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Original
 
[AZA]
I 567/99 Bn
IIIe Chambre
composée des Juges fédéraux Schön, Spira et Widmer; Berset,
Greffière
Arrêt du 17 avril 2000
dans la cause
M.________, recourante, représentée par Maître S.________,
avocat,
contre
Office cantonal de l'assurance-invalidité du Valais, avenue
de la Gare 15, Sion, intimé,
et
Tribunal cantonal des assurances, Sion
A.- M.________, née en 1941, a travaillé au stand des
glaces du restaurant Z.________, du 15 juin 1992 au
31 janvier 1997.
Le 23 décembre 1996, elle a présenté une demande de
prestations de l'assurance-invalidité. Elle souffrait d'un
psoriasis cutané avec poussées érythrodermiques, d'une
fibromyalgie et d'un état anxio-dépressif (rapport du
10 février 1997 du docteur B.________, médecin traitant).
Le 11 avril 1997, la doctoresse L.________, médecin
traitant, a fait état d'une érythrodermie généralisée
depuis plusieurs années qui a conduit à une hospitalisation
de sa patiente en 1992 et en avril 1996.
Le médecin-conseil de l'assurance-invalidité ayant
jugé nécessaire de prendre un avis rhumato-psychiatrique,
l'Office cantonal valaisan de l'assurance-invalidité
(ci-après: OAI) a confié une expertise au docteur
G.________, spécialiste en médecine physique et
réadaptation et en maladies rhumatismales, à l'Hôpital
X.________. L'expert a requis l'avis du docteur F.________,
spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, médecin
adjoint de l'Hôpital régional de Sion.
Dans un rapport du 11 mai 1998, ce dernier a posé le
diagnostic d'abus d'alcool, d'état dépressif chronique
n'atteignant pas la gravité d'une dépression majeure
(dysthymie) et de personnalité dépendante. L'assurée pré-
sentait, sur le plan purement psychiatrique, une incapacité
de travail de 40 %, dont son confrère rhumatologue était
prié de tenir compte dans le cadre de son évaluation fina-
le.
Dans un rapport du 15 mai 1998, le docteur G.________,
a diagnostiqué une fibromyalgie, une dysthymie chez une
personnalité dépendante, des troubles dégénératifs rachi-
diens avec panrachialgies, des troubles statiques rachi-
diens, une arthrose d'Heberden et un abus d'alcool. Il a
conclu à une incapacité de travail de 40 %, depuis le début
1996, dans une activité adaptée en indiquant que ce taux
devait être modulé car, en période de poussée d'un psoria-
sis généralisé, il était exclu que l'assurée puisse tra-
vailler.
Le 28 mai 1998, la doctoresse D.________, membre de
l'Association suisse des chiropraticiens, a fait état,
notamment, d'un rhumatisme psoriasique.
L'OAI a rendu deux décisions, le 4 février 1999, par
lesquelles il a accordé à l'assurée une rente entière d'in-
validité du 1er avril 1997 au 31 août 1998 (première déci-
sion) et, se fondant sur les conclusions du docteur
G.________, un quart de rente dès le 1er septembre 1998
(deuxième décision). Dans une activité adaptée d'ouvrière
d'usine, d'employée de pressing ou d'aide de cuisine,
M.________ pouvait prétendre à un salaire de l'ordre de
19 100 fr. qui, comparé au salaire sans invalidité de
33 123 fr., conduisait à un taux d'invalidité de 42 %.
B.- Par jugement du 16 août 1999, le Tribunal cantonal
des assurances du canton du Valais a rejeté le recours
formé par M.________ contre la décision par laquelle l'OAI
a fixé à 42 % le degré de son invalidité depuis le 1er sep-
tembre 1998.
C.- M.________ interjette recours de droit administra-
tif en concluant, sous suite de frais et dépens, à l'annu-
lation de ce jugement et à l'octroi d'une rente entière
d'invalidité au-delà du 31 août 1998; subsidiairement, elle
conclut au renvoi du dossier aux premiers juges pour ins-
truction complémentaire. Elle sollicite le bénéfice de
l'assistance judiciaire gratuite.
L'OAI a renoncé à son droit de réponse. L'Office fédé-
ral des assurances sociales ne s'est pas déterminé.
Considérant en droit
:
1.- a) L'octroi rétroactif d'une rente d'invalidité
dégressive et/ou temporaire règle un rapport juridique sous
l'angle de l'objet de la contestation et de l'objet du
litige. Lorsque seule la réduction ou la suppression des
prestations est contestée, le pouvoir d'examen du juge
n'est pas limité au point qu'il doive s'abstenir de se
prononcer quant aux périodes à propos desquelles l'octroi
de prestations n'est pas remis en cause (ATF 125 V 415 ss
consid. 2).
b) En l'espèce, par deux décisions du même jour, l'OAI
a statué à la fois sur l'octroi d'une rente entière limitée
dans le temps et sur l'octroi d'un quart de rente dès le
1er septembre 1998. L'objet de la contestation et l'objet
du litige, vu le recours de l'assurée, concernent l'ensem-
ble des rapports juridiques ainsi créés, soit le droit à la
rente, échelonnée dans le temps, sur la base de l'évalua-
tion des taux d'invalidité dont la recourante conteste
seulement celui qui a été retenu à partir du 1er septembre
1998.
c) Il faut encore ajouter que, selon la jurisprudence,
une décision par laquelle l'assurance-invalidité accorde
une rente d'invalidité avec effet rétroactif et, en même
temps, prévoit la réduction de cette rente, correspond à
une décision de révision au sens de l'art. 41 LAI (ATF
125 V 417 sv. consid. 2d et les références). Aux termes de
cette disposition, si l'invalidité d'un bénéficiaire de
rente se modifie de manière à influencer le droit à la
rente, celle-ci est, pour l'avenir, augmentée, réduite ou
supprimée. Tout changement important des circonstances,
propre à influencer le degré d'invalidité, donc le droit à
la rente, peut donner lieu à une révision de celle-ci.
2.- a) La recourante conteste le taux d'invalidité de
42 % retenu par l'administration et les premiers juges,
pour la période subséquente au 31 août 1998. Elle reproche
en particulier à la cour cantonale de s'être fondée sur le
taux d'incapacité de travail de 40 % fixé par le docteur
G.________, sans égard aux conclusions des rapports du
docteur F.________ et de la doctoresse D.________.
b) Lorsque des expertises ordonnées au stade de la
procédure administrative sont établies par des spécialistes
reconnus, sur la base d'observations approfondies et d'in-
vestigations complètes, en pleine connaissance du dossier,
et que les experts aboutissent à des résultats convain-
cants, le juge ne saurait écarter ces derniers aussi
longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de
leur bien-fondé (ATF 122 V 161 et les références).
c) En présence d'avis médicaux contradictoires, le
juge doit apprécier l'ensemble des preuves à disposition et
indiquer les motifs pour lesquels il se fonde sur une ap-
préciation plutôt que sur une autre. En ce qui concerne par
ailleurs la valeur probante d'un rapport médical, ce qui
est déterminant, c'est que les points litigieux importants
aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se
fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en
considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi
en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la des-
cription du contexte médical et l'analyse de la situation
médicale soient claires et, enfin, que les conclusions de
son auteur soient motivées (ATF 125 V 352 consid. 3a et les
références).
d) En l'espèce, même si l'OAI n'a formellement confié
l'expertise qu'au docteur G.________, l'avis du docteur
F.________ a également valeur d'expertise dans la mesure où
l'administration voulait obtenir un avis sur les plans
rhumatologique et psychiatrique. En l'occurrence, les con-
clusions des deux experts - toutes deux conformes aux exi-
gences de la jurisprudence précitée - divergent en ce qui
concerne le taux d'incapacité de travail de la recourante.
Le docteur F.________ a retenu pour les seules affections
psychiques (abus d'alcool, état dépressif chronique et
personnalité dépendante) un degré d'incapacité de travail
de 40 %, alors que le docteur G.________ a fixé ce taux à
40 % pour l'ensemble des troubles physiques et psychiques,
sans expliquer pour quel motif il n'a pas tenu compte du
taux indiqué par son confrère psychiatre. Or, les affec-
tions physiques qu'il a diagnostiquées semblent justifier à
elles seules le taux en question eu égard, notamment, à la
fibromyalgie majeure, compliquée de troubles statiques et
dégénératifs dont ce praticien fait état. De surcroît, le
docteur G.________ est lui-même d'avis que ce taux doit
être modulé, l'assurée étant totalement incapable de tra-
vailler durant une poussée d'un psoriasis généralisé.
Cependant il ne se prononce pas sur le durée et le fréquen-
ce des crises, alors que, selon le rapport de la doctoresse
D.________, une (seule) crise peut s'étendre sur plus d'une
demi-année. Au surplus, ce médecin a diagnostiqué également
un rhumatisme psoriasique, dont le docteur G.________ ne
fait pas mention.
e) Dans ces circonstances, et contrairement à l'avis
des juges cantonaux, il n'est pas possible de statuer en
pleine connaissance de tous les faits pertinents sur la
situation de la recourante, ni d'en tirer des conséquences
en droit. Il convient donc de renvoyer la cause à l'OAI
pour instruction complémentaire sur le point de savoir dans
quelle mesure la capacité de travail de M.________ est di-
minuée globalement par les atteintes à la santé psychique
et physique. L'examen médical complémentaire devra tenir
compte de la fréquence et de la durée des crises de pso-
riasis - depuis le dépôt de la demande de prestations de
l'assurance-invalidité - et de l'incapacité de travail
relative à cette affection, en sus de celle liée aux autres
troubles physiques. Au taux ainsi obtenu, s'ajoutera le
degré d'incapacité de travail dû aux affections psychiques.
A cet égard, il ne sera tenu compte de l'abus d'alcool que
si cette dépendance a provoqué une maladie ou un accident
qui entraîne une atteinte à la santé physique ou mentale,
nuisant à la capacité de gain, ou si elle résulte elle-même
d'une atteinte à la santé physique ou mentale qui a valeur
de maladie (RCC 1992 p. 182 consid. 2a, applicable par
analogie).
3.- a) Les règles posées par la jurisprudence en ma-
tière d'objet de la contestation et d'objet du litige (con-
sid. 1), entraînent des conséquences dans le domaine des
rentes échelonnées et/ou limitées dans le temps qu'il y a
lieu de préciser. Ainsi, lorsque l'OAI rend simultanément
et avec effet rétroactif, en un ou plusieurs prononcés, des
décisions par lesquelles il octroie des rentes d'invalidité
temporaires ou échelonnées, il règle de ce fait un rapport
juridique complexe : le prononcé pour la première fois
d'une rente et, simultanément, l'augmentation, la réduction
ou la suppression par application mutatis mutandis de la
procédure de révision des art. 41 LAI et 88 RAI. Mais il
n'en demeure pas moins que c'est le droit à la rente qui
forme l'objet du litige dans cette situation (arrêt ATF
125 V 417 sv. consid. 2d).
Lorsque l'assuré n'entreprend par son recours que
certains aspects d'un tel prononcé, cela ne signifie pas
pour autant que les autres éléments non contestés acquiè-
rent force de chose jugée et sont soustraits à l'examen du
juge (ATF 125 V 416 consid. 2b in fine et les références).
Ce principe découle également des règles de droit matériel
applicables quant à l'examen de cette question au fond
puisque, selon la jurisprudence rendue en la matière (ATF
109 V 125), il importe d'établir l'existence d'un change-
ment important des circonstances propre à justifier le
prononcé de rentes échelonnées ou limitées dans le temps.
Or un tel examen ne peut intervenir que par le biais d'une
comparaison entre les différents états de faits successifs.
b) En l'espèce, la recourante a été mise au bénéfice
d'une rente entière d'invalidité pour la période du
1er avril 1997 au 31 août 1998, puis, simultanément, d'un
quart de rente dès le 1er septembre 1998. Comme on l'a vu
(consid. 1b), seul l'octroi du quart de rente à partir du
1er septembre 1998 est contesté et non l'octroi de la rente
entière pour la période antérieure. Mais cela ne change
rien au fait que le juge est appelé, selon les circonstan-
ces du cas d'espèce (cf. ATF 110 V 53 consid. 4a in fine),
à examiner cette question dès lors qu'elle fait partie de
l'objet du litige.
A l'instar de l'OAI, les premiers juges ont considéré
que le passage d'une rente entière d'invalidité à un quart
de rente était justifié par le fait que la santé de la
recourante se serait améliorée en mai 1998. Or cette consi-
dération est contraire aux conclusions de l'expertise du
docteur G.________, selon lequel le taux d'incapacité de
travail de 40 % existait depuis le début de l'année 1996.
Dans ces circonstances, la cause doit être renvoyée à
l'OAI afin qu'il examine sur le fond le droit à une rente
(entière) de l'assurance-invalidité également pour la pé-
riode du 1er avril 1997 au 31 août 1998. La recourante aura
le loisir, le cas échéant, de contester la nouvelle déci-
sion de l'OAI sur ce point (ATF 125 V 417 consid. 2c in
fine; RCC 1991 p. 386 consid. 8).
4.- Dans le cadre de la comparaison des revenus, il
incombera à l'OAI de proposer des emplois réellement compa-
tibles avec les affections (notamment le psoriasis) de la
recourante. A cet égard, les activités d'aide de pressing
et d'aide de cuisine ne sont pas envisageables en raison
des conditions d'hygiène particulières qu'elles requièrent.
Sur le vu de ce qui précède, il convient d'annuler le
jugement attaqué et de renvoyer la cause à l'OAI pour com-
plément d'instruction et nouvelle décision.
5.- Vu la nature du litige, la procédure est gratuite
(art. 134 OJ). En outre la recourante a droit à des dépens
à la charge de l'intimé (art. 159 al. 1 OJ). La demande
d'assistance judiciaire est ainsi sans objet.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances
p r o n o n c e
:
I. Le recours est admis et le jugement du Tribunal canto-
nal du canton du Valais du 16 août 1999, ainsi que les
deux décisions de l'Office cantonal valaisan de l'as-
surance-invalidité du 4 février 1999, sont annulés.
II. La cause est renvoyée à l'intimé pour complément
d'instruction et nouvelle décision au sens des motifs.
III. Il n'est pas perçu de frais de justice.
IV. L'intimé versera à la recourante une indemnité de
dépens de 2500 fr. (y compris la taxe à la valeur
ajoutée) pour la procédure fédérale.
V. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tri-
bunal cantonal du canton du Valais et à l'Office fédé-
ral des assurances sociales.
Lucerne, le 17 avril 2000
Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la IIIe Chambre :
La Greffière :-