BGer 5C.226/1999
 
BGer 5C.226/1999 vom 09.03.2000
[AZA 0]
5C.226/1999
IIeCOUR CIVILE
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9 mars 2000
Composition de la Cour: M. Reeb, président, M. Bianchi et Mme Nordmann, juges. Greffière: Mme Mairot.
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Statuant sur le recours en réforme interjeté
par
C.________, représenté par Me Yves Gonset, avocat à Lausanne,
contre
l'arrêt rendu le 7 septembre 1999 par la Chambre des tutelles du Tribunal cantonal du canton de Vaud;
(institution d'une curatelle selon
l'art. 392 ch. 2 CC)
Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les faits suivants:
A.- Par décision du 9 novembre 1987, la Chambre des tutelles du canton de Genève a institué une curatelle de gestion, au sens de l'art. 393 ch. 2 CC, en faveur de C._______, né le 16 janvier 1968; elle a nommé l'avocat E.________ en qualité de curateur avec la mission d'administrer et de gérer les biens du pupille dès la majorité de celui-ci, à savoir le 16 janvier 1988.
Le 20 août 1992, la Justice de paix du cercle de Gingins, considérant le nouveau domicile de C.________ à X.________, a accepté le transfert en son for de la curatelle, maintenu la mesure et confirmé E.________ dans ses fonctions de curateur.
Le 11 avril 1994, E.________ a établi un relevé de frais et honoraires pour l'activité déployée en faveur de C.________ depuis le 1er février 1984 s'élevant à 338'208 fr.95, dont 275'000 fr. d'honoraires. Par décision du 25 septembre 1995, la justice de paix a approuvé les rapport et compte de la curatelle pour l'année 1994, fixé la rémunération du curateur à 2'500 fr. et entériné la note de frais et d'honoraires présentée par celui-ci.
Par courrier du 11 juin 1996, le curateur a informé la justice de paix qu'un des employés de son étude s'était livré à des détournements de fonds, en partie au détriment de C.________. Le 19 décembre 1996, cette juridiction a approuvé les rapport et compte de la curatelle pour l'année 1995, fixé la rémunération du curateur à 10'530 fr.70, frais et débours compris, dit que cette rémunération serait à valoir sur la dette envers le pupille, décidé le maintien de la mesure et confirmé le curateur dans sa fonction.
Le 2 février 1999, la Cour administrative du Tribunal cantonal du canton de Vaud, ensuite de la récusation spontanée de la Justice de paix du cercle de Gingins, a délégué la curatelle de C.________ à la Justice de paix du cercle de Coppet, avec pour instruction de désigner rapidement au pupille, en application de l'art. 392 ch. 2 CC, un curateur ad hoc dont la mission consisterait à sauvegarder ses intérêts.
B.- Par décision du 17 février 1999, rectifiée le 2 mars suivant, la Justice de paix du cercle de Coppet a, entre autres, institué une curatelle de représentation en faveur de C.________ et désigné en qualité de curateur ad hoc l'avocat S.________, à Genève, afin qu'il examine toute action utile à la sauvegarde des intérêts du pupille, notamment l'opportunité de demander la modération de la note d'honoraires et de débours du curateur E.________ du 11 avril 1994 et/ou d'ouvrir action en répétition de l'indu.
Le 7 septembre 1999, la Chambre des tutelles du Tribunal cantonal du canton de Vaud a rejeté le recours formé par C.________ et confirmé la décision entreprise.
C.- C.________ recours en réforme au Tribunal fédéral contre cet arrêt, dont il demande l'annulation.
La Chambre des tutelles s'est référée aux considérants de son arrêt.
Considérant e n droit :
1.- a) Le recours en réforme est recevable contre l'institution d'une curatelle de représentation (art. 44 let. e OJ; ATF 121 III 1 consid. 1 p. 2 et la référence citée). Interjeté en temps utile contre une décision finale prise par l'autorité suprême du canton, il est également recevable au regard des art. 48 al. 1 et 54 al. 1 OJ.
b) Les conclusions du recours en réforme, qui tendent à l'annulation de la décision entreprise, relèvent de la procédure; elles ne répondent donc pas à la prescription de l'art. 55 al. 1 let. b OJ, qui exige des conclusions au fond à moins que le Tribunal fédéral ne soit pas en mesure de statuer lui-même (cf. ATF 111 II 384 consid. 1 p. 386; 106 II 201 consid. 1 in fine; 103 II 267 consid. 1b p. 270). Interprétées au regard de la motivation du recours et de la décision attaquée (J.-F. Poudret, Commentaire de la loi fédérale d'organisation judiciaire, n. 1.4.1.3 ad art. 55), elles permettent toutefois d'admettre que le recourant entend faire supprimer la mesure tutélaire prise à son égard. Le recours est ainsi recevable de ce chef.
c) Sous réserve d'exceptions non réalisées dans le cas particulier, le Tribunal fédéral fonde son arrêt sur les faits tels qu'ils ont été constatés par la dernière autorité cantonale (art. 63 al. 2 OJ). Les griefs dirigés à l'encontre des constatations de fait - ou de l'appréciation des preuves à laquelle s'est livrée l'autorité cantonale (ATF 122 III 26 consid. 4a/aa p. 32, 61 consid. 2c/bb; 120 II 97 consid. 2b p. 99; 119 II 84 consid. 3) - et les faits nouveaux sont irrecevables (art. 55 al. 1 let. c OJ; ATF 121 III 436 consid. 5b p. 440). Dans la mesure où le recourant se fonde sur des faits qui ne résultent pas de l'arrêt entrepris, ses moyens ne seront dès lors pas pris en considération.
2.- a) Aux termes de l'art. 392 ch. 2 CC, l'autorité tutélaire institue une curatelle lorsque les intérêts du mineur ou de l'interdit sont en opposition avec ceux du représentant légal. Le recourant soutient que cette disposition ne s'applique pas dans l'hypothèse d'un éventuel conflit d'intérêts entre un pupille majeur et son curateur nommé en vertu de l'art. 393 CC.
b) L'art. 392 ch. 2 CC est directement applicable aux relations entre une personne mineure ou interdite et son représentant légal, à savoir le détenteur de l'autorité parentale, respectivement le tuteur. Selon la doctrine, cette disposition s'applique aussi, par analogie, en cas de conflit d'intérêts entre une personne et son conseil légal (conseil légal coopérant, gérant ou combiné; Egger, Zürcher Kommentar, n. 24 ad art. 392 CC et les citations; Schnyder/Murer, Berner Kommentar, n. 77 ad art. 392 CC et les références). De même, il est généralement admis que l'art. 392 ch. 2 CC s'applique aussi par analogie lorsque les intérêts du curateur sont en opposition avec ceux de la personne sous curatelle (Langenegger, Basler Kommentar, n. 25 ad art. 392 CC, qui cite Claude Bonnard, Les autorités de tutelles et la loi fédérale du 12 juin 1951 sur le maintien de la propriété foncière rurale, in RDT 1953 p. 89 ss, p. 95; Hans Michael Riemer, Grundriss des Vormundschaftsrechts, 2e éd., § 6 N 9; plus nuancés: Schnyder/Murer, op. cit. , loc. cit. ). L'autorité cantonale n'a donc pas violé le droit fédéral en considérant que cette disposition était applicable en l'espèce.
3.- Le recourant prétend qu'il n'existe pas de conflit d'intérêts entre son curateur et lui. Les arguments qu'il tire du paiement de la note d'honoraires du 11 avril 1994, du résultat exceptionnel obtenu par ledit curateur dans la défense de ses droits et de la longueur de la procédure menée par celui-ci sont toutefois irrecevables, dans la mesure où ces faits ne résultent pas de l'arrêt entrepris; on ne saurait davantage prendre en considération l'affirmation du recourant selon laquelle les actes délictueux commis par le secrétaire du curateur ont également affecté le patrimoine de celui-ci, de sorte qu'ils auraient tous deux un intérêt convergent à obtenir la réparation du dommage subi (art. 63 al. 2 OJ).
L'autorité cantonale a du reste considéré qu'à ce stade de la procédure, il n'était pas pertinent de s'arrêter sur l'éventuelle responsabilité encourue par le curateur pour les pertes subies par le recourant du fait des agissements de son secrétaire, ni sur le bien-fondé de la note d'honoraires établie le 11 avril 1994. Il suffisait de constater qu'un doute subsistait quant à la qualité de la gestion de E.________ et que l'existence d'un conflit d'intérêts au sens de l'art. 392 ch. 2 CC n'était pas exclue. Le recourant ne conteste pas cette opinion; celle-ci n'apparaît d'ailleurs pas critiquable, dès lors qu'une curatelle doit être instituée dès qu'une mise en danger des intérêts du pupille apparaît possible (ATF 107 II 105 consid. 4 p. 109; Schnyder/ Murer, op. cit. , n. 84 ad art. 392 CC et les références). Tel est le cas en l'espèce, vu les faits retenus dans l'arrêt entrepris. Au demeurant, la mission conférée au curateur ad hoc tend uniquement à sauvegarder les intérêts du recourant. L'autorité cantonale n'a donc pas non plus violé le droit fédéral sur ce point.
4.- Le recours apparaît ainsi mal fondé dans la mesure où il est recevable et doit être rejeté, aux frais de son auteur (art. 156 al. 1 OJ).
Par ces motifs,
le Tribunal fédéral :
1. Rejette le recours dans la mesure où il est recevable et confirme l'arrêt entrepris.
2. Met à la charge du recourant un émolument judiciaire de 1'500 fr.
3. Communique le présent arrêt en copie au mandataire du recourant et à la Chambre des tutelles du Tribunal cantonal du canton de Vaud.
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Lausanne, le 9 mars 2000
MDO/frs
Au nom de la IIe Cour civile
duTRIBUNALFEDERALSUISSE :
Le Président,
La Greffière,