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Original
 
Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
1P.223/2002-1P.224/2002-1P.225/2002
1P.226/2002-1P.227/2002/col
Arrêt du 15 juillet 2002
Ire Cour de droit public
Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et vice-président du Tribunal fédéral, Aeschlimann, Fonjallaz,
greffier Parmelin.
L.________,
la société B.________,
la société C.________,
la société W.________,
la société H.________, recourants, tous représentés par Me Shahram Dini, avocat, rue Saint-Ours 5, 1205 Genève,
contre
la société T.________,
la société R.________ en liquidation, intimées, toutes deux représentées par Me Olivier Wehrli, avocat, case postale 5715, 1211 Genève 11,
Y.________, représenté par Me Jean-Marie Crettaz, avocat, place de la Taconnerie 3, 1204 Genève,
Juge d'instruction du canton de Genève, place du Bourg-de-Four 1, case postale 3344, 1211 Genève 3,
Procureur général du canton de Genève, place du Bourg-de-Four 1, case postale 3565, 1211 Genève 3,
Chambre d'accusation du canton de Genève, place du Bourg-de-Four 1, case postale 3108, 1211 Genève 3.
art. 9, 13 al. 2 et 29 al. 2 Cst.; saisie probatoire de documents bancaires
(recours de droit public contre l'ordonnance de la Chambre d'accusation du canton de Genève du 14 mars 2002)
Faits:
A.
Le 30 juin 1997, le Procureur général de l'Etat du Koweït a demandé à la Suisse l'entraide judiciaire pour les besoins d'une procédure pénale ouverte contre M.________ et divers tiers pour faux dans les titres, détournement de biens publics et abus de confiance, qui auraient été commis dans la gestion de sociétés publiques ou de sociétés détenant des fonds publics, parmi lesquelles R.________ et T.________. La demande portait sur la remise de la documentation bancaire relative aux fonds détournés, acheminés sur des comptes en Suisse.
Selon l'exposé des faits, les personnes poursuivies auraient détourné, dans le cadre d'une opération baptisée "X.________", une somme de 27,4 millions de dollars américains destinée à la société T.________ et déposée le 1er juin 1988 par la filiale hollandaise de l'Office koweïtien d'investissement sur un compte ouvert auprès de la banque N.________, à Genève, au nom de la société panaméenne B.________, dont L.________ est l'un des ayants droit économiques. Le 4 octobre 1990, la société R.________ aurait accordé un prêt de 300 millions de dollars américains à la société P.________, déposé sur un compte ouvert auprès de la banque U.________, à Genève; sur les fonds prêtés à cette société, 101 millions de dollars auraient été transférés le même jour sur un compte référence "Z.________" contrôlé par M.________ auprès de la banque U.________, à Genève, ainsi que 1'100'000 dollars sur le compte de la société B.________ auprès de la banque N.________, à Genève.
Ce dernier compte a été débité le 13 janvier 1989 d'une somme de 3'000'000 dollars, puis le 22 décembre 1989 d'une somme de 800'000 dollars au profit du compte personnel de L.________ auprès de la banque G.________, à Genève. Un montant de 28'250'000 de pesetas a été transféré le 23 octobre 1991 de ce dernier compte en faveur d'un compte ouvert auprès du même établissement bancaire au nom de la société panaméenne C.________, dont L.________ est l'ayant droit économique. Ce dernier est également l'ayant droit économique de la société panaméenne W.________, qui aurait reçu 1'200'000 dollars du compte de la société B.________. Quant à la société H.________, dont L.________ est également l'ayant droit économique, elle a été créditée au moins partiellement du solde des comptes ouverts au nom des sociétés W.________ et de C.________ clôturés le 21 septembre 1993.
B.
Sur plainte des sociétés R.________ et T.________, qui se sont constituées parties civiles, le Procureur général du canton de Genève a ouvert, le 9 juin 1998, une information préparatoire contre Y.________ des chefs de blanchiment d'argent, d'escroquerie et de faux dans les titres. Il lui était notamment reproché d'avoir, en sa qualité de sous-directeur de la banque U.________, à Genève, sciemment oeuvré au détournement d'une somme de 300 millions de dollars américains dans le cadre de l'opération P.________, en particulier par l'établissement d'une attestation bancaire indiquant faussement que cet argent se trouvait en dépôt fiduciaire auprès de la banque U.________, libre de tout engagement, alors qu'en réalité, il était déposé en garantie d'obligations contractées pour un montant identique. Y.________ a été inculpé le 13 novembre 1998.
Par ordonnance du 24 septembre 2001, le Juge d'instruction a confirmé l'admissibilité de la demande d'entraide du 30 juin 1997 et décidé de transmettre au Procureur général de l'Etat du Koweït les pièces requises, dont en particulier les documents d'ouverture du compte dont la société B.________ est titulaire auprès de la banque N.________, à Genève, les relevés bancaires et les avis de crédit et de débit pour la période allant du 10 décembre 1987 à 1997, ainsi que les documents bancaires relatifs aux comptes ouverts auprès de la banque G.________, à Genève, par L.________ et les sociétés dont il est l'ayant droit économique. Par décision du même jour, valant ordonnance de perquisition et de saisie au sens des art. 178 et suivants du Code de procédure pénale genevois (CPP gen.), notifiée aux banques concernées, il a ordonné l'apport à la procédure pénale ouverte contre Y.________ des pièces saisies dans le cadre de la procédure d'entraide.
Le 26 octobre 2001, L.________ a recouru contre cette dernière décision auprès de la Chambre d'accusation du canton de Genève (ci-après: la Chambre d'accusation). Il dénonçait l'absence de toute motivation de la part du Juge d'instruction. Il prétendait en outre que la production des documents saisis dans la procédure pénale dirigée contre Y.________ servirait en réalité à couvrir certaines irrégularités affectant la procédure d'entraide internationale ou toute autre procédure connexe et constituerait un acte d'entraide sauvage en tant qu'elle permettrait aux parties civiles de prendre connaissance des documents requis par l'Emirat du Koweït avant l'entrée en force de l'ordonnance de clôture. Les sociétés concernées ont également recouru contre la décision de saisie du Juge d'instruction du 24 septembre 2001 les concernant, pour les mêmes motifs.
Par ordonnance du 14 mars 2002, la Chambre d'accusation a rejeté les recours après les avoir joints. Malgré la motivation jugée insuffisante de la décision attaquée, elle a estimé que les documents versés à la procédure pénale ouverte à l'encontre de Y.________ permettraient au Juge d'instruction d'étayer ses investigations et qu'en l'état, il était difficile ou, à tout le moins, prématuré de vouloir restreindre la portée de l'ordonnance de saisie, en tant qu'elle concernait la documentation bancaire et les extraits des comptes des recourants. Elle a en revanche admis que cette décision était susceptible d'engendrer des actes d'entraide sauvage, mais qu'en l'absence de conclusions tendant à faire interdiction au Juge d'instruction et aux parties civiles de remettre, directement ou indirectement, aux autorités koweïtiennes tout ou partie des pièces saisies dans la procédure nationale, il n'y avait pas lieu d'ordonner son annulation pour ce motif ou de l'assortir de charges ou de conditions particulières.
C.
Agissant séparément par la voie du recours de droit public, L.________ ainsi que les sociétés B.________, C.________, W.________ et H.________ demandent au Tribunal fédéral d'annuler cette décision ainsi que l'ordonnance de saisie et de perquisition rendue le 24 septembre 2001 par le Juge d'instruction. Ils voient une violation de leur droit d'être entendus garanti à l'art. 29 al. 2 Cst. dans le fait que ce magistrat n'a pas indiqué les motifs justifiant la saisie des documents bancaires les concernant, la motivation de la Chambre d'accusation ne permettant pas de réparer ce vice. Ils reprochent à cette dernière d'avoir appliqué arbitrairement l'art. 181 al. 1 CPP gen. en admettant que l'intégralité de la documentation bancaire soit versée à la procédure. Ils dénoncent en outre une atteinte illicite à leur sphère privée au sens de l'art. 13 Cst. Quant à la société B.________, elle voit une violation du principe de la bonne foi et de l'interdiction de l'abus de droit dans le fait que le Juge d'instruction avait déjà versé à la procédure pénale les documents saisis la concernant sans l'en informer.
La Chambre d'accusation se réfère aux considérants de sa décision. Le Juge d'instruction et le Procureur général du canton de Genève concluent au rejet des recours. Les parties civiles proposent de déclarer les recours irrecevables, subsidiairement de les rejeter. Y.________ déclare appuyer les recours et leurs conclusions.
Le Tribunal fédéral considère en droit:
1.
Les recours sont dirigés contre la même décision et soulèvent des griefs identiques. Les recourants, représentés par le même avocat, n'ont par ailleurs pas d'intérêts contradictoires commandant un prononcé séparé dans la mesure où ils ont consenti à la jonction de leurs recours sur le plan cantonal. Il se justifie par conséquent de joindre les causes et de statuer par un seul arrêt (cf. art. 40 OJ et 24 PCF; ATF 124 III 382 consid. 1a p. 385; 123 II 16 consid. 1 p. 20; 113 Ia 390 consid. 1 p. 394 et les arrêts cités).
2.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 128 I 46 consid. 1a p. 48; 128 II 13 consid. 1a p. 16, 46 consid. 2a p. 47 et les arrêts cités).
2.1 L'arrêt attaqué confirme la saisie probatoire de documents bancaires ordonnée en application de l'art. 181 CPP gen. Il ne s'agit pas d'une confiscation définitive au sens des art. 58 et 59 CP, dont la violation devrait être invoquée par la voie du pourvoi en nullité (art. 269 PPF; ATF 108 IV 154). Les recourants ne prétendent par ailleurs pas que la décision entreprise violerait ou éluderait les règles de l'entraide internationale en matière pénale (ATF 127 II 198 consid. 2a p. 201). Seule la voie du recours de droit public est dès lors ouverte en l'occurrence.
2.2 Selon l'art. 87 OJ, le recours de droit public est recevable contre les décisions préjudicielles et incidentes sur la compétence et sur les demandes de récusation, prises séparément. Ces décisions ne peuvent être attaquées ultérieurement (al. 1). Le recours de droit public est recevable contre d'autres décisions préjudicielles et incidentes prises séparément s'il peut en résulter un préjudice irréparable (al. 2). Lorsque le recours de droit public n'est pas recevable en vertu de l'alinéa 2 ou qu'il n'a pas été utilisé, les décisions préjudicielles et incidentes peuvent être attaquées avec la décision finale (al. 3).
La décision de verser à la procédure pénale dirigée contre Y.________ les pièces recueillies dans le cadre de la procédure d'entraide ouverte à la requête du Procureur général de l'Emirat du Koweït doit être considérée comme une décision incidente, car elle ne met pas fin à la procédure pénale au cours de laquelle elle a été prise (ATF 123 I 325 consid. 3b p. 327 et les arrêts cités). La saisie de pièces ordonnée à titre exclusivement probatoire n'est en principe pas susceptible de causer un dommage irréparable à leur détenteur lorsque celui-ci est en mesure de faire valoir ultérieurement le défaut de pertinence de ces pièces devant l'autorité de jugement, voire dans un recours de droit public contre la décision finale (cf. arrêt du Tribunal fédéral 4P.117/1998 du 26 octobre 1998, consid. 1b/bb/bbb paru à la SJ 1999 I 188; voir aussi Gérard Piquerez, La saisie probatoire en procédure pénale, in Wirtschaft und Strafrecht Festschrift für Niklaus Schmid, Zurich 2001, p. 674; Bernhard Sträuli, Pourvoi en nullité et recours de droit public au Tribunal fédéral, Berne 1995, p. 366). On peut se demander ce qu'il en est lorsque le propriétaire des documents saisis n'est pas partie à la procédure pénale. Cette question peut demeurer ouverte car la jurisprudence admet l'existence d'un tel préjudice lorsque la saisie porte sur des documents couverts par le secret bancaire (arrêts 1P.266/2000 du 23 août 2000, consid. 1b partiellement reproduit à la RJJ 2000 p. 329, et 4P.117/1998 du 26 octobre 1998, consid. 1b/bb/bbb paru à la SJ 1999 I 188). Le recours est donc recevable dans cette mesure.
2.3 En tant que titulaires ou ayants droit économiques des comptes visés par l'ordonnance de saisie et de perquisition du Juge d'instruction du 24 septembre 2001, les recourants ont manifestement qualité pour agir au sens de l'art. 88 OJ. Les autres conditions de recevabilité du recours de droit public sont au surplus réunies, de sorte qu'il convient d'entrer en matière sur le fond.
3.
Dans un argument d'ordre formel qu'il convient d'examiner en premier lieu, les recourants voient une violation de leur droit d'être entendus garanti à l'art. 29 al. 2 Cst. dans le fait que le Juge d'instruction n'a pas indiqué les raisons qui auraient justifié la saisie des documents bancaires visés dans son ordonnance du 24 septembre 2001. La motivation retenue par la Chambre d'accusation n'aurait pas permis de corriger ce vice.
3.1 Le droit d'être entendu ancré à l'art. 29 al. 2 Cst. implique notamment pour l'autorité l'obligation de motiver sa décision (ATF 126 I 97 consid. 2b p. 102). La motivation d'une décision est suffisante lorsque l'intéressé est mis en mesure d'en apprécier la portée et de la déférer à une instance supérieure en pleine connaissance de cause (ATF 122 IV 8 consid. 2c p. 14/15). Il suffit que l'autorité mentionne au moins brièvement les motifs qui l'ont guidée et sur lesquels elle a fondé son prononcé, sans qu'elle soit tenue de répondre à tous les arguments avancés (SJ 1994 p. 161 consid. 1b p. 163). L'étendue de l'obligation de motiver ne peut être fixée de manière uniforme. Selon les circonstances, elle pourra être sommaire; elle dépend du domaine considéré, de la complexité de la cause à juger, de la liberté d'appréciation dont jouit le juge et de la gravité des conséquences de sa décision (ATF 112 Ia 107 consid. 2b p. 110; 111 Ia 2 consid. 4b p. 4). La saisie étant une mesure provisoire destinée à sauvegarder momentanément des preuves, il n'est pas nécessaire que ses motifs soient détaillés (ATF 120 IV 297 consid. 3e p. 299).
3.2 En l'occurrence, le Juge d'instruction n'a effectivement pas motivé son ordonnance de saisie du 24 septembre 2001. Dans ses observations du 17 décembre 2001, il a cependant précisé que les documents bancaires visés par sa décision étaient de nature à expliquer ce qu'il était advenu de la somme de 300 millions de dollars américains placée à titre fiduciaire par la société R.________ sur un compte ouvert auprès de la banque U.________ à Genève et détournée dans le cadre de l'opération P.________. La Chambre d'accusation a pour sa part considéré que les observations individualisées et précises des parties civiles permettaient de comprendre comment les fonds détournés à leur préjudice, via la banque U.________, respectivement son organe Y.________, avaient cheminé, directement ou par le biais de sociétés off shore, vers des comptes appartenant notamment à L.________. Elle en a déduit que les documents relatifs aux comptes des recourants étaient nécessaires à la recherche de la vérité et qu'étant donné le nombre d'intervenants et la relative opacité et complexité des opérations concernées, il était difficile et en tous les cas prématuré, en l'état, de vouloir restreindre la portée de l'ordonnance de saisie litigieuse. Les recourants pouvaient ainsi comprendre les raisons pour lesquelles les documents bancaires les concernant avaient été saisis et versés à la procédure pénale dirigée contre Y.________ et attaquer la décision de saisie du 24 septembre 2001 en connaissance de cause. De ce point de vue, leur droit d'être entendus n'a pas été violé. De même, en l'absence de règles cantonales à ce sujet, la Chambre d'accusation pouvait se fonder sur les explications fournies par les parties civiles pour étayer sa décision sans violer son obligation de motiver (cf. art. 36a al. 3 OJ; voir aussi arrêt 6P.113/1999 du 24 février 2000, consid. 13 paru à la RVJ 2000 p. 294/295). La question de savoir si la motivation retenue était pertinente relève en revanche de la constatation des faits ou de leur appréciation et non du droit d'être entendu.
Le grief tiré de la violation de l'art. 29 al. 2 Cst. est donc mal fondé.
4.
Les recourants voient dans l'apport à la procédure pénale dirigée contre Y.________ de l'intégralité des documents bancaires saisis en exécution de la demande d'entraide de l'Emirat du Koweït une violation du principe de la proportionnalité et de l'interdiction de l'arbitraire dans l'application de l'art. 181 al. 1 CPP gen., qui autorise le Juge d'instruction à saisir tout objet ou document utile à la manifestation de la vérité.
4.1 La saisie ordonnée par le Juge d'instruction en application de l'art. 181 CPP gen. est une restriction au droit de propriété garanti par l'art. 26 al. 1 Cst. qui n'est compatible avec cette disposition que si elle repose sur une base légale, qu'elle est justifiée par un intérêt public et respecte le principe de la proportionnalité (ATF 117 Ia 424 consid. 20a p. 427). La saisie d'un objet ou d'un document suppose l'existence d'indices sérieux permettant d'établir une relation directe ou indirecte entre les biens à saisir et l'infraction; il suffit toutefois que l'existence de rapports entre les objets saisis et l'infraction paraisse vraisemblable. Une simple probabilité doit en effet être tenue pour suffisante, car la saisie avant jugement n'est qu'une mesure provisoire. A l'inverse du juge du fond, l'autorité d'instruction appelée à contrôler l'existence d'indices de la commission d'une infraction et d'un rapport de connexité n'a pas à procéder à un examen complet des questions de fait et de droit pertinentes (ATF 124 IV 313 consid. 4 p. 316; voir aussi Gérard Piquerez, op. cit., p. 663). Le principe de la proportionnalité suppose que soit mise en balance l'atteinte portée à la sphère privée des titulaires des biens et l'intérêt public à la manifestation de la vérité, en tenant compte de la gravité de l'infraction poursuivie et de l'importance des moyens de preuve requis par l'enquête, étant précisé que les recherches indiscriminées ou exploratoires sont interdites (ATF 126 II 86 consid. 5a p. 90; 106 IV 413 consid. 7c p. 424).
4.2 Y.________ est soupçonné d'avoir activement participé au détournement de fonds appartenant aux parties civiles dans le cadre des opérations X.________ et P.________, en établissant notamment un document attestant faussement de l'existence d'un prêt, et de s'être ainsi rendu coupable de faux dans les titres et de blanchiment d'argent. Les recourants ne contestent pas que tout élément permettant d'éclaircir le cheminement des fonds détournés au préjudice des intimées via la banque U.________ et son sous-directeur Y.________ présenterait une utilité certaine pour dégager l'implication de ce dernier dans les infractions qui lui sont reprochées et que, dans cette perspective, il se justifie de verser à la procédure les renseignements concernant les comptes sur lesquels les fonds recherchés ont été acheminés ultérieurement, alors même qu'ils n'auraient pas expressément été visés dans la demande d'entraide koweïtienne. Or, les comptes ouverts auprès de la banque G.________, à Genève, au nom de L.________ et des sociétés dont il est l'ayant droit économique, ont été crédités de sommes provenant soit directement du compte de la société B.________ ouvert auprès de la banque N.________, à Genève, lequel a reçu des versements dans le cadre des opérations X.________ et P.________, soit de comptes intermédiaires eux-mêmes alimentés par des fonds provenant du compte de cette société. Il existe ainsi un lien objectif entre les comptes dont la documentation a été saisie et la procédure pénale ouverte contre Y.________. Les recourants n'ont par ailleurs fourni aucune explication sur les raisons des transferts des sommes de 27,4 millions et 1,1 million de dollars américains en faveur du compte ouvert par la société B.________ ou des transferts opérés ultérieurement à partir de ce compte sur ceux des recourants. En l'état, la Chambre d'accusation a donc à juste titre estimé que l'apport à la procédure pénale dirigée contre Y.________ des documents bancaires relatifs aux comptes des recourants pouvait présenter une certaine utilité à la manifestation de la vérité et qu'il était prématuré de lever la saisie de ces documents. Par ailleurs, au regard de l'utilité potentielle qui doit prévaloir à ce stade de la procédure, seul l'apport intégral de la documentation bancaire relative aux comptes des recourants est de nature à élucider le cheminement des fonds détournés dans le cadre des opérations X.________ et P.________, visées dans la plainte pénale des intimées, et à exclure que d'autres transferts affectant ces comptes n'entrent dans ce cadre (cf. arrêt du Tribunal fédéral 1P.64/1996 du 11 avril 1996, consid. 3c paru à la SJ 1996 p. 458/459).
Le recours est en conséquence mal fondé en tant qu'il dénonce une application arbitraire de l'art. 181 CPP gen.
5.
La société B.________ voit une atteinte aux règles de la bonne foi dans le fait que le Juge d'instruction aurait déjà versé les pièces la concernant à la procédure pénale dirigée contre Y.________ avant le 24 septembre 2001 sans l'en informer.
Selon la jurisprudence relative à l'art. 88 OJ, le recourant doit avoir un intérêt actuel et pratique à l'examen des moyens soulevés (ATF 125 I 394 consid. 4a p. 397 et les arrêts cités). Un tel intérêt fait notamment défaut lorsque l'admission du grief ne permettrait pas la réparation du préjudice subi (ATF 118 Ia 488 consid. 1a p. 490 et la jurisprudence citée). Dans le cas particulier, le fait que le Juge d'instruction aurait déjà versé dans la procédure pénale ouverte contre Y.________ les documents saisis en exécution de son ordonnance du 24 septembre 2001 n'entraînerait pas l'annulation de cette décision dans la mesure où elle a été prise en conformité avec l'art. 181 al. 1 CPP gen. Par ailleurs, selon la jurisprudence, une décision en constatation de droit en vue de fonder une action en responsabilité ne suffit pas à conférer un intérêt pratique à l'annulation de la décision attaquée (ATF 125 I 394 consid. 4b p. 397 et les arrêts cités). De ce point de vue, la recourante ne saurait se prévaloir d'un intérêt pratique à l'examen de ce grief, lequel ne présente au demeurant pas un intérêt de principe suffisant justifiant de faire une exception à l'exigence d'un intérêt actuel et pratique (cf. ATF 125 I 394 consid. 3c p. 398).
Le recours de la société B.________ est donc irrecevable en tant qu'il dénonce une violation des règles de la bonne foi.
6.
Les recourants voient dans la mesure litigieuse une atteinte inadmissible à leur sphère privée, dont la protection est garantie à l'art. 13 Cst.
L'apport de documents contenant des données confidentielles ou soumis au secret bancaire dans une procédure pénale est de nature à porter atteinte à la sphère privée de leur détenteur dans la mesure où ces informations seraient portées à la connaissance des juges, des parties, voire du public par la voie de la presse (arrêt 1P.79/2000 du 28 mai 2001, consid. 2d/dd reproduit à la RDAT 2001 II n° 54 p. 214 et les références citées). Pour être autorisée, une telle mesure doit reposer sur une base légale suffisante, répondre à un intérêt public prépondérant et ne pas aller au-delà de ce qu'exige la sauvegarde de l'intérêt public considéré (cf. art. 36 al. 1, 2 et 3 Cst.; ATF 126 I 50 consid. 5a p. 61; 117 Ia 341 consid. 4 p. 345 arrêt 1P.266/2000 du 23 août 2000, consid. 2b reproduit à la RJJ 2000 p. 329).
Ces conditions sont manifestement réalisées dans le cas particulier. La mesure contestée repose sur une base légale suffisante (art. 181 al. 1 CPP gen.); elle est justifiée par l'intérêt public supérieur à l'élucidation des faits nécessaires à la procédure pénale et à la manifestation de la vérité; elle ne comporte enfin aucun caractère disproportionné au regard des intérêts en cause, seul l'apport intégral de la documentation bancaire relative aux comptes des recourants étant de nature à apporter les éclaircissements nécessaires à établir le cheminement des fonds détournés au préjudice de parties civiles dans le cadre des opérations X.________ et P.________ dans lesquelles Y.________ est soupçonné d'être impliqué en tant que sous-directeur de la banque U.________ à Genève. Elle respecte ainsi les conditions auxquelles est subordonnée toute atteinte à la sphère privée des individus.
Pour le surplus, les recourants ne contestent pas la décision attaquée en tant qu'elle refuse d'assortir, en l'absence de conclusion formelle en ce sens, l'apport des documents saisis à la procédure pénale dirigée contre Y.________ de charges ou de conditions particulières, telle la suspension du droit des parties de prendre connaissance en tout temps du dossier jusqu'à l'entrée en force de l'ordonnance de clôture du 24 septembre 2001, comme le prévoit l'art. 142 al. 4 et 5 CPP gen. Il n'appartient pas au Tribunal fédéral d'examiner d'office cette question dans le cadre d'un recours de droit public soumis aux exigences de l'art. 90 al. 1 let. b OJ (ATF 127 I 38 consid. 3c p. 43).
7.
Les recours doivent par conséquent être rejetés dans la mesure où ils sont recevables, aux frais des recourants qui succombent (art. 156 al. 1 OJ). Ces derniers verseront une indemnité de dépens aux intimées qui obtiennent gain de cause avec l'assistance d'un avocat (art. 159 al. 1 OJ). Y.________, qui a appuyé les recours et leurs conclusions, n'a pas droit à des dépens. Il en va de même des autorités concernées (art. 159 al. 2 OJ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Les causes 1P.223/2002, 1P.224/2002, 1P.225/2002, 1P.226/2002 et 1P.227/ 2002 sont jointes.
2.
Les recours sont rejetés, dans la mesure où ils sont recevables.
3.
Un émolument judiciaire global de 10'000 fr. est mis à la charge des recourants, à raison de 2'000 fr. chacun.
4.
Une indemnité de 5'000 fr. est allouée aux sociétés R.________ et T.________, créancières solidaires, à titre de dépens, à la charge des recourants, solidairement entre eux.
5.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties, au mandataire de Y.________, au Juge d'instruction, au Procureur général et à la Chambre d'accusation du canton de Genève.
Lausanne, le 15 juillet 2002
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le président: Le greffier: