BGer I 761/2003
 
BGer I 761/2003 vom 09.02.2004
Eidgenössisches Versicherungsgericht
Tribunale federale delle assicurazioni
Tribunal federal d'assicuranzas
Cour des assurances sociales
du Tribunal fédéral
Cause
{T 7}
I 761/03
Arrêt du 9 février 2004
Ire Chambre
Composition
MM. et Mme les Juges Borella, Président, Leuzinger, Lustenberger, Ursprung et Frésard.
Greffière : Mme Gehring
Parties
T.________, recourante, représentée par Me Philippe Nordmann, avocat, place Pépinet 4, 1003 Lausanne,
contre
Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, avenue Général-Guisan 8, 1800 Vevey, intimé
Instance précédente
Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne
(Jugement du 8 juillet 2003)
Faits:
A.
A la suite de traitements intensifs de radiothérapie et de curiethérapie, T.________, née en 1961, souffre d'importants lymphoedèmes chroniques des deux membres inférieurs nécessitant le port impératif de bas compressifs confectionnés sur mesure (cf. rapport du 11 février 2003 du docteur O.________, physiothérapeute; certificat du 17 février 2003 du docteur K.________, médecin traitant de l'assurée). En raison de ces affections, cette dernière a été mise au bénéfice d'une rente entière d'invalidité ainsi que d'une allocation pour impotent. Par demande du 4 novembre 2002, elle a en outre sollicité la prise en charge par l'assurance-invalidité du coût des bas de contention au titre de moyens auxiliaires. Par décision du 20 janvier 2003 confirmée sur opposition le 10 mars suivant, l'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud a rejeté la demande, motif pris que les collants compressifs ne pouvaient pas être assimilés à une orthèse orthopédique et qu'en outre ils n'étaient pas mentionnés dans la liste annexée à l'ordonnance sur les moyens auxiliaires.
B.
Par jugement du 8 juillet 2003, le Tribunal des assurances du canton de Vaud a rejeté le recours formé contre cette décision par T.________.
C.
Cette dernière interjette recours de droit administratif contre ce jugement dont elle requiert l'annulation en concluant, sous suite de dépens, à la prise en charge par l'assurance-invalidité du coût relatif aux bas de contention.
L'office conclut au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral des assurances sociales a renoncé à se déterminer.
Considérant en droit:
1.
Le litige porte sur la prise en charge de bas compressifs, principalement au titre de moyens auxiliaires, subsidiairement au titre de mesure médicale de réadaptation.
2.
2.1 Ratione temporis, les dispositions de la novelle du 21 mars 2003 modifiant la LAI (4ème révision), entrée en vigueur le 1er janvier 2004 (RO 2003 3852) ne sont pas applicables (ATF 127 V 467 consid. 1). Dans la mesure où elles ont été modifiées par la novelle, les dispositions ci-après sont donc citées dans leur version antérieure au 1er janvier 2004.
2.2 Aux termes de l'art. 21 al. 1 LAI, l'assuré a droit, d'après une liste que dressera le Conseil fédéral, aux moyens auxiliaires dont il a besoin pour exercer une activité lucrative ou accomplir ses travaux habituels, pour étudier ou apprendre un métier ou à des fins d'accoutumance fonctionnelle. L'alinéa 2 de cette disposition stipule que l'assuré qui, par suite de son invalidité, a besoin d'appareils coûteux pour se déplacer, établir des contacts avec son entourage ou développer son autonomie personnelle, a droit, sans égard à sa capacité de gain, à de tels moyens auxiliaires conformément à une liste qu'établira le Conseil fédéral.
2.3 A l'art. 14 RAI, le Conseil fédéral a délégué au Département fédéral de l'intérieur la compétence de dresser la liste des moyens auxiliaires et d'édicter des prescriptions complémentaires au sens de l'art. 21 al. 4 LAI. Ce département a édicté l'ordonnance concernant la remise des moyens auxiliaires par l'assurance-invalidité (OMAI) avec en annexe la liste des moyens auxiliaires. En vertu de l'art. 2 OMAI, ont droit aux moyens auxiliaires, dans les limites fixées par la liste en annexe, les assurés qui en ont besoin pour se déplacer, établir des contacts avec leur entourage ou développer leur autonomie personnelle (al. 1); l'assuré n'a droit aux moyens auxiliaires désignés dans cette liste par un astérisque (*), que s'il en a besoin pour exercer une activité lucrative ou accomplir ses travaux habituels, pour étudier ou apprendre un métier ou à des fins d'accoutumance fonctionnelle ou encore pour exercer l'activité nommément désignée au chiffre correspondant de l'annexe (al. 2).
2.4 La liste contenue dans l'annexe à l'ordonnance concernant la remise de moyens auxiliaires par l'assurance-invalidité (OMAI) est exhaustive dans la mesure où elle énumère les catégories de moyens auxiliaires entrant en ligne de compte. En revanche, il faut examiner pour chaque catégorie si l'énumération des divers moyens auxiliaires faisant partie de cette catégorie est également exhaustive ou simplement indicative (ATF 121 V 260 consid. 2b et les références).
3.
3.1 Selon une ancienne jurisprudence, les bas de compression étaient pris en charge par l'assurance-invalidité aux conditions requises à l'époque (RCC 1969 p. 478; Michel Valterio, Droit et pratique de l'assurance-invalidité [Les prestations], Lausanne 1985, p. 163). Cette jurisprudence est toutefois dépassée depuis la nouvelle réglementation entrée en vigueur le 1er janvier 1977 (voir Ulrich Meyer-Blaser, Bundesgesetz über die Invalidenversicherung, Zurich 1997, p. 158). Dans un arrêt paru à la RCC 1980 p. 173, le Tribunal fédéral des assurances a constaté, sans autres développements, que les bas de compression n'étaient pas mentionnés dans la liste des moyens auxiliaires et qu'ils ne pouvaient pas être considérés comme répondant à la définition de l'une des catégories de la liste. En conséquence, ils ne pouvaient pas être pris en charge par l'assurance-invalidité au chapitre des moyens auxiliaires.
3.2 Le Tribunal fédéral des assurances a ultérieurement explicité les motifs de cette jurisprudence dans un arrêt non publié en la cause G. du 8 juillet 1992 (I 256/91). Il a notamment considéré que les bas de compression ne pouvaient pas être considérés comme des «appareils pour les jambes» au sens du ch. 2.01 de l'annexe à l'OMAI, car ils ne représentaient pas un moyen technique qui caractérise la notion d'appareil ou d'appareillage.
3.3 Cette jurisprudence doit être confirmée, bien que le ch. 2.01 de l'annexe à l'OMAI ait été modifié avec effet au 1er janvier 1993, en ce sens qu'il prévoit désormais, en lieu et place notamment d'appareils pour les jambes, des «orthèses pour les jambes» (RO 1992 p. 2406; «Beinorthesen» et «Ortesi delle gambe», selon les versions allemande et italienne de l'annexe). Une orthèse est définie comme tout appareil destiné à protéger, immobiliser ou soutenir le corps ou une de ses parties auxquels il est directement fixé (attelles, gouttières, ceintures, corsets, chaussures orthopédiques) (Garnier/Delamare, Dictionnaire des termes de médecine, 23ème édition, Paris 1992, p. 642). Un tel appareil fait appel à la technique orthopédique (Roche Lexikon Medizin, 4ème édition, Munich/Vienne/Baltimore 1998, p. 1245). A la lumière de cette définition, un bas de compression ne peut - dans le langage courant comme de langage médical - être considéré comme un appareil ou appareillage qui relève de la technique orthopédique. Dans la variété des orthèses, on ne signale d'ailleurs pas des articles ou vêtements de compression tels que des bas ou des bandages (Alfred N. Debrunner, Orthopädie, orthopädische Chirurgie: die Störungen des Bewegungsapparates in Klinik und Praxis; 3ème édition, Berne, Göttingen, Toronto, Seattle 1994, p. 231 ss; René Baumgartner/Peter E. Ochsner, Checklists de médecine - Orthopédie, traduit de l'allemand par Matthias Kracht, Paris 2001, p. 186). On note d'ailleurs que l'annexe 2 de l'ordonnance du 29 septembre 1995 sur les prestations de l'assurance des soins (OPAS), qui contient la liste des moyens et appareils obligatoirement pris en charge dans le cadre de l'assurance obligatoire des soins par les assureurs-maladie (LiMA; version au 1er janvier 2003) établit une claire distinction entre les articles pour thérapie par compression, qui comprennent notamment les bas de contention et les bandages compressifs (ch. 17), d'une part, et les orthèses (ch. 23), d'autre part. Cela montre également que selon la classification réglementaire, les bas de compression ne sont pas considérés comme des orthèses.
4.
Il reste à examiner si les bas en question peuvent être pris en charge au titre de mesure médicale selon l'art. 12 LAI.
4.1 La loi désigne sous le nom de «traitement de l'affection comme telle» les mesures médicales que l'assurance-invalidité ne doit pas prendre en charge. Aussi longtemps qu'il existe un phénomène pathologique labile et qu'on applique des soins médicaux, qu'ils soient de nature causale ou symptomatique, qu'ils visent l'affection originaire ou ses conséquences, ces soins représentent, du point de vue du droit des assurances sociales, le traitement de l'affection comme telle. La jurisprudence a de tout temps, en principe, assimilé à un phénomène pathologique labile toutes les atteintes à la santé non stabilisées qui ont valeur de maladie. Ainsi, les soins qui ont pour objet de guérir ou de soulager un phénomène de nature pathologique labile ou ayant d'une autre manière valeur de maladie, ne ressortissent pas à l'assurance-invalidité. Ce n'est qu'au moment où la phase du phénomène pathologique labile (primaire ou secondaire) est achevée et qu'un état stabilisé ou relativement stabilisé est apparu, qu'on peut se demander - dans le cas des assurés majeurs - si une mesure médicale est une mesure de réadaptation. En règle générale, l'assurance-invalidité ne prend en charge que des mesures qui sont propres à éliminer ou à corriger des états stables défectueux ou des pertes de fonction, pour autant qu'on puisse en attendre une amélioration durable et importante au sens de l'art. 12 al. 1 LAI. En revanche, l'assurance-invalidité n'a pas à prendre en charge une mesure destinée au traitement de l'affection comme telle, même si l'on peut prévoir qu'elle améliorera de manière importante la réadaptation. Dans le cadre de l'art. 12 LAI, le succès de la réadaptation ne constitue pas, en lui-même, un critère décisif car, pratiquement, toute mesure qui réussit du point de vue médical a simultanément des effets bénéfiques sur la vie active (ATF 120 V 279 consid. 3a, 115 V 194 consid. 3, 112 V 349 consid. 2, 105 V 19 et 149, 104 V 82, 102 V 42).
Des mesures visant la stabilisation s'appliquent toujours à un phénomène pathologique labile. C'est pourquoi une thérapie continue, qui est nécessaire pour empêcher la progression d'une affection, doit être considérée comme le traitement de l'affection comme telle. Par conséquent, un état pathologique qui ne peut être maintenu en équilibre que par des mesures thérapeutiques n'est pas le résultat stable d'une maladie, d'un accident ou d'une infirmité congénitale, quel que soit le genre du traitement. Un tel état est certes stationnaire tant qu'il peut être maintenu en équilibre, mais non pas stable au sens de la jurisprudence. Les mesures médicales qui sont nécessaires au maintien d'un état stationnaire ne peuvent donc être prises en charge par l'assurance-invalidité (ATF 102 V 42 ss; VSI 1999 p. 130 consid. 2d et les références)
4.2 En l'espèce, la recourante souffre de lymphoedèmes des deux membres inférieurs, consécutifs à des traitements sous la forme de radiothérapie et de curiethérapie. Le seul traitement possible consiste en l'administration de drainages lymphatiques fréquents. Le port de collants compressifs (confectionnés sur mesure) a pour but de maintenir la station debout de façon plus ou moins prolongée, de conserver le bénéfice de la physiothérapie, d'empêcher la récidive et la péjoration des oedèmes. Sur le vu de ces éléments, on doit admettre que le port de bas de compression se rattache à une thérapie continue, nécessaire pour empêcher l'évolution défavorable de l'état pathologique. En regard de la jurisprudence susmentionnée, le traitement par compression des jambes doit être considéré comme participant du traitement de l'affection comme telle.
5.
Sur le vu de ce qui précède, il apparaît que le jugement entrepris n'est pas critiquable et le recours se révèle par conséquent mal fondé.
6.
La décision litigieuse ayant pour objet l'octroi ou le refus de prestations d'assurance, la procédure est gratuite (art. 134 OJ). Représentée par un avocat, la recourante, qui succombe, ne saurait prétendre une indemnité de dépens pour l'instance fédérale (art. 159 al. 1 en corrélation avec l'art. 135 OJ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:
1.
Le recours est rejeté.
2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.
3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des assurances du canton de Vaud et à l'Office fédéral des assurances sociales.
Lucerne, le 9 février 2004
Au nom du Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la Ire Chambre: La Greffière: