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Original
 
[AZA 0]
1A.161/2000
Ie COUR DE DROIT PUBLIC
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15 juin 2000
Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Féraud, Jacot-Guillarmod, Catenazzi et Favre.
Greffier: M. Kurz.
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Statuant sur le recours de droit administratif
formé par
L.________, représentée par Me Clarence Peter, avocat à Genève,
contre
l'ordonnance rendue le 15 mars 2000 par la Chambre d'accusation du canton de Genève;
(entraide judiciaire avec la Finlande)
Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les faits suivants:
A.- Le 22 mars 1996, le Procureur général près le Tribunal de Vantaa (Finlande) a adressé à la Suisse une demande d'entraide judiciaire pour les besoins d'une enquête pénale ouverte, pour des délits de détournement, d'usure et de fraude fiscale, contre L.________. Celle-ci se serait approprié les biens de son mari U.________, de son vivant ou peu après son décès survenu le 15 octobre 1994. La demande tendait à l'obtention de renseignements au sujet d'un compte n° xxx auprès de la banque Z._________ à Genève, sur lequel 34 millions de marks finlandais auraient été versés le 8 avril 1994.
Cette demande d'entraide a été exécutée par le Juge d'instruction du canton de Genève qui, le 5 août 1996, a ordonné la transmission des documents requis. Cette décision a été confirmée par la Chambre d'accusation genevoise, puis par arrêt du Tribunal fédéral du 8 avril 1997, sur recours de dame L.________, titulaire du compte. A cette occasion, le Tribunal fédéral a considéré que les faits poursuivis en Finlande tomberaient en tout cas sous le coup de l'art. 137 CP. L'autorité requérante mentionnait aussi une fraude fiscale pour laquelle l'entraide était exclue. Le rappel du principe de la spécialité, et l'invitation faite à l'Office fédéral de la police (OFP) d'attirer expressément l'attention de l'Etat requérant sur ce point, constituaient des mesures propres à prévenir toute utilisation illicite des renseignements obtenus.
B.- Le 8 avril 1998, le Procureur d'Helsinki a formé une demande d'entraide complémentaire tendant à la production de renseignements relatifs d'une part au compte xxx (accords avec la banque, relevés de sous-comptes, certains justificatifs, compte-titres) et, d'autre part, à la location d'un coffre.
Le 5 mai 1998, le juge d'instruction est entré en matière. La banque a fourni les renseignements requis par lettre du 26 juin 1998.
C.- Le 30 juin 1998, le juge d'instruction s'adressa à l'OFP, en faisant état de violations du principe de la spécialité commises par les autorités finlandaises. A réception de la documentation transmise par la Suisse, l'inspecteur R.________, commissaire de police judiciaire cosignataire de la demande d'entraide complémentaire et chargé de l'enquête contre L.________, avait requis à son encontre différentes mesures coercitives (emprisonnement et retrait du passeport), en précisant que la poursuite se rapportait notamment à une fraude fiscale. L'ancien avocat de U.________ avait été entendu, par un autre enquêteur, en tant que complice possible d'une fraude fiscale. Le commissaire R.________ avait également tenté d'interroger par téléphone un employé de banque en Suisse.
Le 8 juillet 1998, après une intervention précédente du 30 mars 1998, l'OFP s'est adressé au Ministère finlandais de la justice (ci-après: le Ministère), en lui rappelant la teneur du principe de la spécialité et en requérant que toutes les mesures utiles soient prises afin que les informations remises par la Suisse ne soient pas utilisées dans le cadre d'une poursuite pour violation de l'art. 29 par. 1 et 2 du code pénal finlandais (fraude fiscale caractérisée). Il demandait en outre une garantie expresse de ce Ministère quant à l'utilisation des documents requis dans la demande complémentaire du 8 avril 1998.
Le 11 août 1998, le Ministère fit savoir que le Procureur d'Helsinki désirait être renseigné, notamment sur la différence entre fraude et escroquerie fiscale, afin de vérifier si le principe de la spécialité avait été respecté par les autorités de poursuite finlandaises. Sur plainte de dame L.________, une enquête avait été ouverte afin de déterminer si les enquêteurs avaient violé leurs obligations à cet égard.
L'OFP répondit, le 25 août 1998, que la qualification de l'escroquerie fiscale incombait aux autorités suisses, et que cette infraction n'avait pas été retenue en l'espèce. L'OFP produisait l'ordonnance de la Chambre d'accusation du 10 janvier 1997, ainsi qu'un arrêt du Tribunal fédéral relatif à la notion d'escroquerie fiscale. Les renseignements éventuellement utilisés dans la procédure fiscale devaient en être retirés.
Le 1er septembre 1998, le Ministère s'est engagé au respect du principe de la spécialité, repris textuellement de la lettre de l'OFP du 8 juillet 1998, et a déclaré qu'il ferait tout ce qui était en son pouvoir pour que les renseignements soient utilisés conformément à cette réserve.
Le 10 novembre 1998, l'OFP s'est à nouveau adressé au Ministère: le mandataire de dame L.________ avait produit un avis de droit d'un professeur à l'Université d'Helsinki, dont il ressortait que le Ministère n'avait pas le pouvoir d'imposer aux autorités pénales et fiscales le respect du principe de la spécialité: rien n'empêchait les autorités fiscales d'intervenir en tant que partie dans les procédures pénales, et d'accéder aux informations qui s'y trouvent.
L'autorité étrangère était ainsi invitée à se déterminer, et à confirmer son engagement formel "à ce que les informations et documents fournis en exécution de la demande d'entraide complémentaire du 8 avril 1998 dans l'affaire L.________ ne soient pas utilisés dans une procédure de nature fiscale ni pour poursuivre des infractions à l'art. 29 du code pénal finlandais". Les termes de la lettre du 1er septembre 1998 n'étaient pas assez affirmatifs pour lever tout doute sur ce point.
Le 15 avril 1999, le Ministère a exposé que selon l'art. 27 de la loi finlandaise sur l'assistance judiciaire, les autorités finlandaises observent la confidentialité sur les informations confiées, en tant que condition posée par l'autorité publique étrangère. Lorsque le Ministère communique les informations acquises aux autorités locales, il leur signale cette réserve. Au cas où le fonctionnaire négligerait délibérément cette condition, il se rendrait coupable d'une infraction au devoir de service passible d'une année de prison.
Le Ministère s'engageait dès lors au respect du principe de la spécialité, dans les termes rappelés par l'OFP dans son courrier précédent.
D.- Par ordonnance du 24 juin 1999, le juge d'instruction a prononcé la clôture de la procédure d'entraide et la transmission à l'autorité requérante des renseignements complémentaires remis par la banque Z._________, en invitant l'OFP à attirer l'attention des autorités judiciaires de l'Etat étranger sur la règle de la spécialité, dont la teneur était rappelée en détail.
E.- Par ordonnance du 15 mars 2000, la Chambre d'accusation a rejeté un recours formé contre cette décision par dame L.________. Selon les dernières informations fournies par le Ministère, l'enquête suivie en Finlande se rapportait aux infractions de fraude ou escroquerie aggravée, et d'omission de déclarer des avoirs dans l'inventaire successoral. Il n'y avait toutefois pas lieu de s'interroger à nouveau sur la condition de la double incrimination, déjà examinée par le Tribunal fédéral dans son arrêt du 8 avril 1997. S'agissant du respect du principe de la spécialité, il y avait certes des indices sérieux que l'administration fiscale finlandaise ait eu, et ait encore accès aux procédures pénales et aux renseignements fournis par la Suisse. Toutefois, les démarches nombreuses et insistantes entreprises par l'OFP avaient abouti à la fourniture, par la Ministère, de deux engagements formels, le second encore plus affirmatif que le premier, qui traduisaient la volonté de l'Etat requérant. La recourante voulait obtenir que de telles assurances soient aussi exigées de la part des autorités compétentes sur le plan interne, soit le Procureur de la Cour d'Helsinki, en charge du dossier pénal et le Ministère des finances, à l'attention des autorités de taxation. Toutefois dans un arrêt du 15 octobre 1999 dans la cause K. et A., auquel la Chambre d'accusation s'est référée et sur lequel la recourante avait eu l'occasion de se prononcer, le Tribunal fédéral avait rejeté des griefs identiques, fondés sur le même avis de droit. Par ailleurs, l'Etat requérant avait manifesté son intention de faire respecter les garanties fournies à la Suisse. Il avait aussi démontré que ses institutions pouvaient intégrer dans leurs propres procédures les exigences imposées par la Suisse. Il n'y avait enfin pas lieu d'exiger le retrait des pièces des procédures à caractère fiscal. Les assurances de l'autorité étrangère portaient aussi sur ce point, et le principe de la spécialité s'opposait simplement à l'utilisation de ces pièces, sans en exiger le retrait.
F.- L.________ forme un recours de droit administratif contre cette ordonnance, dont elle requiert l'annulation.
La Chambre d'accusation se réfère aux considérants de sa décision. L'OFP conclut au rejet du recours dans la mesure où il est recevable.
Considérant en droit :
1.- Le recours est formé en temps utile contre une décision rendue en dernière instance cantonale (art. 25 al. 1 et 80f de la loi fédérale sur l'entraide internationale en matière pénale - EIMP, RS 351. 1, nouvelle teneur du 4 octobre 1996, en vigueur dès le 1er février 1997). La recourante est personnellement et directement touchée par la mesure d'entraide, puisqu'elle est titulaire des relations bancaires visées par la demande complémentaire. Sa qualité pour recourir résulte des art. 21 al. 3, 80h al. 1 let. b EIMP et 9a let. a OEIMP.
2.- La Finlande et la Suisse sont toutes deux parties à la Convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale (CEEJ, RS 0.351. 1). Aux termes de cette dernière, les Parties contractantes s'engagent à s'accorder l'entraide judiciaire la plus large possible (art. 1). L'EIMP et son ordonnance d'exécution (OEIMP, RS 351. 11) s'appliquent aux questions qui ne sont pas réglées par le droit conventionnel, notamment la procédure à suivre devant les autorités suisses; le droit autonome s'applique également lorsqu'il se révèle plus favorable à l'entraide que le droit conventionnel (ATF 118 Ib 269 consid. 1a).
3.- La recourante soutient que la demande complémentaire ne satisferait pas à la condition de la double incrimination.
Les faits décrits dans la première demande avaient été qualifiés d'abus de confiance par le juge d'instruction, d'usure et d'escroquerie par la Chambre d'accusation, et d'appropriation illégitime par le Tribunal fédéral. La requête du 8 avril 1998 se référerait à la précédente demande.
Or, l'usure et l'escroquerie seraient exclues pour les motifs évoqués par le Tribunal fédéral dans son arrêt du 8 avril 1997. L'abus de confiance, retenu par le juge d'instruction dans son ordonnance de clôture du 24 juin 1999, serait également exclu puisqu'on en ignorerait la victime: la recourante se serait bornée à suivre les instructions de son mari, et, après le décès de celui-ci, il n'existait aucun rapport de confiance avec les héritiers, qui serait fondé sur une convention ou découlerait de la loi. La qualification d'appropriation illégitime, retenue par le Tribunal fédéral, serait erronée, car les fonds déposés sur un compte bancaire ne constitueraient pas une chose mobilière au sens de l'art. 137 CP. La recourante exclut aussi l'application de l'art. 141bis CP. Elle relève enfin que l'infraction relative à l'omission de déclarer des avoirs dans l'inventaire successoral, d'ailleurs prescrite en droit finlandais, ne constituerait pas une infraction pénale en droit suisse, mais tout au plus une infraction fiscale.
a) La question de la double incrimination a déjà été examinée à l'occasion de la première demande d'entraide judiciaire; elle a fait l'objet d'un arrêt du Tribunal fédéral définitif et passé en force de chose jugée (art. 38 OJ), et ne saurait en principe être revue à l'occasion d'une demande complémentaire, sauf en cas de faits nouveaux déterminants.
Or la recourante n'est pas revenue sur cette question, devant la Chambre d'accusation. Son recours cantonal était exclusivement fondé sur la question du respect du principe de la spécialité. Ce n'est que dans des mémoires complémentaires que la question de la double incrimination est abordée, non pas en relation avec les demandes d'entraide elles-mêmes, mais sur le vu de certaines inculpations prononcées en Finlande, des chefs d'escroquerie aggravée et d'omission de déclarer des biens dans l'inventaire successoral. La Chambre d'accusation a répondu à cet argument en relevant que la demande d'entraide complémentaire se situait dans le prolongement de la demande initiale et que les considérations émises relativement à la condition de la double incrimination pouvaient toujours s'appliquer, l'existence d'une seule infraction punissable en droit suisse suffisant à l'octroi de l'entraide. Or la recourante, qui se contente de reprendre les arguments déjà soulevés dans son premier recours de droit administratif, n'invoque aucun fait nouveau, soit un élément pertinent qui serait apparu après le prononcé de l'arrêt du 8 avril 1997, qui en justifierait le réexamen.
De toute manière, un nouvel examen de la question ne conduirait pas à une solution différente, en ce qui concerne le sort du litige.
b) Selon la demande d'entraide, l'inventaire de la succession de U.________ a été établi le 14 janvier 1995, sur la base notamment des indications de L.________, confirmées par la suite sous serment. Les avoirs bancaires s'élevaient alors à 28 millions de marks finlandais et, selon les estimations faites par J.________, fils de U.________, 31 millions manqueraient à la succession. Un transfert de quelque 34 millions de marks finlandais avait eu lieu le 8 avril 1994, avec l'accord de U.________, au sujet duquel la recourante ne s'était pas expliquée de manière satisfaisante. Il ne serait pas exclu que la recourante ait profité de l'état de santé de son mari, victime d'un attaque cérébrale en 1991, pour s'approprier une partie de sa fortune.
c) Dans son arrêt du 8 avril 1997, le Tribunal fédéral n'a pas exclu que les agissements décrits puissent constituer un abus de confiance au sens de l'art. 138 CP; il a laissé la question indécise en considérant que l'art. 137 CP serait de toute façon applicable. La recourante le conteste, en relevant que cette disposition, qui n'est d'ailleurs entrée en vigueur que le 1er janvier 1995, soit postérieurement aux faits décrits dans la demande, ne s'appliquerait qu'aux choses mobilières au sens de l'art. 713 CC, et non aux créances à l'égard d'une banque.
aa) Selon l'art. 137 CP, celui qui, pour se procurer ou procurer à un tiers un enrichissement illégitime, se sera approprié une chose mobilière appartenant à autrui sera puni de l'emprisonnement ou de l'amende, en tant que les conditions prévues aux articles 138 à 140 ne seront pas réalisées.
Par l'adoption de cette disposition, le législateur a entendu créer une véritable infraction de base pour les délits d'appropriation, en l'étendant aux cas où la chose est parvenue à l'auteur avec la volonté de celui-ci, contrairement à l'ancien art. 141 CP. La recourante relève que cette disposition n'est entrée en vigueur qu'après les faits décrits dans la demande. La question de la double incrimination doit toutefois être résolue selon le droit en vigueur au moment où il est statué sur l'admissibilité de l'entraide (ATF 122 II 422 consid. 2a p. 424).
Reprise de l'art. 141 aCP, l'expression "chose mobilière" est indissociable de celles d'appropriation et de propriété, le terme de valeur patrimoniale ayant une portée trop générale dans ce contexte. Selon l'auteur du message relatif à l'art. 137 CP, l'appropriation de créances serait exclue par la définition même de la propriété, qui ne peut porter que sur des choses corporelles au sens des art. 713 ss CC (FF 1991 II p. 967-968).
Selon la jurisprudence relative à l'art. 141 aCP, commettait un détournement celui qui disposait d'une créance bancaire en sachant qu'elle avait été portée par erreur sur son compte (ATF 87 IV 115). Cet arrêt, critiqué par une partie de la doctrine, a été confirmé pour l'essentiel dans l'ATF 116 IV 136: la logique interne des art. 140 et 141 aCP, ainsi que les valeurs et les buts qui inspiraient ces dispositions et les exigences de l'époque commandaient de réprimer également le détournement de créances. Dans cet arrêt, le Tribunal fédéral a néanmoins estimé qu'il ne serait pas satisfaisant d'interpréter le nouvel art. 137 CP de la même manière que l'art. 141 aCP; il a émis le souhait que le législateur, s'il entendait réprimer l'usage abusif d'un compte bancaire alimenté par erreur, le fasse dans un texte clair.
Le législateur a ainsi adopté l'art. 141bis CP, qui permet de poursuivre celui qui aura utilisé à son profit ou au profit d'un tiers des valeurs patrimoniales tombées en son pouvoir indépendamment de sa volonté. Le détournement de créances est expressément visé, mais il est limité au cas particulier où l'auteur a été surpris par des crédits portés sur son compte sans sa volonté. Celui qui dispose de montants qui lui ont été remis de sa propre initiative n'est en revanche pas punissable pour cette infraction (ATF 123 IV 125 consid. 2a p. 127). L'art. 141bis CP ne serait dès lors pas applicable aux faits décrits dans la demande, dès lors que le virement opéré sur le compte de la recourante n'a manifestement pas eu lieu "indépendamment de sa volonté".
Compte tenu de la volonté exprimée par le législateur, il est douteux que la jurisprudence extensive développée à propos de l'art. 141 aCP puisse continuer à s'appliquer à la disposition générale de l'art. 137 CP lorsque la disposition spécifique de l'art. 141bis CP n'est pas applicable.
Si l'opinion de la recourante peut être suivie sur ce point, elle ne saurait l'être en revanche s'agissant du délit d'abus de confiance, retenu par le juge d'instruction.
bb) La recourante conteste avoir commis une telle infraction au préjudice de U.________. Elle aurait ouvert le compte sur les instructions de son époux, en vue de couvrir les opérations commerciales de celui-ci, et les fonds auraient été versés à une société conformément à sa volonté.
Il n'y aurait pas, par conséquent, de violation des directives quant à l'utilisation des fonds. Rien ne permettrait d'affirmer que la recourante aurait, du vivant de son mari, manifesté sa volonté de se comporter en propriétaire des fonds, lesquels auraient effectivement servi à éteindre une dette. Il n'y aurait pas non plus de relation de confiance avec la succession de U.________.
La recourante argumente sur la base de sa propre présentation des faits, perdant ainsi de vue que la double incrimination s'apprécie sur la seule base de l'exposé des faits fournis par l'Etat requérant. Or, selon la présentation de l'autorité requérante, le transfert de 34 millions de marks finlandais a eu lieu sur ordre conjoint de la recourante et de son époux. Il s'agirait sans le moindre doute du patrimoine de ce dernier et la recourante ne prétend pas que ce versement constituerait une simple libéralité. Elle admet au contraire que ce versement, sur un compte dont elle était titulaire, était destiné à une utilisation précise, soit en particulier le désintéressement de créanciers de U.________; la demande expose ensuite que lors de ses auditions, la recourante avait prétendu que les fonds avaient servi à rembourser un prêt ou avaient été utilisés pour les activités commerciales de U.________, mais n'a pas été en mesure de prouver ses allégations. On peut dès lors soupçonner, indépendamment des explications fournies par la recourante qui n'ont pas leur place dans le cadre de la procédure d'entraide, que l'affectation initialement prévue pour les fonds versés sur le compte de la recourante n'a pas été respectée, ce qui réaliserait l'infraction d'abus de confiance (cf. ATF 119 IV 127 s'agissant de l'auteur mis au bénéfice d'une procuration sur un compte bancaire). La demande d'entraide tendrait, dans ce cas, à déterminer si la recourante a agi ou non conformément aux instructions de son mari.
Quant à l'argumentation relative aux desseins d'appropriation et d'enrichissement illégitime, elle n'a pas à être examinée dans le cadre de la procédure d'entraide, puisque l'autorité requérante soupçonne - ce qui est suffisant pour justifier l'octroi de l'entraide - que la recourante a disposé de tout ou partie des fonds qui lui avaient été confiés.
Dès lors, la question laissée indécise dans l'arrêt du 8 avril 1997 peut être résolue par l'affirmative et, pour autant qu'elle soit recevable à ce stade, l'argumentation de la recourante relative au principe de la double incrimination doit être écartée.
4.- La recourante persiste ensuite à considérer qu'il existerait de sérieux indices que l'Etat requérant ne sera pas en mesure de faire respecter par ses autorités le principe de la spécialité. L'administration fiscale pourrait avoir accès aux renseignements recueillis en Suisse et figurant dans la procédure pénale. Les assurances données par le Ministère de la justice ne lieraient pas les autorités de poursuite pénale et fiscale. Le Ministère ne pourrait pas leur donner d'injonctions sur ces points, en raison de l'indépendance des autorités judiciaires.
a) La Chambre d'accusation n'a pas méconnu qu'il existait de sérieux indices permettant de redouter une utilisation prohibée des documents remis par la Suisse. Elle a néanmoins rejeté le grief en se référant à un arrêt du Tribunal fédéral du 15 octobre 1999 relatif, lui aussi, à l'entraide judiciaire avec la Finlande.
Selon cet arrêt, le droit finlandais donne certes aux autorités fiscales un droit étendu aux renseignements nécessaires à la perception de l'impôt. Toutefois, l'utilisation par la Finlande des renseignements remis par la Suisse en exécution de l'entraide judiciaire, est régie en premier lieu par la CEEJ, qui constitue le fondement de la collaboration entre les deux Etats. Malgré la conception dualiste en vigueur en Finlande, la primauté des engagements internationaux est assurée, ce que confirme d'ailleurs l'art. 27 de la loi finlandaise sur l'entraide judiciaire. Le Gouvernement de l'Etat requérant est par ailleurs en mesure de donner aux autorités fiscales et policières qui lui sont subordonnées les directives nécessaires pour interdire toute investigation fondée sur les renseignements fournis par la Suisse. Enfin, il est sans importance que les documents remis par la Suisse soient librement accessibles aux parties et aux autorités judiciaires.
En effet, le principe de la spécialité a pour seul effet d'empêcher l'utilisation de tels documents aux fins de réprimer des délits fiscaux; il ne fait pas obstacle à la simple divulgation de ces renseignements.
b) La Chambre d'accusation a encore relevé qu'en l'espèce, l'OFP avait exigé et obtenu des garanties spécifiques et dénuées de toute ambiguïté de la part du Ministère.
L'Etat requérant avait d'ailleurs apporté la preuve qu'il ne tolérerait pas d'écart de la part de ses agents quant aux conditions posées par la Suisse, puisqu'une enquête disciplinaire était actuellement en cours à l'encontre, notamment, de l'enquêteur R.________. Une autorité judiciaire avait par ailleurs refusé de donner suite à une requête tendant au prononcé de mesures coercitives à l'égard de la recourante, au motif que l'infraction de fraude fiscale ne pouvait être retenue.
c) La recourante souligne que la présente cause serait différente de celle ayant abouti au prononcé de l'arrêt du Tribunal fédéral du 15 octobre 1999. D'une part, de nombreuses violations du principe de la spécialité auraient déjà eu lieu; d'autre part, le Directeur des affaires internationales des services généraux du Ministère finlandais de la justice avait déclaré, lors d'une audition du 11 novembre 1998, que ce Ministère n'était pas compétent pour prendre des engagements relatifs au principe de la spécialité.
d) Il est vrai que la présente procédure est de nature à susciter de vives inquiétudes sur la façon dont la Finlande, partie à la CEEJ, assume ses engagements internationaux à l'égard d'un Etat cocontractant, en l'espèce la Suisse, Etat requis. La déposition du haut fonctionnaire précité, M. H.________ est particulièrement éloquente à ce propos. Ce dernier déclare ne pas s'être soucié de rechercher la portée de la réserve de la spécialité contenue dans la lettre de couverture adressée par l'OFP le 27 janvier 1998, contenant en annexe les informations demandées (p. 5). Par ailleurs, l'intéressé déclare sans ambages que nonobstant la réserve de la spécialité, les autorités finlandaises peuvent utiliser des informations pour la poursuite d'infractions fiscales (p. 7). Enfin, il estime que la condition imposée par les autorités suisses n'a guère d'impact sur la question de la publicité des informations, qui est de règle dans l'administration finlandaise (p. 8).
e) Il ressort de ces déclarations que la réserve de la spécialité formulée par la Suisse, en vertu d'une faculté que lui offre la CEEJ (art. 2), est apparemment sans effet dans ses relations avec la Finlande, du moins dans la présente procédure. L'avis de droit du professeur G.O. Zacharias Sundström (Helsinki, 28 septembre 1998), qui figure au dossier, corrobore cette appréciation.
Cette situation ne laisse pas d'inquiéter, dans une procédure d'entraide judiciaire qui a débuté le 22 mars 1996.
Dans son arrêt du 8 avril 1997 (1A. 42/1997) rendu dans cette même affaire, le Tribunal fédéral a écarté le grief de la recourante portant sur le principe de la spécialité, au motif que l'on pouvait présumer, de la part des Etats contractants à la CEEJ, le respect de leurs engagements internationaux (consid. 5). Le Tribunal fédéral ajoutait:
"Dès lors, si l'Etat requérant a manifestement méconnu
que la Suisse fait, en vertu de son droit interne,
usage de la possibilité réservée à l'art. 2
let. a CEEJ, il n'y a pas de raison de douter
qu'une fois cette réserve rappelée, son respect
sera assuré. Le rappel du principe de la spécialité,
tel qu'il figure dans la décision de clôture,
et l'invitation faite à l'OFP d'attirer expressément
l'attention de l'Etat requérant sur ce point,
constituent par conséquent des mesures appropriées
afin de prévenir toute utilisation illicite des
renseignements transmis. " (arrêt cité, consid. 5,
p. 8).
f) Trois ans plus tard, à l'occasion d'une demande d'entraide complémentaire de la part de la Finlande dans cette même affaire, force est de constater qu'il n'est toujours pas possible de se fonder sur un engagement clair et irrévocable de l'Etat finlandais de respecter la réserve de spécialité posée comme condition à l'octroi de l'entraide initiale par la Suisse, Etat requis. Sous l'angle des relations internationales, cette situation est préoccupante.
L'absence d'engagement ferme de la part de la Finlande ne saurait être excusée par une référence toute générale aux conceptions dualistes qui imprègnent, dans ce pays, les rapports entre le droit international et le droit interne. Les déclarations du haut fonctionnaire du Ministère finlandais de la justice illustrent le fait que les autorités de ce pays semblent, dans la pratique, faire prévaloir les obligations légales de publicité des actes de l'administration sur un engagement international qui y pose certaines limites. Le principe de la bonne foi dans les relations internationales, qui constitue la pierre angulaire du droit des traités (préambule et art. 31 de la Convention de Vienne sur le droit des traités du 23 mai 1969, à laquelle la Finlande et la Suisse sont parties), n'est ainsi pas respecté. La Suisse ne saurait se contenter plus longtemps d'engagements soit généraux du Ministère de la justice (best endeavours clause, lettre du 1er septembre 1998), soit d'assurances certes plus précises, mais ne valant que pour "les informations et documents fournis en exécution de la demande d'entraide complémentaire du 8 avril 1998" (lettre du Ministre finlandais de la justice Järventaus du 15 avril 1999). L'engagement de la Finlande à l'égard de la Suisse, au titre du principe de la spécialité, doit porter sur l'ensemble des documents et informations fournis par la Suisse à la suite de la demande d'entraide initiale du 22 mars 1996, ou en voie de l'être par effet de la demande complémentaire du 8 avril 1998. Sur le plan des principes, il convient de rappeler que pour tout Etat, qu'il soit de tradition moniste ou dualiste, un engagement international lie l'ensemble de ses organes, y compris le pouvoir judiciaire. Face au traité international, les organes de l'Etat doivent chacun, dans leur sphère de compétences, veiller à exécuter et mettre en oeuvre le traité, sans lui opposer un texte interne quel qu'il soit (art. 26 et 27 de la Convention de Vienne; voir également ATF 122 II 485 consid. 3a p. 487, 125 II 417; voir déjà ATF 117 Ib 367 consid. 2e p. 373).
g) Il convient donc de conditionner l'octroi de l'entraide complémentaire demandée par la Finlande dans cette affaire à un engagement ferme, clair et irrévocable de la Finlande de respecter le principe de la spécialité à l'égard de l'ensemble de la procédure d'entraide (requête initiale du 22 mars 1996 et requête complémentaire du 8 avril 1998), en interdisant à toute autorité finlandaise d'utiliser, ou de diffuser auprès d'autres autorités, les informations déjà transmises ou à transmettre, pour la poursuite d'infractions fiscales qui ne relèveraient pas, au sens du droit suisse, de l'escroquerie en matière fiscale.
h) Dans son recours, la recourante ne voit pas d'autre moyen efficace d'assurer le principe de la spécialité dans le cas d'espèce que d'obtenir des assurances spécifiques des instances finlandaises spécialement compétentes sur le plan fiscal (Ministère des finances, Commission nationale de taxation, Helsinki), et d'exiger de la Finlande la confirmation que les pièces déjà reçues par voie d'entraide de la Suisse dans cette affaire ont bien été retirées du dossier fiscal de la recourante et, le cas échéant, de son dossier pénal en ce qu'il a trait à la poursuite de l'infraction à l'art. 29 § 1 et 2 du Code pénal finlandais (voir sur ce dernier point les assurances données par le Ministre finlandais de la justice dans sa lettre précitée du 15 avril 1999). Il n'appartient toutefois pas au Tribunal fédéral suisse de spécifier quel organe étatique finlandais doit prendre quel engagement spécifique. Le Tribunal fédéral doit se borner à vérifier qu'en tant qu'obligation de résultat, l'engagement international de la Finlande de respecter le principe de la spécialité à l'égard de la Suisse est assuré sur la base de la réserve faite par la Suisse en application de l'art. 2 let. a de la CEEJ (teneur actuelle de la réserve suisse: RO 1999, p. 1353), instrument qui constitue le fondement de la collaboration entre la Suisse et la Finlande dans le domaine de l'entraide judiciaire.
5.- Il en découle que, sur ce point, le recours doit être admis: l'octroi de l'entraide judiciaire complémentaire est subordonné à l'assurance préalable, donnée par l'autorité finlandaise compétente, que le principe de la spécialité sera respecté par toutes les autorités de cet Etat, y compris les autorités judiciaires et fiscales. L'Office fédéral de la police fixera un délai approprié à l'Etat requérant pour fournir cet engagement. Il statuera ensuite conformément à l'art. 80p al. 3 EIMP, tel qu'interprété par la jurisprudence (ATF 124 II 132 consid. 3 et 4 p. 139-144).
La recourante, qui obtient partiellement gain de cause, a droit à des dépens réduits, à la charge de l'OFP.
Compte tenu de l'issue de la cause, il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.
Par ces motifs,
le Tribunal fédéral :
1. Admet partiellement le recours.
2. Dit que l'octroi de l'entraide judiciaire complémentaire à la Finlande dans l'affaire L.________ est subordonné à l'assurance préalable, donnée par l'autorité finlandaise compétente, que le principe de la spécialité réservé par la Suisse en application de l'art. 2 let. a de la CEEJ, et qui lie la Finlande dans cette mesure, sera respecté à l'égard de l'ensemble de la procédure d'entraide (requête initiale du 22 mars 1996 et requête complémentaire du 8 avril 1998). Il est interdit à toute autorité finlandaise d'utiliser, ou de diffuser auprès d'autres autorités, les informations déjà transmises ou à transmettre, pour la poursuite d'infractions fiscales qui ne relèveraient pas, au sens du droit suisse, de l'escroquerie en matière fiscale.
3. Invite l'Office fédéral de la police à fixer un délai approprié à l'Etat requérant pour fournir cet engagement.
4. Alloue à la recourante une indemnité de dépens de 1000 fr., à la charge de l'Office fédéral de la police.
5. Dit qu'il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.
6. Communique le présent arrêt en copie au mandataire de la recourante, au Juge d'instruction et à la Chambre d'accusation du canton de Genève, ainsi qu'à l'Office fédéral de la police (B 102 238).
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Lausanne, le 15 juin 2000KUR/col
Au nom de la Ie Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,
Le Greffier,