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Original
 
Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
5A.20/2004 / msi
Arrêt du 2 novembre 2004
IIe Cour civile
Composition
MM. et Mme les Juges Raselli, Président, Meyer et Hohl.
Greffière: Mme Michellod Bonard.
Parties
X.________,
recourant, représenté par Me Yves Hofstetter, avocat,
contre
Tribunal administratif du canton de Vaud, avenue Eugène-Rambert 15, 1014 Lausanne.
Objet
acquisition d'un immeuble agricole, exploitation à titre personnel (art. 63 al. 1 let. a et 9 LDFR),
recours de droit administratif contre l'arrêt du Tribunal administratif du canton de Vaud du 27 mai 2004.
Faits:
A.
A.a Par requête du 9 juillet 2002, présentée à la Commission foncière rurale (section I) du canton de Vaud, X.________ a sollicité l'autorisation d'acquérir les biens-fonds A et B sis sur la commune de A.________ pour le prix de 100'000 fr. La parcelle A est affectée à la culture de la vigne. La parcelle B n'est actuellement plus litigieuse.
A.b X.________, qui est maître-boucher de formation, exerce deux activités:
- il exploite un domaine qu'il a pris à ferme à B.________, consacré à l'élevage du bétail, et un domaine également pris à ferme à C.________ et D.________, consacré aux grandes cultures et aux vaches allaitantes. Il exploite également des vignes, en partie en propriété en partie prises à ferme, à A.________ et à E.________. Selon ses explications, il est secondé par deux employés et trois associés et confierait certains travaux à des entreprises externes. Il a déposé à l'appui de sa requête une liste des travaux qu'il effectue personnellement, alléguant y consacrer plus de 50 heures par semaine.
- il administre et gère deux sociétés actives dans le commerce de produits carnés: Y.________ SA, dont il est actionnaire pour moitié, et Z.________ Sàrl dans laquelle il possède une part de 19'000 fr. sur un capital de 20'000 fr. Selon ses explications, la première société occuperait 1,5 employés et ferait un chiffre d'affaires de 3 millions de francs par an. Il y consacrerait personnellement environ 2 heures par semaine. Le chiffre d'affaires de Z.________ Sàrl se monterait à 5 millions de francs par an et le recourant y consacrerait de 1h30 à 2h00 par jour.
X.________ est également propriétaire d'un domaine agricole de 18 hectares, sis à F.________, qui est actuellement affermé à son frère.
A.c Précédemment, une première requête du 20 février 2001 concernant les mêmes parcelles avait été rejetée le 30 août 2001 au motif que X.________ n'était pas un exploitant à titre personnel au sens de l'art. 9 de la loi fédérale sur le droit foncier rural (LDFR; RS 211.412.11). La Commission foncière s'était notamment fondée sur une expertise de l'association Prométerre du 29 août 2001. X.________ avait recouru au Tribunal administratif du canton de Vaud contre cette décision. Toutefois, faute d'avance de frais versée dans le délai imparti, la cause avait été rayée du rôle.
Auparavant encore, le Tribunal administratif du canton de Vaud avait rejeté, le 22 décembre 1997, un recours de X.________ contre deux décisions de la Commission foncière lui refusant l'autorisation d'acquérir des parcelles à F.________ ainsi qu'un domaine agricole à G.________ et H.________. Le Tribunal avait estimé que le requérant n'était pas un exploitant à titre personnel.
B.
La requête déposée le 9 juillet 2002 a été rejetée par décision du 18 octobre 2002. Le refus de l'autorisation reposait sur une nouvelle expertise de l'association Prométerre, datée du 17 octobre 2002, et était à nouveau motivé par le fait que X.________ n'était pas un exploitant à titre personnel au sens de l'art. 9 LDFR.
C.
Sur recours de X.________, le Tribunal administratif du canton de Vaud a confirmé, par arrêt du 27 mai 2004, la décision entreprise. Il a estimé que le requérant n'était pas un exploitant à titre personnel car les exigences posées par l'art. 9 al. 1 LDFR n'étaient pas réalisées; en effet, le requérant ne se consacrait pas de manière prépondérante à des activités agricoles au sens strict. L'autorité cantonale a laissé ouverte la question de savoir si le recourant avait la capacité d'exploiter un domaine viticole (art. 9 al. 2 LDFR).
D.
X.________ interjette un recours de droit administratif contre l'arrêt cantonal. Il invoque une violation de l'art. 9 LDFR, reprochant à l'autorité cantonale d'avoir admis que les conditions des al. 1 et 2 étaient cumulatives, et une fausse application de l'art. 9 al. 1 LDFR, reprochant à l'autorité cantonale de n'avoir à tort pas retenu qu'il exerçait personnellement une activité agricole.
Le recourant conclut principalement à l'octroi de l'autorisation et, subsidiairement, à l'annulation de l'arrêt entrepris et au renvoi de la cause à l'autorité cantonale.
Des observations n'ont pas été requises.
Le Tribunal fédéral considère en droit:
1.
1.1 La décision de l'autorité cantonale est une décision au sens de l'art. 5 de la loi fédérale sur la procédure administrative (RS 172.021); prononcée en dernière instance cantonale, elle peut faire l'objet d'un recours de droit administratif au Tribunal fédéral (art. 97 al. 1 et 98 let. g OJ), dès lors qu'un tel recours n'est pas exclu par les art. 99 à 102 OJ. L'art. 89 LDFR prévoit d'ailleurs expressément la voie du recours de droit administratif au Tribunal fédéral contre les décisions sur recours prises par les autorités cantonales de dernière instance.
Le recourant a manifestement la qualité pour recourir selon l'art. 103 let. a OJ. Déposé en temps utile, son recours est aussi recevable au regard de l'art. 106 al. 1 OJ.
1.2 Le recours de droit administratif peut être formé pour violation du droit fédéral, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (art. 104 al. 1 let. a OJ). Le Tribunal fédéral n'est pas lié par les motifs invoqués, mais il ne peut aller au-delà des conclusions des parties (art. 114 al. 1 OJ).
1.3 Lorsque le recours est dirigé contre la décision d'une autorité judiciaire, le Tribunal fédéral est en principe lié par les faits constatés dans la décision attaquée, sauf s'ils sont manifestement inexacts ou incomplets, ou s'ils ont été établis au mépris des règles essentielles de la procédure (art. 105 al. 2 OJ).
En l'espèce, le recourant fonde plusieurs de ses griefs sur un autre état de fait que celui retenu par le Tribunal administratif, sans prétendre que les constatations cantonales seraient manifestement inexactes ou incomplètes ou qu'elles auraient été établies au mépris des règles essentielles de procédure. Dans ces circonstances, le Tribunal fédéral est lié par l'état de fait de l'arrêt attaqué et il ne sera pas tenu compte des allégations divergentes du recourant.
2.
Le recourant reproche à l'autorité cantonale d'avoir violé l'art. 9 LDFR en lui déniant la qualité d'exploitant à titre personnel. Les conditions de l'art. 9 al. 1 LDFR et de l'art. 9 al. 2 LDFR seraient selon lui alternatives, suite à la révision de la LDFR. Il se réfère sur ce point à un arrêt non publié du 30 juillet 2001, 5A.9/01, consid. 2c.
2.1 En vertu de l'art. 61 LDFR, celui qui entend acquérir un immeuble agricole entrant dans le champ d'application de la LDFR (cf. art. 2 et 6 LDFR) ou une entreprise agricole (cf. art. 7 et 8 LDFR) doit obtenir une autorisation (al. 1), laquelle est accordée lorsqu'il n'existe aucun motif de refus (al. 2). L'acquisition d'une entreprise ou d'un immeuble agricole est notamment refusée lorsque l'acquéreur n'est pas exploitant à titre personnel (art. 63 al. 1 let. a LDFR).
L'art. 9 LDFR définit les notions d'exploitant à titre personnel (al. 1) et de capacité d'exploiter à titre personnel (al. 2). Selon cette disposition, est exploitant à titre personnel quiconque cultive lui-même les terres agricoles et, s'il s'agit d'une entreprise agricole, dirige personnellement celle-ci (al. 1); est capable d'exploiter à titre personnel quiconque a les aptitudes usuellement requises dans l'agriculture de notre pays pour cultiver lui-même les terres agricoles et diriger personnellement une entreprise agricole (al. 2).
2.2 La distinction opérée par l'art. 9 LDFR entre la notion d'exploitant à titre personnel (al. 1) et les exigences mises à la capacité d'exploiter à titre personnel (al. 2) provient de l'ancien droit successoral paysan (art. 620 et 621 al. 2 aCC). Dans son message à l'appui du projet de loi, le Conseil fédéral a exposé que les deux notions étaient étroitement liées et que rien ne s'opposerait à ce que la capacité soit définie comme un élément de la notion d'exploitant à titre personnel. C'était uniquement parce que l'ancien droit distinguait les deux notions qu'il convenait de mentionner spécialement la capacité d'exploiter dans un alinéa séparé (Message du Conseil fédéral à l'appui de la LDFR, FF 1988 III p. 924).
La révision de l'art. 9 al. 1 LDFR (entrée en vigueur le 1er janvier 1999) invoquée par le recourant ne lui est d'aucun secours, dans la mesure où elle n'a pas modifié les relations entre l'alinéa 1 et l'alinéa 2. Cette révision avait pour but d'assurer une application uniforme du droit, puisque certains cantons, appliquant à la lettre l'ancienne disposition qui ne se référait qu'à l'entreprise agricole, ne reconnaissaient comme exploitant à titre personnel, dans la procédure d'autorisation d'acquisition d'un immeuble agricole, que celui qui dirigeait déjà personnellement une entreprise agricole (cf. Message du Conseil fédéral à l'appui de la révision de la LDFR, FF 1996 IV p. 382 s.).
Ainsi, pour répondre à la notion d'exploitant à titre personnel (titre marginal de l'art. 9 LDFR), le requérant doit remplir les conditions posées par les deux alinéas de l'art. 9 LDFR (cf. Hofer, in Le droit foncier rural, Commentaire de la loi fédérale sur le droit foncier rural du 4 octobre 1991, Brugg 1998, n. 8 i.f. ad art. 9 LDFR; Richli, Landwirtschaftliches Gewerbe und Selbstbewirtschaftung, zwei zentrale Begriffe des Bundesgesetzes über das bäuerliche Bodenrecht, PJA 1993 1063, p. 1067 i. f.).
3.
Le recourant invoque une violation de l'art. 9 al. 1 LDFR, en ce sens que la condition de l'exercice personnel d'une activité agricole serait dans son cas réalisée.
3.1 La LDFR a notamment pour but d'encourager la propriété foncière rurale et en particulier de maintenir des entreprises familiales comme fondement d'une population paysanne forte et d'une agriculture productive, orientée vers une exploitation durable du sol ainsi que d'améliorer les structures (art. 1 al. 1 let. a LDFR). La LDFR veut ensuite renforcer la position de l'exploitant à titre personnel, y compris celle du fermier, en cas d'acquisition d'entreprises et d'immeubles agricoles (art. 1 al. 1 let. b LDFR). Elle cherche, dans cette mesure, à exclure du marché foncier tous ceux qui cherchent à acquérir les entreprises et les immeubles agricoles principalement à titre de placement de capitaux ou dans un but de spéculation (Message du Conseil fédéral à l'appui de la LDFR, FF 1988 III p. 906; Hotz, in Le droit foncier rural, Commentaire de la loi fédérale sur le droit foncier rural du 4 octobre 1991, Brugg 1998, n. 8 ad art. 1 LDFR).
3.2 Les notions définies à l'art. 9 LDFR ne sont pas différentes de celles développées sous l'empire de l'ancien droit successoral paysan par la jurisprudence du Tribunal fédéral, laquelle reste dès lors pertinente (Message précité, FF 1988 III p. 924; Hofer, op. cit., n. 7 ad art. 9 LDFR).
La qualité d'exploitant à titre personnel exige l'exécution personnelle, dans une mesure substantielle, des travaux inhérents à une exploitation agricole, en plus de la direction de l'entreprise (ATF 115 II 181 consid. 2a; 107 II 30 consid. 2 p. 33; 94 II 254 consid. 3b p. 259; Hofer, op. cit., n. 17 ad art. 9 LDFR). Dans une entreprise exploitée à plein temps avec 400 jours de travail et plus, l'exploitant à titre personnel doit travailler pour l'essentiel dans l'exploitation agricole. Il doit être prêt à abandonner une activité principale extérieure à l'agriculture. Une activité accessoire à l'extérieur n'est pas exclue (Hofer, op. cit., n. 18 i. f. et 20 ad art. 9 LDFR).
3.3 Le recourant affirme que l'autorité cantonale a retenu qu'il avait des compétences agricoles manifestes, notamment dans l'élevage et la viticulture. Il ajoute avoir collaboré à l'exploitation agricole de son père jusqu'à l'âge de 18 ans et avoir ensuite continué à aider son père et son frère dans l'exécution d'un certain nombre de travaux importants.
Ces critiques ne sont pas pertinentes dans le cadre de l'art. 9 al. 1 LDFR.
3.4 Le recourant soutient qu'il consacre l'essentiel de son temps, à savoir 50 heures par semaine, à ses activités agricoles.
Le Tribunal administratif n'a pas retenu que le recourant travaillait 50 heures par semaine pour son domaine agricole. Il a en revanche constaté qu'il n'était pas possible de déterminer comment le recourant répartissait son temps entre ses activités agricoles et commerciales puisqu'il n'avait pas apporté de moyens de preuve pertinents sur ce point. L'autorité cantonale a retenu que le recourant avait toujours une activité importante dans le commerce agro-alimentaire.
3.5 Le recourant prétend que rien ne contredit sa description des tâches, remise à la Commission foncière.
A ce sujet, le Tribunal administratif a estimé qu'il s'agissait essentiellement d'activités de direction et d'administration ainsi que de tâches de nature plutôt commerciale, ce que le recourant ne remet pas en cause.
3.6 Il convient d'ajouter que le fait que le département vaudois de l'économie ait reconnu le domaine du recourant comme une exploitation au sens de l'ordonnance sur la terminologie agricole n'est d'aucune pertinence en l'espèce, la notion d'exploitant à titre personnel étant une notion propre à la LDFR.
3.7 Le recourant ajoute qu'il "met la main à la pâte" pour ce qui concerne l'élevage, activité principale de son exploitation, et qu'il serait abusif d'exiger de lui qu'il fasse tout lui-même.
Contrairement à ce que semble croire le recourant, il ne suffit pas d'exercer une certaine activité agricole personnellement, il faut l'exercer dans une mesure substantielle, y consacrer une partie prépondérante de son temps en plus de la direction de l'entreprise agricole. Or le recourant a admis qu'à part la taille des vignes de A.________ et le désherbage manuel des prairies, il n'avait pratiquement aucune activité en relation avec le travail de la terre proprement dit. Par ailleurs, le recourant n'a apporté au Tribunal administratif aucun élément de preuve susceptible de démontrer que la Commission foncière avait fait erreur en affirmant, sur la base des expertises des 29 août 2001 et 18 octobre 2002, qu'il consacrait plus de temps à ses autres activités qu'à des activités directement en relation avec son exploitation agricole.
Sur la base de ces constatations, l'autorité cantonale n'a pas violé l'art. 9 al. 1 LDFR en considérant que le recourant n'était pas un exploitant à titre personnel.
4.
Le recourant soutient enfin que les conditions posées par l'art. 9 al. 2 LDFR sont remplies, l'autorité cantonale ayant retenu qu'il était capable d'exploiter un domaine viticole.
Le Tribunal administratif a expressément laissé ouverte la question de savoir si le recourant était capable d'exploiter un domaine viticole, étant donné que la condition de l'exploitation à titre personnel au sens de l'art. 9 al. 1 LDFR n'était pas réalisée. L'application de cette dernière disposition étant conforme au droit fédéral (cf. consid. 3 ci-dessus), et vu le caractère cumulatif des deux alinéas de l'art. 9 LDFR (cf. consid. 2 ci-dessus), il n'est pas nécessaire de trancher la question de la compétence personnelle du recourant pour exploiter un terrain viticole.
5.
Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté et il appartiendra au recourant, qui succombe, d'assumer les frais judiciaires de la procédure fédérale (art. 156 al. 1 OJ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est rejeté.
2.
Un émolument judiciaire de 4'000 fr. est mis à la charge du recourant.
3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, au Tribunal administratif du canton de Vaud ainsi qu'au Département fédéral de justice et police.
Lausanne, le 2 novembre 2004
Au nom de la IIe Cour civile
du Tribunal fédéral suisse
Le président: La greffière: