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Original
 
[AZA 0/2]
5C.237/2001
IIe COUR CIVILE
**************************
11 janvier 2002
Composition de la Cour: M. Bianchi, président, Mme Escher et
M. Meyer, juges. Greffier: M. Abrecht.
_________
Dans la cause civile pendante
entre
X.________ Assurances, appelée en cause, recourante, représentée par Me Michel Bergmann, avocat à Genève,
et
Y.________ & Cie SA, défenderesse et appelante en cause, intimée, représentée par Me Reynald Bruttin, avocat à Genève, elle-même opposée à W.________, demanderesse,
(contrat d'assurance)
Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:
A.- W.________ a chargé Y.________ & Cie SA de la gérance d'un immeuble dont elle est propriétaire à Genève. De 1976 au 31 janvier 1993, un appartement sis dans cet immeuble a été remis en location à M.________. À la fin du bail, aucun procès-verbal de sortie n'a été dressé. L'appartement a subi de nombreux dégâts causés par les seize chats de la locataire, de sorte qu'en mars et avril 1993, des travaux de rénovation ont été effectués par Y.________ & Cie SA pour un montant de 89'211 fr.
À partir du 1er mai 1993, l'appartement a été remis en location aux époux L.________, qui par courrier du 22 mai 1993 se sont plaints de fortes odeurs d'urine de chats. D'importants travaux complémentaires ont alors été entrepris entre juin et août 1993 dans l'appartement, pour un montant de 74'904 fr.; ces travaux ont nécessité le relogement des locataires L.________ à l'hôtel.
B.- Y.________ Holding SA a contracté avec effet au 1er janvier 1990 auprès de la X.________ Assurances une assurance couvrant notamment la responsabilité civile de Y.________ & Cie SA du fait de la gérance commerciale et technique d'immeubles.
Par courrier du 21 mai 1993, la X.________ Assurances a résilié ce contrat d'assurance avec effet au 7 juin 1993 à minuit.
C.- Par jugement rendu le 17 décembre 1998 au terme d'une procédure initiée le 21 décembre 1994, le Tribunal des baux et loyers du canton de Genève a condamné M.________ à payer à W.________ la somme de 51'385 fr. 90, la libérant pour le surplus en raison des erreurs commises par Y.________ & Cie SA.
Parallèlement, par jugement rendu le 17 janvier 1997 au terme d'une procédure initiée le 13 avril 1995, le même Tribunal a donné acte à W.________ qu'elle admettait devoir aux époux L.________ la somme de 32'893 fr. 10 - correspondant aux frais d'hébergement et de remplacement d'objets endommagés - et leur a accordé une diminution de loyer de 4'000 fr.
D.- Par courrier du 11 septembre 1993, W.________ a émis des réserves quant à la gestion par Y.________ & Cie SA du cas de l'appartement loué à M.________ puis aux époux L.________.
Par pli du 22 février 1999, W.________ a réclamé à Y.________ & Cie SA le remboursement de la somme de 67'337 fr. 20 - soit 6'926 fr. correspondant à une usure anormale dans la première série de travaux, 23'518 fr. 10 pour le solde non dû par M.________ pour la seconde série de travaux (74'904 fr. - 51'385 fr. 90) et 36'893 fr. 10 pour le dommage subi dans le règlement du cas L.________ - plus intérêts au taux de 5% l'an dès le 3 janvier 1994. Elle a en outre réclamé le remboursement d'un montant de 26'132 fr. 85 représentant les honoraires de son conseil dans les procédures qui l'ont opposée à la locataire sortante et aux locataires entrants.
E.- Le 14 juillet 1999, W.________ a déposé devant le Tribunal de première instance du canton de Genève une de-mande en paiement contre Y.________ & Cie SA, qui a appelé en cause la X.________ Assurances. Y.________ & Cie SA a reconnu sa responsabilité et n'a pas contesté la quotité du dommage invoqué; la X.________ Assurances a admis la recevabilité de l'appel en cause et s'y est opposée sur le fond.
F.- Par jugement du 23 novembre 2000, le Tribunal de première instance a condamné Y.________ & Cie SA à payer à W.________ la somme de 67'337 fr. 20 plus intérêts au taux de 5% l'an dès le 3 janvier 1994, ainsi que la somme de 26'132 fr. 85 plus intérêts au taux de 5% l'an dès le 1er avril 1999.
Le Tribunal de première instance a en revanche débouté Y.________ & Cie SA de toutes ses conclusions contre l'appelée en cause X.________ Assurances, et a mis à sa charge une indemnité de 3'000 fr. à titre de participation aux honoraires du conseil de l'appelée en cause. Il a considéré que selon l'art. 6 des conditions complémentaires d'assurance applicables, étaient seules assurées les prétentions en dommages-intérêts émises contre un assuré pendant la durée du contrat; or les premières prétentions de W.________ avaient été formulées le 11 septembre 1993, soit après la résiliation du contrat, dont l'effet remontait au 7 juin 1993.
G.- Par arrêt du 22 juin 2001, la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève a réformé ce jugement en condamnant la X.________ Assurances, avec suite des frais et dépens de première instance et d'appel, à payer à Y.________ & Cie SA les montants de 67'337 fr. 20 plus intérêts à 5% l'an dès le 3 janvier 1994, 26'132 fr. 85 plus intérêts à 5% l'an dès le 1er avril 1999 et 3'000 fr. plus intérêts à 5% l'an dès le 23 novembre 2000, sous déduction de la franchise.
H.- Contre cet arrêt, la X.________ Assurances exerce en parallèle un recours de droit public et un recours en réforme au Tribunal fédéral. Par le second, elle conclut, avec suite de frais et dépens, à la réforme de l'arrêt attaqué en ce sens que toutes conclusions prises contre elle soient rejetées.
Y.________ & Cie SA conclut au rejet du recours en réforme. W.________ - qui n'est pas directement concernée par le litige entre la défenderesse et l'appelée en cause - prie le Tribunal fédéral de confirmer l'arrêt attaqué.
Considérant en droit :
1.- a) Aux termes de l'art. 57 al. 5 OJ, il est sursis en règle générale à l'arrêt sur le recours en réforme jusqu'à droit connu sur le recours de droit public. Cette disposition souffre toutefois des exceptions dans des situations particulières, qui justifient l'examen préalable du recours en réforme; il en est ainsi notamment lorsque le recours en réforme paraît devoir être admis indépendamment même des griefs soulevés dans le recours de droit public (ATF 122 I 81 consid. 1 et la jurisprudence citée; 117 II 630 consid. 1a et les arrêts cités). Tel étant précisément le cas en l'espèce, il se justifie de déroger au principe posé par l'art. 57 al. 5 OJ.
b) L'arrêt attaqué tranche une contestation civile portant sur des droits de nature pécuniaire dont la valeur dépasse largement 8'000 fr.; il constitue une décision finale prise par le tribunal suprême du canton de Genève qui ne peut pas être l'objet d'un recours ordinaire de droit cantonal. Le recours en réforme, interjeté en temps utile, est donc recevable au regard des art. 46, 48 al. 1 et 54 al. 1 OJ.
2.- a) La cour cantonale a constaté en fait que le contrat conclu entre la X.________ Assurances et Y.________ Holding SA assure la responsabilité civile des personnes assurées - dont Y.________ & Cie SA - découlant notamment de la gérance commerciale et technique d'immeubles. Les conditions générales d'assurance (ci-après: CGA) édition 01.89 et les conditions complémentaires (ci-après: CCA) édition 12.76 sont citées comme bases du contrat. Selon les art. 1 CGA et 1 CCA, la X.________ garantit notamment les personnes assurées contre les prétentions en dommages-intérêts formulées contre elles "pour cause de préjudice de fortune, c'est-à-dire les dommages pécuniaires ne résultant pas d'atteinte à la santé de personnes (dommages corporels) ou de la destruction, de l'endommagement ou de la perte de choses (dommages matériels)".
S'agissant de la validité de la couverture d'assurance dans le temps, l'art. 5 des CGA édition 01.89 dispose que "[s]ont assurés les dommages causés pendant la durée du contrat [...]". L'art. 6 des CCA édition 12.76 prévoit qu'"[e]n dérogation à l'art. 5 des CGA, les dispositions suivantes sont valables pour les préjudices de fortune: a) Sont assurées les prétentions en dommages-intérêts émises contre un assuré pendant la durée du contrat [...] c) Pour les prétentions relevant de dommages dont l'origine est antérieure à l'entrée en vigueur du contrat, l'assurance ne déploie ses effets que si l'assuré prouve que, au moment de l'entrée en vigueur du contrat, il n'avait connaissance d'aucune faute ou erreur engageant sa responsabilité et qu'il ne pouvait pas en avoir eu connaissance, compte tenu des circonstances".
Cette disposition est complétée par l'art. 7 let. b des CCA édition 12.76, qui précise que "[s]i le preneur d'assurance ou ses ayants cause le désirent, la "X.________" offrira, à l'expiration du contrat, une assurance complémentaire couvrant les prétentions en dommages-intérêts qui pourraient être émises pendant le délai légal de prescription".
Dans une version ultérieure des CCA (édition 01.90), dont les parties admettent qu'elle n'est pas formellement intégrée à leur rapport contractuel, l'art. 7 dispose à son alinéa 1 que "[l]'assurance des préjudices de fortune s'étend, en dérogation partielle à l'art. 5, al. 1 des CGA, aux prétentions qui sont formulées contre un assuré pendant la validité de la police (durée du contrat et durée d'assurance complémentaire)", et à son alinéa 2 qu'"[e]st considéré comme moment où les prétentions sont formulées celui où un assuré prend pour la première fois connaissance de circonstances selon lesquelles il doit s'attendre à ce que des prétentions soient émises contre lui ou contre un autre assuré, au plus tard au moment où une prétention est élevée oralement ou par écrit" (arrêt attaqué, lettre B/b p. 5-7).
b) En droit, la cour cantonale a exposé que s'agissant de la couverture temporelle de l'assurance responsabilité civile, c'est le système de la couverture d'assurance par renvoi à la cause du dommage - soit au moment où le dommage donnant lieu à une prétention en dommages-intérêts contre l'assuré s'est produit - qui s'est imposé en Suisse pour l'ensemble de la doctrine et pour la majorité des contrats.
Néanmoins, en raison de l'autonomie de la volonté des parties, celles-ci peuvent écarter la conception de la cause du dommage au profit du critère de la réclamation, en vertu duquel la protection n'est acquise que si les prétentions en dommages-intérêts sont élevées pendant la durée de la garantie d'assurance. Dans ce système, le moment où les prétentions en dommages-intérêts sont élevées est fixé en dernier ressort par la réclamation orale ou écrite des prétentions par le lésé. Or ce critère, qui dépend de la conduite subjective du tiers lésé, ne saurait être qualifié d'événement dommageable, si bien que selon la doctrine, la notion du moment de la réclamation doit être objectivée par la connaissance des circonstances: le moment de la réclamation est ainsi celui où l'assuré est en mesure de déduire des circons-tances dont il a connaissance qu'il peut s'attendre à ce que des prétentions soient élevées (arrêt attaqué, consid. 4a p. 9-12).
c) En l'espèce, les juges cantonaux ont considéré que Y.________ & Cie SA et la X.________ Assurances ont conclu un contrat d'assurance responsabilité civile adoptant le système, minoritaire, de la réclamation. Le moment où les prétentions en dommages-intérêts ont été émises est ainsi fixé en dernier ressort par le courrier du 11 septembre 1993 de W.________. Toutefois, la notion objectivée du moment de la réclamation remonte au moment où l'assurée était en mesure de déduire des circonstances dont elle avait connaissance qu'elle pouvait s'attendre à ce que des prétentions soient élevées à son encontre. La prise en compte de cette notion est d'autant plus justifiée en l'espèce que le nouvel art. 7 al. 1 des CCA édition 01.90, fidèle au critère de la réclamation et similaire à l'art. 6 let. a des CCA édition 12.76, se lit en combinaison avec l'alinéa 2 qui introduit l'objectivation du moment de la réclamation.
L'omission de l'assurée d'établir un procès-verbal de sortie au 31 janvier 1993 dûment muni de réserves expresses pour les dégâts causés par les chats de la locataire dans l'appartement, cumulée à la persistance de fortes odeurs nauséabondes en dépit d'une première série de travaux, sont des circonstances dont l'assurée pouvait et devait inférer qu'elles feraient l'objet de prétentions en dommages-intérêts de la part de la propriétaire de l'immeuble, surtout après les doléances des nouveaux locataires du 22 mai 1993, assorties d'une demande de réduction de loyer et de remboursement des dégâts subis. Ainsi, force est de constater que Y.________ & Cie SA a eu connaissance des circonstances dont elle pouvait déduire que des prétentions seraient élevées à son encontre alors qu'elle était encore couverte par l'assurance responsabilité civile conclue auprès de la X.________ Assurances, dont la couverture a pris fin le 7 juin 1993 à minuit. Par conséquent, le sinistre est couvert par ladite assurance et la X.________ Assurances doit être condamnée à rembourser à Y.________ & Cie SA les montants dus à W.________, sous déduction de la franchise (arrêt attaqué, consid. 4b p. 12-15).
3.- La recourante expose que les parties au contrat d'assurance ont expressément convenu, par une clause contractuelle claire, que la couverture d'assurance n'était donnée que pour les prétentions en dommages-intérêts émises contre un assuré pendant la durée du contrat. Or malgré cela, la cour cantonale a retenu qu'il y avait lieu de déterminer la survenance de l'événement assuré non pas au regard de la réclamation du lésé auprès de l'assuré, mais en fonction du moment où l'assuré est en mesure de déduire des circonstances dont il a connaissance qu'il peut s'attendre à ce que des prétentions soient émises à son encontre. Ce faisant, la cour cantonale a selon la recourante violé l'art. 1 CO et l'autonomie de volonté des parties au contrat en modifiant arbitrairement la notion de la survenance d'événement assuré définie contractuellement.
a) En règle générale, l'assuré a droit aux prestations prévues lorsque l'événement dont on craint la survenance, soit le sinistre, se produit au cours de la période de validité du contrat (ATF 100 II 403 consid. 2; cf. ATF 127 III 106 consid. 3b). La jurisprudence et la doctrine ne sont toutefois pas unanimes quant à la détermination de l'événement constituant le sinistre - soit la réalisation du risque ou de l'événement redouté - en matière d'assurance responsabilité civile (ATF 100 II 403 consid. 2; Roland Brehm, le contrat d'assurance RC, 1997, n. 23; Jean-Benoît Meuwly, La durée de la couverture d'assurance privée, thèse Fribourg 1994, p. 49; Alfred Maurer, Schweizerisches Privatversicherungsrecht, 3e éd., 1995, p. 329), laquelle protège l'assuré contre les atteintes financières résultant de l'obligation de se défendre contre les prétentions injustifiées d'un tiers ou, en cas d'engagement de sa responsabilité, de verser des dommages-intérêts au lésé (Brehm, op. cit. , n. 9; Meuwly, op.
cit. , p. 95 et les références citées).
Partant de l'idée que tout dommage causé par un lésant entraîne fatalement soit une obligation de se défendre, soit une obligation de payer, une partie de la doctrine admet qu'il y a sinistre dès qu'un dommage est causé à autrui (voir les auteurs cités par Brehm, op. cit. , n. 27, et par Meuwly, op. cit. , p. 51, ainsi que ceux cités à l'ATF 100 II 403 consid. 3 p. 408). D'autres auteurs partent au contraire du principe qu'il faut, pour qu'il y ait atteinte certaine - présente ou future - au patrimoine de l'assuré, que le lésé s'en prenne au lésant et que cette démarche se solde, pour ce dernier, soit par des frais en vue de se défendre contre des prétentions injustifiées, soit par le paiement de dommages-intérêts; ces auteurs considèrent ainsi le sinistre comme survenu lors de la demande en réparation du lésé (Brehm, op.
cit. , n. 28 et les auteurs cités, ainsi que ceux cités par Meuwly, op. cit. , p. 53). Après s'être rallié à la première solution dès 1930 (ATF 56 II 212 consid. 3 p. 219; cf. RBA VII n° 246), le Tribunal fédéral a ultérieurement laissé la question indécise (ATF 100 II 403 consid. 3).
b) Cette controverse revêt toutefois un caractère partiellement théorique, dans la mesure où les parties sont libres non seulement de définir le risque, mais aussi de fixer les conditions nécessaires à sa réalisation (Meuwly, op. cit. , p. 56 et 98; Brehm, op. cit. , n. 32; cf. Maurer, op. cit. , p. 331). Il semble ainsi qu'en Suisse, il a été largement fait usage de cette faculté dans les conditions générales d'assurance, qui ont consacré deux solutions (Meuwly, op. cit. , p. 98).
aa) La première - qui constitue la règle - dissocie les dates de survenance du dommage et de sa cause, garantissant la couverture d'assurance pour les seuls cas où le dommage du tiers est "causé" pendant la durée du contrat (Meuwly, op. cit. , p. 98 ss; Brehm, op. cit. , n. 325 et 331).
Il subsiste alors la difficulté de savoir si la cause du dommage de l'assuré réside dans l'acte dommageable, selon la théorie dite "de l'événement dommageable", ou dans la survenance du préjudice chez le lésé, conformément à la théorie dite "de la causalité" (Brehm, op. cit. , n. 327 s.; Meuwly, op. cit. , p. 103 s.). Le Tribunal fédéral s'est prononcé clairement pour la théorie de l'événement dommageable (ATF 100 II 403 consid. 4).
bb) La seconde solution - l'exception que se réservent certaines assurances responsabilité civile professionnelle - dissocie les dates de survenance du dommage, de sa cause, ainsi que de la réclamation des prétentions qui en découlent, en prévoyant que la garantie d'assurance n'est donnée que si les prétentions en dommages-intérêts du lésé sont élevées contre l'assuré pendant la durée du contrat (Meuwly, op. cit. , p. 98 et 108 ss; Brehm, op. cit. , n. 333; cf. Maurer, op. cit. , p. 331), selon la théorie dite "de la réclamation" (Meuwly, op. cit. , p. 108). Quoique les assureurs abandonnent ainsi la protection que leur accorde la première solution contre les possibles manipulations de la fixation du sinistre, cette seconde solution est généralement adoptée, limitativement aux préjudices de fortune, pour les avantages pratiques indéniables qu'elle présente en relation avec ce type de dommage, dont la cause s'avère souvent difficile à déterminer (Meuwly, op. cit. , p. 112 s.).
c) Les conditions générales qui optent pour la théorie de la réclamation précisent souvent quand il faut considérer le moment où une réclamation est élevée contre un assuré, par une disposition telle que: "Est considéré comme le moment où une réclamation consécutive à un dommage est élevée contre un assuré, celui où un assuré prend ou aurait dû prendre connaissance de circonstances d'après lesquelles on peut s'attendre à ce que des prétentions en dommages-intérêts soient élevées contre lui ou un autre assuré, au plus tard toutefois, lorsqu'une prétention est formulée par une communication orale ou écrite" (Meuwly, op. cit. , p. 113 s., qui donne d'autres exemples; cf. en l'espèce l'art. 7 al. 2 des CCA édition 01.90, reproduit au consid. 2a in fine supra).
Il s'agit avant tout d'éviter le risque qu'une personne non assurée consciente d'avoir commis une faute conclue un contrat d'assurance entre la date du dommage et celle de la réclamation du lésé (Brehm, op. cit. , n. 322 et 333; Meuwly, op. cit. , p. 114 s.). Une telle disposition est saluée par Meuwly, qui souligne qu'en même temps qu'elle définit le moment de la réclamation, elle renforce l'importance des faits et du critère objectif; cette "objectivation" ne laisse à l'assuré aucune latitude pour influencer le moment de la réclamation, de sorte qu'il ne subsiste aucun risque de fraude (Meuwly, op. cit. , p. 113-115).
d) En l'occurrence, les conditions d'assurance auxquelles se réfèrent le contrat d'assurance conclu entre la X.________ Assurances et Y.________ Holding SA prévoient que s'agissant des préjudices de fortune, "[s]ont assurées les prétentions en dommages-intérêts émises contre un assuré pendant la durée du contrat" (art. 6 let. a des CCA édition 12.76). Afin d'écarter le risque de fraude (cf. consid. 3c supra), il est précisé que "[p]our les prétentions relevant de dommages dont l'origine est antérieure à l'entrée en vigueur du contrat, l'assurance ne déploie ses effets que si l'assuré prouve que, au moment de l'entrée en vigueur du contrat, il n'avait connaissance d'aucune faute ou erreur engageant sa responsabilité et qu'il ne pouvait pas en avoir eu connaissance, compte tenu des circonstances" (art. 6 let. c des CCA édition 12.76). Afin d'éviter un "trou" dans la couverture d'assurance, l'art. 7 let. b des CCA édition 12.76 offre au preneur d'assurance ou à ses ayants cause, à l'expiration du contrat, la possibilité de conclure une assurance complémentaire couvrant les prétentions en dommages-intérêts qui pourraient être émises pendant le délai légal de prescription (cf. consid. 2a supra).
Les conditions d'assurance applicables aux relations entre les parties sont ainsi claires: sont assurées les prétentions en dommages-intérêts "émises contre un assuré pendant la durée du contrat". En l'absence de toute disposition contractuelle précisant quand il faut considérer que des prétentions en dommages-intérêts sont "émises contre un assuré" (cf. consid. 3c supra), il est manifestement contraire au régime contractuel clair applicable aux relations entre les parties de considérer que des prétentions en dommages-inté-rêts sont émises contre un assuré avant que le lésé ne communique à celui-ci, oralement ou par écrit, qu'il entend formuler de telles prétentions contre lui.
C'est à tort que la cour cantonale a cru pouvoir se référer à une nouvelle édition des conditions complémentaires d'assurance, qui n'est pas applicable au contrat litigieux, ainsi qu'à l'opinion de Meuwly (cf. consid. 2b et c supra).
Comme on l'a vu (cf. consid. 3c supra), cet auteur ne fait en effet qu'approuver l'insertion, dans les conditions générales d'assurance, d'une disposition qui définisse le moment de la réclamation par référence à des critères objectifs réduisant l'importance de la volonté de l'assuré et combattant toute tentative de fraude à l'assurance (cf. Meuwly, op. cit. , p. 113-115); il ne prétend pas qu'en l'absence d'une telle disposition, on peut considérer que le moment où des prétentions en dommages-intérêts sont émises contre un assuré est en réalité le moment où, indépendamment de toute communication du lésé à l'assuré, celui-ci est en mesure de déduire des circonstances dont il a connaissance qu'il peut s'attendre à ce que de telles prétentions soient élevées à son encontre.
e) Cela étant, les juges cantonaux auraient dû considérer que, W.________ ayant émis pour la première fois des prétentions contre Y.________ & Cie SA par courrier du 11 septembre 1993, alors que la couverture d'assurance avait pris fin le 7 juin 1993, le sinistre n'était pas couvert par l'assurance, et ils auraient dû rejeter en conséquence les conclusions prises par Y.________ & Cie SA contre la X.________ Assurances. Leur arrêt devra donc être réformé dans ce sens.
4.- En définitive, le recours, fondé, doit être admis et l'arrêt attaqué réformé en ce sens que les conclusions prises par Y.________ & Cie SA contre la X.________ Assurances sont rejetées. La cause sera renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision sur les frais et dépens de la procédure cantonale. Y.________ & Cie SA, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 156 al. 1 OJ) ainsi que ceux supportés par la X._________ Assurances pour la procédure fédérale (art. 159 al. 1 OJ).
Par ces motifs,
le Tribunal fédéral :
1. Admet le recours et réforme l'arrêt entrepris en ce sens que les conclusions prises par Y.________ & Cie SA contre la X.________ Assurances sont rejetées.
2. Renvoie la cause à l'autorité cantonale pour nouvelle décision sur les frais et dépens de la procédure cantonale.
3. Met à la charge de Y.________ & Cie SA:
a) un émolument judiciaire de 5'000 fr.;
b) une indemnité de 5'000 fr. à verser à la X.________ Assurances à titre de dépens.
4. Communique le présent arrêt aux mandataires des parties et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.
__________
Lausanne, le 11 janvier 2002 ABR/frs
Au nom de la IIe Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE :
Le Président,
Le Greffier,