BGer 4C.201/2002
 
BGer 4C.201/2002 vom 06.12.2002
Tribunale federale
{T 0/2}
4C.201/2002 /ech
Arrêt du 6 décembre 2002
Ire Cour civile
Les juges fédéraux Walter, président de la Cour, Corboz et Pagan, juge suppléant,
greffier Carruzzo.
A.________,
demandeur et recourant, représenté par Me Philippe Vogel, avocat, case postale 3293, 1002 Lausanne,
contre
X.________ SA,
défenderesse et intimée, représentée par Me Jean-Luc Tschumy, avocat, rue du Grand-Chêne 5, case postale 3633, 1002 Lausanne.
contrat de vente; défauts
(recours en réforme contre le jugement de la Cour civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 17 octobre 2001)
Faits:
A.
A.________, jardinier paysagiste, a acquis, auprès du X.________ SA, pour le prix de 27'300 fr. sans les options, un véhicule neuf de marque Peugeot Boxer 270 CS Turbo diesel ayant une cylindrée de 1'905 cm3. Le poids à vide était de 1'775 kg, la charge utile de 1'015 kg et la charge sur remorque de 1'500 kg. Le véhicule a été livré le 3 avril 1997 à l'acheteur qui l'a régulièrement utilisé depuis lors, parcourant quelque 20'000 km jusqu'à fin novembre 1998.
D'emblée, A.________ a constaté que le véhicule était poussif, ce dont il s'est plaint à de nombreuses occasions, d'abord oralement, ensuite par écrit. Y.________SA, à qui il s'était adressé, lui a notamment précisé que le véhicule correspondait au "cahier des charges de la définition usine".
Au printemps 1998, A.________ a mandaté un avocat et fait procéder à l'examen du véhicule par un expert privé, puis par des experts de Y.________SA. Des discussions ont ensuite eu lieu entre les parties au sujet d'une éventuelle reprise du véhicule par le X.________ SA ou par un tiers, mais elles n'ont pas abouti.
B.
Le 7 décembre 1998, A.________ a ouvert action contre le X.________ SA aux fins d'obtenir le paiement de 31'060 fr. 50 plus intérêts à 5% dès cette date. Il a déclaré résilier le contrat de vente et tenir le véhicule litigieux à disposition de la défenderesse moyennant paiement de la somme réclamée. La défenderesse a conclu au rejet de la demande.
Un expert judiciaire a été désigné en la personne de B.________, ingénieur ETS, qui a examiné si le véhicule litigieux était conforme à l'art. 54 al. 3 de l'ordonnance du 19 juin 1995 concernant les exigences techniques requises pour les véhicules routiers (OETV; RS 741.41). Cette disposition a la teneur suivante:
"Les véhicules automobiles et les ensembles de véhicules doivent, en pleine charge, pouvoir démarrer sans difficulté sur une rampe de 15 pour cent ou, en lieu et place, pouvoir démarrer sans difficulté cinq fois en cinq minutes sur une rampe de 12 pour cent."
Dans son rapport du 27 septembre 2000, l'expert judiciaire a indiqué avoir effectué des tests de démarrage sur une rampe de 12%. Selon lui, le véhicule n'était pas conforme aux exigences de la disposition précitée. Les démarrages successifs sur une rampe de 12% étaient astreignants; la limite de puissance du véhicule était réellement atteinte; ce comportement n'était guère compatible avec les exigences du trafic routier, notamment avec la notion de fluidité. L'expert a constaté en outre que le véhicule ne démarrait pas sans difficulté et il l'a jugé non conforme à l'homologation délivrée par l'Office fédéral de la police.
Dans une lettre adressée à Y.________SA le 27 octobre 2000, l'Office fédéral des routes a indiqué qu'il fallait comprendre l'expression "sans difficulté", figurant à l'art. 54 al. 3 OETV relativement au démarrage en côte, en ce sens que "la force de propulsion doit être transmise au sol (les roues ne doivent pas tourner dans le vide), que l'embrayage, une fois embrayé, ne doit pas "patiner et le moteur ne pas caler".
L'expert judiciaire, à qui ce document avait été transmis, a précisé, dans un rapport complémentaire du 19 décembre 2000, que, lors des essais de démarrage sur un plan incliné de 12%, le véhicule avait démarré cinq fois en cinq minutes d'une manière conforme aux exigences fixées par l'Office fédéral des routes. Il a ainsi considéré, sur le vu de la directive No 92/21/CEE et à la lumière des précisions fournies par ladite administration quant à l'expression "sans difficulté", que le véhicule litigieux était conforme aux directives. L'expert a néanmoins estimé que cette notion était inadaptée à une manoeuvre qui est manifestement astreignante et dont il n'est nullement certain qu'il soit possible de l'accomplir avec succès.
Par jugement du 17 octobre 2001, la Cour civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud a rejeté les conclusions du demandeur. Elle a retenu, en bref, que le véhicule vendu satisfaisait aux exigences de l'art. 54 al. 3 OETV, qu'il n'était donc pas entaché d'un défaut et, partant, que la responsabilité du vendeur n'était pas engagée en l'espèce.
C.
Le demandeur interjette un recours en réforme au Tribunal fédéral. Invoquant pour seul motif la violation de l'art. 54 al. 3 OETV, en liaison avec l'art. 205 CO, il y reprend les conclusions qu'il avait soumises aux premiers juges.
La défenderesse propose le rejet du recours.
Le Tribunal fédéral considère en droit:
1.
Interjeté pour violation du droit fédéral, contre une décision finale ne pouvant pas être l'objet d'un recours ordinaire de droit cantonal (art. 48 al. 1 OJ), dans une contestation civile portant sur des droits de nature pécuniaire dont la valeur litigieuse dépasse 8000 fr. (art. 46 OJ), le présent recours, qui a été déposé dans le délai (art. 54 al. 1 OJ) et la forme (art. 55 OJ) prescrits, est recevable.
2.
2.1 Une prestation est défectueuse s'il manque des caractéristiques essentielles convenues entre les cocontractants (ATF 121 III 453 consid. 4a p. 455); il y a défaut lorsqu'elle s'écarte du contrat dans un sens défavorable au destinataire, qu'elle n'a pas les propriétés promises ou auxquelles le destinataire s'attendait et pouvait s'attendre selon le principe de la bonne foi. Pour dire s'il y a ou non défaut, il faut donc examiner le contenu concret du contrat (ATF 114 II 239 consid. 5a/aa; Hans Giger, Commentaire ber nois, n. 52 ad art. 197 CO; Heinrich Honsell, Commentaire bâlois, 2e éd., n. 2 ad art. 197 CO; Pierre Tercier, Les contrats spéciaux, 2e éd., n. 370, p. 48).
2.2 Dans la présente espèce, seul est litigieux le point de savoir si le véhicule vendu par la défenderesse au demandeur satisfait ou non aux exigences de l'art. 54 al. 3 OETV, plus précisément s'il respecte la seconde des deux conditions alternatives qui y sont fixées.
La disposition en question, qui fait partie du chapitre 3 intitulé "Transmission", se rapporte uniquement à l' "embrayage" et à la "puissance de démarrage" d'un véhicule, comme son titre le précise. Le premier alinéa de la même disposition ne laisse subsister aucun doute sur ce point puisqu'il prescrit que le moteur, la boîte de vitesses ou l'embrayage doivent assurer un démarrage sans à-coups et permettre de rouler très lentement.
Dans ce contexte, l'interprétation donnée par l'Office fédéral à l'art. 54 al. 3 OETV apparaît juste pour être fondée uniquement sur des exigences techniques concernant l'adhérence des roues au sol, l'absence de patinage de l'embrayage et le fait que le moteur ne cale pas.
Or, il a été constaté, de manière à lier la juridiction fédérale de réforme (art. 63 al. 2 OJ), que le véhicule litigieux était conforme à l'art. 54 al. 3 OETV par rapport à une pente de 12%, autrement dit qu'il répond à l'une des deux exigences alternatives de cette disposition.
S'agissant d'une manoeuvre exécutée cinq fois en cinq minutes dans des conditions extrêmes, il est évident qu'un démarrage effectué à plusieurs reprises dans un laps de temps réduit et sur une forte pente n'est en soi pas aisé, quelle que soit l'aptitude du conducteur, de sorte qu'il n'est pas possible de soutenir que la difficulté d'une telle manoeuvre rendrait le véhicule acheté par le demandeur impropre à l'usage auquel il était destiné lors d'un démarrage en côte.
Pour le surplus, il n'est pas établi que le véhicule litigieux souffrirait d'un manque de nervosité du moteur de nature à en diminuer la valeur ou l'utilité, cette situation découlant des spécificités techniques du modèle choisi par l'acheteur.
Ainsi, il n'apparaît pas que le véhicule litigieux présenterait un défaut matériel en ce sens qu'il serait dépourvu d'une qualité affectant ses propriétés physiques ou ses éléments intrinsèques, notamment du point de vue de sa résistance.
Une autre manière de voir se justifie d'autant moins que le comportement d'un véhicule lors d'un démarrage effectué dans des conditions extrêmes ne permet pas encore de tirer des conclusions quant à ses aptitudes générales sur le plan routier.
Cela étant, on ne discerne pas en quoi le jugement incriminé serait entaché d'une violation du droit fédéral. Le recours exercé par le demandeur ne peut, dès lors, qu'être rejeté.
3.
Le demandeur, qui succombe, devra supporter les frais et dépens de la procédure fédérale (art. 156 al. 1 et 159 al. 1 OJ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est rejeté et le jugement attaqué est confirmé.
2.
Un émolument judiciaire de 2'500 fr. est mis à la charge du recourant.
3.
Le recourant versera à l'intimée une indemnité de 3'000 fr. à titre de dépens.
4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la Cour civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud.
Lausanne, le 6 décembre 2002
Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse
Le président: Le greffier: