Zurück zur Einstiegsseite Drucken
Original
 
[AZA 0/2]
4P.8/2002
Ie COUR CIVILE
****************************
19 mars 2002
Composition de la Cour: MM. Walter, président, Corboz et
Favre, juges. Greffier: M. Ramelet.
___________
Statuant sur le recours de droit public
formé par
A.________, représenté par Me Raymond Didisheim, avocat à Lausanne,
contre
l'arrêt rendu le 11 juillet 2001 par la Chambre des recours du Tribunal cantonal vaudois dans la cause qui oppose le recourant aux époux B.________, représentés par Me Pierre-Dominique Schupp, avocat à Lausanne;
(art. 9 Cst. ; arbitraire)
Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les faits suivants:
A.- A.________, qui est propriétaire de trois parcelles dans le district de Lavaux, a conclu avec des propriétaires voisins, en novembre 1995, un acte constitutif d'une servitude foncière de passage, qui prévoit notamment ce qui suit:
"Les frais de construction, d'aménagement du passage
et de pose des canalisations sont à la charge du
propriétaire des parcelles X, Y et Z, soit le
soussigné A.________, ou ses successeurs. Ce dernier
s'engage à aménager le passage et effectuer la
pose des canalisations dans un délai de cinq mois
dès le premier décembre mil neuf cent nonante-cinq.
(...)
Les propriétaires des parcelles qui résulteront de
la parcelle W (bien-fonds A et C du projet de
fractionnement) et les propriétaires de la parcelle
V auront un droit d'introduction pour les canalisations
qui desserviront leurs immeubles respectifs.
Ni les propriétaires actuels des parcelles V.
et W, ni le futur acquéreur du bien-fonds A qui
proviendra de la parcelle W n'auront à verser un
montant à quel (sic) titre que ce soit, à l'exception
des taxes de raccordement aux égouts".
Les époux B.________ ont acquis la parcelle W/A devenue parcelle Q.
Afin d'exécuter les travaux de canalisation prévus, A.________ a mandaté le bureau d'ingénieurs R. S.A. et il a mis en oeuvre l'entreprise M._______ S.A. Cette entreprise a réalisé le raccordement des canalisations principales aux canalisations de la villa B.________. L'ensemble des travaux a été facturé à A.________, qui a enregistré la facture dans son dossier.
Par la suite, le bureau d'ingénieurs a fixé à 3354 fr. le coût, compris dans l'ensemble des travaux, du raccordement des canalisations principales aux canalisations des époux B.________. N'ayant pas commandé ces travaux, les époux B.________ ont refusé de payer cette somme.
B.- Par acte du 18 septembre 1998, A.________ a déposé devant le Juge de paix compétent une demande en paiement dirigée contre les époux B.________, réclamant à ces derniers la somme de 3354 fr. avec intérêts à 5% dès le 18 octobre 1997.
Par jugement du 7 novembre 2000, le Juge de paix a rejeté la demande.
Saisie d'un recours formé par A.________, la Chambre des recours du Tribunal cantonal vaudois, par arrêt du 11 juillet 2001, a rejeté le recours et confirmé le jugement attaqué.
C.- A.________ forme un recours de droit public au Tribunal fédéral contre l'arrêt cantonal. Invoquant une violation de l'art. 9, subsidiairement de l'art. 29 al. 2 Cst. , il requiert l'annulation de la décision attaquée.
Les intimés concluent au rejet du recours, alors que l'autorité intimée déclare se référer aux considérants de son arrêt.
Considérant en droit :
1.- a) Le recours de droit public au Tribunal fédéral est ouvert contre une décision cantonale pour violation des droits constitutionnels des citoyens (art. 84 al. 1 let. a OJ).
La décision attaquée, qui est finale, n'est susceptible d'aucun autre moyen de droit sur le plan fédéral ou cantonal, de sorte que la règle de la subsidiarité du recours de droit public est respectée (art. 84 al. 2 et 86 al. 1 OJ).
Compte tenu de la valeur litigieuse, un recours en réforme était exclu (cf. art. 46 OJ); en conséquence, le recourant peut se plaindre d'une violation arbitraire du droit fédéral sans violer le principe de la subsidiarité du recours de droit public; l'examen se limite toutefois au droit constitutionnel invoqué et il ne saurait être question ici de contrôler librement l'application du droit fédéral.
Le recourant est personnellement touché par la décision attaquée, qui rejette sa demande en paiement, de sorte qu'il a un intérêt personnel, actuel et juridiquement protégé à ce que cette décision n'ait pas été prise en violation de ses droits constitutionnels; en conséquence, il a qualité pour recourir (art. 88 OJ).
Interjeté en temps utile (art. 89 al. 1 et 34 al. 1 let. c OJ) et dans la forme prévue par la loi (art. 90 al. 1 OJ), le recours est en principe recevable.
b) Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral n'examine que les griefs d'ordre constitutionnel invoqués et suffisamment motivés dans l'acte de recours(art. 90 al. 1 let. b OJ; ATF 127 I 38 consid. 3c; 127 III 279 consid. 1c; 126 III 524 consid. 1c, 534 consid. 1b).
2.- a) Le recourant invoque subsidiairement le droit d'être entendu, garanti par l'art. 29 al. 2 Cst.
Il n'expose cependant pas en quoi ce droit constitutionnel aurait été violé, de sorte que ce grief est irrecevable, faute d'une motivation répondant aux exigences de l'art. 90 al. 1 let. b OJ.
b) Le recourant se prévaut principalement de l'interdiction de l'arbitraire.
Selon la jurisprudence, l'arbitraire, prohibé par l'art. 9 Cst. , ne résulte pas du seul fait qu'une autre solution pourrait entrer en considération ou même qu'elle serait préférable; le Tribunal fédéral ne s'écarte de la décision attaquée que lorsque celle-ci est manifestement insoutenable, qu'elle se trouve en contradiction claire avec la situation de fait, qu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique indiscuté, ou encore lorsqu'elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité.
Pour qu'une décision soit annulée pour cause d'arbitraire, il ne suffit pas que la motivation formulée soit insoutenable, il faut encore que la décision apparaisse arbitraire dans son résultat (ATF 127 I 54 consid. 2b; 126 I 168 consid. 3a; 125 I 166 consid. 2a; 125 II 10 consid. 3a, 129 consid. 5b).
c) Les parties sont en litige, depuis le début de la procédure, sur l'interprétation de l'acte constitutif de la servitude.
L'autorité cantonale s'est dispensée de trancher la question litigieuse, en considérant que, de toute manière, le recourant, contrairement à ce qu'il soutient, ne peut prétendre au versement de cette somme ni en vertu des règles sur la gestion d'affaires, ni en vertu de celles sur l'enrichissement illégitime.
Il ressort clairement de l'arrêt attaqué - et le recourant n'invoque pas l'arbitraire à ce sujet - que la volonté réelle des parties n'a pas pu être établie; en conséquence, la clause litigieuse doit être interprétée selon le principe de la confiance (sur l'interprétation d'une clause litigieuse: cf. ATF 127 III 444 consid. 1b; sur le principe de la confiance: cf. ATF 126 III 59 consid. 5b, 375 consid. 2e/aa).
Le recourant ne soutient pas que le contenu de l'acte aurait été constaté arbitrairement.
Il a été convenu que le futur propriétaire de la parcelle W/A (donc les intimés) aurait, de même que d'autres propriétaires, "un droit d'introduction pour les canalisations qui desserviront leurs immeubles respectifs". Il a été ajouté immédiatement que ces propriétaires, y compris le futur acquéreur du bien-fonds A qui proviendra de la parcelle W (donc les intimés), "n'auront à verser un montant à quel (sic) titre que ce soit, à l'exception des taxes de raccordement aux égouts".
Il ressort de ce texte qu'il était prévu des canalisations devant desservir les immeubles respectifs; les bénéficiaires avaient un droit d'introduction relativement aux canalisations desservant leurs immeubles, c'est-à-dire qu'ils pouvaient s'y brancher; il était clairement stipulé qu'ils n'auraient aucun montant à verser, à quelque titre que ce soit, fors la taxe de raccordement aux égouts.
Il faut ainsi admettre qu'il était envisagé des canalisations aboutissant à chacun des immeubles et que les bénéficiaires pouvaient s'y rattacher sans avoir à payer quoi que ce soit, hormis la taxe de raccordement aux égouts.
Dès lors qu'il a été constaté - sans que le recourant n'invoque à ce sujet l'arbitraire - que les intimés ont fait exécuter à leurs frais par une autre entreprise les canalisations privées de leur construction (p. 4, 2e §, de l'arrêt attaqué), il en résulte que le raccordement invoqué par le recourant n'est rien d'autre que la canalisation desservant l'immeuble des intimés, que le recourant s'était engagé, dans l'acte de servitude, à faire exécuter sans frais pour les bénéficiaires.
Il a été retenu (p. 4 de l'arrêt attaqué) - sans que cette constatation soit taxée d'arbitraire - que la somme réclamée concerne bien le raccordement des canalisations principales aux canalisations conduisant à la villa des intimés.
Que le recourant ait commandé ces travaux sans en référer aux défendeurs ni passer un accord avec eux, alors même que ceux-ci avaient chargé une autre entreprise de leurs travaux de canalisation, montre bien qu'il pensait exécuter ainsi les canalisations mises à sa charge par l'acte de servitude.
d) Dans l'acte constitutif de la servitude, le recourant a pris un engagement à l'égard d'autres propriétaires qui, sur le point litigieux, est conçu en faveur du futur propriétaire de la parcelle W/A (donc les intimés), lequel n'était pas partie à l'acte.
Partant, le recourant a pris à l'égard des autres propriétaires un engagement en faveur d'un tiers. Il s'agit là d'une stipulation pour autrui (art. 112 CO), laquelle peut parfaitement résulter de l'acte constitutif d'une servitude (arrêt 5C.158/2001 du 18 juillet 2001, consid. 2b).
e) La gestion d'affaires (art. 419 CO), à laquelle le recourant se réfère, suppose que le gérant ait la conscience de gérer l'affaire d'autrui tout en sachant qu'il n'a pas de mandat à cet effet; cette qualification est exclue lorsque celui qui gère l'affaire d'autrui pense qu'il exécute une obligation (cf. arrêt 4C.66/1992 du 29 septembre 1992, consid. 3a, SJ 1993 p. 194). Dès lors que le recourant a fait réaliser les travaux à ses frais en exécution d'une stipulation pour autrui qui l'obligeait à l'égard des propriétaires qui ont signé l'acte de servitude, la gestion d'affaires est exclue (cf. Rolf H. Weber, Commentaire bâlois, n. 7 ad art. 419 CO; Jörg Schmid, Commentaire zurichois, n. 96 ad art. 419 CO; le même, Die Geschäftsführung ohne Auftrag, Fribourg 1992, n° 275, p.94).
Le recourant invoque également l'enrichissement illégitime (art. 62 CO). Il n'y a cependant pas d'enrichissement illégitime lorsqu'une prestation est reçue en vertu d'une cause valable, même si elle est reçue ou fournie par un tiers (cf. ATF 106 II 29 consid. 3).
S'il est vrai que le branchement aux canalisations constitue une forme d'enrichissement, ce dernier ne peut pas être qualifié d'illégitime, puisqu'il tire son origine d'une stipulation pour autrui, laquelle constitue une cause juridiquement valable.
Comme il y a eu stipulation pour autrui (le recourant ayant pris des engagements pour obtenir un droit de passage), toute la discussion sur la manière dont l'autorité cantonale a appliqué les règles sur la gestion d'affaires et sur l'enrichissement illégitime se révèle sans pertinence et impropre à faire apparaître la décision attaquée comme arbitraire dans son résultat.
f) Pour la même raison, il est inutile de rechercher si la cour cantonale a violé arbitrairement le droit cantonal (à savoir l'art. 457 CPC vd) ou si elle a constaté arbitrairement les faits, puisque, sur les deux points soulevés, les faits en cause sont sans pertinence.
Tout d'abord, il n'apparaît pas que la cour cantonale, même si elle n'a pas repris les mêmes termes que le juge de paix, ait nié le fait que le recourant a payé intégralement la facture finale de l'entreprise qu'il a mise en oeuvre. Elle a simplement omis de préciser un point de fait qui lui paraissait, sans arbitraire, dénué de pertinence.
L'autorité cantonale ne s'est pas non plus trompée en constatant que les frais du raccordement étaient inclus dans la facture finale de l'entreprise. Que l'on puisse ou non les distinguer de l'ensemble des travaux est une autre question, qu'il n'est pas nécessaire d'approfondir pour les raisons déjà évoquées. Que le recourant, alors que les intimés avaient chargé une autre entreprise d'effectuer leurs canalisations privées, ait commandé, sans passer préalablement aucun accord avec les intimés, l'ensemble des travaux, y compris le raccordement litigieux, et qu'il ait intégralement payé la facture, ne fait que confirmer qu'il avait bien compris que ces travaux lui incombaient en vertu de l'acte constitutif de la servitude.
3.- Il suit de là que le recours doit être rejeté.
Les frais et dépens seront mis à la charge du recourant qui succombe (art. 156 al. 1 et 159 al. 1 OJ).
Par ces motifs,
le Tribunal fédéral :
1. Rejette le recours;
2. Met un émolument judiciaire de 2000 fr. à la charge du recourant;
3. Dit que le recourant versera aux intimés, créanciers solidaires, une indemnité de 2500 fr. à titre de dépens;
4. Communique le présent arrêt en copie aux mandataires des parties et à la Chambre des recours du Tribunal cantonal vaudois.
__________
Lausanne, le 19 mars 2002 ECH
Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,
Le Greffier,