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Original
 
[AZA 0/2]
5C.20/2002
IIe COUR CIVILE
**************************
25 avril 2002
Composition de la Cour: M. Bianchi, président, M. Raselli,
Mme Nordmann, Mme Escher et M. Meyer, juges.
Greffier: M. Abrecht.
_________
Dans la cause civile pendante
entre
Dame G.________, demanderesse et recourante, représentée par Me André Malek-Ashgar, avocat à Genève,
et
X.________, compagnie d'assurances, défenderesse et intimée;
(contrat d'assurance)
Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:
A.- Le 23 novembre 1990, dame G.________ a contracté auprès de la compagnie d'assurances X.________ une assurance maladie complémentaire dont la prime annuelle s'élevait à 1'143 fr.; la police d'assurance contenait une réserve excluant de la couverture d'assurance le fibrome utérin et ses suites éventuelles.
Le 3 janvier 1997, dame G.________ a contracté auprès de X.________ une nouvelle assurance maladie individuelle complémentaire dont la prime s'élevait à 3'575 fr. par an, payable trimestriellement. Un litige survenu entre les parties au sujet de la suppression de la réserve réclamée par l'assurée a été résolu par transaction. C'est ainsi que les parties ont signé le 3 novembre 1998 une nouvelle police d'assurance maladie aux mêmes conditions de prime, mais sans la réserve d'assurance que X.________ avait décidé de supprimer définitivement.
B.- Dame G.________ a fait l'objet de sommations de X.________ pour le paiement des primes échues au 1er octobre 1997, au 1er janvier 1998, au 1er juillet 1998 et au 1er octobre 1998. Elle ne s'est pas davantage acquittée dans les délais de la prime échue au 1er avril 1999. Elle a affirmé avoir écrit le 12 mai 1999 à X.________ pour lui demander de pouvoir payer ses primes pour l'année entière en une seule fois et cela au plus vite; X.________ a affirmé n'avoir jamais reçu ce courrier.
Le 23 juin 1999, suite au non-paiement de la prime du deuxième trimestre de l'année 1999, X.________ a adressé à dame G.________ une sommation recommandée qui portait l'injonction de payer dans les quatorze jours la prime trimestri-elle et l'avertissement que, à défaut de paiement, l'assurance serait suspendue pour tout sinistre subséquent. Dame G.________ n'a pas pris connaissance de ce courrier, qui a été retourné à l'issue du délai de garde avec la mention "non réclamé", car elle a séjourné en Espagne du 17 juin au 4 juillet 1999 suite au décès du second mari de sa mère.
Le 22 juillet 1999, la prime du deuxième trimestre 1999 n'ayant toujours pas été payée ensuite de la sommation recommandée du 23 juin 1999, X.________ a écrit à dame G.________ qu'elle n'entendait pas poursuivre le recouvrement du montant des primes mais qu'elle se départissait du contrat, avec effet au 31 mars 1999, en application de l'art. 21 al. 1 de la loi fédérale sur le contrat d'assurance du 2 avril 1908 (LCA; RS 221. 229.1).
Dame G.________, qui a affirmé n'avoir pas reçu ce courrier, a versé le 2 août 1999 à X.________ un montant de 2'761 fr. 80 à titre de paiement pour les primes d'assurance maladie jusqu'au 31 décembre 1999. X.________ a immédiatement envoyé à dame G.________ un décompte de remboursement de ce montant en mentionnant comme cause du remboursement l'annulation du contrat d'assurance maladie individuelle en application de l'art. 21 al. 1 LCA.
C.- Le 23 décembre 1999, dame G.________ a saisi le Tribunal de première instance du canton de Genève d'une action tendant à la constatation que le contrat d'assurance maladie individuelle du 3 novembre 1998 n'avait pas été valablement résilié. X.________ a conclu au rejet de l'action.
Par jugement du 5 septembre 2000, le Tribunal de première instance a débouté la demanderesse de toutes ses conclusions. Ce jugement a été confirmé par arrêt rendu le 16 novembre 2001, sur appel de la demanderesse, par la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.
D.- Contre l'arrêt de la Cour de justice, dame G.________ exerce un recours en réforme au Tribunal fédéral, en concluant à la constatation que le contrat d'assurance maladie individuelle du 3 novembre 1998 n'a pas été valablement résilié.
Le recours de droit public interjeté parallèlement par la demanderesse contre l'arrêt de la Cour de justice pour le cas où le recours en réforme ne serait pas recevable au regard de l'art. 46 OJ a été déclaré irrecevable par arrêt rendu ce jour par la Cour de céans.
La défenderesse s'en rapporte à l'appréciation du Tribunal fédéral quant à la recevabilité du recours en réforme et conclut avec suite de frais et dépens à la confirmation de l'arrêt attaqué.
Considérant en droit :
1.- Le Tribunal fédéral examine d'office et avec une pleine cognition la recevabilité des recours qui lui sont soumis, sans être lié par les arguments et les conclusions présentés par les parties (ATF 127 III 41 consid. 2a; 126 III 274 consid. 1 et les arrêts cités).
a) Selon l'art. 46 OJ, dans les contestations civiles portant sur des droits de nature pécuniaire autres que ceux visés à l'art. 45 OJ, le recours en réforme n'est recevable que si, d'après les conclusions des parties, les droits contestés dans la dernière instance cantonale atteignent une valeur d'au moins 8'000 fr. Afin de faciliter le contrôle de la recevabilité du recours en réforme, les autorités cantonales sont tenues de constater dans leur décision si cette valeur litigieuse est atteinte (art. 51 al. 1 let. a OJ), ce que la Cour de justice a omis de faire en l'espèce.
Dans les contestations portant sur la validité de la résiliation d'un contrat de bail à loyer, la jurisprudence considère comme valeur litigieuse le montant total des loyers de la période pendant laquelle le contrat subsiste nécessairement si la résiliation n'est pas valable, période qui s'étend jusqu'au moment pour lequel un nouveau congé peut être donné ou l'a été effectivement (ATF 111 II 384 consid. 1; 109 II 153 consid. 1a; 86 II 56 consid. 1). C'est également ainsi que la valeur litigieuse doit être calculée en l'espèce, où la contestation porte sur la validité de la résiliation du contrat d'assurance liant les parties. La valeur litigieuse se définit en effet comme la valeur de l'objet du litige exprimée en une somme d'argent (Poudret, Commentaire de la loi fédérale d'organisation judiciaire, vol. I, 1990, n. 2 ad art. 36 OJ); or l'objet du présent litige est la continuation du contrat d'assurance comme tel, et non une hypothétique prestation d'assurance ou le paiement des primes depuis 1990, comme se hasarde à le dire la recourante.
b) En l'occurrence, ni la police d'assurance du 3 novembre 1998, ni celle du 3 janvier 1997 ne mentionnent la durée pour laquelle l'assurance litigieuse, qui prévoit une prime annuelle de 3'575 fr., a été conclue. Dès lors que la police du 23 novembre 1990 porte la mention "durée de l'assurance:
vie entière", il y a lieu d'admettre que le contrat litigieux, conclu en continuation des contrats précédents, a été conclu pour une durée indéterminée. Étant donné par ailleurs que rien dans le dossier n'indique que le contrat aurait pu être résilié ou qu'il a effectivement été résilié au moment où la cour cantonale a statué, et que le montant total des primes afférentes à la période postérieure à la résiliation litigieuse dépassait déjà alors la somme de 8'000 fr., le recours doit être considéré comme recevable au regard de l'art. 46 OJ.
2.- La sommation adressée le 23 juin 1999 par la défenderesse à la demanderesse portait l'injonction de payer dans les quatorze jours la prime trimestrielle échue et l'avertissement que, à défaut de paiement, l'assurance serait suspendue pour tout sinistre subséquent; elle ne contenait en revanche pas l'avertissement que l'assureur pourrait alors se départir du contrat. Il se pose ainsi la question de savoir - et la contestation soumise au Tribunal fédéral porte uniquement sur ce point - si cette sommation a été valablement faite, et donc si le contrat a pu être valablement résilié le 22 juillet 1999. La cour cantonale a considéré que l'avertissement que l'assureur pourrait se départir du contrat à défaut de paiement dans les quatorze jours n'était pas nécessaire à la validité de la sommation et donc de la résiliation, ce que la demanderesse conteste.
a) L'art. 20 LCA dispose que si la prime n'est pas payée à l'échéance ou dans le délai de grâce accordé par le contrat, le débiteur doit être sommé par écrit, à ses frais, d'en effectuer le paiement dans les quatorze jours à partir de l'envoi de la sommation; la sommation doit rappeler les conséquences du retard (al. 1). Si la sommation reste sans effet, l'obligation de l'assureur est suspendue à partir de l'expiration du délai légal (al. 3).
Selon l'art. 21 LCA, l'assureur a alors le choix: il peut, dans les deux mois après l'expiration du délai fixé par l'art. 20 LCA, poursuivre le paiement de la prime en souffrance, son obligation reprenant alors effet dès le paiement; il peut aussi se départir du contrat et renoncer au paiement de la prime arriérée, cette résiliation se présumant à défaut de poursuite dans les deux mois (ATF 103 II 204 consid. 1).
b) L'art. 20 al. 1 LCA exige que le débiteur soit informé de manière explicite et complète sur toutes les conséquences du retard (Franz Hasenböhler, Basler Kommentar, Bundesgesetz über den Versicherungsvertrag, 2001, n. 42 ad art. 20 LCA; Moritz Kuhn/Pascal Montavon, Droit des assurances privées, 1994, p. 192). Une sommation qui n'indique pas ces conséquences est irrégulière et ne saurait produire les effets qu'elle omet de rappeler (Hans Roelli/Max Keller, Kommentar zum Bundesgesetz über den Versicherungsvertrag, vol. I, 1968, p. 344 et les arrêts cités; Bernard Viret, Droit des assurances privées, 3e éd. 1991, p. 115 et 117; Willy Koenig, Schweizerisches Privatversicherungsrecht, 3e éd., 1967, p. 120).
c) Si une partie de la doctrine, à l'instar de la jurisprudence cantonale (cf. les décisions citées par Olivier Carré, Loi fédérale sur le contrat d'assurance, édition annotée, 2000, p. 214 s.), ne mentionne, au titre des conséquences devant être rappelées dans la sommation, que la suspension de la couverture d'assurance à partir de l'expiration du délai légal (Alfred Maurer, Privatversicherungsrecht, 3e éd., 1995, p. 293; Koenig, op. cit. , p. 121; Fritz Ostertag/Paul Hiestand, Das Bundesgesetz über den Versicherungsvertrag, 2e éd., 1928, n. 7 ad art. 20 LCA), d'autres auteurs estiment que la sommation doit aussi indiquer les autres conséquences prévues par l'art. 21 al. 1 LCA, à savoir le droit de résilier le contrat respectivement la fiction de résiliation (Hasenböhler, op. cit. , n. 42 ad art. 20 LCA; Roelli/Keller, op. cit. , p. 344). Quant au Tribunal fédéral, il a simplement exposé que "[l]'art. 20 LCA institue une mise en demeure qualifiée ayant un effet spécifique clairement exprimé à l'art. 20 al. 3: l'obligation de l'assureur est suspendue, le contrat demeurant en vigueur aux conditions de l'art. 21" (ATF 103 II 204 consid. 5a).
d) La LCA déroge en faveur de l'assureur au régime commun de la demeure en ce sens que, à l'expiration du délai fixé au débiteur pour s'exécuter, non seulement l'assureur a le choix de poursuivre le paiement de la prime en souffrance ou de se départir du contrat (art. 21 LCA; cf. art. 107 al. 2 CO), mais encore son obligation est suspendue (art. 20 al. 3 LCA); si l'assureur ne se départit pas du contrat - la résiliation étant présumée si l'assureur n'a pas poursuivi le paiement de la prime en souffrance dans les deux mois après l'expiration du délai fixé par l'art. 20 LCA (art. 21 al. 1 LCA) -, son obligation ne reprend effet qu'à partir du moment où la prime arriérée a été acquittée avec les intérêts et les frais (art. 21 al. 2 LCA).
La suspension de la couverture d'assurance a été prévue par la loi pour tenir compte des particularités de l'assurance: le recouvrement juridique de la prime n'est pas compatible avec la nature de l'exploitation de l'assureur, lequel doit pouvoir compter sur le paiement ponctuel des primes (Message du Conseil fédéral sur le projet d'une loi fédérale concernant le contrat d'assurance, FF 1904 I p. 267 ss, 317; Koenig, op. cit. , p. 120), et il conduirait l'assureur à reporter les pertes dues aux mauvais payeurs en adaptant le tarif des primes pour l'ensemble des assurés (Maurer, op. cit. , p. 293). C'est pour sauvegarder d'une manière convenable les intérêts du débiteur face aux conséquences économiques rigoureuses, sans équivalent dans le droit commun, que représente la suspension de la couverture d'assurance que le législateur a rompu avec le système de la demeure suivant le droit commun - en vertu duquel l'interpellation du débiteur n'aurait même pas été nécessaire, s'agissant d'une dette échue à un terme fixe (art. 108 ch. 3 CO) - en prescrivant l'envoi d'une sommation répondant à des exigences strictes quant à sa forme et quant à son contenu.
e) La cour cantonale n'a ainsi pas tort lorsqu'elle affirme que, selon une interprétation téléologique aussi bien qu'historique, c'est avant tout dans le souci de protéger l'assuré de la suspension de l'obligation de l'assureur, et non pas tant de la résiliation de son contrat, que le légis-lateur a prévu l'observation de formes strictes pour la sommation.
Il n'en demeure pas moins que l'exigence d'une sommation écrite et rappelant les conséquences du retard a été introduite dans un but de protection de l'assuré. Or si celui-ci est averti uniquement de ce que, à défaut de paiement dans un délai de quatorze jours, l'obligation de l'assureur est suspendue (pour ne reprendre effet qu'à partir du moment où la prime arriérée a été acquittée avec les intérêts et les frais), il ne saurait imaginer - l'avertissement incomplet étant au contraire de nature à l'induire en erreur sur ce point - que dès l'expiration du délai, l'assureur est en droit de se départir du contrat. Dès lors que la naissance de ce droit formateur de l'assureur - dont la loi, dans un but de protection de l'assuré (cf. le Message précité, p. 317), présume l'exercice à défaut de poursuite par l'assureur dans les deux mois - présuppose la demeure du débiteur et constitue ainsi indubitablement une conséquence de cette demeure, la sommation doit en informer le débiteur en vertu de l'art. 20 al. 1, 2e phrase, LCA.
f) Il résulte de ce qui précède que la défenderesse n'a pas pu valablement résilier le contrat d'assurance ensuite d'une sommation qui n'informait pas la demanderesse sur cette conséquence du retard. L'arrêt entrepris, qui viole le droit fédéral, doit ainsi être réformé dans le sens sollicité par la demanderesse.
3.- En définitive, le recours doit être admis et l'arrêt attaqué réformé en ce sens qu'il est constaté que la résiliation par la défenderesse, le 22 juillet 1999, du contrat d'assurance maladie individuelle conclu avec la demanderesse selon police du 3 novembre 1998 est sans effet; l'affaire sera au surplus renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision sur les frais et dépens de la procédure cantonale. La défenderesse, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 156 al. 1 OJ) ainsi que ceux de la demanderesse (art. 159 al. 1 OJ).
Par ces motifs,
le Tribunal fédéral :
1. Admet le recours et réforme l'arrêt attaqué en ce sens qu'il est constaté que la résiliation par la défenderesse, le 22 juillet 1999, du contrat d'assurance maladie individuelle conclu avec la demanderesse selon police du 3 novembre 1998 est sans effet.
2. Renvoie l'affaire à l'autorité cantonale pour nouvelle décision sur les frais et dépens de la procédure cantonale.
3. Met à la charge de la défenderesse:
a) un émolument judiciaire de 2'000 fr.;
b) une indemnité de 3'000 fr. à verser à la demanderesse à titre de dépens.
4. Communique le présent arrêt en copie aux mandataires des parties et à la Chambre civile de la Cour de jus-tice du canton de Genève.
__________Lausanne, le 25 avril 2002 ABR/frs
Au nom de la IIe Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE :
Le Président, Le Greffier,