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Original
 
Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
1P.320/2004 /col
Arrêt du 16 juin 2004
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du Tribunal fédéral, Nay, Vice-président du Tribunal fédéral, et Reeb.
Greffier: M. Zimmermann.
Parties
A.________,
recourant, représenté par Me François Contini, avocat,
contre
Juge d'instruction 5 du Service régional de Juges d'instruction I du Jura Bernois-Seeland, Préfecture, rue de l'Hôpital 14, 2501 Bienne,
Ministère public I Jura Bernois-Seeland, rue du Château 13, case postale 57, 2740 Moutier 2,
Juge de l'arrestation I Jura Bernois-Seeland, Préfecture, rue de l'Hôpital 14, 2501 Bienne.
Objet
art. 10 al. 2 Cst., art. 5 CEDH (demande de mise en liberté),
recours de droit public contre la décision du Juge de l'arrestation I Jura Bernois-Seeland du 27 mai 2004.
Faits:
A.
Le 11 avril 2004 vers 17h, à Bienne, est survenue une altercation entre deux personnes, au terme de laquelle le dénommé B.________ a été blessé à l'abdomen d'un coup de couteau. Son agresseur s'est enfui. Arrêté par la police le soir même, A.________ a reconnu être l'auteur et remis l'arme utilisée.
Le 12 avril 2004, le Juge d'instruction a inculpé A.________ de lésions corporelles graves et l'a fait incarcérer immédiatement.
Le 14 avril 2004, le Juge de l'arrestation du Jura bernois et du Seeland a ordonné le placement de A.________ en détention préventive.
Le 27 mai 2004, il a rejeté une demande de libération provisoire. Il a retenu l'existence de charges suffisantes, ainsi que d'un risque de réitération.
B.
Agissant par la voie du recours de droit public, A.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler la décision du 27 mai 2004 et d'ordonner sa libération immédiate, le cas échéant sous la condition qu'il se soumette à une thérapie ambulatoire ou à d'autres règles de conduite. Il invoque les art. 10 al. 2 Cst. et 5 CEDH. Il requiert l'assistance judiciaire.
Le Juge de l'arrestation et le Juge d'instruction ont renoncé à se déterminer. Le Ministère public conclut au rejet du recours.
Invité à répliquer, le recourant a maintenu ses conclusions.
Le Tribunal fédéral considère en droit:
1.
Le recours de droit public n'a qu'un effet cassatoire (art. 90 al. 1 let. b OJ; ATF 129 I 129 consid. 1.2.1 p. 131/132, 173 consid. 1.5 p. 176; 128 III 50 consid. 1b p. 53, et les arrêts cités). Il est fait exception à ce principe lorsque l'admission du recours ne suffit pas à rétablir une situation conforme à la Constitution et qu'une mesure positive est nécessaire (ATF 129 I 129 consid. 1.2.1 p. 131/132). Tel est le cas notamment lorsqu'une mesure de détention préventive n'est pas - ou n'est plus - justifiée (ATF 115 Ia 293 consid. 1a p. 297; 107 Ia 256 consid. 1 p. 257; 105 Ia 26 consid. 1 p. 29). La conclusion tendant à la libération provisoire du recourant est ainsi recevable.
2.
La liberté personnelle est garantie (art. 10 al. 2 Cst.). Nul ne peut en être privé si ce n'est dans les cas prévus par la loi et selon les formes qu'elle prescrit (art. 31 al. 1 Cst.). Le Tribunal fédéral examine à la lumière de la garantie de la liberté personnelle si le maintien en détention d'un prévenu se justifie pour des raisons objectives. Les principes que la Convention européenne des droits de l'homme consacre, essentiellement à son art. 5, sont pris en considération pour l'interprétation et l'application de cette garantie en tant qu'ils la concrétisent (ATF 115 Ia 293 consid. 3 p. 299; 108 Ia 64 consid. 2c p. 66/67; 105 Ia 26 consid. 2b p. 29).
La garantie de la liberté personnelle n'empêche pas l'autorité publique de procéder à l'incarcération d'un individu ou de le maintenir en détention, aux conditions toutefois que cette mesure particulièrement grave repose sur une base légale, qu'elle soit ordonnée dans l'intérêt public et qu'elle respecte le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 1 à 3 Cst.; ATF 123 I 268 consid. 2c p. 270; 114 Ia 281 consid. 3 p. 283; 107 Ia 148 consid. 2 p. 149, et les arrêts cités).
2.1 Aux termes de l'art. 176 al. 1 CPP/BE, la personne inculpée reste en règle générale en liberté. Toutefois, selon l'al. 2 de cette disposition, elle peut être placée en détention provisoire si des motifs sérieux permettent de la soupçonner d'avoir commis un crime ou un délit et qu'il existe des motifs sérieux de craindre qu'elle se soustraie à la procédure pénale ou à la sanction envisageable en prenant la fuite (ch. 1) ou qu'elle compromette le résultat de l'enquête en exerçant une influence sur des personnes ou en perturbant la recherche des indices et des preuves (ch. 2) ou qu'elle commette d'autres crimes ou délits si elle en a déjà commis au moins un en cours de procédure (ch. 3) ou qu'elle commette d'autres crimes mettant gravement en danger l'intégrité corporelle ou sexuelle d'autrui (ch. 4).
Au regard de ces normes, la condition de la base légale est remplie.
2.2 Le recourant a admis les charges retenues contre lui. Il a expliqué que B.________ l'avait menacé de le détrousser s'il ne lui donnait pas spontanément de l'argent. Il avait tenté, mais en vain, de s'éclipser pour se soustraire à l'emprise de B.________, qui l'avait toutefois rattrapé et, semble-t-il empoigné par le col. Pour se défendre, le recourant lui aurait alors porté un coup de couteau. Cette version est corroborée pour l'essentiel par le témoin C.________.
Le recourant a reconnu la gravité de son acte, ainsi que son caractère disproportionné. Il conteste en revanche l'existence d'un risque de récidive.
2.3 Le risque de récidive doit être concret (ATF 125 I 361 consid. 4c p. 365/366). Il faut pour cela que le pronostic à faire soit très défavorable et graves les délits redoutés. Le caractère purement hypothétique ou bénin d'une telle éventualité ne suffit pas pour maintenir la détention préventive (ATF 124 I 208 consid. 5 p. 213/214; 123 I 268 consid. 2c p. 270/271). Le principe de la proportionnalité impose que des mesures moins incisives que la détention (comme par exemple un traitement médical) soient ordonnées, lorsqu'elles peuvent l'être (ATF 123 I 268 consid. 2c p. 271). Un risque de récidive peut être admis notamment lorsque l'expertise psychiatrique a révélé les tendances paranoïdes de celui qui avait tenté un homicide et confirmé le danger que l'auteur tente à nouveau de passer à l'acte (ATF 124 I 208 consid. 5 p. 213/214).
Le recourant, né en 1976, est de nationalité suisse. Il n'a pas terminé ses études secondaires, ni exercé d'activité professionnelle régulière. Pendant plusieurs années, il a consommé de l'héroïne. Depuis deux ans, il suit un traitement à la méthadone et prétend ne plus se droguer. A deux reprises, il a été interné dans un établissement psychiatrique, notamment parce qu'il avait été trouvé dans la rue, une batte de base-ball à la main, se sentant menacé. Il reçoit une rente de l'assurance-invalidité. Il fume de temps en temps du cannabis. Il a fait l'objet de quatre condamnations entre 1997 et 2003, pour contraventions à la LStup, dommages à la propriété, injures et infraction à la LArm.
Pour retenir l'existence d'un risque de réitération au sens de l'art. 176 al. 2 ch. 3 CPP/BE, le Juge de l'arrestation s'est fondé sur le fait que le recourant, toxicomane, serait enclin à commettre de nouveaux actes de violence s'il était remis en liberté.
Cette appréciation ne peut être partagée.
Le recourant souffre probablement de troubles psychiques, liés notamment à sa toxicomanie. Dès qu'il se sent agressé, il a tendance à réagir de manière disproportionnée. S'il a frappé B.________, c'est parce que celui-ci l'aurait harcelé voire menacé, et poursuivi. Dans son rapport final, l'inspecteur D.________ de la police cantonale a indiqué que le recourant n'aurait certainement pas pu se défendre à mains nues contre son agresseur, qui lui était physiquement supérieur. Il paraît dès lors exagéré de dire, comme le fait le Juge de l'arrestation, que la libération provisoire du recourant mettrait gravement en danger l'intégrité physique des personnes. De même, le danger qu'il soit à nouveau confronté à sa victime ou placé dans une situation similaire paraît peu plausible. En outre, c'est à tort que le Juge de l'arrestation s'est pensé autorisé à statuer sans expertise médicale, laquelle aurait permis de déterminer si des mesures moins incisives que la détention sont envisageables. Au demeurant, le Juge d'instruction a, le 7 juin 2004, précisément ordonné une telle expertise, dont la mise en oeuvre ne requiert pas le maintien de la détention.
3.
Le recours doit ainsi être admis et le recourant remis en liberté. Il est statué sans frais (art. 156 OJ). L'Etat de Berne versera au recourant une indemnité de 2000 fr. à titre de dépens (art. 159 OJ). La demande d'assistance judiciaire a perdu son objet.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est admis et la décision attaquée annulée.
2.
Le recourant est immédiatement remis en liberté.
3.
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.
4.
L'Etat de Berne versera au recourant une indemnité de 2000 fr. à titre de dépens.
5.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, au Juge d'instruction 5 du Service régional de Juges d'instruction I du Jura Bernois-Seeland, au Ministère public I Jura Bernois-Seeland et au Juge de l'arrestation I Jura Bernois-Seeland.
Lausanne, le 16 juin 2004
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le président: Le greffier: