BGer 1P.410/2004
 
BGer 1P.410/2004 vom 15.09.2004
Tribunale federale
{T 0/2}
1P.410/2004 /col
Arrêt du 15 septembre 2004
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du Tribunal fédéral, Reeb et Eusebio.
Greffier: M. Thélin.
Parties
A.________, recourante, représentée par Me Thomas Barth, avocat,
contre
Procureur général du canton de Genève,
case postale 3565, 1211 Genève 3,
Chambre d'accusation du canton de Genève,
case postale 3108, 1211 Genève 3.
Objet
plainte pénale; classement
recours de droit public contre l'ordonnance de la Chambre d'accusation du 27 mai 2004.
Le Tribunal fédéral considère en fait et en droit:
1.
B.________, née en 1999, est la fille de A.________ et de C.________. Elle vit avec sa mère; le père jouit d'un droit de visite. En octobre 2003, ce droit s'exerçait d'après les modalités fixées par une ordonnance de l'autorité tutélaire compétente, à raison de quatre heures chaque dimanche au foyer X.________, dans le canton de Genève.
Le 10 novembre 2003, A.________ s'est présentée avec l'enfant dans les locaux de la police judiciaire à Genève. Elle a alors dénoncé des actes d'ordre sexuel et des brûlures que C.________ avait prétendument infligés à sa fille, selon le récit de cette dernière, lors de leur rencontre du 12 octobre précédent au foyer X.________.
Sur réquisition du Procureur général, la police judiciaire a interrogé le directeur du foyer. Celui-ci a expliqué que le comportement dénoncé n'aurait guère pu passer inaperçu des collaborateurs et des autres hôtes de l'établissement; il le tenait donc pour hautement improbable. Le Procureur général a pris connaissance du rapport d'audition et de divers documents issus du dossier de l'autorité tutélaire, en particulier de deux rapports d'expertise portant sur l'évaluation psychiatrique de la fillette et de ses parents.
2.
Le 24 mars 2004, le Procureur général a décidé de classer l'affaire au motif que les faits dénoncés ne paraissaient pas suffisamment vraisemblables. Il s'est surtout référé aux déclarations du directeur du foyer et au plus récent rapport d'expertise psychiatrique, d'où il ressort que la dénonciatrice souffre de divers troubles et que ceux-ci l'induisent à interpréter de façon malveillante les propos de l'enfant au sujet de son père.
Sans succès, A.________ a déféré cette décision à la Chambre d'accusation du canton de Genève, qui a rejeté son recours par ordonnance du 27 mai 2004.
3.
Agissant par la voie du recours de droit public, A.________ requiert le Tribunal fédéral d'annuler ce dernier prononcé. Invoquant les art. 9 et 29 al. 2 Cst., elle se plaint d'arbitraire et de violation de son droit d'être entendue. En particulier, elle reproche à la Chambre d'accusation de ne lui avoir pas fourni l'occasion de développer son argumentation et de déposer des pièces complémentaires.
Une demande d'assistance judiciaire est jointe au recours.
Invités à répondre, la Chambre d'accusation et le Procureur général proposent le rejet du recours, dans la mesure où celui-ci est recevable.
4.
Selon la jurisprudence relative à l'art. 88 OJ, celui qui se prétend lésé par une infraction n'a en principe pas qualité pour former un recours de droit public contre les ordonnances refusant d'inculper l'auteur présumé, ou prononçant un classement ou un non-lieu en sa faveur. En effet, l'action pénale appartient exclusivement à la collectivité publique et, en règle générale, le plaignant n'a qu'un simple intérêt de fait à obtenir que cette action soit effectivement mise en oeuvre. Un intérêt juridiquement protégé, propre à conférer la qualité pour recourir, est reconnu seulement à la victime d'une atteinte à l'intégrité corporelle, sexuelle ou psychique, au sens de l'art. 2 de la loi fédérale sur l'aide aux victimes d'infractions (LAVI), lorsque la décision de classement ou de non-lieu peut avoir des effets sur le jugement de ses prétentions civiles contre le prévenu (ATF 128 I 218 consid. 1.1 p. 219; 121 IV 317 consid. 3 p. 323, 120 Ia 101 consid. 2f p. 109).
Si le plaignant ou la plaignante ne procède pas à titre de victime, ou si la décision qu'il conteste ne peut pas avoir d'effets sur le jugement de ses prétentions civiles contre le prévenu (cf. ATF 123 IV 184 consid. 1b p. 187, 190 consid. 1 p. 191), ce plaideur n'a pas qualité pour recourir sur le fond et peut seulement se plaindre, le cas échéant, d'une violation de ses droits de partie à la procédure, quand cette violation équivaut à un déni de justice formel (ATF 129 I 217 consid. 1.4 p. 222; 128 I 218 consid. 1.1 p. 219; voir aussi ATF 121 IV 317 consid. 3b). Son droit d'invoquer des garanties procédurales ne lui permet toutefois pas de mettre en cause, même de façon indirecte, le jugement au fond; son recours ne peut donc pas porter sur des points indissociables de ce jugement tels que, notamment, le refus d'administrer une preuve sur la base d'une appréciation anticipée de celle-ci, ou le devoir de l'autorité de motiver sa décision de façon suffisamment détaillée (ATF 129 I 217 consid. 1.4 p. 222; 120 Ia 227 consid. 1; 119 Ib 305 consid. 3; 117 Ia 90 consid. 4a).
5.
En l'occurrence, la recourante n'agit pas à titre de victime et il n'apparaît pas non plus qu'elle puisse être assimilée à la victime, en ce qui concerne les droits à exercer dans la procédure, selon l'art. 2 al. 2 let. b LAVI. Elle ne se réfère à aucune disposition cantonale qui soit apte à lui conférer, indépendamment de l'appréciation du Procureur général ou, sur recours, de la Chambre d'accusation, le droit d'obtenir une instruction judiciaire. Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. ne lui confère non plus aucun droit inconditionnel d'obtenir des recherches ou des mesures probatoires (ATF 124 I 208 consid. 4a p. 211, 122 V 157 consid. 1 d p. 162).
Une autorité de recours telle que la Chambre d'accusation doit examiner et prendre en considération tous les mémoires, offres de preuves et autres documents pertinents qui lui sont adressés pendant le délai à disposition pour la saisir (ATF 112 Ia 1 consid. 3); en revanche, l'art. 29 al. 2 Cst. ne garantit pas aux plaideurs le droit de produire devant elle des pièces supplémentaires hors délai (ATF 127 V 353 concernant l'art. 108 al. 2 OJ), ni celui de s'expliquer oralement (ATF 125 I 209 consid. 9b p. 219; 122 II 464 consid. 4c p. 469/470). Dans la présente affaire, la Chambre d'accusation s'est référée à l'art. 193B CPP gen.; cette disposition l'habilite à rejeter sans échange d'écritures ni débat les recours qu'elle considère sans hésiter comme mal fondés. Une procédure à huis clos étant ainsi explicitement prévue, l'audience avec plaidoiries visée par l'art. 195 al. 1 et 2 CPP gen. n'était donc pas non plus garantie.
La recourante se plaint d'une application arbitraire de ces dispositions cantonales. Son argumentation se résume toutefois à une critique de l'appréciation, par la Chambre d'accusation, des renseignements disponibles à l'issue des recherches préliminaires conduites par le Procureur général; elle est donc irrecevable selon la jurisprudence précitée relative à l'art. 88 OJ.
6.
Selon l'art. 152 OJ, le Tribunal fédéral peut accorder l'assistance judiciaire à une partie à condition que celle-ci soit dans le besoin et que ses conclusions ne paraissent pas d'emblée vouées à l'échec. En l'occurrence, la procédure entreprise devant le Tribunal fédéral n'avait manifestement aucune chance de succès, ce qui entraîne le rejet de la demande d'assistance judiciaire.
A titre de partie qui succombe, la recourante doit acquitter l'émolument judiciaire.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est irrecevable.
2.
La demande d'assistance judiciaire est rejetée.
3.
La recourante acquittera un émolument judiciaire de 800 fr.
4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire de la recourante, au Procureur général et à la Chambre d'accusation du canton de Genève.
Lausanne, le 15 septembre 2004
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le président: Le greffier: