatation de fait repose sur l'appréciation, même insoutenable, d'une preuve, d'un ensemble de preuves ou d'indices, une inadvertance est exclue (Jean-François Poudret, COJ II, n. 5.4 ad art. 63 OJ).
4.2.3 En l'espèce, la cour cantonale n'a commis aucune inadvertance manifeste. Se fondant sur le rapport d'expertise, elle a soustrait de la somme due à la demanderesse le montant de 4'192 fr., en précisant que cette déduction, afférente à des retouches, n'était pas litigieuse (cf. p. 18 in fine de l'arrêt déféré).
La recourante ne démontre nullement que la constatation d'après laquelle la déduction de 4'192 fr. n'était pas contestée relèverait de l'inattention.
Le moyen est sans fondement.
4.2.4 Partant, le recours de la demanderesse doit être partiellement admis, ce qui entraîne l'annulation de l'arrêt critiqué.
La défenderesse sera par conséquent condamnée à verser à la demanderesse la somme totale de 763'446 fr.05 (591'372 fr.15 + 172'073 fr.90), le tout portant intérêt à 6,5% l'an dès le 30 septembre 1998, sous déduction des différents acomptes versés en cours de procédure.
Il n'y a pas lieu de revoir la question des dépens d'instance cantonale, car la demanderesse a déjà été pleinement indemnisée à ce titre (art. 159 al. 6 OJ).
5.
L'issue de la procédure fédérale est la suivante.
Le recours de la défenderesse est entièrement rejeté. Elle supportera donc l'émolument judiciaire généré par son recours et indemnisera sa partie adverse (art. 156 al. 1 et 159 al. 1 OJ).
La demanderesse voit son recours admis partiellement. Comme elle obtient plus du 97% de ses conclusions, il se justifie de mettre l'émolument judiciaire entraîné par son recours à la charge de la défenderesse et de condamner celle-ci à lui verser une indemnité de dépens (art. 156 al. 1 et 159 al. 1 OJ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Il est pris acte du retrait par les parties de leurs conclusions relatives à l'inscription définitive des hypothèques légales en faveur de X.________ SA.
2.
Le recours en réforme de l'Association Y.________ est rejeté dans la mesure où il est recevable.
3.
Un émolument judiciaire de 5'500 fr. est mis à la charge de l'Association Y.________.
4.
L'Association Y.________ versera à X.________ SA une indemnité de 6'500 fr. à titre de dépens.
5.
Le recours en réforme de X.________ SA est partiellement admis. L'arrêt attaqué est annulé et il est prononcé que l'Association Y.________ est condamnée à verser à X.________ SA la somme de 763'446 fr.05 avec intérêts à 6,5% l'an dès le 30 septembre 1998, sous déduction des acomptes versés en cours de procédure, à savoir 149'700 fr. payés le 11 novembre 1998, 86'131 fr. payés le 19 juillet 2000 et 247'206 fr.30 payés le 12 décembre 2002.
6.
Un émolument judiciaire de 6'000 fr. est mis à la charge de l'Association Y.________.
7.
L'Association Y.________ versera à X.________ SA une indemnité de 7'000 fr. à titre de dépens.
8.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.
Lausanne, le 12 janvier 2005
Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse
Le président: Le greffier: