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Original
 
Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
4P.100/2004 /ech
Arrêt du 27 août 2004
Ire Cour civile
Composition
Mme et MM. les Juges Klett, Juge présidant, Nyffeler et Favre.
Greffier: M. Ramelet.
Parties
X.________ SA, recourante, représentée par Me Damien Bonvallat,
contre
A.________,
intimée, représentée par Me Christian Buonomo,,
Chambre d'appel en matière de baux et loyers du canton de Genève, case postale 3108, 1211 Genève 3.
Objet
art. 29 al. 2 Cst. (droit d'être entendu),
recours de droit public contre l'arrêt de la Chambre d'appel en matière de baux et loyers du canton de Genève du 8 mars 2004.
Faits:
A.
A.a Par contrat de bail du 14 décembre 2000, A.________ a loué à X.________ SA, pour qu'elle y exploite une fiduciaire, des bureaux d'une surface de 160 m2, sis au rez-de-chaussée d'un immeuble bâti, à Genève. Le contrat était conclu pour 5 ans, soit du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2005; il se renouvelait ensuite d'année en année, sauf préavis de résiliation donné une année avant son échéance. Le loyer annuel initial, arrêté à 30'288 fr., était indexé à l'indice suisse des prix à la consommation (cf. ch. 1 let. a du contrat de bail).
A.b Le 11 juin 2002, la bailleresse, par l'entremise d'une gérance immobilière, a fait notifier à la locataire, sur formule officielle, un avis de résiliation du bail pour l'échéance du contrat; cette résiliation ne comportait aucune motivation.
Le 25 juin 2002, X.________ SA a requis auprès de la Commission de conciliation en matière de baux et loyers de Genève l'annulation de la résiliation du bail et, subsidiairement, une prolongation de bail de 6 ans. Par décision du 2 septembre 2002, la Commission de conciliation a validé le congé pour le 31 décembre 2005 et déclaré irrecevable la requête en prolongation de bail.
X.________ SA a saisi le Tribunal des baux et loyers de Genève d'un recours contre la décision de la Commission de conciliation. Elle a sollicité l'annulation de la résiliation du 11 juin 2002, car le motif du congé invoqué par A.________, soit le besoin de celle-ci de disposer desdits locaux pour les mettre à disposition de son fils médecin, serait contraire aux règles de la bonne foi, du moment que ce dernier est titulaire d'un bail dont l'échéance se situe en février 2008. A titre subsidiaire, la locataire a demandé une prolongation de son bail de 6 ans, compte tenu des conséquences pénibles qu'aurait pour elle un déménagement et des problèmes qu'elle rencontrerait pour retrouver des locaux équivalents à un loyer comparable. Encore plus subsidiairement, elle a demandé à ce que les parties soient acheminées "à prouver, par toutes voies de droit, les faits allégués dans le présent recours".
Il résulte des enquêtes que X.________ SA sous-loue depuis le 1er décembre 2002 à un cabinet d'architecte une partie des locaux loués, soit un bureau meublé avec accès à une salle de conférence et au secrétariat.
Il a été constaté que des locaux de remplacement ont été proposés à la locataire, qui a refusé de les prendre en considération.
Lors de l'audience de plaidoiries du 24 février 2003, la bailleresse a confirmé qu'elle avait l'intention de remettre les locaux en question à son fils pour qu'il puisse exercer son activité professionnelle dans des locaux plus spacieux et mieux situés que ceux qu'il occupe pour l'heure, à Genève.
Par jugement du 2 mai 2003, le Tribunal des baux et loyers a constaté la validité de la résiliation de bail notifiée à la locataire le 11 juin 2002 pour le 31 décembre 2005 et entièrement débouté X.________ SA de sa demande en prolongation de bail, sur laquelle la Commission de conciliation, à tort, n'était pas entrée en matière.
B.
Saisie d'un appel de X.________ SA, la Chambre d'appel en matière de baux et loyers du canton de Genève, par arrêt du 8 mars 2004, a confirmé le jugement précité. En substance, l'autorité cantonale a considéré que la bailleresse avait indiqué de manière constante qu'elle souhaitait résilier le bail la liant à sa locataire pour l'échéance contractuelle afin de pouvoir - de manière non urgente - y reloger son fils, lequel souhaite agrandir son cabinet médical. Dans ce contexte, il n'est pas possible de prétendre que le congé est abusif au sens de l'art. 271 CO. A propos de la requête en prolongation de bail, la cour cantonale a retenu que la locataire bénéficiait d'un préavis de près de 30 mois, qu'elle n'avait pas démontré que la résiliation de son bail provoquerait la perte d'une partie de sa clientèle, pas plus qu'elle n'avait établi avoir effectué de nombreuses démarches pour retrouver de nouveaux locaux, si bien qu'il ne se justifiait pas de lui octroyer une quelconque prolongation.
C.
Parallèlement à un recours en réforme, X.________ SA forme un recours de droit public au Tribunal fédéral contre l'arrêt cantonal, dont elle requiert l'annulation. Elle invoque la violation de son droit d'être entendue.
L'intimée conclut au rejet du recours, alors que l'autorité cantonale se réfère aux considérants de son arrêt.
Le Tribunal fédéral considère en droit:
1.
1.1 Conformément à la règle générale de l'art. 57 al. 5 OJ, il y a lieu de statuer d'abord sur le recours de droit public.
1.2 Le recours de droit public au Tribunal fédéral est ouvert contre une décision cantonale pour violation des droits constitutionnels des citoyens (art. 84 al. 1 let. a OJ).
Le jugement rendu par la cour cantonale, qui est final, n'est susceptible d'aucun autre moyen de droit sur le plan fédéral ou cantonal dans la mesure où la recourante invoque la violation directe d'un droit de rang constitutionnel, de sorte que la règle de la subsidiarité du recours de droit public est respectée (art. 84 al. 2 et 86 al. 1 OJ). En revanche, si la recourante soulève une question relevant de l'application du droit fédéral, le grief n'est pas recevable, parce qu'il pouvait faire l'objet d'un recours en réforme (art. 43 al. 1 et 84 al. 2 OJ).
La recourante est personnellement touchée par la décision attaquée, qui confirme la validité de la résiliation du bail qu'elle a noué avec l'intimée, de sorte qu'elle a un intérêt personnel, actuel et juridiquement protégé à ce que cette décision n'ait pas été prise en violation de ses droits constitutionnels; en conséquence, elle a qualité pour recourir (art. 88 OJ).
1.3 Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral n'examine que les griefs d'ordre constitutionnel invoqués et suffisamment motivés dans l'acte de recours (art. 90 al. 1 let. b OJ; ATF 129 I 113 consid. 2.1 p. 120 et les arrêts cités).
2.
2.1 Concédant que les possibilités de faire valoir des faits nouveaux dans le cadre d'un recours de droit public sont très réduites, la recourante produit néanmoins devant le Tribunal fédéral une correspondance échangée entre le 4 novembre 2003 et le 10 décembre 2003 (pièces nos 12 à 16), qu'elle n'a pas soumise à l'autorité cantonale.
2.2 Dans le cadre d'un recours de droit public qui repose essentiellement, comme en l'espèce, sur un autre grief que l'arbitraire, le Tribunal fédéral ne prend en considération les allégations, preuves ou faits nouveaux qu'à titre exceptionnel. Il admet ainsi les nova s'ils concernent un point mentionné pour la première fois dans la décision attaquée (ATF 118 Ia 369 consid. 4d), s'ils ont trait à un point de vue qui s'imposait à l'autorité cantonale, de sorte que celle-ci aurait manifestement dû le prendre en compte d'office en instance cantonale (ATF 99 Ia 113 consid. 4a), s'ils se rapportent à des faits qui ne sont devenus déterminants qu'au cours de la procédure probatoire instituée par l'art. 95 OJ (ATF 107 Ia 187 consid. 2b; Rhinow/Koller/Kiss, Öffentliches Prozessrecht und Justizverfassungsrecht des Bundes, n. 1859, p. 358) ou s'ils sont liés à de nouveaux moyens de droit, recevables devant le Tribunal fédéral parce que l'autorité de dernière instance cantonale disposait d'un pouvoir d'examen libre et devait appliquer le droit d'office (ATF 119 Ia 88 consid. 1a).
Aucune de ces exceptions n'est réalisée in casu. La recourante ne le prétend d'ailleurs même pas. Partant, sont irrecevables les pièces 12 à 16 que la recourante a produites avec son recours de droit public.
3.
3.1 La recourante soutient que son droit d'être entendue, garanti par l'art. 29 al. 2 Cst., a été violé. Elle fait valoir qu'en lui refusant le droit de démontrer la réalité de ses allégués, lesquels portaient sur des faits pertinents (motif du congé, besoin propre du fils de la bailleresse, recherches d'autres locaux et caractère pénible du congé pour la locataire), une grave entorse a été opérée à ce droit constitutionnel. A ses yeux, les autorités judiciaires auraient dû entendre les parties en comparution personnelle et ouvrir des enquêtes.
3.2
3.2.1 Le contenu du droit d'être entendu et les modalités de sa mise en oeuvre sont déterminés en premier lieu par les dispositions cantonales de procédure, dont le Tribunal fédéral ne revoit l'application et l'interprétation que sous l'angle restreint de l'arbitraire; il examine en revanche librement si les garanties minimales consacrées par le droit constitutionnel fédéral sont respectées (ATF 127 III 193 consid. 3).
Comme la recourante n'invoque pas la violation de normes de droit cantonal protégeant son droit d'être entendue, le grief soulevé doit être examiné exclusivement à la lumière de l'art. 29 al. 2 Cst.
3.2.2 Tel qu'il est garanti par la Constitution fédérale, le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour le justiciable de prendre connaissance du dossier, de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur le sort de la décision, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles, d'en prendre connaissance et de se déterminer à leurs propos (ATF 129 II 497 consid. 2.2 p. 504/505; 127 III 576 consid. 2c p. 578 s.; 127 V 431 consid. 3a; 126 I 15 consid. 2a).
3.2.3 En l'espèce, il n'apparaît pas qu'en instance cantonale la recourante ait été empêchée de s'exprimer sur les faits pertinents ou qu'elle ait été privée de la possibilité de proposer de moyens de preuve. Quoi qu'en dise X.________ SA, elle a pu s'exprimer librement devant le Tribunal des baux, par l'entremise de son mandataire, lors d'une audience tenue le 16 décembre 2002 en cours d'instruction. La recourante n'indique même pas le moyen de preuve dont elle aurait offert l'administration en temps utile et selon les formes de la procédure cantonale. Singulièrement, elle n'expose pas qu'elle aurait présenté une liste de témoins dont elle aurait sollicité l'audition sur des points déterminés.
A supposer que le grief réponde aux exigences strictes de motivation de l'art. 90 al. 1 let. b OJ, il n'a aucun fondement.
4.
La recourante reproche encore à la cour cantonale d'avoir procédé arbitrairement à une appréciation anticipée des preuves à propos du motif de congé. Elle fait valoir, en se référant à un auteur, que le devoir du bailleur d'indiquer un véritable motif de résiliation est fondamental.
A défaut de mentionner la mesure probatoire que le juge aurait refusé d'administrer au vu de son appréciation des preuves déjà apportées, le moyen est irrecevable (art. 90 al. 1 let. b OJ).
Pour le reste, le moyen a trait à l'annulabilité du congé en raison des motifs qui fondent la résiliation. Il concerne ainsi l'application du droit fédéral, plus particulièrement les art. 271 et 271a CO. Ressortissant à l'instance de réforme, il est irrecevable du fait de la subsidiarité absolue du recours de droit public (art. 84 al. 2 OJ).
5.
En définitive, le recours doit être rejeté dans la mesure de sa recevabilité. Compte tenu de l'issue de la cause, la recourante supportera l'émolument de justice et versera à l'intimée une indemnité de dépens (art. 156 al. 1 et 159 al. 1 OJ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
Un émolument judiciaire de 4'000 fr. est mis à la charge de la recourante.
3.
La recourante versera à l'intimée une indemnité de 5'000 fr. à titre de dépens.
4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la Chambre d'appel en matière de baux et loyers du canton de Genève.
Lausanne, le 27 août 2004
Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse
La Juge présidant: Le greffier: